« Trauma that marks almost every passage in the Bible should be attended to » (p. 117). Ce livre nous invite à plonger dans les multiples couches du trauma biblique : les événements historiques, le texte lui-même, ainsi que les effets vécus lors de la lecture des textes bibliques. Alexiana Fry, chercheure postdoctorante à l’Université de Copenhague, s’intéresse au trauma, au féminisme et à la migration dans la Bible hébraïque. Cette monographie explore à la fois divers livres bibliques et diverses méthodologies reliées aux Speech Act theory et Trauma Theories. Le premier chapitre décrit l’herméneutique déployée pour répondre à la diversité des interprétations bibliques par une polyvalence des angles d’analyse. Il prend le temps de décrire les aspects importants des théories du trauma à partir des travaux psychologiques, sociologiques et littéraires. Le chapitre se poursuit par les informations nécessaires à l’initiation à la Speech Act Theory, développée par John L. Austin dans Quand dire c’est faire (1962). Cette théorie souligne qu’une assertion ne peut être réduite à un contenu sémantique puisque les énoncés performatifs produisent quelque chose. Ces théories ne sont jamais présentées par Fry comme une recette à suivre, mais comme des cadres pour penser de manière critique la relation des interprètes aux traumas bibliques. « Trauma gets in-between our neat notions of critical lenses, even creating new ways to view how speech moves between bodies, these words doing potentially different things » (p. 14). Résolument pragmatique, cette approche assume une subjectivité située qui met les exégètes au défi de devenir attentifs à leurs propres réponses affectives puisque le trauma est à la fois dans le texte, et en soi (p. 34). Le deuxième chapitre s’intéresse au corps de la femme abusée et démembrée en douze morceaux en Juges 19 ainsi que l’intertextualité possible en Osée. La thèse doctorale de l’autrice portait sur ce passage biblique. Ce chapitre s’intéresse au corps démembré de cette femme utilisé comme message. Or, ce message n’est pas le sien. La femme reste silencieuse alors que son mari utilise ces membres pour rallier les tribus en guerre. Fry plaide pour garder la complexité des diverses options interprétatives relative à ce passage tout en posant la question des effets éthiques de celles-ci. Le troisième chapitre interprète la rencontre entre Saül et la nécromancienne en 1 S 28 à partir des travaux sur le préjudice moral (moral injury). Il aborde le rapport complexe de ceux qui commettent des actes violents et qui sont aussi victimes de violence. Le préjudice moral est défini comme le résultat d’une violation de la conscience morale ou des conceptions éthiques d’une personne (p. 64). Fry souligne l’ambiguïté de Saül qui est représenté comme roi et prophète de YHWH, mais aussi comme celui qui est rejeté par un Dieu qui lui retire sa capacité d’agir. La relation entre le Seigneur et Saül est décrite comme abusive. Saül est victime, mais il exerce aussi des actions violentes envers d’autres personnages. Le chapitre quatre analyse Qohélet 7 comme une réponse au trauma postcolonial sous le régime perse ; c’est-à-dire se sentir séparé de sa terre, tout en y habitant. Qohélet ne traite pas d’une crise soudaine, mais d’un trauma social qualifié d’insidieux, qui est transmis d’une génération à l’autre. Elle propose de comprendre le mot hebel (souvent traduit par vanité) comme une synthèse d’un trauma dans sa totalité. Si Josué 24 est habituellement présenté comme un récit pour légitimer le rapport à la terre, Fry indique qu’il porte aussi les marques de la souffrance d’avoir été exilé de cette terre. Ainsi Josué devient une manière de reconnecter avec ce qui …
Alexiana Fry, Trauma Talks in the Hebrew Bible. Speech Act Theory and Trauma Hermeneutics. London, The Rowman & Littlefield Publishing Group, Inc., 2023, x-137 p.[Record]
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Sébastien Doane
Université Laval, Québec