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Cette contribution part d’un exercice donné à des étudiants à partir de la mémoire de traduction d’une entreprise dans laquelle le verbe français « permettre » n’était jamais traduit en anglais par ses équivalents directs enable ou make it possible (non plus que allow, can ou permit). Il s’agissait de faire de même, afin de sensibiliser à la fluidité de la langue et à la nécessaire inventivité du traducteur. Les erreurs commises à l’occasion de cet exercice avec une assez grande systématicité nous ont toutefois lancé sur une tout autre piste cognitive. Très souvent, elles se situaient non pas au niveau de la traduction interlinguistique (Jakobson) mais avant ou après, au niveau intralinguistique. En d’autres termes, face à une question délicate, nous avons tendance à reformuler, pour arriver à un problème apparemment plus simple – mais potentiellement différent, et pouvant conduire à une solution erronée. Ce phénomène a été étudié en particulier par Kahneman (2011), qui distingue, dans le fonctionnement du cerveau, deux systèmes : le « système un » est rapide, quasi automatique et largement imprécis ; le « système deux » est réfléchi, efficace et paresseux. Nous appliquerons ce schéma à la traduction à partir d’exemples pour démontrer que, dans notre domaine aussi, il nous arrive de traduire de manière pertinente sans pour autant procéder à un lourd investissement cognitif : réhabilitation – partielle – de la paresse. Nous le transposerons ensuite à la division du travail de plus en plus courante entre biotraduction (ou traduction purement humaine) et traduction outillée (TAO, postédition…). L’horizon traductologique de cette contribution serait, d’une manière générale, de parvenir à une vision non punitive de la traduction et, plus particulièrement, de renforcer le statut scientifique du théorème empirique du gâteau au four énoncé par Ladmiral. L’ensemble se nourrit des aspects psychologiques et sociologiques observables chez les traducteurs tout en se distinguant des translator studies prônées par Chesterman (2009) en ceci qu’il plonge ses racines directement dans l’étude des textes traduits. À terme, cette contribution pourra venir nourrir un ouvrage sur ces questions psychologiques et sociologiques, aux côtés de thèmes tels que la confiance, le sentiment d’imposture, le mensonge et autres pêchés capiteux de la traduction.