Recensions

Stephen D. Moore, Decolonial Theory and Biblical Unreading. Delinking Biblical Criticism from Coloniality. Leiden, Boston, Koninklijke Brill NV (coll. « Brill Research Perspectives in Biblical Interpretation »), 2024, vii-133 p.

  • Benoît Désiré Toum

…more information

  • Benoît Désiré Toum
    Université Laval, Québec

Access to this article is restricted to subscribers. Only the first 600 words of this article will be displayed.

Access options:

  • Institutional access. If you are a member of one of Érudit's 1,200 library subscribers or partners (university and college libraries, public libraries, research centers, etc.), you can log in through your library's digital resource portal. If your institution is not a subscriber, you can let them know that you are interested in Érudit and this journal by clicking on the "Access options" button.

  • Individual access. Some journals offer individual digital subscriptions. Log in if you already have a subscription or click on the “Access options” button for details about individual subscriptions.

As part of Érudit's commitment to open access, only the most recent issues of this journal are restricted. All of its archives can be freely consulted on the platform.

Access options
Cover of Le devoir moral, Volume 80, Number 3, 2024, pp. 333-551, Laval théologique et philosophique

Stephen D. Moore propose une analyse approfondie de la théorie décoloniale, visant à mettre en lumière ses distinctions par rapport à la théorie postcoloniale et à en souligner l’importance. Cette étude se divise en trois sections qui examinent diverses formes de colonialité, telles que celle du pouvoir, de l’être et du genre, tout en s’appuyant sur l’Évangile de Marc pour encourager un processus de désapprentissage de la grammaire coloniale. La première section explore l’émergence des théories décoloniales, élaborées par des intellectuels latino-américains tels qu’Aníbal Quijano, Enrique Dussel et Walter Mignolo. Elles se distinguent des théories postcoloniales en s’opposant à une configuration du savoir hégémonique d’inspiration eurocentrique. Contrairement aux théories postcoloniales qui ne se départissent pas des épistémologies occidentales dans leur analyse des dynamiques de marginalisation et d’oppression, la théorie/pratique décoloniale propose de nouveaux concepts critiques et « cosmovisions » qui transcendent les perspectives occidentales. Ainsi, elle rejette l’idée d’utiliser les outils du dominant pour éviter le piège, comme le souligne Moore, de se positionner du côté des opprimés tout en adoptant une pensée épistémique similaire à celle des dominants. Cette première partie met en lumière l’urgence d’une décolonisation nécessaire du savoir dans le domaine spécifique de l’érudition biblique, dont les liens avec la colonialité du pouvoir sont clairement exposés dans cet ouvrage. La seconde partie de l’ouvrage se concentre sur l’applicabilité exégétique de la théorie décoloniale, en particulier la notion de subalternité dans le récit de Marc. Pour commencer, Moore analyse l’herméneutique décoloniale adoptée par certains biblistes qui établissent des liens entre le subalterne de l’Évangile selon Marc et son équivalent contemporain, tout en soulignant des éléments souvent négligés par les interprètes traditionnels (blancs). Ces exégètes remettent en question même la définition du terme subalterne, lequel trouve ses origines dans la pensée européenne, et privilégient plutôt le concept fanonien de « damnés », issu des réalités de l’esclavage et de la colonisation. De plus, Moore identifie dans le récit marcien de la crucifixion ce qui serait perçu comme un acte d’un racisme abominable dans plusieurs sociétés contemporaines, et qui pourtant n’est pas souvent relevé dans l’exégèse eurocentriste. Par la suite, Moore caractérise le récit de Marc comme une « histoire vue d’en bas », dans laquelle les damnés sont omniprésents. Il examine également les exorcismes présents dans cet Évangile et les interprète symboliquement comme « l’expulsion symbolique par l’Israël symbolique de la Rome symbolique de la terre donnée par le Dieu d’Israël et souillée par les Gentils » (p. 83, notre traduction). De plus, le cri de Jésus sur la croix est perçu comme un cri universel de tout « damné », illustrant que la colonialité de l’être constitue un état intolérable. Enfin, Moore s’intéresse au projet décolonial dans l’Évangile de Marc, qui repose sur une décolonisation épistémique visant à apprendre à désapprendre. Il démontre comment Jésus incite ses disciples à se détourner de la grammaire coloniale qui les a façonnés et qui les pousse à adopter une perspective hégémonique malgré leur position marginale. L’auteur souligne également une forme d’incomplétude dans Marc, en particulier son imperméabilité face à la colonialité du genre et l’émergence d’une hiérarchie dans le royaume futur. La troisième partie de l’ouvrage se consacre à la nécessité de désapprendre la décolonisation en exégèse biblique. L’auteur critique le fait que certains penseurs décoloniaux demeurent enfermés également dans une forme de « colonialité du savoir », en adoptant un langage savant et en ne publiant que dans des revues universitaires qui restent inaccessibles à ceux auxquels ces réflexions sont destinées. Moore préconise une approche herméneutique avec le « lecteur ordinaire », similaire à celle mise en oeuvre dans les …