Mener une réflexion profonde sur le rôle social du traducteur et de l’interprète de nos jours n’est pas chose aisée. Cependant, l’ouvrage Translation/Interpretation and Social Activism le fait remarquablement. Ce volume, dirigé par Julie Boéri et Carol Maier, étudie la position – critique et sensible, selon elles – des traducteurs et des interprètes dans la société d’aujourd’hui. Un coup d’oeil sur quelques concepts traités dans ce livre – équité, éthique du traducteur/interprète, démocratie, engagement, activisme, solidarité, entre autres – donne une idée des sujets complexes et controversés qui y sont abordés. Dans cet esprit de promotion de la diversité linguistique, l’ouvrage est bilingue anglais-espagnol. Translation/Interpretation and Social Activism est donc composé de deux moitiés « very similar but not perfectly identical » (p. 2). Par ailleurs, une version chinoise sera publiée par la Hong Kong Baptist University, codirigée par Martha Cheung, Bai Liping et Esther Kwok. Ce n’est certes pas par hasard que Julie Boéri et Carol Maier se soient trouvées à la tête de ce projet : douées d’une excellente connaissance de l’anglais et de l’espagnol, toutes deux sont politiquement engagées et ont participé à l’organisation du Forum. Boéri est actuellement professeure invitée à l’Université Pompeu Fabra où elle enseigne l’interprétation. Elle fait également partie du groupe de recherche en analyse du discours et traduction CEDIT, ainsi que d’ECOS et de BABELS (réseau international de traducteurs et d’interprètes bénévoles). Ses travaux portent sur l’éthique, la sociologie et les politiques d’interprétation. Maier, pour sa part, est professeure à la Kent State University où elle fait partie de l’Institute for Applied Linguistics. Elle a publié de nombreuses traductions, particulièrement d’Octavio Armand, Rosa Chacel et Severo Sarduy, ainsi que des travaux sur la théorie, la pratique et la pédagogie de la traduction. Dans ce recueil de 389 pages, les auteurs parcourent, selon une approche critique, les liens entre la traduction et l’interprétation, et l’engagement social. Plusieurs contextes sont envisagés : la pratique professionnelle, l’enseignement et la recherche. Pour ce faire, ils se servent d’expériences individuelles ou collectives, passées ou présentes, de traducteurs et d’interprètes engagés dans des circonstances qui comportent un certain degré de tension sociale, comme devant les tribunaux, dans les médias ou en situations de conflit. Le premier article, rédigé collectivement par les membres d’ECOS, explique les origines ainsi que l’évolution de cette association. On y trouve quelques réflexions sur l’impact que des traducteurs et des interprètes engagés pourraient avoir sur l’enseignement, la recherche et la profession, bref sur la société. On y insiste sur la contribution d’une association comme ECOS à une approche critique du rôle sociopolitique des traducteurs et des interprètes. Ensuite, Manuel Talens expose les raisons qui ont donné lieu à la naissance de Tlaxaca, un réseau de traducteurs en faveur de la diversité linguistique. Une de ces raisons était l’utilisation de l’anglais comme lingua franca dans les médias. Tlaxaca soutient le principe d’équité universelle de toutes les langues et les cultures, et rejette toute forme d’eurocentrisme, de colonialisme et de racisme. L’association s’est donc engagée à faire connaître des auteurs de diverses origines, raison pour laquelle on y traduit de et vers quatorze langues (dont l’espagnol, le français, l’allemand, l’anglais, le russe, l’arabe, le grec). Ils collaborent avec d’autres réseaux de traducteurs engagés, spécialement ECOS. Le contexte de création, les objectifs et le rôle dans la société civile de ces communautés engagées de traducteurs et d’interprètes est le sujet de recherche du texte de Mona Baker. À partir de l’étude de cas du groupe Tlaxaca, Baker encourage une approche sociopolitique de la T/I dans une perspective flexible et ouverte. Son narrative model constitue …
Boéri, Julie et Maier, Carol (dirs.) (2010) : Compromiso Social y Traducción/Interpretación. Translation/Interpretation and Social Activism. Granada (Espagne) : ECOS, traductores e intérpretes por la solidaridad, 389 p.[Record]
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Aura Navarro
Université de Montréal, Montréal, CanadaKaty Torres Dávila
Université de Montréal, Montréal, Canada