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Koustas, Jane (2008) : Les Belles Étrangères : Canadians in Paris, Ottawa, The University of Ottawa Press[Record]

  • Louis Jolicoeur

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  • Louis Jolicoeur
    Université Laval, Québec, Canada

C’est sans doute le lot des petites nations de se regarder toujours dans le miroir de l’Autre. Le Québec n’est certes pas en reste à cet égard, le miroir parisien battant tout particulièrement la mesure de ses nombreuses angoisses identitaires – la dernière et non la moindre étant sans doute celle qu’aura engendrée le Sommet de la Francophonie tenu à Québec en octobre 2008, où l’on se rappellera à quel point chaque propos du président Sarkozy a été passé à la loupe par des journalistes en mal de crise nationale. La France est moins connue comme miroir de l’autre solitude canadienne. Or, on oublie qu’elle l’est également, à divers égards, et dans un cadre souvent bien différent de celui où se déploie le jeu ineffable que le Québec entretient avec la mère patrie. C’est ce regard que vient explorer de façon fort intéressante Jane Koustas dans son ouvrage Les Belles Étrangères : Canadians in Paris. Si c’est d’abord de traduction qu’il s’agit dans ce livre, il ne fait pas de doute qu’il y est aussi question, par le fait même, du regard que les Français portent de façon plus générale sur le Canada anglais. Du moins, il serait bien limitatif de ne voir ici qu’une revue de la situation de la traduction de la littérature canadienne en France. Quelques esprits sournois affirment de temps à autre que la littérature québécoise, pour percer en France à sa juste valeur, devrait sans doute tenter de suivre les traces de la littérature du Canada anglais. Or, pour ce faire, il faudrait qu’elle soit une littérature… traduite ! S’il est certes attristant de songer que le fait d’écrire en français éloigne peut-être les auteurs québécois de leurs cousins français, voilà tout de même qui donne de belles lettres de noblesse à la traduction ! Mais laissons là cette grave question, qui nous entraînerait sur un terrain fort glissant. Tout en observant cependant que la littérature du Canada anglais a bel et bien damé le pion à la littérature québécoise ces dernières années en France, malgré ou grâce au fait qu’il s’agit d’une littérature traduite. Jane Koustas aborde en filigrane cette question, mais ne s’aventure guère sur les explications possibles de ce fait à priori étrange – cela étant toutefois compréhensible vu la complexité et la sensibilité de cette question. Tel n’est d’ailleurs pas son but premier, qui est d’explorer le contexte de réception de la littérature du Canada anglais en France, ainsi que la place et la nature de la traduction dans le processus de diffusion de cette littérature auprès des lecteurs français. L’objectif de l’auteure est ainsi d’analyser de façon générale l’attitude qu’ont envers la littérature canadienne en traduction les lecteurs français, et plus spécifiquement les traducteurs, les critiques et les éditeurs, en tant que membres d’une même communauté interprétative, qui partagent un même horizon d’attente. L’ouvrage est divisé en deux parties. La première partie offre une réflexion théorique sur ces questions d’horizon d’attente, de communauté interprétative, ou de lecteur implicite (autant de synonymes en fait pour le contexte de réception), ainsi que sur les concepts de vernacularisation (domestication) et « d’étrangéisation » (foreignization) (termes qui ne manquent pas à leur tour de synonymes). La deuxième partie est consacrée à la situation d’un certain nombre d’écrivains canadiens en France : Mavis Gallant, Nancy Huston, Robertson Davies, Carol Shields, Margaret Atwood, Michael Ondaatje, Ann-Marie MacDonald et Alistair Macleod. L’analyse est intéressante, surtout, m’a-t-il semblé, en ce qui concerne Nancy Huston (dont les déboires avec le prix du Gouverneur général ne pouvaient certes être passés sous silence) et Michael Ondaatje, …