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En 1999, Wilss (1999 : 9) affirmait que la traduction spécialisée représentait quelque 80 % du volume total de traduction, les 20 % restants étant constitués des traductions littéraire et biblique, « the two traditional fields of translation ». Plus récemment, Vande Walle (2007 : 31-33) estimait même qu’en Europe, en 2006, 99 % des traductions ressortissaient aux domaines techniques (39 %), commercial (26 %), juridique (12 %), médical (9 %), administratif (9 %) et scientifique (1 %), le 1 % restant étant constitué de textes voués à la publication, dont un infime 0,03 % de textes littéraires. Or, en 2004, Aixelá indiquait que, sur les 20 495 entrées répertoriées dans la Bibliographie d’interprétation et de traduction (Universidad de Alicante, Espagne), 1 905 publications portaient sur la traduction technique (soit 9,3 %), alors que 4 314 publications (soit 21 %) traitaient de traduction littéraire. Ces chiffres montrent clairement que, bien qu’elle soit marginale comme « production », la traduction littéraire occupe paradoxalement l’essentiel de « la réflexion traductologique » (Tatilon 2003 : 110). C’est effectivement paradoxal, car non seulement la réflexion traductologique est souvent alimentée par la pratique (voir notamment Eco 2009 : 12), mais en outre, l’enseignement de la traduction est essentiellement orienté vers la pratique professionnelle. Certes, la position séculaire de la traduction littéraire dans le développement de la pensée traductologique est indéniable et son importance, indiscutable ; toutefois, ce divorce entre la réalité actuelle du « marché » de la traduction et la réflexion traductologique risque à terme d’augmenter le fossé entre théoriciens et praticiens – entre traductologues et traducteurs. Pour contrer ce phénomène, Froeliger (2010) prône l’affirmation d’une « traductologie pragmatique ». Au-delà, nous proposons de poser les bases d’une réflexion épistémologique visant l’émergence d’une traductologie holistique apte à transcender les traditionnelles dichotomies qui sous-tendent le champ traductologique.
Appendices
Note biographique
Isabelle Collombat est professeure agrégée de traduction à l’Université Laval (Québec), où elle enseigne principalement la traduction générale, la traduction littéraire et la révision bilingue. Membre du Centre interuniversitaire de recherche sur la littérature et la culture québécoises (CRILCQ), elle s’intéresse à la didactique de la traduction, aux enjeux théoriques de la traduction, à la métaphore et à la variation diatopique en traduction littéraire et pragmatique, ainsi qu’au rôle de la traduction dans la vitalité des langues, notamment minoritaires. Traductrice agréée (OTTIAQ), elle est aussi membre de l’ATAMESL et de l’Association des traducteurs et traductrices littéraires du Canada (ATTLC), et est l’auteure des traductions de onze romans policiers d’Eric Wright publiées aux éditions Alire (Lévis). Elle est rédactrice en chef de Synergies – Amérique du Nord, revue scientifique internationale éditée par le GERFLINT.