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Neologica. Revue internationale de néologie, no 1, Paris, Éditions Garnier, 2007, 230 p.[Record]

  • Jean-Claude Boulanger

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  • Jean-Claude Boulanger
    Université Laval Québec, Canada

Le mot néologie apparaît en français en 1759. Il est alors porteur d’une valeur sémantique qui renvoie à la création de mots, d’expressions ou de sens nouveaux. En cela, au xviiie siècle, il s’opposait à néologisme (1735) qui possédait un sens péjoratif et désignait la création abusive, mauvaise ou inutile de signes nouveaux. Par extension, il référait aussi à l’affectation de nouveauté dans la manière de parler, sens qu’il a perdu depuis. Entrée plus longtemps ignorée qu’absente des nomenclatures des dictionnaires de linguistique, champ délaissé par des chercheurs qui préféraient diriger leurs regards vers des zones de la lexicologie qui avaient à faire avec la morphologie ou la formation des mots, la néologie était reléguée dans la catégorie des arts mineurs des sciences du langage. Ailleurs, on se méfiait tout simplement de la néologie, comme ce fut le cas dans les milieux de la traduction, où tout ce qui était nouveau en matière de langue était suspect, en raison d’une mauvaise perception des mécanismes de renouvellement du lexique, de la dynamique des langues et de l’utilité des néologismes. C’était surtout l’ombre du calque – créature nuisible, néfaste et perçue comme un envahisseur du lexique – qui occultait la zone prestigieuse de la néologie. La néologie est un concept évanescent, difficile à saisir. On pourrait même se demander si elle existe vraiment. En effet, le terme néologie est associé à la naissance d’un mot ou d’un sens qu’on appelle néologisme, étiquette qui n’accompagne l’innovation que pendant une durée limitée et variable selon les néologismes. Le facteur temps est donc une donnée fondamentale en néologie, comme l’indique l’élément néo-. Enchâssée dans le mot néologie lui-même, l’idée de temps s’ouvre sur deux perspectives. D’abord, à l’instant de sa naissance, le mot nouveau s’inscrit sur l’axe chronologique d’une langue et il se joint automatiquement au lexique. Ce point d’intersection correspond à une date précise, à peu près immuable. Puis le temps refait surface quand se pose la question sur le caractère de néologicité du mot. Ce statut n’est pas éternel et il s’estompe à un moment ou à un autre. Après sa naissance, un mot devient candidat à la mise en dictionnaire. Sa diffusion et sa réception sociales plus ou moins rapides influenceront son statut du point de vue lexicographique, l’intégration dans les nomenclatures ayant pour effet de confirmer sa valeur, son utilité et sa place dans l’usage. La captation dictionnairique a aussi comme conséquence d’atténuer, sinon d’éliminer, le sentiment de nouveauté du mot, de ne plus l’identifier comme étant un néologisme. Quand le dictionnaire n’est pas l’arbitre en cette matière, le sentiment néologique devient une affaire individuelle et il varie avec chaque mot, de sorte que le temps est ici une donnée souple, mobile, insaisissable et irréductible à une indication chiffrée précise. On ne peut pas dire que le statut de néologisme correspond à une durée limitée, immuable et fixée à tant de jours, de mois ou d’années et qu’une fois ce seuil atteint, le mot est versé dans une autre catégorie d’unités lexicalisées. Et dans cette quête du point de rupture entre deux états lexicaux, il faut sans doute tenir compte d’autres raisons qui ne sont pas de nature linguistique, mais qui jouent un rôle dans l’évaluation et dans la perception du statut du mot ; ces raisons ont notamment des origines sociales ou psychologiques. La création d’un néologisme est un acte individuel ou collectif, un acte conscient ou inconscient. La création planifiée et collective est fréquente dans les terminologies. Le nom commun motoneige est né à la suite d’une demande faite à un linguiste en 1960 afin de …

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