Recensions

Arto Charpentier, Matteo Pagan, Marco Dal Pozzolo, dir., Repenser la nature. Dewey, Canguilhem, Plessner. Paris, Presses de l’École normale supérieure (coll. « Actes de la recherche à l’ENS », 34), 2023, 186 p.

  • Émile Turcotte

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  • Émile Turcotte
    Université Laval, Québec

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Cover of Visages, explorations exégétiques et théologiques, Volume 80, Number 2, 2024, pp. 167-353, Laval théologique et philosophique

Rassemblant neuf contributions réparties en trois sections, cet ouvrage collectif, co-dirigé par Arto Charpentier, Matteo Pagan et Marco Dal Pozzolo, nous donne à réfléchir sur la fécondité de la pensée de John Dewey, Georges Canguilhem et Helmuth Plessner en vue de repenser les rapports entre l’homme et la nature à la lumière de certains enjeux scientifiques, politiques et sociaux du xxie siècle. Ces penseurs furent sélectionnés pour les rapprochements qu’il est possible de faire entre leur philosophie ; rapprochements qui permettraient selon les éditeurs de poser, dans les débats entre naturalisme et antinaturalisme, les premiers traits d’un « alternaturalisme » (p. 12) réaffirmant un certain naturalisme tout en adoptant par le fait même une position autocritique visant à le réformer de l’intérieur. L’originalité d’un tel travail, cherchant à aller au-delà des antinomies, des dualismes et du réductionnisme, repose sur la réunion de trois penseurs qui ne furent jusqu’alors étudiés que deux à la fois. On y retrouve donc des textes qui offrent une lecture croisée de Dewey, de Canguilhem et de Plessner au prisme d’une question ou d’un thème précis ; d’autres proposant une analyse comparative de ces auteurs afin d’en faire ressortir les familiarités ou d’éclairer la pensée de l’un par celle de l’autre. Les étudiants et les chercheurs y trouveront de riches points de rencontre entre ces trois philosophes, eu égard à plusieurs thèmes classiques de la philosophie. Au fil des chapitres, ces thèmes sont intégrés dans une approche historiographique étroitement associée à la biologie et à l’anthropologie. L’individualité est caractérisée par les rapports entre l’organisme et le milieu (Umwelt), rapports eux-mêmes médiés dans le cas de l’être humain par ses valeurs, son langage et ses techniques ; l’organisme vivant doit donc être compris conjointement à partir de la théorie de l’évolution de Darwin et celle de l’Homo faber. Il ne s’agit cependant pas pour les auteurs de ce volume collectif de ramener toute dimension culturelle à la manifestation de faits de nature, mais bien de montrer le jeu dialectique irréductible de co-détermination qui anime le dialogue entre nature et culture, « de ressaisir les activités humaines, sociales et culturelles dans la continuité des dynamiques biologiques et écologiques dont elles sont inséparables, sans pour autant effacer leurs spécificités » (p. 11). Autrement dit, c’est à la fois le rapport de l’être humain à son évolution naturelle et sa capacité à faire sien son milieu par la technique qui font émerger non seulement la difficulté, mais aussi la nécessité de revoir les rapports entre l’être humain et la nature, sans toutefois se complaire dans un geste unilatéral de subordination de l’un à l’autre. On y retrouve, dans la même mouvance, une renégociation des frontières conceptuelles du corps et de l’esprit, de la vitalité et de la mortalité, de la finitude et de l’infinité, permettant de dissoudre d’autres dualismes étanches et, ainsi, de rendre compte de leur possible cohabitation après leur réinscription dans cet ordre naturel maintenant renouvelé. Outre les trois auteurs déjà mentionnés, l’évocation de Kant, Nietzsche, Hegel, Husserl, Foucault et Merleau-Ponty dans plusieurs textes montre qu’une bien plus grande part de la tradition philosophique peut être sollicitée pour répondre aux enjeux soulevés dans cet ouvrage. La première partie, dédiée au naturalisme de John Dewey, offre d’abord à repenser le dualisme corps-esprit à partir du concept de nature, qui permettrait de réunir les positions matérialiste et idéaliste dans l’expérience, comprise comme continuité naturelle. Le chapitre de Heike Koenig (« Repenser les rapports entre la nature et la culture. La révision du problème du corps-esprit chez John Dewey et ses implications pour l’idée de la …

Appendices