Comptes rendus

Daniel Poitras et Micheline Cambron. L’Université de Montréal : une histoire urbaine et internationale, Montréal, Les Presses de l’Université de Montréal, 2023, 571 p.

  • Julien Lefort-Favreau

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  • Julien Lefort-Favreau
    Université Queen’s

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Cover of Le collège classique au Canada français : formation, sociabilité et constructions identitaires, Volume 24, Number 2, Spring 2024, pp. 5-186, Mens

Il serait tentant de décrire en tout premier lieu l’apparence de l’ouvrage de Daniel Poitras et de Micheline Cambron tant il est massif : 600 pages sur papier glacé, 500 illustrations en couleur, couverture rigide. Le livre est gros et beau. Cette histoire de l’Université de Montréal est toutefois monumentale pour des raisons qui dépassent sa composition soignée (félicitons au passage les PUM). L’ambition du travail de Poitras et de Cambron est avant tout historique : il replace fort précisément la fondation et le développement de l’Université de Montréal dans son contexte. Devant l’impossibilité de synthétiser la somme d’informations contenues dans ce livre, j’aimerais insister ici sur sa mise en récit et sur les quelques précieuses leçons de méthode qu’il recèle. Les auteurs ont opté pour une séquence chronologique, divisant l’histoire de l’Université de Montréal en sept grandes périodes : « Un monde nouveau et des savoirs (1639-1789) »; « De testament à succursale (1790-1877) »; « Une guerre de trente ans universitaire et ses suites (1877-1919) »; « L’Université et les turbulences d’une époque (1921-1940) »; « D’un régime universitaire à un autre (1943-1969) »; « Les ambitions d’une université (1972-1999) »; « Les couleurs d’une université (2001-2022) ». Cambron s’est occupée de rédiger la partie de l’ouvrage couvrant les années pré-1919, et Poitras, de 1920 à 2023. Cette chronologie rend compte des développements internes de l’université en fonction des fonds disponibles, des changements démographiques ou des volontés politiques. Derrière cette séquence se cachent toutefois des temporalités moins linéaires. D’abord, nombreuses sont les lignes de fuite qui permettent de mêler les différents fils tendus (lorsqu’un thème est abordé en fonction d’une période précise, les auteurs ne se privent évidemment pas de déborder de la dite période). Notons ensuite que la découpe historique étant très large, l’ouvrage débute bien avant la fondation formelle de l’Université (en 1639 avec la première école fondée par Marie de l’Incarnation!). Cela permet d’inscrire l’Université de Montréal dans la longue histoire de l’éducation supérieure au Canada français. Il est aussi à remarquer qu’entre ces scansions, de courts chapitres viennent signaler des moments de transition ou de grandes transformations de l’Université de Montréal : guerres, réingénieries administratives. Cambron et Poitras rendent visibles ces suspensions; leur découpage devient ainsi plus subtil, attentif aux rythmes fluctuants du développement de l’institution. Plus encore, cette découpe révèle que « les universités ont partie liée avec les récits du progrès qui marquent la période contemporaine » (p. 509). L’un des écueils possibles de l’exercice est de produire un récit téléologique de l’Université de Montréal; or, ici, les discours du progrès sont objectivés et ne résistent de toute manière pas à l’épreuve des faits. Le développement de l’Université de Montréal est lent, relativement chaotique, objet de vifs débats internes et sociaux. Le livre rend bien compte de cette longue temporalité anarchique, faite de faux départs, de projets abandonnés, puis depuis les années 1970, d’un développement et d’une internationalisation accélérés. Il est un autre choix opéré par Poitras et Cambron qui vient fortement infléchir le récit proposé. L’histoire reconstituée en ces pages est aussi – et j’ai envie de dire, avant tout – spatiale, comme l’indique le sous-titre : « une histoire urbaine et internationale » (je souligne). Cette spatialité renvoie évidemment aux aléas géographiques de l’Université dans la ville, de ses balbutiements, alors qu’elle n’est qu’une succursale de l’Université Laval, logée rue Saint-Denis dans le Quartier latin; puis, de son déménagement vers Côte-des-Neiges afin d’avoir davantage d’espace, mais aussi d’éloigner les jeunes étudiants et étudiantes des tentations du Red Light! L’île Sainte-Hélène et le parc La Fontaine ont été envisagés. Faire l’histoire …