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Le Handbook of Terminology Management est venu rejoindre sur les rayons de nos librairies et bibliothèques les classiques d’une discipline dont les assises sont désormais bien ancrées. Produit sous la gouverne de Sue Ellen Wright et de Gerhard Budin, auteurs connus pour leurs travaux en terminotique et en traductique, l’ouvrage se présente comme un imposant recueil d’articles rassemblés en deux volumes. Plus de quarante chercheurs et professionnels du domaine ont collaboré à cette vaste entreprise. Parmi ceux-ci, Bruno de Bessé, Robert Dubuc, Christian Galinski, Ulrich Heid, John Humbley, Ingrid Meyer, Heribert Picht et Juan C. Sager. Le concept de « terminology management » tel que défini dans l’introduction de l’ouvrage vise à englober « any deliberate manipulation of terminological information » (p. 1). En somme, on veut couvrir ici l’ensemble des activités liées à la pratique terminologique, qu’il s’agisse de la rédaction de définitions, de l’analyse contextuelle, de la consignation et de l’exploitation des données terminologiques, de la gestion informatique de la terminologie, etc.
L’emploi du terme handbook dans le titre est par ailleurs révélateur de l’ambition première de cette publication : « to be a permanent companion of the working terminologist, a resource that is continuously at hand » (p. 1). Le Handbook of Terminology Management est donc conçu comme un manuel de référence dont chaque article est autonome, porte sur un sujet bien défini et clairement délimité, et se termine par une courte bibliographie. L’ensemble n’est pas pour autant décousu. Les directeurs de l’ouvrage ont su à la fois éviter la dispersion et la redondance en fixant les limites de chacun des articles commandés, sans toutefois imposer à leurs collaborateurs les principes d’une école de pensée particulière. Un système de renvois permet en outre au lecteur de repérer les articles qui, dans le manuel, sont interreliés. Ce même système signale l’existence de notes explicatives qui, regroupées à la fin de chacun des volumes dans la section Information Boxes, apportent un complément d’information aux questions d’ordre général évoquées dans plusieurs articles. La notion de langue de spécialité, les relations entre notions, les principes du langage SGML, etc., sont ainsi expliqués dans une note. Les renvois aux articles apparentés et aux notes explicatives sont bien en évidence, dans la marge de droite. Dans cette même marge sont aussi inscrits des mots-clés qui reprennent l’idée principale de chaque paragraphe et facilitent ainsi le repérage de l’information. Enfin, un index des thèmes traités et des noms propres mentionnés dans les articles vient clore chacun des volumes, favorisant une consultation efficace. La visée de l’ouvrage s’exprime donc dans sa présentation aérée et conviviale.
Le premier volume du manuel comprend cinq chapitres et porte le sous-titre Basic Aspects of Terminology Management. L’essentiel des questions théoriques relatives au terme et à la notion sont résumées dans le premier chapitre. Le terme est au coeur de deux textes qui rappellent respectivement les critères de sélection mis en oeuvre en contexte de dépouillement terminologique et les principaux modes de formation des unités terminologiques. Quatre textes abordent les façons de décrire et de représenter les notions en terminologie. On y traite bien sûr des modes de description traditionnels que sont la définition et le contexte, en délimitant le rôle et les caractéristiques de chacun. On fait aussi une place à des modes de description novateurs tels que l’image et le schéma, dont l’émergence a été favorisée par les technologies modernes et dont les applications en terminologie semblent fort prometteuses. Ce premier chapitre se termine sur quatre textes consacrés à la représentation des réseaux notionnels. Les arborescences classiques en deux dimensions s’opposent ici à des modes de représentation multidimensionnels faisant appel, entre autres, à l’utilisation de technologies informatiques telles que les systèmes à base de connaissances et la programmation orientée objet.
Le deuxième chapitre met en parallèle les approches descriptive et normative en terminologie. L’approche descriptive est illustrée par quatre articles : le premier offre un tour d’horizon des pratiques terminologiques en traduction technique, le deuxième explore les méthodes de description adoptées pour rendre compte des terminologies médicales, le troisième s’intéresse aux brevets et à leurs particularités terminologiques, et le quatrième propose une réflexion sur le traitement du vocabulaire des sciences sociales. L’approche normative fait quant à elle l’objet de cinq articles. Dans les trois premiers, on s’intéresse aux actions des organismes de normalisation, en particulier, à celles de la International Organization for Standardization (ISO). Le quatrième, très court, est un condensé des grands principes de la recherche terminologique et de la rédaction de définitions ; étant donné son contenu, il aurait très bien pu être présenté dans le premier chapitre de l’ouvrage. Le cinquième article retrace les principaux travaux terminologiques menés dans le domaine de la chimie et recense les documents publiés par des organismes nationaux ou internationaux de normalisation en matière de chimie et de biochimie.
Le troisième chapitre offre une brève incursion du côté de l’aménagement linguistique et terminologique. Par rapport aux précédents, il est non seulement plus court, mais également moins cohérent. Son contenu se limite en effet à deux articles dont la disparité n’est pas sans étonner. Deux grands thèmes sont abordés dans le premier article, soit le multilinguisme, analysé sous un angle sociolinguistique plutôt que terminologique, et les problèmes informatiques liés à la conversion des scripts. Il est regrettable que le lien entre ces deux thèmes ne soit pas illustré de façon explicite dans cet article ; peut-être aurait-il été préférable de scinder ce dernier en deux textes distincts. Dans un autre ordre d’idées, le deuxième article s’intéresse à l’aménagement linguistique et terminologique en contexte unilingue, relatant l’expérience de la France en la matière. On y rappelle le mandat des principaux organismes nationaux de normalisation, en s’attardant à celui des commissions ministérielles de terminologie, dont on illustre le fonctionnement à partir des travaux de la Commission ministérielle de terminologie des transports.
L’unique article qui compose le quatrième chapitre est consacré à la propriété intellectuelle des données terminologiques et constitue une excellente synthèse de la situation. Après avoir résumé les origines du concept de propriété intellectuelle, les auteurs s’intéressent à la position singulière du terminologue, à la fois utilisateur et auteur de documents régis par les lois sur les droits d’auteurs. Ils passent ensuite en revue les données terminologiques actuellement protégées par les droits d’auteurs en Europe et en Amérique et celles qui, éventuellement, pourraient ou devraient l’être. Par ailleurs, ils font escale du côté de l’informatique, abordant la question de la propriété intellectuelle des documents numérisés. Enfin, ils citent les grandes lignes du Guide to Terminology Agreements préparé par le International Information Centre for Terminology (Infoterm).
Le cinquième chapitre, dernier chapitre du premier volume, a pour objet la formation des terminologues et s’adresse ainsi principalement aux professeurs. Les auteurs y situent la formation dans les programmes universitaires ainsi que dans le contexte de la formation continue et proposent une liste de vingt thèmes qui, en fonction du type de formation et du public visé, devraient être couverts dans les cours de terminologie. Ils suggèrent finalement un certain nombre de moyens pédagogiques et de ressources utiles pour l’enseignement de la terminologie.
Le deuxième volume est essentiellement dévolu à des questions d’ordre informatique, ce qui se reflète d’ailleurs dans son sous-titre, Application-Oriented Terminology Management. Trois chapitres le constituent, numérotés à la suite du premier volume. Le sixième chapitre porte sur la gestion de l’information et fait état des liens qui unissent cette discipline à la terminologie. Un premier article décrit en détail l’utilité de l’ordinateur pour la création, la production et la gestion de thésaurus, ces langages de gestion documentaire qui reposent sur des réseaux notionnels complexes représentés par des termes et les relations qui les unissent. Un deuxième article a pour objet le processus d’indexation de données ou de documents et traite notamment de la sélection des termes qui constituent les mots-clés des index. Le troisième et dernier article de ce chapitre décrit le rôle de la terminologie dans l’extraction d’information, en plus de proposer des stratégies de recherche adaptables aux objectifs visés par l’utilisateur.
Le septième chapitre s’ouvre sur un article qui illustre comment la terminologie peut intervenir dans la démarche d’adaptation des textes techniques à leurs destinataires. Les deux articles suivants effectuent un survol des applications commerciales et industrielles de la terminologie, font état de l’intégration de la terminologie dans les systèmes informatisés de contrôle d’inventaire et de gestion de la production et rendent compte des économies qui découlent de l’utilisation de tels systèmes. Deux articles s’intéressent par ailleurs à la méthodologie des travaux terminologiques. Par une habile comparaison des processus de production documentaire et de fabrication de produits industriels, le premier met en lumière l’importance d’accorder à la terminologie la place qui lui revient dans la chaîne de production de documents afin de garantir la qualité et l’uniformité de ces derniers. Le deuxième expose la méthodologie mise de l’avant au University of Iowa Translation Laboratory en matière de gestion terminologique et résume ce faisant les lignes directrices qui sous-tendent la réalisation de travaux terminologiques dans le contexte de la traduction technique. Le sixième et dernier texte de ce chapitre soulève les problèmes terminologiques auxquels sont confrontés les localisateurs de logiciels et insiste par ailleurs sur le rôle inestimable des bases de données terminologiques dans le processus de localisation.
Entièrement consacré aux outils d’aide à la terminologie, le huitième chapitre se divise en cinq sous-sections et compte au total quinze articles. La première section brosse un portrait du logiciel de gestion terminologique, énumère les catégories d’information généralement représentées dans les banques de terminologie, décrit les composantes de la fiche terminologique et témoigne de la flexibilité des banques de terminologie pour l’extraction de données. La section se termine par un article qui fait le point sur les problèmes liés à l’échange de données terminologiques et sur les solutions proposées à ce jour. La deuxième section convie le lecteur chez Téléglobe Canada, au Bureau de la traduction du gouvernement du Canada et chez IBM pour y découvrir de quelle façon sont menés et gérés des projets terminologiques d’envergure. Dans la troisième section, on s’intéresse aux modules de gestion terminologique intégrés aux systèmes de traduction automatique et à la maximisation de leur rendement. La quatrième section livre une réflexion sur l’utilisation de corpus informatisés en terminologie et traite, entre autres, d’extraction automatique de termes et de collocations ainsi que d’utilisation des données terminologiques en intelligence artificielle. La cinquième et dernière section du chapitre 8 a pour thème les ressources documentaires dans Internet et leur exploitation par le terminologue. Les principales sources d’information y sont présentées et brièvement décrites, et des critères d’évaluation de ces sources sont proposés au lecteur.
En conclusion, il ne fait pas de doute que le Handbook of Terminology Management constitue un manuel indispensable à quiconque s’intéresse à la terminologie, notamment à l’étudiant qui souhaite s’initier à la discipline et en explorer les multiples facettes. De lecture accessible malgré le degré de technicité de certains articles, l’ouvrage offre une bonne synthèse des questions théoriques sur lesquelles les chercheurs du domaine ont eu à se pencher au fil des années. Son principal intérêt réside toutefois dans les préoccupations récentes qu’il soulève, notamment en ce qui a trait à la propriété intellectuelle, et dans le fait qu’il laisse entrevoir de nouvelles avenues de recherche, particulièrement en ce qui concerne l’informatisation des données terminologiques et l’évolution des outils terminotiques. Seul élément manquant à ce vaste édifice pour qu’il remplisse entièrement sa mission : une bibliographie générale qui viendrait compléter la courte bibliographie critique présentée à la fin du premier volume. Cette dernière, des plus sommaires, s’en tient à la recension d’une quinzaine de manuels de terminologie et comporte en outre quelques inexactitudes. D’après ce que laissent entendre les directeurs du manuel à la page 350 du premier volume, la préparation d’une bibliographie exhaustive était prévue dans le plan initialement établi. Dommage que l’idée ait été abandonnée en cours de route !