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Journal des traducteurs
Translators’ Journal
Volume 59, Number 3, December 2014 Traduction et plurilinguisme officiel Translation and Official Multilingualism Guest-edited by Gillian Lane-Mercier, Denise Merkle and Reine Meylaerts
Table of contents (19 articles)
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Liste des relecteurs 2014
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Présentation : traduction et plurilinguisme officiel
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La langue de l’autre ou l’expulsion des hôtes ?
Yves Gambier
pp. 481–493
AbstractFR:
Les documents sur les rapports entre minorités et États sont encore souvent basés sur des catégorisations rigides et dichotomiques, maintes fois en contradiction avec les mobilités liées à la mondialisation. Dans les changements en cours, les langues demeurent un sujet tabou dont le refoulement laisse place au recours à une lingua franca. Les tensions contemporaines appellent à une redéfinition des droits et des minorités linguistiques. Comment une politique linguistique établie il y a plusieurs décennies peut-elle assumer les défis des minorités et des migrants, sans oublier celui des expatriés ? Les Roms (minorité fabriquée) et l’évolution de la Finlande bilingue (minorité historique des suédophones) serviront d’exemples pour tenter de mieux appréhender les situations présentes et repenser le concept de minorité.
EN:
Publications regarding the relation between minorities and States are very often based on strict and dichotomous categorizations, quite regularly in contradiction with mobility, which is rapidly developing in a globalized world. In those current changes, languages remain taboo: their repression allows the use of a lingua franca. Contemporary pressure calls for a redefinition of both linguistic rights and minorities. How can a language policy set up several decades ago take up the challenges of today’s minorities, migrants, and expatriates? In this article, Romanis and Swedish-speaking Finns will serve as examples in order to better understand different linguistic situations and rethink the concept of a minority.
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Bilinguisme officiel et traduction au Canada : les interprétations littéraires de Patrice Desbiens et de Jacques Brault / E. D. Blodgett
Catherine Leclerc
pp. 494–516
AbstractFR:
Transfiguration de Jacques Brault et E. D. Blodgett (1998), et L’homme invisible/The Invisible Man (1981) de Patrice Desbiens se situent à la croisée des langues officielles canadiennes. L’un est un échange entre un poète québécois et un poète albertain ; l’autre, le récit de l’expérience entre les langues d’un protagoniste franco-ontarien. Ces textes poétiques empruntent – mais pour les détourner – les codes de l’édition bilingue. Ils ont tous deux été lus comme des parodies du bilinguisme symétrique promu par la Loi sur les langues officielles du Canada. Le présent article veut rendre compte de leur relation, à la fois idéologique et formelle, avec le bilinguisme officiel et avec les pratiques traductionnelles qui lui sont associées. Il s’intéresse autant au cadre commun que le bilinguisme officiel leur procure qu’aux manières, divergentes, dont il s’en démarque. En ce sens, il propose un comparatisme portant non seulement sur les imaginaires respectifs de l’anglais et du français au Canada et sur leurs zones de contact, mais surtout sur les enjeux des différents types de rapports à la traduction émanant de telles zones. D’une tension entre deux espaces sociolinguistiques à la fois séparés et en interaction, il invite à déplacer le regard vers l’hétérogénéité de leurs lieux de rencontre les plus intenses.
EN:
Transfiguration by Jacques Brault and E. D. Blodgett (1998), and L’homme invisible/The Invisible Man by Patrice Desbiens (1981) are located at the crossroad of Canada’s official languages. The first is an exchange between a Québécois and an Albertan poet; the second narrates the bilingual experience of a Franco-Ontarian protagonist. Both of these texts have been commented upon for their parodies of the symmetrical bilingualism promoted by Canada’s Official Languages Act. This article describes their ideological and formal relationships with official bilingualism and with the translation practices associated with it. It focuses on the common framework official bilingualism grants them and on the various strategies explored by the authors to subvert this framework. The texts studied show two very different reactions that put translation to work in contrasting ways. As a result, this article’s conclusion calls for a comparatism that, instead of limiting its exploration to the differences between English and French or even their contact zone, concentrates on the different relationships with translation emanating from that very zone. In the narrow interstice between English and French lies a world as heterogeneous as the two sociolinguitic spaces it both joins and opposes.
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Les carences de la traduction littéraire au Canada : des bibliographies et des traditions
Gillian Lane-Mercier
pp. 517–536
AbstractFR:
L’objectif de cet article est double. Dans un premier temps, il vise à mettre au jour deux carences de la traduction littéraire au Canada. La première est d’ordre empirique : il n’existe aucun répertoire complet des oeuvres littéraires canadiennes traduites dans les deux langues officielles. La deuxième est d’ordre théorique : si, en 1977, Philip Stratford a pu constater l’absence d’une tradition de traduction littéraire au Canada, plus de trente ans plus tard, tout porte à croire que la situation a changé. Or, non seulement il n’existe aucune étude d’envergure qui remet en question le constat de Stratford, mais aucun chercheur ne s’est penché sur ce qu’il conviendrait d’entendre par « tradition de traduction littéraire au Canada ». Après avoir exposé ces carences qui, à bien des égards, laissent perplexe en contexte de bilinguisme officiel, il s’agira, dans un deuxième temps, i) de définir l’idée de « tradition » ; ii) d’avancer l’hypothèse selon laquelle il existe depuis 1980 plusieurs traditions conflictuelles de traduction littéraire au Canada ; iii) de formuler des questions de méthodologie susceptibles d’en appréhender l’émergence, l’essor et, le cas échéant, l’étiolement ; iv) de souligner l’importance des bibliographies pour la mise au jour de nouvelles pistes analytiques d’ordre tant quantitatif que qualitatif dans le domaine de la traductologie.
EN:
The aim of this article is twofold. On the one hand, it proposes to expose two blind spots in literary translation in Canada. The first blind spot is empirical in nature: there is no complete, up to date repertory of the Canadian literary works that have been translated from and into the two official languages. The second is theoretical in nature: in 1977, Philip Stratford remarked on the absence of a tradition of literary translation in Canada. Now, more than thirty years later the situation has likely evolved. However, no major study has called into question Stratford’s assertion. Furthermore, no researcher has attempted to define just what is meant by a “tradition of literary translation in Canada.” On the other hand, after having explored these blind spots that, from several points of view, are difficult to comprehend in a context of official bilingualism, this article proposes to (i) define the idea of “tradition”; (ii) examine the hypothesis that since 1980 several conflicting traditions of literary translation in Canada have emerged; (iii) formulate a series of methodological questions for the analysis of their emergence, evolution and, perhaps, decline; (iv) underscore the importance of bibliographies in identifying new quantitative and qualitative avenues of research in the area of Translation Studies.
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Traduction, bilinguisme et langue de travail : une étude de cas au sein de la fonction publique fédérale canadienne
Matthieu Leblanc
pp. 537–556
AbstractFR:
Seront présentés, dans le présent article, les résultats partiels d’une étude ethnographique menée dans un ministère de la fonction publique canadienne situé en milieu minoritaire francophone (Moncton, Nouveau-Brunswick). Il sera notamment question de la place qu’occupe la traduction dans ce milieu de travail et du rôle qu’elle y joue. L’étude révèle que même si l’anglais et le français sont les langues officielles de travail dans ce ministère (en vertu de la Loi sur les langues officielles du Canada), c’est l’anglais qui demeure la langue de travail commune ; c’est ainsi grâce à la traduction que le ministère est en mesure de répondre à ses obligations en matière de langue de travail. Il s’agit donc d’un environnement de travail diglossique où les deux langues, malgré leur statut officiel, n’ont ni le même poids ni le même prestige. Cette situation soulève des questions importantes sur la place du français comme langue de travail, les stratégies de traduction privilégiées, les rapports de pouvoir entre les langues et les locuteurs, et enfin l’efficacité de la politique linguistique institutionnelle du gouvernement du Canada.
EN:
This article presents the partial results of an ethnographic study carried out in a Canadian public service department located in a minority francophone community (Moncton, New Brunswick). It focuses on the role and place of translation in that particular work environment. The study shows that while English and French are both official languages of work within the department (under the Official Languages Act of Canada), the common language of work remains English and it is through translation that the department is able to meet its official languages requirements. It is thus a diglossic work environment where English and French, despite their official status, have neither the same weight nor the same prestige. This raises important questions regarding the use of French as a language of work, translation strategies, power relations between languages and speakers, and finally the effectiveness of the Canadian government’s institutional language policy.
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Institutional Multilingualism in NGOs: Amnesty International’s Strategic Understanding of Multilingualism
Wine Tesseur
pp. 557–577
AbstractEN:
Institutional multilingualism is most often associated with large intergovernmental institutions such as the European Union and the United Nations. Institutional multilingualism in non-governmental organisations (NGOs), however, has remained invisible to a large extent. Like international governmental organisations (IGOs), NGOs operate across linguistic borders. This raises the question whether NGOs use language and translation in the same way as IGOs. The present article takes Amnesty International as a case study, and explores what institutional multilingualism means for this organisation, how it is reflected in its language policy, and how it is put into practice. By gaining insight into the particular case of Amnesty International, this article aims to make a contribution to institutional translation studies.
FR:
Le plurilinguisme institutionnel est le plus souvent associé à d’importantes institutions intergouvernementales comme l’Union européenne et les Nations Unies. Le multilinguisme d’organisations non gouvernementales (ONG), cependant, est resté en grande partie invisible. Comme les organisations gouvernementales internationales (OGI), elles opèrent en traversant les barrières linguistiques. Cela soulève la question de savoir si les ONG utilisent la langue et la traduction de la même manière que les OGI. Dans le présent article, nous étudions le cas d’Amnistie internationale et ce que le multilinguisme veut dire pour cette organisation, comment il se reflète dans sa politique langagière et comment il est mis en pratique. En offrant une meilleure compréhension du cas particulier d’Amnistie internationale, cet article apporte une contribution à la traductologie institutionnelle.
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Dialogue, Reassurance and Understanding: Framing Political Translations during the 1980 and 1995 Quebec Sovereignty Referendums
Julie McDonough Dolmaya
pp. 578–597
AbstractEN:
In Canada during the 1970s, 80s, and 90s, more than one thousand works – and about one hundred translations – were published on the topics of Quebec nationalism, independence movements, and sovereignty referendums, in both of Canada’s official languages. Despite the diversity of these publications, which included biographies, political analyses, and polemical essays, almost all the works touched on themes that have generated controversy in Canada. The paratexts in these translations are therefore an important resource that highlight perceived differences between the political opinions of Francophone and Anglophone readers. This article will analyze the paratexts in the English and French translations to show how the target language audience was encouraged to read a translation of a work that was very clearly not addressed to them, and which in some cases even criticized the very audience it now addressed. Finally, it will examine which features these English and French paratexts do and do not share, while trying to determine why these similarities and differences exist.
FR:
Au Canada, les années 1970, 1980 et 1990 ont donné lieu à la publication de plus de mille ouvrages – et une centaine de traductions – portant sur le nationalisme québécois, les mouvements indépendantistes ou les référendums sur la souveraineté, dans les deux langues officielles. Malgré la diversité de ces publications (biographies, analyses politiques, essais polémiques, ainsi de suite), presque tous ces ouvrages portaient sur des thèmes qui ont provoqué la controverse au Canada. Les paratextes qui se trouvent dans les traductions de ces textes sont donc une ressource importante qui éclaircit les différences perçues entre les opinions politiques des lecteurs anglophones et francophones. Cet article aura pour but d’analyser les paratextes dans les traductions anglaises et françaises de ces textes. On démontrera la façon dont les paratextes encourageaient les lecteurs du texte d’arrivée à lire la traduction d’un ouvrage qui n’était manifestement pas écrit pour eux et qui, parfois, était très critique envers eux. Enfin, on étudiera les caractéristiques partagées par les paratextes anglais et français, examinera les différences entre ces derniers, et tentera de déterminer pourquoi ces différences et ces similarités existent.
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Québec et Canada : entre l’unilinguisme et le bilinguisme politique
Chantal Gagnon
pp. 598–619
AbstractFR:
Le Canada est un pays officiellement bilingue, en ce sens que la communication qui émane de son gouvernement central se fait dans les deux langues officielles, l’anglais et le français. Cependant, les gouvernements des provinces canadiennes sont unilingues, à une exception près (la province du Nouveau-Brunswick est officiellement bilingue). Le contexte québécois est particulier puisque cette province est la seule dont la majorité s’exprime en français, d’où son statut de province unilingue française. Cependant, tant d’un point de vue politique que démographique, la population anglophone a toujours joué un rôle clé dans la société québécoise. La présente étude a pour objectif d’observer les différentes pratiques de traduction officielle du gouvernement du Canada et du gouvernement du Québec. Plus précisément, nous analyserons la traduction des discours de différents chefs politiques au provincial et au fédéral. Afin d’obtenir des résultats comparables, nous étudierons tout particulièrement les discours entourant un seul événement, soit le référendum québécois de 1995. Nos recherches précédentes ont démontré qu’au gouvernement fédéral, la traduction des discours politiques varie entre autres en fonction de l’époque et du premier ministre au pouvoir. Nous posons l’hypothèse qu’étant donné la longue tradition de traduction institutionnelle de certains partis politiques, les stratégies de traduction adoptées par ces partis seront plus efficaces que celles adoptées par les partis peu habitués à faire traduire leurs discours.
EN:
Canada is an officially bilingual country, in that communications are produced by the central government in both official languages, English and French. However, the governments of the Canadian provinces are unilingual, with one exception (the province of New Brunswick is officially bilingual). The province of Quebec is special in that it is the only province whose majority population is Francophone, hence its unilingual French status. However, given the political and demographic context of the province, the English-speaking population of Quebec has always played a key role. This study focuses on the different practices of official translation by the Governments of Canada and Quebec. To ensure comparable results, it analyzes the translation of speeches made by various political leaders at the provincial and federal levels during the 1995 Quebec referendum. Our previous research has shown that, at the federal level, the translation of political speeches varies, depending on the historical context and the Prime Minister in power at the time, among other factors. We hypothesize that, given the long tradition of institutional translation characteristic of some political parties, their translation strategies are more effective than those of political parties that do not have a tradition of the institutional translation of speeches and are thus less familiar with what translation involves.
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Vagaries of News Translation on Canadian Broadcasting Corporation Television: Traces of History
Kyle Conway
pp. 620–635
AbstractEN:
This article describes a series of failed attempts by the English and French networks of the Canadian Broadcasting Corporation to present translated news. On one level, it is concerned with the impulse that prompts people during moments of crisis to suggest translated news as a solution to a problems related to Canadian identity and the reasons their suggestions to translate news programs are not acted upon. On a deeper level, it is concerned with a methodological and epistemological problem facing translation historians: what happens when the relevant documents are not preserved because journalists’ notions of translation differ from those of historians? It recommends that historians turn to “para-archives,” or collections created and preserved by non-news organizations, that contain descriptions of the documents journalists have not kept. These para-archives can provide evidence for the creation of plausible narratives about the competing interests shaping decisions not to produce translated news. They can also reveal how historians actively produce the categories they use to define their object of study.
FR:
Le présent article décrit une série de tentatives – toutes échouées – par les réseaux anglais et français de la Société Radio-Canada de produire des émissions de nouvelles traduites. Sur un premier plan, il examine les raisons pour lesquelles la traduction journalistique paraît à des moments de crise comme un outil pour résoudre certaines questions identitaires au Canada, ainsi que les raisons pour lesquelles l’idée de produire des émissions de nouvelles traduites n’est pas réalisée. Sur un deuxième plan, il considère un dilemme méthodologique et épistémologique auquel les historiens doivent faire face : que faire quand les documents qu’ils cherchent ne sont pas conservés parce que les journalistes conçoivent la traduction d’une manière différente ? Cet article recommande que les historiens se tournent vers des « para-archives », ou des collections créées et conservées par des organismes non-journalistiques, qui contiennent des descriptions des documents qui n’existent plus. Ces para-archives peuvent fournir de quoi créer des récits plausibles au sujet des intérêts contradictoires qui militent contre la production d’émissions de nouvelles traduites. Elles peuvent aussi rendre plus claire la manière dont les historiens produisent les catégories qu’ils emploient pour définir leur objet d’étude.
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Traduire les textes juridiques dans un contexte de plurilinguisme officiel : quelle formation pour quelles compétences spécifiques ?
Valérie Dullion
pp. 636–653
AbstractFR:
Question fondamentale pour les systèmes plurilingues, la qualité de la traduction juridique est abordée ici sous l’angle non pas des aménagements institutionnels, mais des acteurs. Les spécificités des contextes de plurilinguisme officiel sont mises en relation avec la problématique de la compétence traductionnelle, de façon à tirer des conclusions applicables à la formation. Dans les systèmes plurilingues, la traduction juridique doit répondre à des exigences particulières liées à l’intertextualité, au statut du texte traduit, à la pluralité des destinataires et à l’institutionnalisation du processus. Ces exigences ont des implications sur plusieurs plans. À cet égard, l’article se réfère aux modèles généraux de compétence et à leur approfondissement interdisciplinaire dans la perspective de la traduction juridique. Il propose d’intégrer la question du plurilinguisme officiel dans un enseignement structuré autour des situations professionnelles, en mettant l’accent sur les aspects suivants : l’utilisation raisonnée des ressources documentaires ; l’acquisition de connaissances relatives au droit linguistique et au fonctionnement institutionnel ; la prévention des interférences et du jargon ; et le développement d’une capacité d’argumenter et d’interagir avec d’autres professionnels. Pour terminer, l’article illustre la singularité des divers contextes plurilingues. Il rejette l’idée selon laquelle ils représenteraient pour la traduction juridique une situation simplifiée, nécessitant des compétences purement techniques.
EN:
Multilingual systems raise the fundamental question of the quality of legal translation. This article examines the question from the perspective of the actors involved, rather than from that of institutional procedures. Issues specific to contexts of official multilingualism are analysed in relation to problems associated with translation competence, with a view to drawing relevant conclusions for translator training. In multilingual systems, legal translation is subject to particular requirements related to intertextuality, the status of the translated text, the multiplicity of target readers, and the institutionalization of the text production process. These requirements have numerous implications, which are studied here within the framework of general models of competence and their interdisciplinary potential as they pertain to legal translation. It is argued that the question of official multilingualism should be integrated into training based on professional situations by emphasizing the following aspects: the rational use of documentary resources, the acquisition of knowledge relating to language law and the functioning of institutions, the avoidance of linguistic interference and jargon, and the ability to debate and interact with the various stakeholders. In conclusion, the uniqueness of the many different multilingual contexts is highlighted, thereby calling into question the idea that these contexts represent a simplified situation for legal translation construed solely in terms of technical competencies.
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Le Projet Rideau Project : le théâtre « co-lingue », le bilinguisme officiel et le va-et-vient de la traduction
Nicole Nolette
pp. 654–672
AbstractFR:
En 2009, le Théâtre la Catapulte, compagnie professionnelle francophone de création et de production théâtrale de la capitale nationale canadienne, montait un spectacle ambulatoire « co-lingue » où les spectateurs devaient circuler entre différents lieux du quartier central et historique du Marché By d’Ottawa. La composition de ce spectacle, le Projet Rideau Project, comptait six pièces de vingt minutes, dont trois étaient rédigées en français et trois en anglais, de six auteurs et metteurs en scène différents. Les négociations linguistiques au coeur du projet ont exigé l’apport de traducteurs de théâtre pour rééquilibrer la dynamique des langues dans le contexte de sa représentation : quatre pièces en anglais et deux pièces en français au festival de théâtre anglophone, et la proportion inverse au festival francophone. Selon sa propre appellation, « co-lingue », le Projet Rideau Project met en relief les enjeux dramaturgiques et traductologiques propres à la pratique et à la mise en scène de l’hétérolinguisme théâtral dans un contexte de bilinguisme officiel.
EN:
In 2009, francophone theatre company Théâtre la Catapulte, whose mandate is to create and produce theatre in Canada’s national capital, staged a site-specific “colingual” performance in which spectators walked between different stage spaces in Ottawa’s central and historical By Market. The components of this performance, le Projet Rideau Project, were six twenty-minute plays, three of which were in French, three in English, by six different authors and directors. The linguistic negotiations at the heart of the project required theatre translators to balance the language dynamics in the context of the performance: four plays in English and two in French at an English-language theatre festival, and the opposite proportion for a French-language festival. Self-declared by its instigators as “colingual,” le Projet Rideau Project showcases the stakes around writing, staging, and translating heterolingual theatre in a context of official bilingualism.
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Bilingualism and Literary (Non-)Translation: The Case of Trieste and Its Hinterland
Martina Ožbot
pp. 673–690
AbstractEN:
This article addresses the question of weak translation activity in bilingual settings. It presents an analysis of the situation in the city of Trieste and its surroundings, where a substantial Slovene minority has lived for centuries alongside the Romance-speaking (mainly Italian) population as well as various other smaller ethnic groups. The Italian and the Slovene communities have had different histories and at various points conflicts between them have arisen, sparked by national issues and complicated further by political circumstances. To a large extent, the two ethnic groups have lived parallel lives, often showing only minimal interest in each other’s culture. This has had an impact on literary translation, the output of which has been rather modest until recently, and often even more so on the reception of translated works – in spite of the city’s rich literature in both Italian and Slovene. This article seeks to identify and explore the nature of this translational relationship, taking into account the underlying social, political, cultural, literary, and linguistic factors. It argues that the situation began to change in the early 1990s when the asymmetries between the two ethnic groups started to diminish and the Slovene culture and language gained greater recognition, which in turn opened new prospects for translation.
FR:
La présente contribution traite de la faible activité de traduction caractéristique des environnements bilingues. L’analyse porte sur la situation dans la ville de Trieste et ses environs où une minorité slovène substantielle vit depuis des siècles parallèlement à la population romane, principalement italianophone, comme le font divers autres groupes ethniques moins nombreux. Les communautés italienne et slovène ont connu des parcours historiques assez différents et ont été ponctuellement en conflit au sujet de questions d’ordre national, situation compliquée ensuite par les circonstances politiques. Dans une grande mesure, les deux groupes ethniques ont vécu côte à côte en ne portant qu’un intérêt minimal à la production culturelle de l’autre. Cela a également eu un impact sur la traduction littéraire. Jusqu’à une époque récente, les publications dans ce domaine sont restées peu nombreuses et la réception des oeuvres traduites encore plus modeste, et ce, en dépit de la riche littérature tant italienne que slovène provenant de Trieste. Cet article vise à identifier les principaux aspects de cette relation traductionnelle et à en discuter, en prenant en compte les facteurs sociaux, politiques, culturels, littéraires et linguistiques qui la sous-tendent. Il semble toutefois que la situation ait changé au début des années 1990, quand les asymétries entre les deux groupes ethniques ont commencé à diminuer et quand les culture et langue slovènes ont gagné du terrain en termes d’importance et de reconnaissance, ce qui a, entre autres, ouvert de nouvelles perspectives à la traduction littéraire.
Documentation
Comptes rendus
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Sela-Sheffy, Rakefet et Miriam Shlesinger (dir.) (2011) : Identity and Status in the Translational Professions. Amsterdam et Philadelphie : John Benjamins Publishing Company, 282 p.
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De Jongh, Elena M. (2012) : From the classroom to the courtroom : A guide to interpreting in the U.S. justice system. Amsterdam : John Benjamins Publishing Company, 215 p.
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Straniero Sergio, Francesco and Falbo, Caterina (2012): Breaking Ground in Corpus-Based Interpreting Studies. Bern/New York: Peter Lang International Academic Publishers, 254 p.
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Simon, Sherry (2012): Cities in Translation: Intersections of Language and Memory. London and New York: Routledge, 2012, 204 p.
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Tyulenev, Sergey (2014) : Translation and Society. London et New York : Routledge, 210 p.
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Mattila, Heikki, E. (2012) : Jurilinguistique comparée. Langage du droit, latin et langues modernes. Texte français par Jean-Claude Gémar. Cowansville : Éditions Yvon Blais, 680p.