Mémoires du livre
Studies in Book Culture
Volume 13, Number 1, Spring 2022 L’histoire du livre dans les pays nordiques Book History in the Nordic Countries Guest-edited by Henning Hansen and Maria Simonsen
Table of contents (14 articles)
Articles
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Provenance Research: Book History, Historiography, and the Rise of an Epistemic Category in Nineteenth‑Century Europe
Emma Hagström Molin
pp. 1–37
AbstractEN:
This article considers the rise of provenance in nineteenth-century Europe through a case study of manuscript research. In the early 1850s, Benedictine scholar Beda Dudík was sent to Stockholm and Rome by the Committee of the Moravian Estates in Habsburg Austria to trace manuscript objects abducted from Moravia (Mähren) by Swedish commanders during the Thirty Years’ War (1618–1648). This article considers Dudík’s work with the manuscripts by combining perspectives from book history with those of the history of historiography and the history of ideas and science: I examine the ways in which Dudík worked with classification, and how this work was influenced by source fetishization. Dudík’s work with the manuscripts, recorded in his publications and notes, reveals that provenance is a transformable epistemic category. Moravian interest in provenance reflects their sense of scholarly inferiority, and the changing view of heritage as a public matter, collectively fetishized. In conclusion, the Moravian case illustrates just how significant historical materiality was to people of marginal lands, as inquiries into provenance can be a means of asserting historical existence.
FR:
Cet article s’intéresse à la notion de provenance dans l’Europe du XIXe siècle par l’entremise de l’étude d’un manuscrit. Au début des années 1850, le savant bénédictin Beda Dudík est dépêché à Stockholm et à Rome par le comité des États de Moravie dans l’Autriche des Habsbourg. On le presse de retrouver la trace d’objets manuscrits dérobés en Moravie (Mähren) par des officiers suédois durant la guerre de Trente Ans (1618-1648). L’oeuvre de Dudík sur les manuscrits est ici examinée selon diverses perspectives : celle de l’histoire du livre, mais aussi celles de l’histoire de l’historiographie, et de l’histoire de la science et des idées. Je me penche particulièrement sur la classification opérée par Dudík et sur la manière dont celle-ci fut influencée par une certaine fétichisation des sources. Les publications et les notes colligées par le savant révèlent que la provenance constitue une catégorie épistémique transformable. L’attrait morave pour cette provenance tient alors à un certain sentiment d’infériorité sur le plan de l’érudition, et à l’émergence d’une nouvelle conception du patrimoine, désormais d’intérêt public, en quelque sorte fétichisé par le collectif. En conclusion, l’exemple de la Moravie aide à comprendre la signification que revêtait la matérialité historique pour la population de contrées marginales, l’établissement de la provenance se révélant une manière d’affirmer son existence historique.
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A Nordic Press: The Development of Printing in Scandinavia and the Baltic States before 1700 from a European Perspective
Arthur der Weduwen and Barnaby Cullen
pp. 1–30
AbstractEN:
Printing emerged more slowly in the Nordic lands than in most parts of Europe. The first active printing press in modern Latvia appeared in 1588; Estonia, Finland and Norway would wait until the 1630s and 1640s respectively. It was also in the seventeenth century that a provincial print trade of any significance would develop in Denmark and Sweden, the two main political powers of the region. While our knowledge of the evolution of printing in the Scandinavian region has long been well established, the print culture of the Nordic lands is often still approached from national perspectives. In this article, we propose to consider the print output of the entire Nordic region – Denmark, the Scandinavian Peninsula, Iceland, Estonia and Latvia – as a single corpus. Using the resources of the Universal Short Title Catalogue project, we will consider what elements unite the history of printing in the region, as well as how distinct Nordic print culture is from that of the rest of Europe. We will consider especially the role of institutions (the church, crown, universities and colleges), foreign agents and linguistic traditions in shaping the print output of the Nordic region before 1700. What emerges from this study is a clear portrayal of the extent to which the Scandinavian book world takes inspiration and diverges from broader European norms. This article will make the case strongly for the importance of studying print culture in a comparative international perspective, and offers broader conclusions on the crucial interactions between print, power and peripheries in early modern Europe.
FR:
De manière générale, l’imprimé mit davantage de temps à s’imposer dans les contrées nordiques que dans le reste de l’Europe. C’est en 1588 qu’une première presse à imprimer fut utilisée en Lettonie. En Estonie, en Finlande et en Norvège, il fallut attendre les années 1630 et 1640. De même, ce n’est qu’au xviie siècle qu’un commerce de l’imprimé se développa à l’échelle provinciale au Danemark et en Suède, alors les deux principales puissances de la région sur le plan politique. Bien que l’on s’intéresse depuis longtemps à l’évolution de l’imprimerie en Scandinavie, la culture de l’imprimé dans les pays nordiques fait encore l’objet, la plupart du temps, d’approches plutôt nationales. Dans le présent article, nous nous proposons d’examiner la production d’imprimés de la région nordique (Danemark, péninsule scandinave, Islande, Estonie et Lettonie) en un seul et même corpus. À partir de ce que l’on trouve dans le Universal Short Title Catalogue, nous nous attarderons aux éléments constitutifs d’une histoire commune de l’imprimé, ainsi qu’à ce qui distingue la culture de l’imprimé de la région nordique de celle du reste de l’Europe. Nous verrons de quelle manière les institutions (Église, Couronne, collèges et universités), les agents étrangers et les traditions linguistiques contribuèrent à forger la production d’imprimés dans la région avant 1700. Il ressort de cette étude un portrait de monde du livre scandinave qui, à la fois, s’inspire des normes observées ailleurs en Europe et s’en distingue. L’article, enfin, cherche à montrer l’importance d’aborder la culture de l’imprimé dans une perspective internationale et comparée, tout en formulant diverses conclusions sur les interactions fondamentales qu’il existait entre imprimé, pouvoir et périphéries à l’émergence de l’Europe moderne.
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The Library of Leufstabruk
Peter Sjökvist
pp. 1–29
AbstractEN:
The eighteenth‑century library at the magnificent iron making estate of Leufstabruk one hour north of Uppsala (Sweden) is located in a small exquisite pavilion next to the manor house. There the absolute majority of the books are kept until this day in their original places, arranged according a system of the time. Having been an entailed estate within the noble family with Dutch origins De Geer from 1730 until 1986, the collections of today most of all mirror the interests of its member Charles (1720–1778), as well as to a minor degree his son Charles (1746–1805), his daughter Hedvig Ulrika (1752–1813) and some more. The present article wants to give an updated image of this library, based on previous research as well as a recently finished infrastructure project, whereby knowledge of and access to its collections, which are awaiting to be explored further, have been strongly increased.
FR:
On trouve au magnifique domaine de Leufstabruk, situé à une heure au nord d’Uppsala (Suède) et autrefois célèbre pour sa fonderie, un joli petit pavillon, voisin du manoir, qui héberge une bibliothèque du xviiie siècle. À cet endroit, toute la collection est, encore aujourd’hui, organisée selon le système qui prévalait à l’époque. La propriété ayant appartenu à une famille noble d’origine néerlandaise, les De Geer, de 1730 à 1986, cette collection donne surtout à voir quels étaient les intérêts du père, Charles (1720‑1778), et, à un degré moindre, ceux de son fils Charles (1746‑1805), de sa fille Hedvig Ulrika (1752‑1813) et d’autres membres de la famille. L’article vise à présenter un portrait plus actuel de la bibliothèque en s’appuyant sur des travaux antérieurs ainsi que sur les fruits d’un récent projet d’infrastructure ayant grandement amélioré l’accès à la collection, et donc la connaissance qu’on en a, bien que celle‑ci reste en partie à explorer.
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“… but he stayed up reading”: Books, Readers, and Reading in an Eighteenth‑Century East Norwegian Parish
Roar Lishaugen
pp. 1–27
AbstractEN:
With an ambition to add new knowledge on early modern reading culture in rural Norway, this essay zooms in on an eighteenth-century East Norwegian parish and conducts a detailed examination of various sources (church records, probate records, auction records, court records) to investigate how reading came into being and took place. Besides supporting previous conclusions about a widespread Scandinavian early modern rural literacy and a preponderance of religious books as owned, sold and bought by the rural population, the essay identifies a rural interest in books far exceeding the religious domain and an attraction to the materiality of books beyond reading. Moreover, court records disclose attitudes and practices related to reading and offer a promising avenue for generating further insights about how and why reading happened.
FR:
Dans la perspective d’enrichir les connaissances relatives à la culture de la lecture dans la Norvège rurale de l’époque moderne, le présent article s’intéresse au cas particulier d’une paroisse de l’est de ce pays au xviiie siècle. Un examen exhaustif de diverses sources (registres paroissiaux, de succession et de ventes aux enchères; archives de tribunaux) permet de cerner la manière dont se déployait l’acte de lecture. En plus de confirmer des conclusions déjà admises – à savoir l’importance accordée à la littératie dans la Scandinavie rurale de l’époque, et la prépondérance des ouvrages religieux parmi les livres achetés, vendus et possédés par la population –, l’article révèle un intérêt pour les livres qui allait bien au-delà du religieux, ainsi qu’un attrait pour l’objet livre qui transcendait la lecture. Qui plus est, les documents d’ordre judiciaire jettent un nouvel éclairage sur les attitudes et les pratiques relatives à la lecture, et constituent donc une piste prometteuse pour d’éventuels travaux sur le sujet.
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Children’s Books and Childhood Reading in Eighteenth‑ and Nineteenth‑Century Denmark: Memoirs and Autobiographies as Sources for Children’s Media Repertoires
Charlotte Appel, Nina Christensen and Karoline Baden Staffensen
pp. 1–31
AbstractEN:
This article sets out to demonstrate the potential of memoirs and autobiographies as sources to study children’s use of books and other media in Denmark between around 1750 and 1850. Research on historical children’s reading cultures in the Nordic countries has been limited, and knowledge of children’s own experiences of reading, including how, when, where, what and with whom they read, is scarce. Despite the fact that most autobiographical writings were put on paper late in the authors’ lives, and even though most were composed by privileged or exceptional individuals, these sources can open up aspects of children’s book and media history which are otherwise largely inaccessible. Inspired by media scholars Hepp and Hasebrink’s concepts of media repertoires and media ensembles, we point to the importance of studying individual children’s selections of media (“repertoires”) in relation to those available in specific social contexts (“ensembles”). The article looks at six memoirs, representing boys and girls, urban and rural settings, and rich and poor families. We consider how these ego‑documents may tell unexpected stories about children’s media repertoires in practice and about the social life of children’s books and reading.
FR:
Cet article explore ce que révèlent les mémoires et autobiographies quant au rapport qu’entretenaient les enfants avec les livres et d’autres médias au Danemark entre 1750 et 1850. Peu de travaux de recherche ont porté sur la culture de la lecture chez les enfants des pays nordiques dans une perspective historique. On en sait peu, dès lors, sur leurs expériences : Que lisaient-ils? Comment lisaient-ils? Où, avec qui et à quel moment s’adonnaient-ils à la lecture? Ces écrits sont pour la plupart l’oeuvre de personnages éminents ou privilégiés, dont les mémoires ont été couchées sur papier des décennies après qu’eut pris fin l’enfance dont il y est question. Néanmoins, ces sources ouvrent des perspectives en histoire du livre et des médias qui sont autrement difficilement accessibles. Nous appuyant sur les concepts de « répertoires médiatiques » et d’« ensembles médiatiques » élaborés par Hepp et Hasebrink, nous insistons sur l’importance que revêtent les médias qu’une personne choisit de consulter (le « répertoire ») parmi ceux qui sont disponibles dans un contexte social donné (« l’ensemble »). Nous analysons ainsi les mémoires de six auteurs, tant des garçons que des filles, vivant à la ville ou à la campagne, issus de familles aisées ou modestes. Il émerge de ces « écrits du soi » des histoires inattendues quant aux répertoires médiatiques obtenant la faveur des enfants, et quant à la dimension sociale du livre et de la lecture chez les enfants.
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The Vicar , the Nobleman, and the Peasant: About a Book and its Readers
Henning Hansen
pp. 1–30
AbstractEN:
This article centres around a volume of sermons and its three documented owners. The book first belonged to a vicar, then to a nobleman, and finally to a farmhand. The three owners all left marks on the book, and the farmhand wrote a remarkable passage on its last page, detailing his reading of the book. The three owners’ possession of the book spans over a century, 1766–1876, a period that saw people’s reading habits and reading practices transform fundamentally. In this context Sweden, a forerunner in literacy development, constitutes a particularly interesting example. The journey that this book made provides an insight into provincial book culture and reading practices, and also tells us something about the literacy development of the time. Linking the reading practices to socioeconomic status, the article suggests that the habit of rereading lived on among uneducated readers in the countryside for quite some time.
FR:
Le présent article porte sur un recueil de sermons et sur les trois personnes dont on peut attester qu’elles en ont été propriétaires. Le recueil appartint d’abord à un vicaire, puis à un noble et, enfin, à un ouvrier agricole. Ces trois propriétaires y laissèrent des traces, l’ouvrier agricole, notamment, ayant consigné de remarquables notes lecture à la dernière page du livre. À tour de rôle, ils eurent le recueil en leur possession durant plus d’un siècle, de 1766 à 1876, période qui vit les habitudes et pratiques de lecture se transformer en profondeur. La Suède, précurseure en matière de littératie, constitue en cela un exemple particulièrement intéressant. En effet, les « pérégrinations » du recueil donnent à voir quelles étaient la culture du livre et les pratiques de lecture en province, tout comme elles sont révélatrices des progrès sur le plan de la littératie. En établissant des liens entre pratiques de lecture et statut socioéconomique, l’article révèle entre autres que la relecture fut durant longtemps chose courante, à la campagne, chez les lecteurs peu scolarisés.
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The Finnmark Library: A Scholarly Library in “Ultima Thule”
Geir Grenersen
pp. 1–35
AbstractEN:
Finmarksbibliotheket (“The Finnmark Library”) was established in the municipality of Vadsø in 1892, by central representatives of the town. It was intended to be a systematic collection “of books and manuscripts related to the history, ethnography, language, natural history, and statistics of Finnmark County,” especially “to collect everything written about the Sámi.” Its stock increased steadily, and in 1926 the library moved into its own building. In the same period, the assimilationist (Norwegianization) policy against the Sámi and Kven (Finnish population in Norway) was in its most intense phase, and the printing of Sámi and Kven books was restricted. This article explores the paradox that a library representing a pluralistic view of language and culture was established by administrators of an assimilationist policy. What role did the library play in the Norwegianization policy? Can the profile of the book collection tell us what kind of library it was?
FR:
La Finnmarksbiblioteket (soit la bibliothèque de Finnmark) fut fondée dans la commune de Vadsø en 1892 par des notables de l’endroit. Elle devait voir à recueillir de manière systématique « les livres et manuscrits sur l’histoire, l’ethnographie, la langue, l’histoire naturelle et les statistiques relatives au comté de Finnmark », et plus précisément « tout écrit à propos de la langue same ». La collection s’enrichit au fil du temps, si bien qu’en 1926, la bibliothèque eut droit à son propre bâtiment. Au même moment, la politique d’assimilation (ou « norvégiennisation ») à l’encontre des langues same et kvène (parlée par la population finnophone de Norvège) atteignait son paroxysme, de sorte que l’impression d’écrits dans ces langues était limitée. Le présent article explore le paradoxe que constitue cette bibliothèque, fondée par des gens qui devaient voir à l’application de la politique d’assimilation, et qui en vint à réunir une collection représentant une vision plurielle de la langue et de la culture. Quel rôle joua‑t‑elle durant les années où la politique d’assimilation fut en vigueur? Que révèle sa collection quant au type de bibliothèque qu’était la Finnmarksbiblioteket?
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Norwegian Broadside Ballads and the Collecting Practices of Thorvald Boeck
Yuri Cowan
pp. 1–28
AbstractEN:
In nineteenth‑century Norway there were, as there had been in Britain, a few forward‑thinking collectors who even in the earliest days of the formation of the modern Norwegian nation recognized that cheap, ephemeral documents of street literature like broadside ballads would someday be worth preserving, as significant witnesses to the printing history, local history, everyday reading, and popular culture of their time. One of the largest such collections of so‑called “skillingsviser” formed part of the library of the jurist Thorvald Boeck (1835‑1901), whose large and inclusive collection of Norwegian belles lettres and general literature remained intact after his death and is now an important part of the Gunnerus rare book library in Trondheim.
The ballads represented a kind of history from below, since their annotations on these ballads preserve personages and small incidents from local history that might otherwise have been forgotten. They also represented a kind of print culture that was at once ubiquitous and, because disposable, in danger of being lost. And yet it took a certain kind of foresight to recognize the value of these printed objects, and to preserve them. Drawing on comparative study with Norwegian, Danish, and English collectors; on the memoirs of bookdealers and literary writers of the time; and on the still more material witness of provenance notes, marginalia, and bookplates on the extant ballads themselves, this article works to characterize the motives and collecting practices that led to the ballads’ inclusion in Boeck’s great private library.
FR:
Il y avait, dans la Norvège du xixe siècle, comme cela avait été le cas en Grande‑Bretagne, quelques collectionneurs visionnaires qui, alors même que la Norvège moderne en était à ses tout débuts, pressentaient que les documents bon marché et éphémères formant la littérature populaire, dont les ballades, valaient la peine d’être préservés, car ils constitueraient dans l’avenir des témoins importants de l’histoire de l’imprimé, de l’histoire locale, des pratiques de lecture et de la culture populaire de leur époque. L’une des plus imposantes collections de ce qu’on appelle skillingsviser se trouvait dans la bibliothèque du juriste Thorvald Boeck (1835‑1901). Cette bibliothèque, connue en outre pour sa collection très exhaustive de belles‑lettres norvégiennes et de littérature générale, fut conservée en l’état après le décès de son propriétaire et constitue de nos jours une part importante de la bibliothèque Gunnerus de livres rares, à Trondheim.
Les ballades incarnaient en quelque sorte une histoire écrite par les classes populaires, puisque les annotations qu’elles y ont laissées perpétuent la mémoire de personnages ou d’incidents appartenant à l’histoire locale qui, autrement, seraient probablement tombés dans l’oubli. Elles représentaient également la manifestation d’une certaine culture de l’imprimé qui, tout aussi répandue fût‑elle jadis, risquait de se perdre, car jetable. Il fallait néanmoins faire preuve de vision pour reconnaître la valeur de ces imprimés et pour choisir de les préserver. Le présent article vise à décrire les motifs et les pratiques de collectionneur qui menèrent à l’inclusion des ballades dans la remarquable bibliothèque privée de Boeck par une comparaison avec d’autres collectionneurs norvégiens, danois et anglais; une analyse de mémoires écrites par des commerçants et des écrivains de l’époque; et la prise en compte de témoins encore plus tangibles que sont les notes sur la provenance, les annotations et les ex‑libris figurant dans les ballades elles‑mêmes.
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Encyclopedias and Nationalism in Denmark: A Study of the Reception of Three Encyclopedias, from Print to Digital
Maria Simonsen
pp. 1–31
AbstractEN:
The publishing of major encyclopaedias in Denmark seldom went unnoticed. Once a publication had started, every single instalment, volume and other anniversaries were reviewed or mentioned in the nationwide newspapers and several aspects were brought up for debate: Was the publishing house able to handle such a major undertaking? What was the price of the publication and who could afford it?
Attention from the press led to more than just debate of the various encyclopedias, it became an important factor in establishing the different encyclopedias as both literary works and markers of national identity. This article centres around Danish encyclopaedias and their reception in the press. The study finds that the reception was marked by one denominator in particular: the national perspective. It argues that this perspective played an important role in establishing several encyclopedias as significant national publications both of their time and legacy.
FR:
Le présent article porte sur les encyclopédies danoises et sur leur réception dans la presse. Il importe de mentionner qu’au Danemark, la publication d’encyclopédies passait rarement inaperçue : une fois la publication lancée, toute nouvelle livraison, chaque fascicule ou volume faisait l’objet d’un article ou d’une critique dans la presse nationale. Parmi les diverses questions sujettes à débat : La maison d’édition serait-elle en mesure de mener à bien un projet de cette envergure? Combien coûtait l’encyclopédie? Ce prix était-il suffisamment abordable?
Au-delà de ces questions ponctuelles, l’attention de la presse aura contribué à ce que les encyclopédies soient perçues à la fois comme des ouvrages littéraires et comme des marqueurs de l’identité nationale. Un dénominateur commun émerge en effet de l’analyse des écrits : la perspective nationale. L’article postule que cette perspective aura joué un rôle déterminant dans la reconnaissance de plusieurs encyclopédies en tant que publications significatives sur le plan national, à l’époque de leur publication et de manière durable.
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Culottes and Warm Pyjamas: Patterns for Home Sewing in Sweden During the Second World War
Gunilla Törnvall
pp. 1–30
AbstractEN:
When restrictions and rationing took effect during the Second World War, home sewing became a necessity for many women. This paper presents and discusses the distribution of paper patterns for home sewing in Sweden during the war years, using the examples of three different pattern magazines. It shows how these magazines conveyed, interpreted, and adapted fashion to home sewers. Despite the fact that such periodicals were bestsellers, they have attracted limited scholarly attention both in media history and in the history of reading. This paper highlights the role of print culture in women’s homemade clothes manufacturing and thus contributes to an often‑neglected part of women’s history.
FR:
Lorsque les restrictions et le rationnement sont entrés en vigueur pendant la Seconde Guerre mondiale, beaucoup de femmes se sont vues obligées de se mettre à la couture. Cet article porte sur la distribution de patrons de papier pour la couture à domicile en Suède pendant la guerre, en prenant pour exemples trois magazines de patrons. Ceux-ci véhiculaient la mode, l’interprétaient et l’adaptaient aux couturières amatrices. Bien que ces publications aient connu énormément de succès, elles ont peu attiré l’attention des chercheurs, que ce soit en histoire des médias ou en histoire de la lecture. L’article illustre le rôle de la culture de l’imprimé dans la confection de vêtements par les femmes et contribue ainsi à valoriser un pan souvent négligé de l’histoire des femmes.
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Storyteller, Stenographer, and Self‑Published Superstar: How Astrid Lindgren’s Multiple Roles in Book Production Created the Lindgren Myth
Malin Nauwerck
pp. 1–37
AbstractEN:
Astrid Lindgren holds a unique position within world literature, yet her enigmatic creative process has for many years been hidden in her impenetrable stenographed drafts and manuscripts. Because Lindgren through her employment at publishing house Rabén & Sjögren acted as her own editor and publisher, these drafts contain the entire creative and editorial – and to date inaccessible – process behind her literary works. With the purpose of unmasking Lindgren’s creative process as visible in her shorthand drafts and typed up manuscripts, this article applies the perspective of sociological editing (shaped particularly by McGann (1983) and McKenzie (1986) and more recently developed and applied for text genetic purposes by for example van Hulle (2008; 2014) and Gabler (2018)) to early results from The Astrid Lindgren Code. Focal points are 1) the secretarial skill of shorthand as the engine in Lindgren’s creative process, and its function in the interplay between the different production roles assumed by Lindgren 2) how the inaccessibility of her manuscripts, as well as the fact that Lindgren as author, editor, and publisher was her own ‘collaborator’ has contributed to reproducing an image of Lindgren as a solitary literary genius, or with Norwegian writer Alf Prøysen’s words, “a solar system of her own”.
FR:
Astrid Lindgren occupe une place unique dans la littérature mondiale, et son processus de création énigmatique est dissimulé depuis de nombreuses années derrières ses impénétrables ébauches et manuscrits sténographiés. Puisque Lindgren, en tant qu’employée de la maison d’édition Rabén & Sjögren, était pour ainsi dire sa propre réviseuse et éditrice, ces ébauches contiennent, dans son entièreté, la genèse créative et éditoriale de son oeuvre, genèse jusqu’ici inaccessible. Avec pour objectif de révéler le processus de création de Lindgren, qui ne se donne à voir que par les abréviations et symboles présents dans ses ébauches et manuscrits dactylographiés, le présent article applique aux résultats obtenus jusqu’à présent dans le cadre du projet « Code Astrid Lindgren » la perspective de l’édition sociologique, telle que développée par McGann (1983) et McKenzie (1986), et plus récemment utilisée en génétique du texte par van Hulle (2008; 2014) et Gabler (2018), entre autres. D’une part, la compétence en sténographie que possédait Lindgren en tant que secrétaire apparaît comme le moteur de son processus de création et l’interface entre les différentes fonctions de production assumées par l’écrivaine. D’autre part, Lindgren apparaît comme sa propre « collaboratrice », puisqu’à la fois autrice, réviseuse et éditrice, ce qui, conjugué à l’inaccessibilité des manuscrits, a contribué à forger son image de génie littéraire solitaire, elle que l’écrivain norvégien Alf Prøysen qualifiait de « système solaire en soi ».
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Modelling Subscription‑Based Streaming Services for Books
Karl Berglund and Sara Tanderup Linkis
pp. 1–30
AbstractEN:
By departing from the Nordic countries, the purpose is to explain and conceptualize how subscription-based streaming services for books operate in the contemporary book trade, and furthermore to discuss what effects these new business models are causing regarding the production, distribution, and consumption of books. A model is proposed that outlines the aspects of streaming services and the relationships to other actors involved. The model illustrates how streaming services affect the entire chain of publishing, and influence the constitution of books in contemporary digital culture. Since audiobooks are by far most popular, the production get altered to suit this format. Streaming services themselves also act as publishers, which makes them powerful. Distributional aspects are both more complex and more important in streaming services than in traditional book retailing. When consumption is transferred to digital platforms, the distributional frame and the final product converge, and consumer data becomes a key source of information.
FR:
À partir du cas des pays nordiques, l’article cherche à décrire et à conceptualiser le fonctionnement des plateformes de diffusion en continu de livres au sein du marché du livre. Il s’intéresse également à l’incidence de ces nouveaux modèles d’affaires sur la production, la distribution et la consommation de livres. Les différents aspects des plateformes de diffusion en continu y sont modélisés, dont les liens entretenus avec divers autres acteurs du livre. Le modèle met en évidence la manière dont ces plateformes affectent toute la chaine de l’édition et influencent la constitution des livres au sein de la culture numérique actuelle. La popularité des livres audios est telle que la production du livre doit se plier aux exigences de ce format. Les plateformes de diffusion en continu elles-mêmes font office d’éditeurs, ce qui leur confère du pouvoir. La distribution est à la fois plus complexe et plus sensible dans ces plateformes que dans le commerce du livre traditionnel. En effet, lorsque la consommation du livre passe par des plateformes numériques, la structure de la distribution et le produit final convergent, et les données clients deviennent une source d’information inestimable.
Varia
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Gwendolyn Moore: The “Ordinary” Translator as Cultural Intermediary
Ruth Panofsky
pp. 1–27
AbstractEN:
This essay draws on archival materials in the Harvest House fonds housed at Queen’s University (Kingston, Ontario) to recover and demystify the nature of Gwendolyn Moore’s formative work in French‑to‑English translation in the years 1970 to 1973. The essay responds to Jeremy Munday’s call to attend to the “ordinary” translator who did not gain prominence but whose work was nonetheless integral to the cultural fabric of her society. In focusing on Moore’s connection with Harvest House publisher Maynard Gertler and studying her role as the trailblazing translator of Yves Thériault and Anne Hébert, the essay argues that she became a key intermediary of cultural exchange in the early 1970s, when the Canadian government was yet in the process of formalizing a program of arts translation grants under the aegis of the Canada Council for the Arts. In essence, before translators had acquired professional standing within literary Canada, Moore conducted herself as a professional.
FR:
Cet article, qui s’appuie sur le fonds d’archives d’Harvest House conservé à l’Université Queen’s (Kingston, Ontario), vise à mettre en lumière et à démystifier le parcours de Gwendolyn Moore, traductrice du français à l’anglais, entre 1970 et 1973. Il répond aussi en quelque sorte à l’appel lancé par Jeremy Munday, invitant à se pencher sur le travail de la traductrice « ordinaire », qui, sans avoir atteint la notoriété, n’en a pas moins produit une oeuvre s’inscrivant dans le patrimoine culturel de sa société. Par le rapport qu’entretenait Gwendolyn Moore avec Maynard Gertler, éditeur fondateur d’Harvest House, et la dimension avant‑gardiste de son travail sur l’oeuvre d’Yves Thériault et d’Anne Hébert, la traductrice fut une intermédiaire culturelle de premier plan au début des années 1970, alors que le gouvernement canadien n’avait pas encore officiellement lancé son programme d’aide à la traduction littéraire, sous l’égide du Conseil des arts du Canada. En définitive, avant même l’acquisition par les traductrices et les traducteurs d’un statut officiel au Canada, on pouvait déjà qualifier Gwendolyn Moore de professionnelle de la traduction.