Il y a quelques semaines, je flânais dans le rayon « électrique » d’un magasin d’occasion. De vieilles cafetières côtoyaient des lampes en plastique et des ventilateurs un peu jaunis. Dans toute cette joyeuse enfilade, j’ai remarqué un petit cube beige et noir, tout droit sorti des années 1990 : un réveil Sony Dream Machine, avec fonction « sleep », radio AM et FM, horloge numérique. Cinq dollars et quinze minutes de marche plus tard, j’étais à la maison en train d’essayer d’en comprendre le fonctionnement. Je l’avais acheté non par nostalgie des sons stridents des vieux réveils, mais pour la radio. Adepte de balados en tous genres, j’avais depuis quelque temps une sorte de fatigue, la même qui me prenait à l’heure de choisir une nouvelle série ou un film à regarder. J’ai renoué depuis, grâce à ce réveil, avec ce geste tellement simple, mais étrangement apaisant : allumer la radio. J’appuie sur le bouton, et quelqu’un est en train de (me) parler. Des rencontres se créent, de celles que je n’avais pas prévues. Quels sont nos « paysages sonores », de quoi sont-ils faits? La lecture du présent numéro sur « La vie musicale des années 1920 au Québec » m’a fait réfléchir à ce qui a constitué et qui continue de composer la vie musicale d’ici. En 2015, la revue Mens consacrait un numéro, dirigé par Sandria P. Bouliane (qui signe un texte dans le numéro actuel), sur la « Vie musicale amateur, populaire et américaine à Montréal, 1918-1958 » (vol. XV, no 1). La livraison portait sur ces décennies marquées par « l’émergence de nouvelles formes de loisir, de divertissement et de pratiques musicales » (p. 14). Le présent numéro adopte une perspective différente, proche de la microhistoire, en s’intéressant à ce que l’équipe du projet de recherche Vie musicale au Québec nomme des « événements à caractère musical », qui ont lieu pendant un cycle de vingt-quatre heures. L’idée est d’aller au-delà des « grands événements » qui attirent le regard ou des activités des personnes connues, pour toucher au plus près à ce qui tisse la trame de cette « vie », dans son caractère instable et pluriel. En ce sens, ce dossier nous amène à penser non seulement l’historicité et la circulation des pratiques musicales et sonores, le renouvellement des pratiques historiennes, mais aussi la manière dont nous nous inscrivons, nous aussi, dans cette vie musicale, comme public, auditoire, musicien ou musicienne. Sur un autre plan, plus pratique, de la vie de la revue, nous amorçons à Mens, tout comme nos collègues d’autres revues savantes, une réflexion sur le libre accès de notre contenu. En tant que revue non subventionnée mais publiée en partenariat avec le Centre de recherche sur les francophonies canadiennes (CRCCF), Mens constitue un modèle de revue (et un modèle financier) peu fréquent dans le domaine savant, ce qui complexifie nettement, pour l’instant du moins, l’atteinte d’un objectif de libre accès total. Les Fonds de recherche du Québec ayant adopté une nouvelle politique en la matière, nous accepterons dorénavant que les autrices et les auteurs déposent leur texte, une fois celui-ci évalué et révisé, sur leur dépôt institutionnel ou disciplinaire. À suivre, comme on dit.
Note de gérance
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