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Introduction

L’évaluation sommative fait état d’une démarche de mesure de la performance des élèves (De Ketele, 2006). Ainsi, l’enseignant atteste des compétences et des connaissances des élèves en réalisant un bilan des éléments récoltés lors des séquences d’apprentissages déterminées par le cursus scolaire (Mottier Lopez et al., 2016). Le degré d’acquisition des savoirs est reflété par une note ou par une appréciation (De Ketele, 2006) acquérant un statut central dans le parcours des élèves. En effet, bien que la démarche sommative ait pour but de dresser un bilan des acquis selon les objectifs d’apprentissage (De Ketele, 2006), l’interprétation de la note ou de l’appréciation obtenue par les élèves révèle un enjeu majeur dans la considération des ressentis inhérents au contexte scolaire. Du point de vue des élèves, l’évaluation sommative peut être uniquement perçue par le biais du résultat obtenu et donc devenir vectrice de sanction ainsi que de jugement, notamment durant l’adolescence où le regard et la comparaison entre pairs revêtent un caractère stressant (Waters et al., 2014). L’évaluation sommative s’ajoute alors aux nombreux stresseurs présents dans le quotidien des adolescents, alimentant de multiples problèmes liés à l’école, à l’avenir, aux relations avec les parents ainsi qu’avec les pairs (Waters et al., 2014).

L’appréhension de la mauvaise note liée aux évaluations sommatives ainsi que ses conséquences sur la charge de travail renforcent la pression académique stressante subie (Leipold et al., 2019). En réponse à cette menace conscientisée, les adolescents tentent souvent de déployer des efforts cognitifs et/ou comportementaux amenant à la gestion (ou coping) des événements perturbateurs (Lazarus & Folkman, 1984). Parmi toutes les stratégies de coping possibles, certaines ne sont pas forcément adaptatives[1] selon la situation, chaque élève utilisant fréquemment le même type de stratégies qu’il maîtrise ou qu’il pense être efficace. Par ailleurs, le sentiment d’efficacité personnelle (SEP) est lié aux stratégies de coping et, donc, varie avec les choix effectués pour faire face aux menaces (Freire et al., 2020). En effet, le SEP, issu de l’addition entre sentiment de compétence et valeur perçue du résultat (Bandura, 1997), est intimement lié au stress et au coping. Il est aussi bien corrélé avec le type de stratégies de coping mises en place par les adolescents (Litman & Lunsford, 2009) qu’avec leur niveau de performance lors des évaluations sommatives (Zimmerman, 1995).

La présente étude considère le lien entre le SEP, le stress et les stratégies de coping dans le cadre des évaluations sommatives chez les élèves du secondaire. Elle contribue à l’approfondissement initié par de précédentes études (Devonport & Lane, 2006; Mete, 2021) en y intégrant les relations entretenues entre les stratégies de coping, leurs rapports avec le SEP et les incidences que ces stratégies peuvent avoir sur le stress ressenti lors d’une évaluation sommative. Au travers des réponses autorapportées par les élèves, la recherche entreprise ici tente de mettre en exergue l’importance des stratégies de coping déployées au sein de la population adolescente du secondaire dans le cadre général des évaluations sommatives. Le défi est principalement de mieux appréhender cette problématique pour, notamment, accompagner les enseignants dans l’évolution de leurs pratiques évaluatives par la considération de ces défis pour les élèves. L’objectif serait d’aboutir à une réduction des conséquences négatives pour les élèves et à un meilleur soutien aux apprentissages.

Cadre conceptuel

Le stress dans le cadre des évaluations sommatives

Selon la définition de Lazarus et Folkman (1984), le stress est une transaction particulière entre une personne et l’environnement, évaluée comme excédant les ressources de la personne ou comme une menace pour son bien-être. Chez les adolescents, les facteurs de stress sont particulièrement nombreux, notamment dans leur contexte socioculturel (Leipold et al., 2019). En considérant l’école comme un lieu central dans la vie des adolescents au regard du temps passé entre ses murs, il est prévisible que la plupart des stresseurs quotidiens proviennent des relations entre pairs, des soucis liés à la note, de la pression des travaux scolaires, ou encore, des conflits avec les parents et avec les enseignants à propos du parcours scolaire (Murberg & Bru, 2004).

Les performances scolaires sondées au travers des évaluations sommatives et du bilan réalisé par l’enseignant sont l’un des éléments apportant du stress dans le quotidien des adolescents (Pascoe et al., 2020). Un grand nombre d’élèves se déclarent stressés tant les attentes scolaires et sociales sont fortes (Leipold et al., 2019), oppressantes et connues pour être déterminantes dans un système de méritocratie scolaire (Morales-Castillo, 2023). En effet, l’évaluation sommative rend compte des acquis des élèves face aux objectifs et aux attentes scolaires au travers d’une mesure prenant la forme d’une note ou d’une appréciation (De Ketele, 2006). L’évaluation sommative devient une donnée essentielle à l’estimation du niveau scolaire, pouvant devenir un critère déterminant pour la poursuite de la scolarité, pour l’obtention de diplômes (Gelhaar et al., 2007) et donc, pour le parcours professionnel. L’attribution d’une mauvaise note tout comme l’augmentation du nombre d’évaluations et de leur difficulté, en lien avec le passage au secondaire, revêtent alors le statut de prédicteurs du stress ressenti (Duckworth et al., 2012; Waters et al., 2000). Ce nouveau statut acquis par les performances scolaires (Murberg & Bru, 2004) influence l’adaptation émotionnelle et comportementale des élèves (Morales-Castillo, 2023). De plus, les performances sont d’autant plus vectrices de stress dans un contexte de compétition et de jugements de valeur entre les élèves (Gustems-Carnicer et al., 2019; Posselt & Lipson, 2016).

Les stratégies de coping adoptées par les adolescents

Le coping renvoie aux réactions et aux stratégies individuelles mises en place pour faire face aux évènements stressants (Lazarus, 1966). Ces stratégies sont issues d’un ensemble de réflexions et de comportements spécifiques à la situation vécue. Ainsi, le coping regroupe les efforts cognitifs et comportementaux fournis dans l’optique de gérer les expériences évaluées comme menaçantes ou excédant les ressources de l’élève (Lazarus & Folkman, 1984). Ce processus dynamique peut évoluer avec le temps, selon les demandes spécifiques et selon l’appréciation de la situation par l’élève (Zimmer-Gembeck & Skinner, 2016). Cette évaluation dépend de la transaction ininterrompue entre l’élève (avec ses caractéristiques et son vécu propres) et les situations spécifiques dans lesquelles il se trouve. Dans ce processus, l’évaluation primaire lui permet de déterminer l’importance que revêt la situation rencontrée ainsi que sa nature (perte, menace, etc.) afin d’anticiper l’impact qu’elle peut avoir (Bruchon-Schweitzer, 2001). L’évaluation secondaire, quant à elle, recense les ressources disponibles pour faire face à la situation en vue de donner la réponse la plus efficace possible (Bruchon-Schweitzer, 2001). Selon l’issue, l’élève réévaluera la situation pour adapter ou non la stratégie choisie. La figure 1 illustre ce processus.

Figure 1

Étapes et déterminants des stratégies de coping

Étapes et déterminants des stratégies de coping
Bruchon-Schweitzer, 2001, p. 74

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Une distinction peut être faite entre les stratégies de coping adoptées, certaines étant plutôt orientées vers le problème perçu et d’autres sur les émotions ressenties (Gurvich et al., 2021). Une stratégie centrée sur le problème permet une orientation vers la tâche à réaliser afin de résoudre le problème. Elle donne aussi l’occasion de chercher activement à minimiser les effets de la situation sur la personne. À l’inverse, une stratégie centrée sur les émotions sera dirigée vers la personne elle-même au travers de la préoccupation personnelle, de la réponse émotionnelle et des réactions affichées (Cho et al., 2020). Les orientations vont, de cette manière, vers une externalisation ou vers une internalisation du stress via les actions et/ou les cognitions entreprises (Ebata & Moos, 1991). Outre cette distinction, il faut ajouter les notions d’approche et d’évitement (Stanislawski, 2019). L’approche considère une centration sur la menace (stratégie d’approche centrée sur le problème) et la perception de la personne quant à cette dernière (stratégie d’approche centrée sur l’émotion). L’évitement est défini par un éloignement (stratégie d’évitement centrée sur le problème) ou par le déni de la situation (stratégie d’évitement centrée sur l’émotion) (Ebata & Moos, 1991; Roth & Cohen, 1986). Si la centration sur le problème ou sur l’émotion définit l’orientation donnée au coping, cette caractéristique supplémentaire (approche/évitement) concerne la méthode de coping utilisée (Roth & Cohen, 1986). Sur le plan de l’efficacité, l’approche semble globalement montrer des résultats plus positifs que l’évitement concernant les stresseurs scolaires ou provenant des relations interpersonnelles (Posselt & Lipson, 2016). Cependant, tel que l’indique le tableau 1, Roth et Cohen (1986) nuancent ceci en explicitant les avantages et les coûts pour chaque type de stratégie.

Tableau 1

Coûts et avantages potentiels de l’approche et de l’évitement

Coûts et avantages potentiels de l’approche et de l’évitement
Roth & Cohen, 1986, p. 817, notre traduction

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Si l’évitement peut être utile à court terme pour amoindrir le stress et l’anxiété, l’approche sera préférée pour engendrer sur le long terme une action adéquate dans une optique de changement de la situation (Roth & Cohen, 1986; Stanislawski, 2019). L’évitement peut également faciliter l’utilisation de stratégies d’approche à long terme en réduisant le stress immédiat ressenti.

Dans une période de transition telle que l’adolescence, le développement de stratégies de coping est critique et se concentre essentiellement sur les stresseurs scolaires (Zimmer-Gembeck & Skinner, 2016) qui constituent les inquiétudes principales des élèves (Feld & Shusterman, 2015; Henriksson et al., 2019). En effet, le stress induit par le contexte scolaire, notamment via les tâches demandées et la place centrale de la note, amène les élèves à chercher des stratégies afin de limiter les conséquences négatives (abattement, anxiété, etc.). Face à cela, chaque adolescent développe un certain éventail, avec des tendances de coping prédominantes, qui constitue un style de coping propre à chacun, avec des préférences stables concernant les stratégies adoptées malgré l’hétérogénéité des situations vécues (Moos & Holahan, 2003; Roth & Cohen, 1986; Stanislawski, 2019). En outre, l’utilisation des mêmes stratégies dans certains types de situations ne garantit pas leur caractère adaptatif (Holahan et al., 2017), car les caractéristiques dispositionnelles de chacun entrent en jeu (Stanislawski, 2019; Zimmer-Gembeck & Skinner, 2016). De cette façon, en dépit du caractère favorable de certaines stratégies dans une situation donnée, certains élèves persistent à en utiliser d’autres, se raccrochant à une typicité dans un processus de coping encore en développement au cours de l’adolescence (Leipold et al., 2019). Pour cette raison, certaines formes de stratégies de coping déployées sont parfois peu adaptées aux situations vécues. Certains adolescents sont en somme peu flexibles quand il s’agit de choisir une stratégie, rendant par moment leur coping inefficace quant à l’issue de cette même situation (Cheng & Cheung, 2005).

Le sentiment d’efficacité personnelle dans le coping face au stress

Le SEP est défini par Bandura (1986) comme le jugement que les élèves ont sur leurs propres capacités de s’organiser et d’agir pour atteindre une performance donnée. Il faut ajouter à cela le sentiment de la valeur du résultat, c’est-à-dire le sentiment que les démarches engagées aboutiront au résultat espéré (Bandura, 1997). La probabilité d’adoption d’un comportement spécifique réside ainsi non seulement dans la capacité à adopter ce comportement, mais aussi dans les résultats attendus (Deaudelin et al., 2002). De ce fait, le SEP est un facteur à considérer quant aux choix, aux actions, aux efforts, à la persévérance ou encore, à l’adaptation des personnes (Vizoso et al., 2018).

Par son lien avec les performances scolaires et les attentes de résultats formulées par les élèves (Doménech-Betoret et al., 2017; Talsma et al., 2018), le SEP s’inscrit comme un élément corrélé au stress scolaire (Bandura et al., 2003). C’est donc un paramètre à prendre en compte dans la compréhension de ce stress et du coping. En effet, la vigilance de l’apprenant quant aux menaces potentielles d’une situation scolaire est influencée par l’appréciation du vécu, dont le SEP est un élément déterminant (Bandura, 1991, 1995). En clair, le SEP est à considérer comme un paramètre entrant en ligne de compte dans le ressenti du stress chez les élèves ainsi que dans leur conduite face aux tâches évaluatives, dans leur motivation, dans leur engagement, dans leur persévérance et dans leurs réactions. (Bandura, 1995; McGeown et al., 2014).

La relation entre le coping et le SEP général a, entre autres, été explorée dans le domaine médical par Amirshamsi et al. (2022). Les résultats de cette étude soulignent un lien modéré entre les stratégies de coping et le SEP face à la maladie, faisant une différenciation entre stratégie d’approche (corrélation positive) et évitement (corrélation négative). Dans le domaine scolaire, ce même lien a permis d’établir que l’utilisation des stratégies d’approche par les étudiants universitaires était liée à un excellent SEP général (Freire et al., 2020). Le SEP est ainsi intimement corrélé à la confrontation aux stresseurs quotidiens des apprenants, incluant la gestion des activités scolaires ou encore la pression amenée par les pairs (Bandura et al., 2003). Cela se confirme dans l’enseignement secondaire, et plus particulièrement dans l’étude des sciences, quand est considéré le poids significatif des stratégies de coping et du SEP lié à l’apprentissage sur l’estime de soi (Mete, 2021).

Le développement du SEP repose principalement sur quatre sources d’information (Bandura, 1977). Les accomplissements de performance constituent la source principale de ce sentiment. Ils témoignent de la capacité de l’élève, se forgeant au fil des succès et des échecs, notamment grâce aux efforts et à la persévérance dont il fait preuve (Palmer, 2006). Le renforcement de ce sentiment d’accomplissement amène une réduction des impacts négatifs (abandon, colère etc.) en cas d’échec (Cunnien et al., 2009). La deuxième source est la persuasion verbale qui se compose d’informations formulées par autrui (généralement, les enseignants et les parents) sur la capacité d’un élève à réussir et la confiance en ses habiletés (Bandura, 1997; Kleppang et al., 2023). Ensuite, les expériences vicariantes variées sont une source qui émane des pairs durant l’apprentissage. En observant ses camarades, par exemple leurs comportements, et les réactions de l’enseignant, l’élève obtient, par comparaison, des informations sur ses propres capacités (Kleppang et al., 2023). Enfin, l’état physiologique et émotionnel, s’il est positif, permet d’utiliser les tensions émotionnelles personnelles dans un but de dépassement en renforçant le SEP (Harwood & Thrower, 2020). Par leur nature liée à la réalisation des tâches dans un contexte social, ces sources sont particulièrement pertinentes pour favoriser le SEP dans le cadre des évaluations via, par exemple, ses propres succès et ses propres échecs, mais aussi via ceux des autres (Roseth et al., 2008). Le SEP est donc dépendant des performances actuelles, mais également antérieures, des élèves (Beattie et al., 2015; Van Dinther et al., 2011).

La figure 2 présente les composantes prises en compte dans notre étude et leurs relations. Nous tentons tout d’abord de décrire les styles de coping prédominants chez les adolescents du secondaire dans le cadre des évaluations sommatives. Pour cela, l’étude se concentre sur les stratégies de coping et les corrélations entre elles. Nous posons l’hypothèse de deux styles de coping, l’un favorisant les stratégies d’approche et l’autre favorisant les stratégies d’évitement. Ensuite, nous souhaitons constater le caractère adaptatif de chaque style. Dans cette idée, les effets des styles de coping sur le stress ressenti sont mesurables par des régressions linéaires. Nous pensons que le style favorisant les stratégies par approche sera adaptatif, contrairement à un style favorisant l’évitement. Enfin, la littérature ne trouvant pas de réel consensus sur la direction des liens entre SEP et agissements en cas de stress (Devonport & Lane, 2006; Freire et al., 2020; Mete, 2021), nous préférons centrer nos analyses sur les corrélations entre les concepts. Cela nous permet de mieux comprendre dans quelle mesure les styles de coping peuvent influer sur le SEP et si, réciproquement, le développement du SEP, par la pratique des enseignants, par exemple, peut orienter vers les styles de coping les plus adaptatifs (avec l’hypothèse que les stratégies d’approche soient plus adaptatives dans notre contexte). Par cela, nous cherchons non seulement à faire une étude des liens entretenus entre SEP et coping dans ce contexte, mais également à fournir des clés de compréhension ayant un impact sur la pratique professionnelle en classe.

Figure 2

Les stratégies de coping, leur lien avec le SEP et leurs effets sur le stress dans le cadre des évaluations sommatives

Les stratégies de coping, leur lien avec le SEP et leurs effets sur le stress dans le cadre des évaluations sommatives

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Méthodologie

L’approche épistémologique

La méthodologie quantitative adoptée au cours de cette recherche a donné accès à la réalité vécue par l’échantillon étudié. Elle permet de donner accès à des variables uniquement mesurables par le biais de réponses autorapportées reflétant la subjectivité de l’expérience des participants. Cela conduira par la suite à une meilleure compréhension des enjeux inhérents au vécu de l’échantillon étudié.

Par conséquent, la récolte des données est sujette aux nombreux phénomènes environnementaux et personnels apportés par l’environnement et par les croyances des personnes. De ce fait, l’étude présentée s’inscrit dans une approche post-positiviste, par la considération des phénomènes extérieurs à cette recherche, indissociables des données et influençant les résultats (Battistella et al., 2019).

Le contexte et les participants

La passation du questionnaire ad hoc élaboré pour cette recherche s’est déroulée en Suisse dans des établissements francophones du secondaire I (trois dernières années de l’école obligatoire). Elle a été réalisée en ligne lors d’un cours au sein de l’établissement scolaire des participants. Le logiciel LimeSurvey a garanti leur anonymat. Les 660 participants sont des élèves dont l’âge moyen est de 13,7 ans (É-T = 1,0). L’échantillon, réparti dans les différents niveaux d’exigences (filières) du secondaire, est composé de 308 filles, 343 garçons et 9 élèves non binaires.

Le stress rapporté en contexte d’évaluation sommative

Le stress ressenti par les élèves dans le cadre des évaluations sommatives est ici rapporté via un questionnaire inspiré du Educational Stress Scale for Adolescents (ESSA) de Sun et al. (2011) et adapté au contexte étudié dans la présente recherche. Le degré d’accord des élèves est mesuré au moyen d’items de type Likert avec une échelle allant de 0 (Jamais vrai) à 4 (Vrai la plupart du temps). Dans une approche par comité (Sovet et al., 2021), les 16 items permettant la mesure des cinq composantes ont été traduits de manière indépendante par un expert bilingue en psychopédagogie et par un spécialiste bilingue des sciences de l’éducation. Les traductions ont par la suite été comparées pour observer les écarts et affiner la formulation des items. La qualité des adaptations contextuelles a été garantie, lors de cette étape, en veillant au vocabulaire employé, à la formulation et aux défis de compréhension des items.

Afin de comprendre la part de variance expliquée par les variables observées, nous avons réalisé une analyse en composantes principales (ACP). Avec la version 28 du logiciel SPSS, nous avons tout d’abord vérifié les corrélations entre les variables à l’aide d’un test de sphéricité de Bartlett accompagné du test Kaiser-Mayer-Olkin (KMO). Le test de sphéricité de Bartlett s’est révélé significatif avec un indice KMO qualifié de bon (KMO = 0,88). Le diagramme d’éboulis (scree plot) confirme un modèle à cinq composantes expliquant 63 % de la variance totale des items. Les items du questionnaire provenant du même domaine conceptuel, nous avons opté pour une rotation oblique (Promax, kappa = 4) pour permettre les corrélations entres les composantes. Les saturations des items après rotation sont toutes comprises entre 0,40 et 0,88 et sont détaillées dans l’annexe A.

Les corrélations entre les différentes composantes ont permis de mettre en exergue leur degré de proximité. Les coefficients sont modérés, voire forts, et compris entre 0,30 et 0,55. L’annexe B détaille ces corrélations.

La consistance interne des échelles retenues est présentée dans le tableau 2. Nous présentons également la consistance interne pour le score global, celui-ci étant exploitable selon Sun et al. (2011).

Tableau 2

Échelles de l’ESSA et consistance interne

Échelles de l’ESSA et consistance interne

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Dans le but de confirmer la structure avancée, nous avons effectué des analyses factorielles confirmatoires (AFC). En utilisant le logiciel AMOS et en s’appuyant sur la démarche décrite par Sharma et al. (2005), le χ2/ddl, qui est un bon score dans le cas où il est inférieur à 3,0 et acceptable s’il est inférieur à 5,0 (Kline, 2023; Marsh & Hocevar, 1985), a été retenu comme indicateur de qualité. L’indice de Tucker-Lewis (TLI), dont la qualité d’ajustement doit être supérieure à 0,90, la racine carrée de l’erreur quadratique moyenne de l’approximation (RMSEA - Root Mean Square Error of Approximation), dont l’erreur doit être inférieure à 0,05 mais reste raisonnable jusqu’à 0,08 (Kline, 2023; MacCallum et al., 1996), et l’indice d’ajustement comparatif (CFI - Comparative Fit Index), coefficient devant être supérieur à 0,90, ont également été calculés en complément de ce premier indicateur. Les AFC nous ont permis d’obtenir un χ2/ddl égal à 3,43. Le TLI est égal à 0,91, le RMSEA à 0,04 et le CFI à 0,93. Les indicateurs démontrent ainsi que la structure proposée pour le questionnaire adapté à la situation d’évaluation sommative est adéquate.

Les stratégies de coping face au stress ressenti par les élèves

Le Self-Report Coping Scale (SRCS) (Causey & Dubow, 1992) permet d’évaluer les stratégies de coping des élèves. Le SRCS est inspiré, d’une part, des travaux de Roth et Cohen (1986) sur la dichotomie des stratégies entre approche (via la stratégie de résolution de problème qui tente d’appréhender la source du stress ou via la recherche de soutien social en partageant, par exemple, ses ressentis à l’enseignant) et évitement (donnant lieu à la stratégie de distanciation du problème conduisant à un éloignement de la source provoquant le stress, entre autres par le déni). D’autre part, le SRCS s’inspire de l’étude de Ebata et Moos (1991) soulignant la distinction entre internalisation (ensemble des stratégies dirigées vers l’adolescent lui-même, telles que la colère envers soi ou l’inquiétude) et externalisation (stratégies de coping occasionnant l’expression de ses ressentis internes, comme les cris ou la violence verbale, voire physique) du stress. Il est ici question d’évaluer la réponse des élèves à un stresseur spécifique au travers de 34 affirmations regroupées en cinq composantes. Les réponses des élèves, indiquant la fréquence à laquelle ils utilisent une stratégie en situation donnée, sont récoltées par le biais d’une échelle de Likert en cinq points, de 0 (Jamais) à 4 (Toujours). La version française du questionnaire traduite a été validée par Hébert et al. (2007).

Dans l’optique de valider la structure du questionnaire avec notre échantillon, nous avons mené une ACP. L’indice KMO est égal à 0,87 avec un test de sphéricité de Bartlett significatif. Les cinq composantes retenues, confirmées par le diagramme d’éboulis et représentant les cinq stratégies de coping, expliquent 50 % de la variance des données. N’excluant pas les corrélations entre les composantes, nous avons procédé à une rotation oblique Promax (kappa = 4). L’annexe C fait état de la saturation des items après rotation (comprise entre 0,42 et 0,84) pour chacune des composantes. Le tableau 3 explicite, quant à lui, la consistance interne pour chaque échelle retenue.

Tableau 3

Échelles du SRCS et consistance interne

Échelles du SRCS et consistance interne

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Tout comme pour l’ESSA, nous avons entrepris une AFC au moyen du logiciel AMOS afin de confirmer la structure retenue pour le questionnaire. Les indices TLI et CFI sont tous deux égaux à 0,90. L’indice RMSEA est, quant à lui, égal à 0,04, tandis que le χ2/ddl est égal à 2,58. La structure est donc adéquate pour notre recherche.

Le sentiment d’efficacité personnelle en lien avec les évaluations sommatives

Afin de mesurer le SEP des élèves tout en prenant en compte les différences individuelles inhérentes au vécu personnel (Taiwo, 2015), la troisième partie du questionnaire est issue de la General Self-Efficacy scale (GSE) de Schwarzer et Jerusalem (1995). Adapté dans 32 langues, le questionnaire a été largement utilisé au cours d’études dans divers contextes culturels et sociétaux (p. ex., Luszczynska et al., 2005; Schwarzer et al., 1997). Dans sa version originale, il est composé de 10 items dont l’accord se mesure par une échelle de type Likert allant de 1 (Pas du tout vrai) à 4 (Tout à fait vrai). La consistance interne est comprise entre (α = 0,76) et (α = 0,90), selon la langue utilisée pour le questionnaire. Pour obtenir une meilleure distribution des données (Green et al., 1997) et pour respecter un nombre pair d’échelons, l’échelle de Likert, dans le cadre de cette étude, est composée de six points : de 0 (Pas du tout vrai) à 5 (Tout à fait vrai).

Au regard des modifications réalisées pour l’adaptation du GSE, nous avons effectué une ACP en tenant compte des variables observées. L’indice de Kaiser-Meyer-Olkin (KMO = 0,92) est excellent et le test de sphéricité de Bartlett est significatif. Contrairement à la structure du questionnaire original qui ne comporte qu’une composante, le critère de Kaiser (K>1), qui permet de retenir les composantes dont la valeur propre (eigenvalue) est supérieure à 1, tout comme le diagramme d’éboulis suggèrent une structure à deux composantes. La première composante a une valeur propre de 5,1, la seconde ayant une valeur de 1,1. La variance totale des items est expliquée à hauteur de 61 %. En considérant les corrélations entre les variables et leur appartenance à un même domaine conceptuel, nous avons préféré une rotation oblique Promax (kappa = 4). Les 10 items ont tous été conservés et répartis dans les deux composantes selon leur saturation la plus forte après rotation de la matrice des composantes. Les saturations sont toutes comprises entre 0,66 et 0,85 (voir l’annexe D). La première composante regroupe donc sept items et sera nommée ici gestion des difficultés, car elle questionne les répondants sur leur capacité à faire face aux difficultés au cours des évaluations sommatives. La seconde composante est composée de trois items portant sur la réussite de l’évaluation et sur les objectifs de résultats. Nous la nommons ainsi atteinte des résultats escomptés.

Le tableau 4 présente la structure du questionnaire extraite des analyses en spécifiant la consistance interne des deux échelles. La corrélation entre les échelles peut être qualifiée de forte (r = 0,54, p < 0,01).

Tableau 4

Échelles du GSE retenues et consistance interne

Échelles du GSE retenues et consistance interne

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L’AFC conduite pour le questionnaire confirme l’adaptation de la structure proposée dans cette étude. Les résultats de l’AFC montrent que l’indice TLI est de 0,96, le CFI étant égal à 0,97. La valeur obtenue pour l’indice RMSEA est de 0,04. De plus, le χ2/ddl atteint le score de 3,68, score qualifié d’acceptable.

Résultats

Les liens existants entre les stratégies de coping

Tout d’abord, pour mettre en exergue les liens entre les stratégies de coping, le tableau 5 présente les corrélations (coefficient r de Pearson) entre les cinq types de stratégies étudiés.

Tableau 5

Corrélations entre les stratégies de coping

Corrélations entre les stratégies de coping

** p < 0,01

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Ces résultats suggèrent que les stratégies d’approche ne sont pas vraiment indépendantes et qu’elles vont de pair (r = 0,56, p < 0,01). Il en va de même pour les stratégies d’intériorisation et d’extériorisation qui présentent un coefficient de force modérée (r = 0,42, p < 0,01). Les liens entre les stratégies d’approche et d’évitement sont faibles, voire négatifs. Ainsi, dans la situation spécifique des évaluations sommatives, il semble y avoir deux tendances distinctes.

La première, caractérisée par le lien entre les stratégies d’approche, s’oriente principalement sur la menace évaluée par l’élève afin de temporiser les affects et de conduire aux actions appropriées (Roth & Cohen, 1986). Dès lors, favoriser les stratégies d’approche permet le contrôle des stresseurs par la combinaison de l’affrontement du problème et de la recherche d’aide auprès des relations sociales (Freire et al., 2020). L’utilisation du même type de stratégies face à une situation spécifique (ici, l’évaluation sommative) confirme non seulement la cohérence des adolescents dans l’utilisation des stratégies (Stanislawski, 2019), mais aussi leur investissement non pas dans une seule stratégie, mais bien dans un ensemble de stratégies stables pour réduire le stress ressenti par la centration sur le problème rencontré (Daniels et al., 2015; Stanislawski, 2019). De ce fait, les préférences d’approche mises en exergue dans cette situation constituent un style de coping dont la fonction est l’affrontement de la menace (Cho et al., 2020; Moos & Holahan, 2003) en démontrant sans doute une certaine flexibilité dans l’articulation des stratégies mobilisées (individuelles ou en sollicitant le collectif) (Cheng & Cheung, 2005).

La seconde tendance, constituant le deuxième style de coping identifié, favorise l’intériorisation et l’extériorisation des ressentis émotionnels (r = 0,42, p < 0,01), en cherchant alors l’évitement des menaces perçues. Ce style s’oriente donc vers la personne elle-même, vers ses préoccupations et vers ses réactions (Cho et al., 2020). La préférence pour ce style de coping peut provenir de son efficacité, à court terme, sur le ressenti du stress (Roth & Cohen, 1986). Nous pouvons nous attendre à ce que les comportements d’évitement perturbent cependant les actions plus appropriées à la situation et engendrent un manque de recul vis-à-vis des conséquences négatives potentielles (Stanislawski, 2019) telles que les symptômes dépressifs, les troubles du sommeil ou la détresse psychologique (Pascoe et al., 2020). Cette tendance renforce l’idée que les personnes développent et investissent des styles de coping bien que ceux-ci ne soient pas nécessairement adaptés ou efficaces face aux situations rencontrées (Herres, 2015).

En considérant les corrélations faibles mais négatives entre les stratégies d’approche et d’évitement, le fait de tendre vers l’un des styles de coping identifiés dans cette recherche réduit relativement l’investissement de l’élève dans l’autre style. Par conséquent, les styles sont adaptés aux buts recherchés par les adolescents au travers de la distinction entre l’approche et l’évitement de la situation stressante (Stanislawski, 2019).

Les effets des stratégies de coping sur le stress relatif aux évaluations sommatives

L’objectif est ici de mettre en valeur la manière dont les stratégies de coping déployées par les adolescents peuvent prédire le stress ressenti en lien avec les évaluations sommatives. Pour cela, cette partie revient en détail sur les coefficients de détermination obtenus, pour chacune des composantes du stress, à l’aide de plusieurs régressions linéaires multiples. Ainsi, la part de variance du stress relatif aux évaluations sommatives expliquée par les différentes stratégies de coping a pu être déterminée au moyen du R2 ajusté.

Tableau 6

Prédiction (coefficient β) du stress lié aux évaluations sommatives par les stratégies de coping

Prédiction (coefficient β) du stress lié aux évaluations sommatives par les stratégies de coping

* p < 0,05; ** p < 0,01

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Les analyses effectuées suggèrent que les stratégies de coping expliquent une part importante du stress ressenti par les adolescents dans le cadre des évaluations sommatives. Le score de stress relatif aux évaluations sommatives est en effet expliqué à hauteur de 44 % par l’ensemble des stratégies de coping étudiées dans le cadre de cette recherche. Plus spécifiquement, les stratégies de coping montrent une prédiction de la part de variance de chacune des composantes du stress lié aux évaluations sommatives allant de 12 à 45 %.

L’intériorisation se démarque particulièrement des autres stratégies de coping par sa pondération (coefficients bêta (β)) très forte sur le stress (β = 0,66, p < 0,01) mais également sur chacune de ses composantes (0,34 ≤ β ≤ 0,67). Ces pondérations positives importantes peuvent tout d’abord s’expliquer par le caractère non adaptatif de cette stratégie par l’ajout d’une dimension émotionnelle négative à la situation stressante (Compas et al., 2017). Il en ressort ainsi que l’internalisation joue un rôle dans les problèmes émotionnels rencontrés par les adolescents, notamment en contribuant à la solitude, à l’anxiété sociale ou encore, aux affects négatifs (Findlay et al., 2009). Dans une période de développement identitaire telle que l’adolescence, les relations sociales et le soutien qui en découle sont particulièrement capitaux (Perry et al., 2018). Ils apportent la reconnaissance sociale et l’acceptation des pairs, constituants de la sociabilité, l’esprit coopératif et la confiance en soi (Perry et al., 2018; Wentzel et al., 2004). L’intériorisation est ainsi une barrière à l’évolution des compétences sociales de l’élève, qui s’ajoute aux nombreux stresseurs latents d’une période charnière dans le développement de la personne (Matud et al., 2020; Perry et al., 2018), contribuant au passage au stress scolaire et, plus particulièrement, au stress inhérent aux évaluations sommatives (Murberg & Bru, 2004; Seiffge-Krenke et al., 2012).

La résolution de problème, malgré un poids comparativement bien plus faible (β = -0,06, p < 0,05), agit sur la variance du stress lié aux évaluations sommatives en tant que pondérateur négatif. Le fait d’agir directement sur les sources du stress limite ce ressenti dans une volonté de rendre la situation contrôlable par des actions appropriées (Greenaway et al., 2015; Roth & Cohen, 1986). De cette façon, la résolution de problème est favorable à un ajustement de la situation pour assimiler et résoudre les difficultés rencontrées au cours des évaluations sommatives (Greenaway et al., 2015; Roth & Cohen, 1986) à travers l’effort actif d’affrontement, mais aussi par la minimisation des effets négatifs, en reconceptualisant l’appréciation de la situation (Carver & Connor-Smith, 2010). Ainsi, la résolution de problème permet d’agir sur la réduction d’aspects stressants de l’environnement, en particulier la pression des études (β = -0,10, p < 0,01), la charge de travail perçue pour l’évaluation (β = -0,10, p < 0,01) ainsi que l’abattement (β = -0,20, p < 0,01) en limitant leurs impacts sur le bien-être physique et psychique à long terme (Zimmer-Gembeck & Skinner, 2016).

La recherche de soutien social engendre également une faible diminution de certains aspects du stress relatif aux évaluations sommatives que sont l’inquiétude pour les notes (β = - 0,09, p < 0,05) et les attentes envers soi (β = -0,09, p < 0,05). La dimension sociale, par sa complémentarité et par ses liens forts avec la stratégie de résolution de problème, est à considérer comme une stratégie à part entière du coping (Perry et al., 2018; Stanislawski, 2019) et non comme un simple apport additionnel pour le sujet (Stanislawski, 2019). En revanche, le poids non significatif de la recherche de soutien social dans la variance du stress global en évaluation sommative (β = -0,05, n.s.) nuance le lien entre le stress et le soutien social, affirmation avancée par Dwyer et Cummings (2001). En effet, dans le sillage de cette étude, nous pensons qu’il pourrait y avoir un effet limité à la recherche de soutien social en tant que stratégie de coping. Dans le contexte de l’enseignement secondaire, l’importance de la performance scolaire dans la réussite scolaire et professionnelle (Murat & Rocher, 2002), provenant de l’interprétation des élèves quant aux résultats obtenus lors des évaluations sommatives, a fait naître une compétition entre les adolescents (Posselt & Lipson, 2016) qui tend à faire la promotion de soi et l’individualité (Kasser et al., 2007). De là, les adolescents peuvent parfois développer des comportements antisociaux (Butera et al., 2006) qui limitent les potentialités d’apprentissage au travers du collectif et des échanges avec les autres acteurs de l’environnement scolaire (Perry et al., 2018).

Par ailleurs, il est intéressant de constater que les scores de la pression des études (R2 = 0,36; F(2,657) = 183,05; < 0,01) et des attentes envers soi (R2 = 0,45; F(2,657) = 548,89; < 0,01) se démarquent par leurs parts importantes expliquées par les stratégies de coping des adolescents. L’enseignement secondaire est une période durant laquelle les attentes envers les élèves augmentent significativement, apportant une grande pression et une multiplication des attentes liées à la scolarité (Ritchwood et al., 2015; Waters et al., 2000). Ces deux dernières composantes semblent alors pouvoir être plus grandement influencées par un enseignement orienté vers des stratégies adaptatives afin de limiter leur importance dans le ressenti des élèves (Amai & Hojo, 2021).

Les liens entre le sentiment d’efficacité personnelle et les stratégies de coping dans le cadre des évaluations sommatives

Dans le but d’examiner les liens entre les stratégies de coping et le SEP, le tableau 7 indique les coefficients de corrélations entre les deux composantes du sentiment d’efficacité personnelle et les cinq stratégies de coping analysées.

Tableau 7

Corrélation entre le SEP en contexte d’évaluation sommative et les stratégies de coping

Corrélation entre le SEP en contexte d’évaluation sommative et les stratégies de coping

* p < 0,05; ** p < 0,01

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Ces résultats présentent de nouveaux apports dans la relation entre les stratégies de coping et le SEP face aux évaluations sommatives. En effet, en se détachant des prédictions de variances du SEP et de l’estime de soi par certaines stratégies de coping étudiées par Mete (2021), et dans le sillage de Devonport et Lane (2006), notre recherche prend en compte ces deux concepts auprès d’un échantillon d’adolescents de l’enseignement secondaire. Les liens étudiés entre les stratégies de coping mobilisées par les adolescents dans le cadre des évaluations sommatives montrent globalement que les stratégies d’approche sont corrélées positivement avec le SEP. À l’inverse, les stratégies d’évitement (notamment l’intériorisation et l’extériorisation) entretiennent une corrélation négative avec le SEP.

D’une part, cette constatation fait ressortir le lien positif de la résolution de problème (r = 0,40, p < 0,01) et de la recherche de soutien social (r = 0,20, p < 0,01) avec le SEP (Devonport & Lane, 2006; Freire et al., 2020). Dans le sillage de recherches sur le SEP et sur son développement (Doménech-Betoret et al., 2017; Honicke et al., 2023), cette étude démontre l’importance de l’environnement social et de la confrontation aux expériences difficiles (Kleppang et al., 2023). En effet, la stratégie de résolution de problème, par l’engagement de l’adolescent à se confronter aux difficultés, permet d’alimenter l’accomplissement de performance, source majeure du SEP (Bandura, 1997). Réciproquement, l’affrontement de la situation stressante via la stratégie de résolution de problème sera encouragé par l’image que l’adolescent se forge de sa capacité à dissoudre les difficultés (SEP concernant la gestion des difficultés) (Palmer, 2006). Ainsi, la persévérance pour parvenir aux objectifs visés (SEP concernant l’atteinte des résultats escomptés) est en lien direct avec les stratégies de coping en mesure de réduire les conséquences négatives liées aux échecs (Cunnien et al., 2009) et au stress. Par ailleurs, les liens positifs mis en lumière entre la recherche de soutien social et le SEP soulignent une nouvelle fois la dépendance des élèves à l’altérité (Perry et al., 2018; Stanislawski, 2019). La stratégie de recherche de soutien social entretient bien un lien significatif avec le SEP pouvant être attribuable à l’importance de la persuasion verbale et des expériences vicariantes inhérentes à cette stratégie de coping (Kleppang et al., 2023). La persuasion verbale permet notamment d’asseoir le SEP à propos de l’atteinte des résultats escomptés via les informations obtenues par autrui lors des échanges (Kleppang et al., 2023). La recherche de soutien social est également corrélée avec la gestion des difficultés. Ce lien est possiblement issu des expériences vicariantes, sources de comparaisons et d’observations de modèles (Kleppang et al., 2023). Ce processus est bénéfique pour la motivation de l’élève, pour ses méthodes d’apprentissages ainsi que pour sa performance scolaire (Vizoso et al., 2018).

L’intériorisation (r = -0,33, p < 0,01) et l’extériorisation (r = -0,28, p < 0,01) sont corrélées négativement avec le SEP. L’intériorisation est principalement liée à la gestion des difficultés (r = -0,39, p < 0,01). La force de ce lien peut s’expliquer par l’isolement social opéré lors de l’utilisation de la stratégie d’intériorisation. L’élève se trouve alors sans repère ou sans modèle sur lequel se reposer pour obtenir les informations nécessaires à son apprentissage et au développement de ses capacités (Kleppang et al., 2023). Ainsi, l’intériorisation réduit les occasions de participation active, d’apprentissage par l’apport des pairs et de rétroactions, amoindrissant par la même occasion le développement du SEP (Perry et al., 2018). L’extériorisation peut amener à un éloignement social en raison de comportements susceptibles de porter atteinte à autrui. De plus, les tensions personnelles se maintiennent au travers des pensées négatives et provoquent un sentiment de faiblesse face à la tâche qui est préjudiciable au développement du SEP (Pajares, 1997), conduisant irrémédiablement vers une utilisation accrue des stratégies d’évitement. Ainsi, l’utilisation des stratégies d’évitement est directement liée à l’état physiologique et émotionnel des adolescents, donc à leur SEP (Litman & Lunsford, 2009) et vice-versa (Gurvich et al., 2021). Les adolescents entrent alors dans un cercle vicieux qui ne peut être brisé que par de nouvelles stimulations provenant de l’environnement d’apprentissage. Par exemple, des tâches authentiques favoriseront l’application des connaissances et des compétences dans diverses activités dont l’accroissement de la complexité sera indexé au développement de l’élève (Van Dinther et al., 2011).

Conclusion

La recherche menée vise l’observation des liens qu’entretiennent les stratégies de coping adoptées par les adolescents avec le stress relatif aux évaluations sommatives, mais également avec le SEP perçu. Cette recherche veut ainsi apporter un nouveau regard sur les stratégies de coping des adolescents au secondaire. Cette population subit en effet un nombre significatif de stresseurs au quotidien durant la période de développement et de transition entre l’enfance et l’âge adulte. La gestion de ces stresseurs devient donc un aspect qui ne doit pas être négligé pour éviter tout enlisement dans des problématiques émotionnelles et relationnelles. De plus, le contexte des évaluations sommatives reste relativement peu exploré sous l’angle des ressentis des adolescents. Il est donc nécessaire d’investiguer davantage ce terrain par le biais de travaux empiriques.

Il y a plusieurs limites à cette recherche qu’il convient de prendre en compte. Cette étude est de nature transversale, ce qui signifie qu’elle ne permet pas de déterminer une relation causale entre les stratégies de coping, le stress et le SEP associés aux évaluations sommatives. Par ailleurs, le caractère autorapporté des mesures n’a pas été croisé avec des données complémentaires telles que des marqueurs biologiques ou des observations comportementales, pouvant accroître la fiabilité des résultats.

En ce qui concerne les résultats obtenus au travers de cette étude, l’influence significative des stratégies de coping sur le stress ainsi que leurs corrélations avec le SEP des adolescents en contexte d’évaluation sommative confirment le statut déterminant des stratégies lors des événements stressants vécus dans le cadre scolaire et l’importance de leur développement (Zimmer-Gembeck & Skinner, 2016). Ce statut alerte sur la considération à apporter au choix des stratégies en cas de situations stressantes, encourageant le développement de stratégies adaptatives et efficaces selon les demandes environnementales et situationnelles (Amai & Hojo, 2021; Freire et al., 2020).

Il serait donc pertinent de sensibiliser les élèves aux différentes stratégies de coping, notamment au style de coping adaptatif regroupant la résolution de problème et la recherche de soutien social, afin qu’ils puissent mieux gérer leur stress lors des évaluations sommatives. La promotion et l’utilisation accrue d’un style de coping adaptatif engendrera également un meilleur SEP par le renforcement du sentiment de gestion des difficultés et de l’atteinte des résultats escomptés, faisant appel à des sources de développement telles que l’accomplissement de performance, la persuasion verbale et les expériences vicariantes (Bandura, 1977). Cela éviterait par ailleurs un investissement trop conséquent dans un style de coping centré sur l’intériorisation et sur l’extériorisation qui semble ajouter des émotions négatives aux problèmes déjà existants en contribuant à l’isolement social et à la solitude, causant la détérioration de l’état physiologique et émotionnel. Fortes de ces constats, toutes les parties prenantes engagées dans la scolarité des adolescents (pairs, enseignants, parents, etc.) pourraient contribuer à un environnement d’apprentissage préconisant les efforts, les rétroactions et la valorisation de la progression afin de limiter les conséquences négatives (Pomerantz et al., 2005) et de favoriser le développement du SEP.

Il s’avère en somme nécessaire de s’intéresser non seulement aux stratégies de coping adoptées par les élèves dans le cadre des évaluations sommatives, mais aussi à la gestion des autres facteurs entrant en ligne de compte dans le parcours scolaire des adolescents (relations avec les pairs, conflits avec les parents et/ou les enseignants, travaux scolaires, etc.) (Murberg & Bru, 2004). La majeure partie de la vie des adolescents se déroulant dans le cadre scolaire, ces facteurs additionnels de stress deviennent alors centraux dans les considérations et dans les ressentis des élèves. Ils influencent le quotidien des adolescents, car ils sont aussi bien des sources de développement que de pressions et requièrent une gestion assidue dont les conséquences dépendront tout autant du déploiement adapté des stratégies de coping (Seiffge-Krenke et al., 2001). De futures recherches pourraient donc se concentrer sur les liens entre les stratégies de coping et le SEP perçu à travers les différents aspects de la vie scolaire des adolescents au secondaire afin de mieux comprendre leur interrelation et de mettre en exergue d’éventuels facteurs additionnels. Cela pourrait faire émerger des propositions d’environnements d’apprentissages évitant, notamment, les conséquences négatives engendrées par la note et par la compétition scolaire (Murberg & Bru, 2004; Posselt & Lipson, 2016; Roseth et al., 2008).