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L’auteur, professeur agrégé de philosophie, dirige actuellement l’Institut Philanthropos (Fribourg). Il est un écrivain français catholique salué par les critiques par plusieurs prix et qui s’intéresse spécialement à la question du corps, du salut et à la critique de la technique et du capitalisme industriel. Collaborateur de nombreux magazines, son oeuvre est polyvalente : allant de l’essai au récit, en passant par le théâtre et l’art. À moi la gloire figure parmi ses essais philosophico-théologiques.
Gloire et humilité sont souvent opposées. Cependant, ici, l’auteur tente de redonner ses lettres de noblesse à la gloire de la créature (intimement liée à celle du Créateur), tout en montrant la vanité d’une trop grande humilité. Ainsi, la gloire et l’humilité seraient des clefs essentielles pour comprendre le christianisme et la révélation biblique.
Le livre se divise en trois chapitres. Le premier : « Qu’est-ce que la gloire ? Du désir que j’en ai et de sa légitimité éventuelle », présente la recherche de gloire comme nécessaire dans la vie de l’être humain, même du plus humble. En effet, il est vain cet effort de vouloir renvoyer toute la gloire à Dieu (en a-t-il seulement besoin ?) ou de dédaigner celle qui vient des hommes pour n’accepter que celle qui vient de Lui (ce qui est un véritable problème d’humilité). L’auteur enchaîne ensuite avec une présentation du modus operandi de la gloire : la mienne dépend toujours d’un autre avant moi et d’un autre après. C’est la complémentarité de deux types qui permet la gloire : le héros (celui qui fait) et le poète (celui qui rapporte). Par ailleurs, la gloire se transmet de deux façons : par dédoublement (de héros à poètes, à héros…) ou par redoublement (de héros en héros, et de poètes en poètes). La gloire implique donc nécessairement l’humilité, car une chose n’est glorieuse que si elle est connue, et elle n’est jamais du seul fait de l’individu : on ne peut non plus ignorer la grâce.
Au chapitre 2 (« Le ciel et la terre sont remplis de ta gloire »), l’auteur montre que la gloire est indissociable du péril et de la vulnérabilité, c’est-à-dire de la croix. De plus, il y a dans la gloire un aspect de gratuité irréductible : toute gloire n’est pas nécessairement utile, et tout dans la création, même ce qui est le plus éphémère, manifeste la gloire de Dieu. Cela est d’ailleurs un appel à être (et aussi à paraître) tel que nous sommes, rien de plus ni rien de moins, pour glorifier l’Éternel. C’est cette gratuité de la gloire qui donne sens.
Au dernier chapitre (« La gloire du Ressuscité »), l’auteur s’attarde sur le cas du Ressuscité qui reste franchement décevant en termes de gloire. On dirait même que, par sa résurrection, Jésus cherche à défaire systématiquement une conception trop douillette de la gloire : la résurrection n’est pas la fin des épreuves, mais plutôt le commencement d’une vie nouvelle. La gloire de Dieu, comme celle d’un père, est moins dans la libération de ses enfants que dans leur liberté et l’exercice de leur fécondité propre. En conclusion, le propre de la gloire humaine est de pouvoir reconnaître la gloire des autres espèces ; de devenir un philocosmos comme Dieu est devenu un philanthropos (p. 144).
Ce petit livre (158 p) est un humble essai (peu de notes en bas de page ou de sources, aucune bibliographie, etc.) tiré d’une série de trois conférences données au diocèse de Sion (Suisse) pour le Carême 2019. L’auteur s’excuse d’ailleurs que la glorieuse « randonnée alpestre » dont il rêvait ne soit finalement qu’une « gentille promenade » (p. 12). Il aurait voulu produire une étude doctorale « chiantifique » (p. 11) d’envergure qui aurait rendu justice à ce sujet, mais les circonstances de la vie en ont décidé autrement. Somme toute, cet ouvrage est rafraîchissant et accessible au grand public. Avec le ton agréable et humoristique qu’on lui connaît, l’auteur nous offre un autre livre qui n’a l’air de rien mais qui nourrit la réflexion en profondeur.