Recensions

Suzanne Scholz, ed., The Oxford Handbook of Feminist Approaches to the Hebrew Bible. New York, Oxford University Press, 2021, lii-643 p.[Record]

  • Laurence Darsigny-Trépanier

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  • Laurence Darsigny-Trépanier
    Université de Montréal

L’ouvrage collectif The Oxford Handbook of Feminist Approaches to the Hebrew Bible, sous la direction de Suzanne Scholz, comporte une variété de textes d’exégètes dont les thématiques et les méthodologies varient de l’un à l’autre. Ils sont toutefois répertoriés sous quatre grandes thématiques. La première thématique concerne l’impact de la globalisation sur les études bibliques féministes. On y retrouve le chapitre « Queering Sacred Sexual Scripts for Transforming African Societies » de l’autrice Sarojini Nadar, laquelle s’intéresse à la réception des textes bibliques dans un contexte sud-africain et plus précisément à la réception de la violence misogyne du récit de Jg 19. Nadar explique comment ce texte est devenu un script sexuel qui « produce and sustain heteronormative and heterosexist beliefs that prescribe the limits of sacred sex » (p. 85). Elle distingue trois scripts concernant la masculinité véhiculés à partir de Jg 19. Le premier est celui de la « masculinité vile », dans lequel les violences hétérosexuelles sont jugées préférables aux pratiques homosexuelles entre hommes. Nadar évoque ainsi certaines instances où des chrétiens évangélistes applaudissent des cas de violences homophobes réelles en s’inspirant de leur lecture du récit de Jg 19, où l’acte considéré comme vil est la violence sexuelle envers les hommes, tandis que la violence sexuelle envers la concubine est considérée comme acceptable, voire naturelle (p. 86-88). Le deuxième script est celui de la « masculinité violente ». Nadar s’inspire de J. Cheryl Exum qui soutient que la concubine est violée dans le récit, mais aussi via l’effet du récit — ou comme Exum l’écrit, la concubine est « violée par le crayon » — sachant qu’elle devient l’objet du male gaze du lectorat. Aux propos d’Exum, Nadar ajoute cependant que la concubine serait également violée par la chaire, sachant que la violence qu’elle subit est complètement ignorée — ou du moins rejetée au second plan — par des prêcheurs qui ne s’intéressent à ce récit qu’afin d’exposer le plus grand crime de tous : le viol homosexuel. Par ailleurs, Nadar affirme que la concubine est tout aussi effacée des lectures queer de ce récit, lesquels se concentrent essentiellement sur les hommes en tant que victimes de la masculinité, ce que l’autrice reproche notamment à la lecture proposée par Ken Stone (p. 89-90). Enfin, le troisième script est celui de la « masculinité inviolable », où la violence subie par la concubine est encore une fois ignorée pour faire place à des discussions concernant les règles d’hospitalité. Certaines lectures queer vont avancer que le récit ne présente pas d’objection aux pratiques homosexuelles, mais seulement au viol homosexuel, et ce, sans jamais mettre en lumière le fait que le viol hétéronormatif est, quant à lui, toléré. Ces lectures s’efforcent de rappeler que dans le contexte historique, la vraie victime de ce viol était en fait l’honneur du Lévite, sans considération pour la femme du récit (p. 91). Nadar conclut donc que les lectures homophobes et les lectures queer ont un point commun, c’est-à-dire la tendance à ignorer la violence subie par la concubine pour ne présenter que les hommes en tant que véritables victimes de ces formes de masculinités dans le récit de Jg 19 (p. 92). Dans la section suivante de son texte, Nadar imagine une conversation entre elle-même et la concubine — qu’elle nomme Bathshever, à la suite d’Exum —, une discussion abordant le traitement du corps féminin dans la réception de Jg 19, mais aussi les enjeux féministes contemporains, notamment la nécessité de dépasser les rôles de genres (p. 92-95). En conclusion, Nadar rappelle que les lectures queer ne peuvent pas être faites …