Abstracts
Résumé
Le mythe cosmogonique de la Paraphrase de Sem utilise le schéma médio-platonicien de deux Intellects : l’Intellect paternel et l’Intellect démiurge. Il situe cependant l’Intellect paternel à l’origine dans le chaos précosmique, recouvert d’un feu agité et soumis au principe mauvais, l’Obscur. De plus, la succession des Intellects procède selon le mode biologique de l’engendrement. Selon ce modèle la production des Idées ou Formes s’accomplit en deux étapes : 1) lorsque le Pneuma, principe intermédiaire entre l’Obscur et la Lumière, agissant à la façon d’un principe actif stoïcien, chute dans le chaos, l’Intellect qui était inerte reçoit l’impulsion qui le rend actif et produit, avec l’aide du feu, les Idées qui illuminent alors le chaos (2,19-3,29). 2) Lorsque le Sauveur, venu à la rescousse de la lumière du Pneuma, provoque la formation de la Matrice cosmique, l’Obscur s’unit à elle et éjacule son Intellect comme une semence. Il engendre alors le second Intellect en même temps qu’il transfère dans la Matrice les Idées que la Nature utilisera comme des « raisons séminales » pour fabriquer le monde matériel (3,30-6,30a). Traduire et interpréter ces pages exige de tenir compte du contexte philosophique et du vocabulaire technique de l’embryologie de l’époque.
Abstract
The cosmogonic myth of the Paraphrase of Shem uses a Middle Platonist model that postulates the existence of two Minds, the paternal and the demiurgic. But the paternal Mind is located at the beginning in the pre-cosmic chaos, wrapped in restless fire and submitted to Darkness, the evil principle. Moreover, the succession of Minds proceeds according to the biological generative mode. According to this model, the production of Forms or Ideas is achieved in two steps. 1) When Spirit, the intermediary principle between Darkness and Light, falls into the pre-cosmic chaos, it acts as a Stoic active principle and Mind, which was inert, becomes active and is able to shine upon Hades with its fiery Forms or Ideas (2,19-3,29). 2) When the Saviour comes to rescue the fallen light of Spirit, he provokes the formation of the cosmic womb. Darkness has intercourse with it and ejaculates its Mind as seed. It begets a second Mind and the Ideas are transferred at the same time in the cosmic womb. Nature will use them as “rational seeds” to construct the material world (3,30-6,30a). The philosophical context and the embryological terminology of the time must be taken into account to translate and interpret adequately those pages.
Article body
La réputation d’obscurité et d’incohérence qui s’attache à la Paraphrase de Sem (ParaSem)[1] lui vient surtout de son exposé cosmogonique[2]. Encore récemment, on a accusé l’auteur d’incompétence[3]. Nous pensons au contraire que dans cette partie de son exposé, l’auteur présente une suite logique d’épisodes et travaille à partir d’un modèle de l’univers cohérent dont il est important de dégager les principes philosophiques derrière le revêtement mythique de l’expression. Comme dans la physique stoïcienne, l’auteur conçoit l’univers comme un vivant et se sert de l’analogie cosmobiologique pour en expliquer l’origine et le développement[4]. La nature est représentée comme une gigantesque matrice et la formation de l’univers décrite comme un processus embryologique. Dans ses descriptions, l’auteur recourt vraisemblablement aux connaissances biologiques et médicales de son époque, telles qu’on les trouve, par exemple chez Aristote et Soranos d’Éphèse[5]. Pour montrer comment, dans ce cadre, l’auteur se représente la production des Idées, I) nous dégagerons les données philosophiques sous-jacentes à son exposé des premiers principes et analyserons la situation de l’Intellect dans le chaos précosmique (1,36b-2,3) ; II) nous verrons ensuite comment, au moment de la chute de l’Esprit, l’Intellect, rendu actif, illuminera le chaos de ses Idées ou Formes ignées[6] (2,19b-3,29) et III) comment, lors de la première intervention du Sauveur et de la formation de la Matrice cosmique, la Ténèbre, que nous appelons ici l’Obscur[7], s’unira à elle et éjaculera son Intellect comme une semence, pour y transférer les Idées ou Formes que la Nature utilisera comme des « raisons séminales » pour fabriquer le monde matériel. Traduire et interpréter ce récit exige donc de reconnaître, sous les termes coptes, le vocabulaire technique de la sexualité et de l’embryologie de l’époque.
I. Les premiers principes, la situation de l’Intellect dans le chaos et l’harmonie originelle (1,25b-2,19a)
1. Les premiers principes
La révélation que le Sauveur, Derdekeas, communique à Sem, ravi en extase, débute par la mention de la coexistence ab aeterno des trois grandes puissances ou racines au principe de tout ce qui existe :
Il y avait la Lumière et l’Obscur () et il y avait l’Esprit (πνεῦμα) entre eux (1,26-28a).
La description détaillée qui suit cette affirmation initiale du révélateur nous permet de mettre à jour les principes philosophiques qui sous-tendent le modèle de l’univers à partir duquel l’auteur élabore le scénario de sa cosmogonie. Ce modèle se présente comme une adaptation stoïcienne[8] de la tripartition médio-platonicienne des premiers principes[9] dans le but de rendre compte des fonctions respectives du Pneuma et de l’Intellect dans la formation de l’univers :
-
La Lumière « était Pensée ( = ἔννοια), pleine d’Écoute et de Logos ; ils étaient rassemblés en une forme une » (1,32b-36a).
-
L’Obscur « était vent dans des eaux ; il avait l’Intellect (νοῦς) enveloppé de feu agité » (1,36b-2,3).
-
L’Esprit « qui était entre eux était une lumière paisible et humble » (2,4-6a).
Les caractéristiques des deux premiers principes sont tirées de la philosophie stoïcienne. Dans le cas du premier principe, la Lumière, l’auteur transpose à un être transcendant le modèle psychologique tiré de la théorie stoïcienne du processus de la connaissance : selon le mode représentatif, la puissance supérieure est Lumière et s’appréhende elle-même dans une Pensée ; selon le mode discursif, elle est discours intérieur, Écoute et Parole (λόγος)[10]. L’auteur exprime ainsi la coexistence de l’identité et de l’altérité. Mais aussi l’absence de mélange, puisque les propriétés de cette première puissance sont rassemblées « en une forme une » ()[11]. Surtout, ce premier principe n’est jamais décrit comme un Intellect (νοῦς) se pensant lui-même ou comme une Pensée engendrant un Intellect qui contiendrait les idées ou formes des êtres créés[12]. Il est absolument transcendant et n’entre jamais en contact direct avec la création, bien que tout ce qui arrive dépende entièrement de sa volonté.
Le lien avec la création est assuré par le principe médian, l’Esprit (πνεῦμα). En effet, pour sauvegarder l’absolue transcendance de son premier principe, qui est un Logos, l’auteur de la ParaSem a dissocié le Logos du Pneuma, deux termes qui dans le stoïcisme ne font qu’exprimer deux aspects différents du principe actif : l’aspect ordonnateur et l’aspect dynamique. Ce principe possède cependant une lumière inférieure à celle du premier principe, puisqu’elle est dite « paisible et humble » (2,4-6a). À la façon du Pneuma biblique (Gn l,2), il jouit d’une relative transcendance et agit de façon autonome. À l’époque, en effet, et surtout sous l’influence de Posidonius d’Apamée et du platonisme, les philosophes stoïciens considéraient le principe actif comme transcendant, situé à la périphérie de l’univers et constitué du feu le plus subtil et le plus pur, l’αὐγή[13]. Mais ce pneuma, Dieu suprême, continuait d’agir dans l’univers grâce aux éléments empiriques, le feu et l’air. On assurait ainsi son immanence, tout en maintenant une certaine transcendance[14]. Dans notre texte, le Pneuma n’est pas le dieu suprême, et son action dans la création sera interprétée comme une chute. Sa lumière jouera alors le rôle d’un principe actif (τὸ ποιοῦν) agissant sur un principe passif (τὸ πάσχον) dans l’organisation du cosmos.
Le troisième principe est formé de l’Obscur et de ses membres (μέλος), les éléments du chaos précosmique : le vent, l’eau et le feu, celui-ci enveloppant l’Intellect. Ce qui étonne dans cette description, c’est la mention de l’Intellect dans le chaos. Rien pourtant dans le récit ne laisse supposer un acte antérieur d’agression de la part de l’Obscur en vue de s’emparer de l’Intellect ou une chute de celui-ci. On peut supposer que, dans son modèle ternaire d’explication de l’univers, l’auteur a voulu maintenir la fonction démiurgique de l’Intellect avec ses Idées ou Formes, mais que la notion d’un premier principe absolument transcendant et l’insertion d’un principe médian, à la fois transcendant et immanent, agissant à la manière d’un principe actif stoïcien, l’ont amené à inverser le modèle médio-platonicien et à situer l’Intellect dans le chaos.
Le modèle dont il s’inspire est probablement celui de Numénius d’Apamée, mais surtout celui des Oracles chaldaïques[15]. Ces systèmes postulent deux Intellects à l’origine de l’univers[16]. Le premier Intellect ou premier Dieu, qui est une monade indivisible d’où dérivent les intelligibles, est Père d’un second Dieu qui est l’Intellect-démiurge. Ce second Dieu présente un caractère dyadique, selon qu’il est tourné vers le monde des Idées pour les contempler, ou vers la matière pour y introduire les Idées et organiser le monde sensible. En s’unissant à la matière pour l’amener à l’ordre, le second Intellect constitue l’Âme bonne du monde[17]. L’auteur de la ParaSem utilise ce modèle mais l’inverse. Le premier Intellect se trouve situé au point de départ dans le chaos, associé au principe mauvais et « enveloppé de feu agité » (2,2-3). Il construit donc son univers selon un schème vertical, mais à l’inverse du valentinisme, de bas en haut.
Cependant, notre texte se rapproche davantage des Oracles chaldaïques, puisqu’il fait intervenir une entité féminine, la matrice cosmique[18], entre le premier et le second Intellect et décrit leur succession selon le mode biologique de la génération. La formation de l’univers ne se comprend donc plus à partir du monde transcendant des Idées, mais comme un processus de développement selon le modèle embryologique dans lequel le Pneuma joue le rôle de principe actif et les Idées platoniciennes, assimilées aux raisons séminales (σπερματικοὶ λόγοι) des stoïciens, agissent à la façon d’un germe dans la formation du monde matériel[19]. Par ailleurs, l’absence de Formes intelligibles transcendantes rendant inutile la fonction contemplative de l’Intellect-démiurge, notre auteur ne retient pas le caractère dyadique de ce dernier comme chez Numénius ; il décrira plutôt l’engendrement d’un troisième Intellect, l’Intellect-roi, appelé à régner sur l’univers et les puissances cosmiques (21,2-23,8).
2. Le chaos précosmique et la situation de l’Intellect
L’auteur se représente la disposition des éléments du chaos en étages, comme des régions superposées : en haut les eaux et dans les eaux le vent ; sous les eaux le feu agité (cf. 4,18b-21) enveloppant l’Intellect, puis tout en bas l’Obscur[20]. La représentation en étages du chaos précosmique était connue à l’époque. Elle se rencontre dans la cosmologie de Bardesane d’Édesse. Selon Éphrem, dans ses Réfutations en prose, ce philosophe enseignait que les éléments primordiaux ( ou στοιχεῖα) étaient disposés selon la pesanteur : les mauvais, la ténèbre, l’eau et le feu, dans la partie inférieure, puis les bons, le vent et la lumière dans la partie supérieure[21]. On la retrouve également dans les textes de Mani, notamment dans les Kephalaia VI et XXVII[22], et dans l’exposé transmis par Théodore bar Khôni dans son Livre des Scholies : « Le roi des ténèbres réside dans sa terre ténébreuse, dans ses cinq mondes, le monde de la fumée, le monde du feu, le monde du vent, le monde des eaux, le monde des ténèbres[23] ». Selon F. Cumont, Mani n’aurait fait que reproduire une conception courante en Mésopotamie et il renvoie à un traité d’astronomie syriaque du vie siècle publié par M. Kugener. On y enseigne que « sous la terre, se trouve la mer redoutable des eaux nombreuses ; sous les eaux, le feu ; sous le feu, le vent ; sous le vent, les ténèbres ; sous les ténèbres, ne cherche rien[24] ». On peut suivre cette tradition jusque dans le Livre des trésors publié par l’évêque de Tagrit, Jacques bar Schakako. Le dualisme a disparu, mais l’ordre des éléments correspond à celui de la ParaSem : « Des écrivains, rappelle-til, disent qu’il y a sous la terre, une mer ; sous la mer, l’air des vents ; sous les vents, du feu enflammé, et sous le feu, la volonté de Dieu sur laquelle repose le monde[25] ».
On peut donc parler d’une tradition répandue en milieu syriaque qui proposait une cosmologie fondée sur une disposition en étages des éléments primordiaux :
Dans le système de la ParaSem, l’Obscur agit comme une entité autonome, distincte des éléments primordiaux. Il personnifie le mal absolu (2,18 ; 3,9b-11a.13b. 14a.19b-20 ; 10,2.7) et ses traits caractéristiques sont l’ignorance (2,15b-16a.32) et l’orgueil (2,34b-35). Puisque la formation de l’univers est conçue selon le modèle biologique, l’Obscur () est représenté comme une entité mâle[26]. L’eau constitue l’entité féminine. Sous l’action du Feu (4,15-26a), celle-ci sera transformée en Matrice apte à recevoir la semence de l’Obscur, c’est-àdire son Intellect (4,31b-5,2). Associés à l’eau, les vents sont eux aussi de nature féminine. Ils seront pourvus de matrices pour recevoir la semence des démons lors de la formation de l’humanité (cf. 22,4-9a ; 23,9-18a).
Dans le chaos, l’Intellect se trouve « enveloppé de feu agité » (2,2-3). On a ici la jonction de la philosophie stoïcienne et de la philosophie platonicienne. Dans la physique stoïcienne, on imagine l’origine des êtres matériels à partir d’un feu primordial (πρῶτον πῦρ) semblable à une semence (καθαπερεί τί σπέρμα) contenant les raisons d’être (τοὺς λόγους) et les causes de ce qui a été, est et sera (SVF I, 98, 512 ; II, 311)[27]. C’est cette fonction séminale universelle du feu que retient notre auteur (cf. 10,37b-11,6). Mais alors que dans la physique stoïcienne ce feu primordial est un feu artiste (πῦρ τεχνικόν) qui procède par des voies réglées à la génération du monde[28], dans la ParaSem, il est, à l’origine, sujet d’un mouvement désordonné () et constitue, avec l’Intellect, l’âme mauvaise du chaos précosmique[29].
En effet, l’Intellect, qui joue le rôle ordonnateur du logos stoïcien, est totalement inerte (, cf. 3,18b-19) et incapable de produire, à partir du feu les Idées ou Formes (εἶδος = , cf. 3,26b-28a ; 4,16-18a ; 5,3-6a) nécessaires à la production d’un univers ordonné. Il lui faudra d’abord recevoir l’impulsion du Pneuma pour devenir actif (cf. 3,18b-29) et initier le processus de fabrication du cosmos.
Cependant, l’harmonie qui règne à l’origine entre les grandes puissances provient de ce que chacune règne en son royaume. Mais alors que la Lumière supérieure connaît la bassesse de l’Obscur, celui-ci par contre ignore complètement qu’il existe une racine qui lui est supérieure. Tant que l’Obscur reste couvert d’eau et demeure dans son ignorance, l’harmonie règne entre les royaumes (2,7b-19a).
II. La chute de l’Esprit et la formation des Idées (2,19b-3,29)
Le récit de la chute de l’Esprit occupe toute la deuxième partie du mythe cosmogonique. Celle-ci n’est permise par la Lumière supérieure que dans le seul but de séparer l’Intellect de l’Obscur (2,29.33b-34a) et la description qui en est faite se fonde sur la notion stoïcienne de la vision. Le passage se divise en trois épisodes.
1. La rupture de l’harmonie originelle (2,19-28a)
De façon soudaine et sans aucune explication de la part du narrateur, cet état d’harmonie se trouve rompu par l’agitation de l’Obscur[30]. Effrayé par le bruit, l’Esprit « se haussa jusqu’au haut de son lieu, puis il vit une grande eau obscure et fut pris de dégoût. […] Alors, poursuit le texte, la Pensée de l’Esprit regarda en bas () : elle vit la lumière infinie ; mais la racine mauvaise ne se souciait pas d’elle » (2,19b-28a).
Le narrateur dramatise et transpose ici en catégories spatiales le processus d’auto-connaissance par la pensée () qu’il a décrit à propos de la lumière supérieure. Du lieu où il se trouve, l’Esprit peut appréhender par sa Pensée sa propre lumière, décrite plus loin comme infinie (8,26b-27a), et en même temps, puisque l’Obscur est recouvert d’eau, il se rend compte que celui-ci ignore l’existence d’une racine qui lui est supérieure.
De plus, comme le narrateur décrit le dégoût de l’Esprit à la vue de l’eau noire et insiste sur l’ignorance de l’Obscur quant à l’existence d’une racine supérieure, on peut penser qu’il entend réduire au maximum l’aspect fautif de la chute et indiquer qu’il s’agit d’une ruse de la part de la Lumière infinie pour parvenir à ses fins. En se révélant, l’Esprit désire seulement corriger l’ignorance de l’Obscur, mais ce que vise le principe suprême, c’est précisément le mélange de la lumière avec l’Intellect dans le but de mettre en marche le processus de séparation[31].
2. Division de l’eau et montée de l’Obscur (2,28b-33a)
Le principe suprême suscite alors la division de l’eau et l’Obscur, relégué au fond du chaos, monte vers la partie supérieure de son royaume, « revêtu de l’ignorance mauvaise » (2,31b-33a ; cf. 2,15-17a), c’est-àdire revêtu de l’ignorance concernant l’existence d’une racine lumineuse qui règne au-dessus de lui. L’épisode est introduit par la formule « […] par la volonté de la grande Lumière » (2,8b-9). Cette formule et d’autres semblables (cf. 1,5b-6 ; 3,33 ; 4,15 ; 6,2 ; 6,30b-31a ; etc.) introduisent habituellement un épisode et soulignent le fait que tout est programmé par la Lumière supérieure et arrive contre la volonté des puissances inférieures, bien que celles-ci, dans leur ignorance (cf. 24,33 ; 27,1-2b), estiment contrôler le cours des événements.
3. La chute de l’Esprit (2,33b-3,29)
Cet épisode se divise en deux sections : 1) la description de la chute (2,33b-3,18a), et 2) l’effet de la chute sur l’Intellect (3,18b-29).
3.1. Description de la chute (2,33b-3,18a)
Pour corriger l’ignorance de l’Obscur, l’Esprit lui révèle alors sa lumière. L’Obscur s’étonne à la vue de cette puissance supérieure dont il découvre l’existence ; il prend conscience de son obscurité face à la lumière et s’attriste. Dans sa douleur, il fait monter () son Intellect, appelé ici « l’oeil de l’amertume () de la malice[32] » (3,9b-11a) vers les régions supérieures de son royaume et cherche à le rendre semblable à l’Esprit dans une vaine tentative pour s’égaler à lui. Il réussit en partie cependant, puisqu’en se révélant à l’Obscur, l’Esprit a perdu une partie de sa lumière au profit de l’Intellect (cf. 3,11b-13a.26b-29).
C’est que l’Obscur en regardant vers la lumière par son « oeil », a réussi à capturer une partie des rayons lumineux émis par le Pneuma.
Une telle représentation de la chute se comprend à partir de la conception stoïcienne de la sensation. Dans le cas de la vision, il s’établit un lien entre l’oeil et l’objet vu au moyen de la lumière envoyée par la partie directrice de l’âme, l’hègemonikon, qui, à partir de l’oeil, se tend sous la forme d’un cône pour aller rejoindre l’objet à sa base[33]. Mais cet acte de vision opère ici dans les deux sens[34] : le Pneuma regarde par « sa Pensée » et se révèle à l’Obscur ; celui-ci regarde par son « Intellect » et réussit ainsi à capter une partie de la lumière du Pneuma[35].
Sous cet aspect, notre récit se compare à celui rapporté dans les Acta Archelai et attribué à Basilide[36]. Ce texte pose à l’origine deux principes inengendrés : la lumière et les ténèbres. Chacun de ces principes « menait sa vie propre » (vitam agebant quam vellent) et ignorait l’existence de l’autre. Mais cet état d’harmonie s’est trouvé rompu dès que chaque principe fut parvenu à la connaissance de l’autre[37]. Les ténèbres désirèrent s’unir à la lumière comme à quelque chose de meilleur. La lumière, de son côté, n’éprouva que le désir de voir les ténèbres. Elle les regarda, « comme dans un miroir » (velut per speculum), s’en dégoûta[38] (ei displicuerunt) et s’éloigna « n’ayant rien pris des ténèbres ». Quant aux ténèbres, elles ne saisirent qu’une apparence ou un reflet de la lumière. Comme dans la ParaSem, ce récit recourt aux données stoïciennes concernant la vision.
Par contre, le récit de la chute dans la Paraphrase de Seth se présente de façon complètement différente. Comme dans le cas de la ParaSem, le système de ce texte postule la coexistence ab aeterno de deux principes opposés, la Lumière et les Ténèbres, et le Pneuma comme principe médian (Elenchos V, 19, 2). La chute y est toutefois présentée comme un processus naturel : la lumière, comme le soleil, fait naturellement (πέφυκε) descendre ses traits sur les ténèbres qui sont au-dessous d’elle, et de son côté le pneuma (πνεῦμα), qui occupe le milieu, répand en tous sens sa bonne odeur. De telle sorte que la lumière d’en haut et le pneuma intermédiaire se trouvent ensemble (ὁμοῦ) dans l’eau ténébreuse où ils ont été attirés (κατέσπασται). Les ténèbres, de leur côté, font tout ce qu’elles peuvent pour retenir en elles l’étincelle lumineuse et la bonne odeur du pneuma (Elenchos V, 19, 4-5)[39]. Les deux principes sont ici impliqués dans la chute. Aucun motif ne justifie cette chute et il n’y a pas d’agression de la part des ténèbres pour s’emparer des principes supérieurs et les faire chuter dans la matière. Elles tentent seulement de retenir en elles les rayons lumineux et les effluves du pneuma.
3.2. L’effet de la chute sur l’Intellect : la production des Idées (3,18b-29)
Tiré de son inertie par le regard illuminateur de l’Esprit, l’Intellect produit les Idées et illumine le chaos. L’épisode est décrit dans les termes suivants :
1920 212223 2425 26 27 28 29
3 Toutefois, de peur que ne demeurât 19inopérant ( = ἀργός) l’Intellect de l’Obscur 20 — qui était l’oeil de l’amertume de la malice, — 21puisqu’il avait été établi dans une ressemblance 22partielle, il se haussa et bril23la d’une lumière ignée 24sur l’Hadès tout entier, de sorte que fût 25révélée l’homogénéité ( = μονοειδής) de la lumière 26qui est sans déficience. Car l’Esprit 27avait tiré parti de chaque Forme () 28de l’Obscur, puisqu’il s’était mani29festé dans sa grandeur.
Un premier point doit être souligné dans cette description : la situation de l’intellect dans le chaos décrite par le futur III négatif . La concordance de notre traité permet d’établir que (3,18b-19a) est l’équivalent de l’adjectif grec ἀργός[40] qui signifie dans le contexte actuel « improductif, inactif, inopérant, inerte ». C’est un adjectif caractéristique de la philosophie des stoïciens qui l’appliquaient à la matière[41]. Les moyens platoniciens l’ont repris et appliqué également à la matière[42]. On le rencontre également dans le Corpus Hermeticum, à propos de la création des âmes et du zodiaque[43], aussi chez Proclus dans son commentaire sur le Parménide à propos de l’Intellect divin qui doit être considéré comme un véritable démiurge, producteur du monde : « Mais comment celui-là <le νοῦς> reste-til inerte (ἀργὸν) et impuissant, tandis que le ciel qui l’imite montre une telle puissance démiurgique sur les choses au-dessous de lui […][44] ». Tant que l’Intellect n’entre pas en action pour produire le monde avec ses idées, il reste inerte. Il ne s’agit donc pas dans notre texte du danger de destruction que court l’Intellect[45], mais de la nécessité d’un principe actif pour le tirer de son inertie et lui faire produire les idées avec l’aide du feu[46].
C’est pourquoi, lorsque le Pneuma pénètre dans le chaos grâce à son regard lumineux, l’Intellect capte ses rayons et reçoit l’impulsion qui le rend actif, comme le décrit le texte : « il se haussa et brilla d’une lumière ignée sur l’Hadès tout entier » (3,18b-24a). Il s’agit de la lumière projetée par les Formes qu’il a produites en se servant du feu, car, est-il précisé à la fin du passage : « l’Esprit avait tiré parti de chaque Forme de l’Obscur » (3,26b-28a).
Ces « Formes » ou « Idées de feu » produites par le premier Intellect rappellent plusieurs fragments des Oracles chaldaïques. Fortement influencés par la philosophie stoïcienne, ces textes placent au sommet de la hiérarchie divine un « Feu Premier transcendantal » (fr. 5)[47], d’où tout dérive (fr. 10)[48]. Ils l’appellent « Père » (fr. 3, 7, 14)[49], « Intellect paternel » (fr. 39, 49, 108, 109)[50]. Il se contemple lui-même et pense les Idées primordiales ou les Formes, dont il est la « source » (fr. 20, 21, 35, 37, 39, 40, 77, 108)[51]. Les pensées du Père ou Idées sont faites de feu et comparées à des éclairs (fr. 32, 34, 35, 36, 37, 81, 82)[52]. Les rapprochements avec notre texte sont remarquables. Sauf que dans la ParaSem, le système médio-platonicien est inversé et associé au système stoïcien : grâce à l’action du Pneuma sur l’Intellect, c’est d’abord dans le chaos que brillent les idées de feu, avant d’illuminer la matrice cosmique dans une seconde étape. De ce fait, la production des Idées par le premier Intellect est mise en évidence déjà au moment de la chute, alors que le fr. 21 des Oracles, par exemple, affirme simplement que « (le Père) est toutes choses, mais intelligiblement (νοητῶς)[53] ».
Toutefois, la ParaSem rejette l’assimilation du feu et de la lumière. Associée au feu générateur (cf. 4,23b-27a ; 10,37b-11,6 ; 27,19b-21), la lumière qui jaillit de l’Intellect grâce à ses Formes ne peut être qu’une « lumière souillée » (27,9b-13 ; 33,34b-35,3). C’est pourquoi le texte ajoute, pour souligner le contraste entre la lumière de l’Intellect et celle de l’Esprit : « […] de sorte que fût révélée l’homogénéité (pSwS) de la lumière qui est sans déficience » (3,24b-26a)[54]. Mélangée au feu, la lumière de l’Intellect ne peut être homogène, c’est-àdire d’une pureté sans mélange (μονοειδής) comme celle de l’Esprit ou de la Grandeur[55].
III. Première intervention du Sauveur qui se manifeste sous l’aspect de l’Esprit : formation de la Matrice cosmique, engendrement d’un second Intellect et transfert des Idées dans la Matrice (3,30-6,30a)
1. Le Sauveur se manifeste sous l’aspect de l’Esprit (3,30-4,12a)
Ici commence la troisième partie du mythe cosmogonique, qui raconte l’organisation de l’univers et la formation de l’humanité, grâce à différentes interventions du Fils de la Lumière supérieure, Derdekeas (3,30-24,29a). Sa première intervention se divise en sept épisodes (3,30-6,30a). Il se présente d’abord sous l’aspect de l’Esprit et son action vise à compléter la libération de l’Intellect inaugurée dans le chaos : « Cela (arriva), afin que l’Intellect de l’Obscur ne demeurât pas dans l’Hadès » (4,8-10a), ce qui nous renvoie au récit de la chute de l’Esprit qui avait été permise « afin que l’Intellect se séparât de (l’Obscur) » (2,33b-34a). Pour parvenir à ses fins, le Sauveur va se servir cette fois de l’appétit sexuel de l’Obscur, appétit personnifié par le feu.
2. Formation de la Matrice cosmique (4,12b-27a)
L’apparition du Sauveur dans le monde d’en bas enclenche le processus de la formation de l’univers. L’Intellect, que l’Obscur a déjà fait monter vers ses régions supérieures (3,7b-9a) et qui est sorti de son inertie grâce à sa similitude partielle avec l’Esprit (3,11b-13a), tire () le feu d’entre l’Obscur et l’eau (4,18b-21). Mais ce déplacement du feu par l’action de l’Intellect provoque la condensation d’une partie de l’eau qui devient nuée et cette nuée se transforme ensuite en Matrice[56]. Le feu agité, « qui est erreur (πλανή) », se rend alors dans la Matrice (4,22-25a).
Cette façon de concevoir la formation de l’univers rappelle les métaphores imaginées par Platon dans le Timée. Le cosmos a été engendré (γεννάω, Tim., 30bc, 32c, 34ab), les Formes sont comme un père et le réceptacle comme une mère et une nourrice (Tim., 49a, 50d, 51a)[57]. Les stoïciens ont repris ces métaphores et les ont interprétées de façon littérale[58]. De la même manière, à partir du modèle médio-platonicien qu’il a inversé et en utilisant le langage biologique de la procréation, notre auteur fait lui aussi intervenir une entité féminine entre le premier et le second Intellect comme un réceptacle destiné à recevoir la semence de l’Obscur, c’est-àdire son Intellect avec ses Formes.
Mais l’image du sein maternel nous renvoie aussi aux Oracles chaldaïques qui ont également inséré entre le premier et le second Intellect une entité féminine, sous les traits de la déesse Hécate. Issue du Père, elle accueille dans son sein les idées de feu (fr. 34, 35, 38)[59] et à la façon d’une membrane, se tient entre lui et le second Intellect pour empêcher que leurs feux ne se mélangent (fr. 6, 50)[60] ; elle les associe cependant, « dans la mesure où elle est assimilée à un “sein générateur”, ce qui semble vouloir dire qu’elle est l’épouse du premier Intellect et la mère du second[61] ». Comme on le verra dans l’épisode suivant, ces deux aspects de la Matrice cosmique sont clairement exprimés dans notre texte.
Auparavant, il est important de noter le but de l’action du Sauveur : « […] pour que l’Obscur devînt inopérant (ἀργός) à partir de toute forme () de la Puissance — celle qui était sienne […] » (4,16-18a)[62]. En accord avec la doctrine stoïcienne, le terme Puissance désigne ici la puissance génératrice de l’Obscur concentrée dans le feu primordial. Grâce à l’impulsion reçue du Pneuma, l’Intellect a pu transformer l’énergie brute du feu de l’Obscur en Formes ignées agissant comme des « raisons séminales » en vue de produire un univers ordonné[63]. L’Obscur doit maintenant être dépouillé de cette Puissance multiforme (4,17 ; cf. 3,27) et redevenir inerte (ἀργός). Ce but est atteint en deux étapes : dans la première, l’Obscur a d’abord été dépossédé de son feu qui s’est rendu dans la Matrice cosmique ; dans la seconde, que raconte l’épisode suivant, ses Formes seront transférées dans la Matrice cosmique, alors que sera engendré le second Intellect.
3. Coït de l’Obscur avec la Matrice cosmique, conception d’un second Intellect et transfert des Idées dans la Matrice (4,27b-5,6a)
Dans cet épisode, la terminologie sexuelle est très explicite. On raconte d’abord comment l’Obscur atteint l’orgasme pour ensuite éjaculer son Intellect comme une semence.
Trompé par le Feu (4,27a), l’Obscur voit () la Matrice et devient impur ; il agite (ταράσσειν) l’eau, puis caresse, ou frotte (), la Matrice (4,27b-31a). L’aspect sexuel de l’action est souligné par ce dernier verbe (Crum, Coptic Dictionary, 643a) et son substantif grec correspondant (τριβή) qui sont utilisés dans la ParaSem pour décrire la caresse sexuelle ou bien la masturbation[64].
Le texte décrit ensuite, à l’aide de trois verbes, l’éjaculation de la semence, c’est-àdire l’Intellect, et par le fait même sa séparation d’avec l’Obscur :
-
« Son Intellect s’écoula (, Crum 32b) dans les profondeurs de la Nature » (4,31b-32). Le verbe copte peut traduire le grec ἀπολύεσθαι. Dans Aristote, De gen. an. I, 6,718a ; 7,718a, le verbe signifie « éjaculer ». « Ce verbe, écrit Pierre Louis, a un sens complexe : il signifie littéralement s’éloigner (après l’émission du sperme). On peut donc le rendre par “se séparer” ou “éjaculer”[65] ». Dans notre passage, le verbe indique que l’Intellect « se sépare en s’écoulant », ce qui convient au contexte puisque l’Intellect est explicitement appelé « semence de la Nature » (5,1).
-
« Il se mélangea (, Crum 453b) à la Puissance de l’amertume (siSe) de l’Obscur » (4,33-34a). Dans les profondeurs de la Nature ou de la Matrice, l’Intellect se mélange à la Puissance, c’est-àdire au Feu (cf. 4,25b-26a), qui possède le pouvoir générateur de l’Obscur. Tout comme l’Intellect (cf. 3,9b-11a.19b-20), cette Puissance est associée à l’amertume de l’Obscur. L’image de l’amertume caractérise la matière dans le fr. 129 des Oracles : « Sauvez aussi l’enveloppe mortelle de l’amère matière (πικρᾶς ὕλης)[66] ». L’adjectif πικρός qualifie également le chaos dans l’hymne naassène (Elenchos V, 10, 2) et l’eau ténébreuse dans la notice sur les Séthiens (Elenchos V, 19, 17).
-
« Et l’oeil de (la Puissance) s’arracha de la perversité » ( ), « en sorte que celle-ci ne put plus engendrer l’Intellect — car lui, il était semence de la Nature (σπέρμα τῆς φύσεως)[67], issu de la racine obscure » (4,34b-5,2). Litt. : « Et son oeil […] », c’est-àdire l’oeil de la Puissance obscure. Le verbe grec sous-jacent au copte peut être διασπάω, « séparer violemment », « se séparer violemment ». C’est le sens que nous adoptons en donnant à la préposition le sens de (Crum 684a). De fait, pour , Crum (280a-b) donne la traduction « tear out », « arracher », « s’arracher ». Au terme de son orgasme, l’Obscur perd son oeil, c’est-àdire son Intellect (cf. 3,9-11a.19b-20) et s’en trouve à jamais séparé, comme le souligne le texte : « […] en sorte que (la Puissance) ne put plus engendrer l’Intellect — car il était, lui, semence de la Nature » (4,36-5,1). Ainsi se trouve réalisé le programme narratif énoncé à deux reprises ; lorsque l’Esprit se révèle à l’Obscur : « afin que l’Intellect se séparât de l’Obscur » (2,33b-34a), et lors de la première manifestation du Sauveur : « Cela (arriva) afin que l’Intellect de l’Obscur ne demeurât pas dans l’Hadès » (4,7b-10a).
Dans les Oracles chaldaïques, l’origine du second Intellect nous est présentée selon un processus dont on peut se faire une idée à partir des fr. 3 et 5. Selon le fr. 3, le Père se retire dans sa transcendance : « […] Le Père s’est soustrait lui-même, sans même inclure dans sa Puissance intellective le feu qui lui est propre » ; il laisse alors au second Intellect la tâche de fabriquer le monde matériel à l’aide de ses Idées de feu : « Car ce n’est pas par une action directe, mais par un Intellect que le Feu Premier transcendantal enclôt sa Puissance dans la matière ; car c’est un Intellect issu de l’Intellect que l’artisan du monde igné » (fr. 5). Commentant le fr. 3, G. Bechtle utilise la métaphore de la génération d’une façon qui rappelle justement le processus de génération décrit dans la ParaSem :
The process really starts with the snatching away of the Father. Before, and this is the departure point, he is a triadic Monad, full with Power and Intellect, thus being himself the potentiality of actual Intellect, that is to say, a first and still full monadic moment, that is to say, all that potentially noetically is. This, the pre-existent Chaldean triad, is the Father and first entity, but in its completeness, in its full threefold unity of being. And this is too much — some distinction is required if anything is to come into being (this idea is by large also expressed in fragment 5). Therefore the Father, perfect unity, snatches himself away from this pre-existent fullness. He leaves behind the intellective power only, that is not the same as Power, but rather the seed from which the second intellect can spring by interaction with Power (c’est nous qui soulignons). This means that he leaves behind that which will become actual second Intellect, precontained in the threefold unity of the Father[68].
Dans la ParaSem, le premier Intellect est également la semence du second Intellect et la source des Idées ou Formes qui dans ce processus d’engendrement seront transférées dans la matrice. C’est ce que décrit la fin de l’épisode :
5 3 45 6
5 3Quand donc la Nature eut conçu () 4l’Intellect issu de la Puissance obscure, 5toutes les Formes prirent consistance 6en son sein (5,3-6a).
Le verbe copte peut traduire les verbes grecs ἕχειν (LS 750a), λαμβάνειν (LS 1027a), συλλαμβάνειν (LS 1672a) qui signifient dans ce contexte « concevoir ». Le premier Intellect en s’écoulant comme un sperme dans la matrice la rend prégnante de l’Intellect-démiurge (cf. 5,6b-7)[69], en même temps qu’il y transporte les Formes ou Idées et celles-ci prennent consistance et dynamisme en se mélangeant à la Puissance de l’amertume, c’est-àdire au feu (cf. 5,15).
L’image de Dieu considéré comme le père de l’univers et celle de l’ensemencement des Idées[70] a été utilisée à maintes reprises par Philon d’Alexandrie : « Par exemple, nous dirons très correctement que le démiurge qui a fait notre univers était le père de ce qui a été créé, dont la mère était la science du créateur. Dieu s’unit à celle-ci — non pas à la façon des hommes —, et jeta la semence de la création (ἔσπειρε γένεσιν). Elle reçut la semence de Dieu (θεοῦ σπέρματα), et au terme de ses douleurs, mit au monde son seul fils chéri qui soit sensible, notre univers[71] ». Il utilise également l’image de l’ensemencement des Idées : « Aussi est-il décent que Dieu qui est sans naissance ni changement, répande comme une semence les idées (σπείρειν ἰδέας) des vertus immortelles et vierges dans la virginité[72] ».
On retrouve l’image jusque chez Marius Victorinus : « Dieu, dis-je, premièrement, a engendré les existences et substances universelles des universels. Ce sont elles que Platon nomme “idées”, c’est-àdire les formes originelles de toutes les formes réalisées dans les existants […]. Les genres des genres s’épanchent (profunduntur ; cf. ParaSem : ) donc à partir de Dieu […] » (Adv. Arium, IV, 5, 30-35, trad. P. Hadot)[73].
Mais surtout, l’image de l’écoulement des Idées paternelles remplissant la matrice cosmique renvoie sans équivoque au fr. 37 des Oracles :
L’Intellect du Père a vrombi, quand il a pensé, d’un propos vigoureux, les Idées de toutes formes, et d’une seule source toutes s’élancèrent […] elles se portent autour d’un sein terrible, […] Ces Idées primordiales, c’est la source originelle du Père, parfaite en elle-même, qui les a fait jaillir[74].
4. L’image de l’Intellect engendré par l’Obscur s’assimile à l’Esprit. La Matrice incapable de le faire monter le conçoit dans la nuée. L’Intellect s’y manifeste à la manière d’un feu terrifiant (5,6b-19a)
5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15 16 17 18 19
5 6Cependant une fois que l’Obscur 7eut engendré () l’image de l’Intellect, 8ce dernier s’assimila à l’Esprit. 9De fait, la Nature entreprit de le pousser ; 10elle n’en put trouver le moyen, parce qu’elle n’avait 11pas de forme issue 12de l’Obscur. Elle le conçut donc dans 13la nuée. Alors, la nuée s’illumina : 14un Intellect s’y manifesta 15à la manière d’un feu terrifiant, 16nuisible, et il s’entrechoqua avec 17l’Esprit inengendré 18puisqu’il avait 19une similitude issue de lui.
Grâce à sa semence, l’Obscur a donc engendré ()[75] une image de lui-même, c’est-àdire l’Intellect démiurgique. La Nature essaie alors de « pousser » (), ou de « faire monter en poussant », cet Intellect-embryon. Cependant, comme matrice, elle n’a aucun principe de mouvement[76] et « n’a pas de forme (μορφή) issue de l’Obscur », c’est-àdire aucune configuration extérieure ou parties constituantes. Pour comprendre ce passage, il faut faire appel aux données embryologiques de l’époque. Selon Soranos d’Éphèse, médecin du début du iie siècle ap. J.-C., la conception comprend deux étapes principales : 1) l’ἀνάληψις, c’est-àdire la montée de la semence vers le fond de la matrice ; 2) la σύλληψις, c’est-àdire l’accolement de la semence à la paroi de l’utérus et à son enracinement, ce qui est à proprement parler la conception. L’animation de l’embryon suit cette seconde étape[77].
Dans son impuissance, la Nature ne peut donc « pousser » la semence vers le fond de son utérus[78] (l’ἀνάληψις), pour qu’elle s’y fixe (la σύλληψις). C’est pourquoi elle conçoit l’Intellect dans la nuée, plus précisément dans une partie d’elle-même constituée d’eau, puisque c’est hors de l’eau que l’embryon sera tiré dans l’épisode suivant, épisode qui raconte justement la formation des différentes sphères de l’univers, les parties de la matrice cosmique (cf. 5,19b-36).
Auparavant, le narrateur décrit l’illumination de la nuée par les Formes qui y ont été transférées en même temps qu’était engendré ce second Intellect. Celui-ci possède en effet une part de lumière qui lui vient du premier Intellect (cf. 3,11b-13a.21-22a), ce qui le rend en partie semblable à l’Esprit. Il s’entrechoque donc avec lui, c’est-àdire avec les parcelles de lumière qui se trouvent dans la nuée (5,6b-8a). Il n’est donc pas inerte et, grâce au feu, s’y manifeste alors « à la manière d’un feu terrifiant » (5,13b-16a). Comme le premier Intellect, sous l’impulsion de l’Esprit, avait illuminé l’Hadès (3,18b-29), le second Intellect, à son tour, illumine la nuée, c’est-àdire la Matrice, à l’aide du feu qui donne consistance à ses formes ignées (cf. 5,3-6a).
L’embrasement du sein cosmique illuminé par les Formes ignées ou les foudres issues de l’Intellect paternel rappelle encore de façon étonnante certains fragments des Oracles déjà cités :
fr. 37 : « elles se portent autour d’un sein terrible, en resplendissant de tous côtés et tout près, de toutes les manières […] » ; fr. 96 : « L’Âme, existant comme un feu lumineux, par la puissance du Père, demeure immortelle, elle est maîtresse de vie […] ».
5. Division de la Nature en quatre nuages, dont trois de feu et « montée » de l’Intellect (5,19b-36)
Par la volonté du Sauveur (cf. 6,2), et « afin que la Nature se trouvât vidée du feu agité, alors la Nature se divisa en quatre partie[79] » (5,19b-23). Elles deviennent des nuages d’aspects différents et ceux-ci vont constituer les différentes sphères de l’univers. Ils sont appelés, à partir du plus élevé : Hymen[80], Chorion[81], Puissance, Eau. Le texte précise ensuite que les trois premiers de ces nuages sont constitués de feu. Les noms donnés à ces nuages montrent que l’auteur maintien l’analogie cosmobiologique. Mais il utilise en même temps la distinction stoïcienne des trois feux : l’αὐγή, l’αἰθήρ ou φλόξ[82] et l’ἄνθραξ, déterminant trois régions superposées du cosmos : empyrée, éthérée et matérielle[83], et en partant de la sphère matérielle, selon un ordre croissant de subtilité[84].
La « montée » de l’Intellect-embryon est maintenant possible, comme le précise le texte :
Or l’Hymen et le Chorion ainsi que la Puissance étaient des feux agités, et c’est d’entre l’Obscur et l’Eau qu’ils tirent () (l’Intellect) à l’extérieur — car l’Intellect était entre la Nature et la Puissance obscure —, afin que les eaux nuisibles n’adhèrent pas à lui (5,30b-36).
Ici encore, le récit s’explique à partir de l’embryologie. Le verbe copte peut correspondre au verbe grec σπάω, celui qu’emploie Aristote lorsqu’il décrit la façon dont l’utérus « attire » la semence pour l’amener à se fixer : « Tantôt la semence reste en cet endroit, tantôt l’utérus l’attire au-dedans de lui (εἴσω σπᾶ), s’il se trouve qu’il soit convenablement disposé et qu’il possède la chaleur […] ce lieu attire la semence en raison de la chaleur qui y règne[85] ». Avec l’aide de ses feux la Nature peut donc « tirer » l’Intellect-embryon hors du nuage de l’Eau et l’amener à se fixer dans son utérus, ce que décrivent les deux épisodes suivants.
6. But de la « montée » : que l’Intellect-embryon se fixe dans le milieu de la Nature (6,1-13a)
En terminant le récit précédent par un verbe au présent « ils tirent » (5,31b-32a)[86], le narrateur a laissé le lecteur sur une action en cours de réalisation : la montée de l’Intellect-embryon hors des « eaux nuisibles ». Il interrompt sa description et insère une réflexion qui souligne que la division de la Nature s’est effectuée par la volonté du Sauveur et avait pour but l’« accolement » de la semence précisément dans le nuage de la Puissance : « Pour cette raison la Nature fut divisée (), selon ma volonté : que l’Intellect se tournât vers sa Puissance » (6,1-4a). Il explique ensuite à l’aide de trois incises la nature des relations entre cette Puissance et l’Intellect :
-
« celle (c’est-àdire la Puissance) que la racine obscure avait reçue de lui (l’Intellect) » (6,4b-6a). C’est un renvoi au récit de la chute de l’Esprit. Rendu actif par la lumière de l’Esprit, le premier Intellect s’était servi de l’énergie brute du feu paternel pour produire ses Formes et briller sur l’Hadès « d’une lumière ignée » (3,18b29). Cependant, l’Obscur s’étant alors assimilé à son Intellect (4,10b-12a), le Sauveur devait le rendre à nouveau « inopérant à partir de toute forme de la Puissance qu’il possédait » (4,16-18a). C’est à cette Puissance, concrétisée dans les Formes ignées, que l’incise fait allusion[87].
-
« qui avait été mélangée () à lui » (6,6). Le rappel du coït de l’Obscur avec la Matrice est ici très clair : « il se mélangea à la Puissance de l’amertume de l’Obscur […] » (cf. 4,33-34a). Dans la paraphrase sur les nuages, le texte dira : « De même la Puissance qui est mélangée () à l’Intellect, elle aussi était un nuage de la Nature » (7,17b-19a), et, plus loin, l’Intellect-démiurge sera appelé « l’Intellect de la Puissance » (18,6b-7a).
-
« et s’était manifestée () dans la Matrice » (6,6b-8a). Il s’agit de l’illumination de la Matrice par les Formes qu’a produites l’Intellect grâce au feu (cf. 5,3-6a.13b-16a).
Par la division de la Nature en quatre sphères, la puissance génératrice de l’Obscur concentrée dans les Formes ignées se trouve maintenant dans le nuage de la Puissance. C’est ce qu’affirme expressément le texte : « Ainsi par la division de la Nature, (la Puissance) se sépara de la puissance obscure, étant donné qu’elle avait quelque chose provenant de l’Intellect » (6,8b-11a).
Quant à l’Intellect-embryon, il s’est retrouvé dans le nuage de l’Eau (cf. 5,12b-13a ; 5,30b-32a). Mais grâce aux trois nuages de feu, il a entrepris sa « montée » (l’ἀνάληψις) dans le but de se « fixer » (la σύλληψις) dans la matrice cosmique[88]. Après ses explications, le narrateur reprend son récit au moment où l’Intellect-embryon pénètre dans le nuage de la Puissance : « Ce dernier entra dans le centre de la Puissance — c’est-àdire le milieu de la Nature » (6,11b-12a), là où se trouve le feu hylique nécessaire à la construction de l’univers matériel.
Ce passage permet d’apporter des précisions sur la notion de Puissance liée à l’emploi de la métaphore biologique. Le sens premier imposé par l’image s’applique d’abord à l’aspect masculin de l’image et désigne la puissance (δύναμις) qui se trouve dans la semence du mâle ; celle-ci, comme l’explique Aristote, « possède une grande puissance » (μεγάλην ἔχει δύναμιν)[89]. Ce sens du terme est clairement exprimé en 4,16-18a : « […] pour que l’Obscur devînt inopérant à partir de toute Forme de la Puissance — celle qui était sienne […] », et rappelle la métaphore platonicienne qui associe le « modèle » à un père (Tim., 50d)[90]. Par ailleurs, l’aspect féminin du terme est illustré par le fait que la partie de la matrice cosmique qui contient le feu hylique ou générateur est appelée par métonymie « Puissance » (cf. 5,27 ; 7,17b-19a). Cette double signification du terme se retrouve également dans les Oracles, comme l’a montré H. Lewy. D’une part, « Δύναμις is the sum of the noetic powers of the Father[91] ». D’autre part, « power is called “mother” or “maternal” womb, inasmuch as the “Father” procreates therein His Thoughts[92] ». Ce qu’il explique de la façon suivante :
The five authors cited[93] based their genealogical representation on the Platonic description of the Supreme God as « Maker and Father of all » […]. By taking this mythical formula literally they lend the Supreme Being the character of a personality capable of procreation, and activate His immanent energy in a theogonic efficacy. The Power of the Primal Being becomes an independent entity and is made the maternal womb of His procreative Will […][94].
7. La fixation de l’embryon et la formation de l’Âme du monde par l’action d’une puissance issue de l’Esprit et appelée « Étonnement » (6,13b-30)
Le récit renvoie d’abord explicitement à la fin du quatrième épisode. Grâce à ses Formes ignées, le second Intellect s’est manifesté dans la nuée à la manière d’un feu terrifiant et, ajoute le texte : « il s’entrechoqua avec l’Esprit inengendré, puisqu’il avait une similitude issue de lui » (5,16b-19a). Le récit reprend maintenant en montrant comment l’Esprit a été associé à l’Intellect-embryon dans sa montée. Alourdi par le fardeau (βάρος) de l’Intellect-embryon, l’Esprit, qui se trouve dans le nuage de l’Eau (cf. 5,12b-13a ; 9,24), émet une puissance nommée « Étonnement » (Θαῦμα)[95]. Celle-ci tourne vers elle le fardeau, c’est-àdire l’embryon, et celui-ci, en se retournant vers la chaleur de l’Étonnement, se revêt de la lumière de cette puissance. Grâce à ce principe actif, l’Intellect met la Nature en mouvement, puis se retourne à nouveau, c’est-àdire se tourne en direction de sa Puissance pour s’y fixer (cf. 6,2b-4a ; 11b-13a). Allégé du poids de l’embryon, l’Étonnement, de son côté monte « se coller » (κολλᾶω) au nuage de l’Hymen (6,23-25a)[96].
Ici encore, le récit s’interprète à partir des données de l’embryologie. Tout d’abord, sur le poids et les mouvements de l’embryon, Aristote écrit : « D’ailleurs, il est impossible que des petits se forment près du diaphragme, car les embryons doivent nécessairement avoir du poids (βάρος ἔχειν) et se mouvoir (καὶ κίνησιν) […][97] ». Dans notre récit, l’Intellect est à la fois mû par la puissance Étonnement () (6,16b-17a.23-24a) et se meut lui-même () (6,17b-18a.22). Selon Aristote également, il faut dans la génération un principe de mouvement et ce principe vient du mâle[98]. Il consiste dans la chaleur du pneuma que contient le sperme : « Il y a toujours dans le sperme ce qui rend les semences fécondes, c’est-àdire ce qu’on appelle la chaleur (τὸ καλούμενον θερμόν). Or cette chaleur n’est ni du feu ni une substance de ce genre, mais le pneuma emmagasiné dans le sperme et dans l’écumeux, et la nature inhérente à ce pneuma et qui est analogue à l’élément astral[99] ». Dans la ParaSem, l’Intellect-sperme éjaculé par l’Obscur ne contenait aucun principe de mouvement qu’il pouvait communiquer à l’embryon. C’est pourquoi celui-ci se tourne vers la chaleur () de l’Étonnement et se revêt de sa lumière (6,15b-19). Il devient alors actif comme Intellect-démiurge et peut mettre la Nature en mouvement (6,20-22a), agir comme principe actif de l’Âme du monde[100].
Conclusion
Cette partie de la cosmogonie qui fait intervenir directement l’Esprit dans la formation de l’Univers se termine avec les deuxième et troisième interventions de Derdekeas. Dans la deuxième (6,30b-7,30), le Sauveur accède à la demande de l’Esprit et se manifeste comme une onde lumineuse et une bourrasque de l’Esprit immortel. Il souffle sur le nuage de l’Hymen : celui-ci se fend et irradie les autres nuages qui se fendent à leur tour, ce qui rend possible la remontée de la lumière de l’Esprit encore prisonnière de l’eau. Auparavant, sous l’action du souffle du Sauveur, l’Intellect-embryon achève sa formation : « C’est pourquoi l’Intellect prit forme ()[101] et son repos cessa » (7,9b-11a). Cette double affirmation qui peut paraître énigmatique se comprend également à partir de données embryologiques. Il s’agit de l’animation de l’embryon qui suit la « fixation » (σύλληψις) et donc de sa mise en mouvement, comme l’explique bien Philon d’Alexandrie : « Mais quand, déposée dans l’utérus, elle (la semence) s’y est fixée, elle prend aussitôt du mouvement et se convertit en nature. Or la nature vaut mieux que la semence, puisqu’aussi bien le mouvement vaut mieux que le repos dans les êtres créés » (De op. mundi, § 67)[102]. L’auteur clôt cet épisode par une paraphrase sur les nuages (7,11b-30).
Lors de sa troisième intervention (7,31-12,15a), le Sauveur revêt son vêtement lumineux universel[103] et se manifeste sous l’apparence de l’Esprit. La partie de la lumière de l’Esprit prisonnière de l’Hadès (cf. 6,30b-35a ; 10,31-33a) s’élève alors par sa puissance hors de la pesanteur de l’Obscur et remonte à travers les trois nuages jusqu’au lieu de l’Esprit (9,12b-13a). Celui-ci peut alors se remplir de toute sa lumière (9,8b-12a) et manifester dans tous ses membres à nouveau, une forme lumineuse une () (9,21b-23).
Dans le cadre de cette intervention, le révélateur complète aussi son enseignement concernant les relations entre les Formes de feu et la Nature :
11 1 2 3 4 (σπέρμα) 5 6
Car toute forme 11 1que la nature a divisée ( = μερίζειν), 2c’est du feu agité qu’elle est 3puissance : c’est la semence 4de l’hylique ; (le feu), qui reçoit 5la puissance de l’Obscur, a enclos celle-ci 6à l’intérieur des membres (de la Nature) (10,37b-11,6).
Le vocabulaire de ce passage est remarquable et relève à la fois du stoïcisme et du moyen platonisme. La puissance génératrice de l’Obscur, concentrée dans son feu, s’est réalisée concrètement dans les Formes ou Idées[104]. Mais selon le moyen platonisme, ces Idées doivent être « mesurées » et « divisées » au moment de leur entrée dans le monde hylique. Dans les Oracles chaldaïques, c’est le rôle d’Hécate de porter les Idées primordiales[105], puis de les remettre au Démiurge pour son usage créateur après les avoir mesurées : « Pour qu’une triade contienne toutes choses en les mesurant (πάντα μετροῦσα, fr. 23)[106] ». Cependant, dans le système de la ParaSem, l’Intellect démiurgique est assimilé au Λόγος et les Idées aux λόγοι σπερματικοι[107]. Cet Intellect ne travaille pas ; il ne fait que fournir à la Nature les « raisons séminales » ou principes actifs qu’elle utilise pour fabriquer le monde sensible[108].
Lors des interventions suivantes, ce sera la puissance « Étonnement », issue du choc entre l’Intellect-démiurge et l’Esprit (cf. 5,14-19a ; 6,13b-19), qui jouera un rôle dans la formation de l’univers. Lorsque le Sauveur se manifestera avec son vêtement trimorphe dans le nuage de l’Hymen[109], l’excès de lumière produit par ce vêtement fera chuter une partie de la puissance « Étonnement » jusque dans la Matrice, et cette partie de lumière produira des semences lumineuses. Dans cette partie de la cosmogonie, qui s’étend de 12,15b jusqu’à 18,1a, l’auteur met en place une économie de salut fondée sur la distinction entre deux races de sauvés. Les descendants de Sem reçoivent ainsi une explication sur leur origine et sur leur rôle dans le cours de l’histoire : ceux qui ont reçu « une Pensée issue de la lumière de l’Étonnement » (24,8-9) devront à partir du déluge « prendre patience » (26,11-14a) avec ceux qui ne possèdent en eux qu’une parcelle () de l’Intellect (35, 3) et dont la racine est la lumière de l’Intellect, c’est-àdire la Foi (cf. 43,14b-26a). L’auteur vise aussi la mise en place d’un modèle pour la remontée qu’auront à effectuer ces deux races de sauvés au terme de leur vie : quelles en sont les étapes et quelles sont les entités spirituelles qui leur viendront en aide.
Appendices
Annexe
Notes
-
[1]
Pour l’édition du texte, voir M. Krause, Die Paraphrase des Sêem, dans F. Altheim, R. Sthiel, éd., Christentum am Rotem Meer, zweiter Band, erstes Buch ; Neue Texte, 1. Kapitel, Berlin, Walter de Gruyter, 1973, p. 2-105 ; F. Wisse, « NH VII, 1 : The Paraphrase of Shem. Introduction, Text, Translation, and Notes », dans B.A. Pearson, éd., Nag Hammadi Codex VII, Leiden, New York, Köln, Brill (coll. « Nag Hammadi and Manichaean Studies », 30), 1966, p. 15-127 ; M. Roberge, La Paraphrase de Sem (NH VII, 1), Québec, PUL ; Louvain, Paris, Peeters (coll. « Bibliothèque copte de Nag Hammadi », section « Textes », 25), 2000. Traduction allemande : H.-M. Schenke, « Die Paraphrase des Sêem (NH VII,1) », dans H.-M. Schenke †, H.-G. Bethge, U.U. Kaiser, éd., Nag Hammadi Deutsch, 2. Band : NHC V,2-XIII,1, BG 1 und 4, Koptisch-Gnostische Schriften III, Berlin, New York, Walter de Gruyter (coll. « Die Griechischen Christlichen Schriftsteller der ersten Jahrhunderten ». Neue Folge, Band 12), 2003, p. 543-568. Traduction anglaise : M. Roberge, The Paraphrase of Shem (NH VII, 1), Introduction, Translation and Commentary, Leiden, Boston, Brill (coll. « Nag Hammadi and Manichaean Studies », 72), 2010.
-
[2]
F. Wisse : « […] a far more likely explanation is that the tractate was not carefully planned and was executed in a haphazard fashion. Other evidence also point at an amateurish effort at composition […]. This means that a reconstruction of the events is hazardous ; there is a great danger of trying to make more sense and provide more order than the author intended or the tractate can support » (« NH VII, 1 : The Paraphrase of Shem. Introduction, Text, Translation, and Notes », p. 19-20). H.-M. Schenke : « Der Inhalt von ParaSem ist trotz einiger schöner und unmittelbar einleuchtender Passagen oder Sätze im ganzen noch dunkel […]. Es ist besonders die Kosmogonie, die weithin dunkel bleibt […]. Es sind die Motivationen der Einzelprozesse, die dunkel bleiben » (« Die Paraphrase des Sêem [NH VII,1] », p. 546-547).
-
[3]
B. Pearson : « The Paraphrase of Shem is one of the longest tractates of the Nag Hammadi corpus. It is also one of the most difficult. In terms of content it is unique, for it bears no relationship at all to any other of the Nag Hammadi writings. The difficulties in the text are of several kinds : faulty translations from Greek into Coptic, corruption of the Coptic text in the process of its transmission, confusion caused by interpolations and additions to the text, and (dare we say it ?) the incompetence of its author or final editor » (Ancient Gnosticism : Traditions and Literature, Minneapolis, Augsburg Fortress, 2007, p. 202).
-
[4]
Sur l’emploi de l’analogie cosmobiologique dans le stoïcisme, cf. D.E. Hahm, The Origins of Stoic Cosmology, Columbus, Ohio State University Press, 1977, p. 136-184.
-
[5]
Cf. P. Louis, Aristote. De la génération des animaux, Paris, Les Belles Lettres (coll. « Collection des universités de France »), 1961 ; P. Burguière, D. Gourevitch, Y. Malinas, Soranos d’Éphèse. Maladies des femmes, Paris, Les Belles Lettres (coll. « Collection des universités de France »), t. I, 1988 ; t. II, 1990 ; t. III, 1994 ; t. IV, 2000. L’imagerie sexuelle est ici au service d’un propos bien défini et non pure invention mentale, comme on le prétend parfois ; cf. I.P. Culianu : « Les techniques gnostiques de méditation impliquaient des visualisations et des scénarios fantastiques dont on ne peut se faire aujourd’hui qu’une idée fort pâle […]. Nous savons […] que leurs exercices ne pouvaient être abstraits. Ils devaient consister en une invention mentale, une visualisation intérieure concernant, à côté des étapes de l’ascension, plusieurs autres contenus de la gnose (comme, par exemple, ces vulves cosmiques qui sont les matrices idéelles de toutes choses » (Expériences de l’extase. Extase, ascension et récit visionnaire de l’hellénisme au Moyen Âge, Paris, Payot [coll. « Bibliothèque historique »], 1984, p. 15) ; F. Wisse : « The colorful imagery used by the author does little to elucidate the topic at hand, but perhaps it was never intended to elucidate » (« NH VII, 1 : The Paraphrase of Shem. Introduction, Text, Translation, and Notes », p. 19).
-
[6]
Concernant le flottement dans le vocabulaire « Idées/formes » (ἰδέα/εἶδος) chez Platon et ses successeurs, cf. J. Pépin, Théologie cosmique et théologie chrétienne (Ambroise, Exam. I, 1-4), Paris, PUF (coll. « Bibliothèque de Philosophie contemporaine »), 1964, p. 493-496. « Le modèle intelligible qui devrait être désigné par le mot ἰδέα exclusivement, reçoit très souvent le nom d’εἶδος » (ibid., p. 495). L’inverse se produit pour le terme εἶδος qui ne devrait s’appliquer qu’au modèle incorporé à la matière. Luc Brisson note de son côté : « Je préfère traduire eîdos et idéa par “forme intelligible”, car, depuis Descartes, le terme français “idée” évoque, dans le domaine philosophique, une représentation. Or, chez Platon eîdos et idéa désignent une réalité, la réalité véritable » (Platon, Timée/Critias, traduction inédite, avec introduction et notes par Luc Brisson, Paris, Flammarion, 1992, p. 17, n. 14).
-
[7]
En vertu de l’analogie cosmobiologique, le principe mauvais est considéré comme une entité mâle. C’est pourquoi nous traduisons le terme masculin copte pkake, traduit habituellement en français par le terme féminin « les ténèbres » ou « la ténèbre », par le terme masculin « l’Obscur », afin de sauvegarder l’analogie sexuelle.
-
[8]
La physique stoïcienne explique toute la réalité à partir de deux principes (ἀρχαί) : le principe actif ou l’agent (τὸ ποιοῦν) et le principe passif ou le patient (τὸ πάσχον). Le patient c’est la substance dépourvue de qualité, la matière. L’agent, c’est Dieu ou le Logos (λόγος), c’est-àdire la raison ou formule qui exprime la nature essentielle d’une chose, le principe qui explique son développement (Stoicorum Veterum Fragmenta (SVF) II, 300, 311, 439, 442, 405, 406). Ce principe n’existe cependant pas de façon autonome si ce n’est logiquement et il n’est perçu physiquement qu’à travers le support des éléments (στοιχεῖα) actifs (δραστικά), le feu et l’air, dont le mélange produit un souffle (πνεῦμα) chaud (θερμόν) ou enflammé (πυροειδές). Ce pneuma chaud sert ainsi de support à la Raison universelle ou Logos spermatikos qui se diversifie en logoi spermatikoi déposés dans les éléments passifs (παθητικά), la terre et l’eau, pour produire la variété des êtres. En effet, selon le degré de tension (τόνος) de la force (δύναμις), propriété essentielle du pneuma, le Logos se manifestera comme disposition (ἔξις) dans les corps bruts, nature (φύσις) dans les végétaux, vie instinctive (ψυχή) chez l’animal, intellect (νοῦς) chez l’homme. Sur la physique stoïcienne, cf., entre autres, J. Moreau, L’âme du monde de Platon aux stoïciens, Paris, Alcan, 1933, p. 158-186 ; M. Lafranque, Poseidonios d’Apamée. Essai de mise au point, Paris, PUF, 1964, p. 285-367 ; A.A. Long, Hellenistic Philosophy. Stoics, Epicureans, Sceptics, Londres, Duckworth, 1974, p. 147-178 ; D.E. Hahm, The Origins of Stoic Cosmology, p. 29-56 ; L. Couloubaritsis, « Transfiguration du Logos », dans Philosophies non chrétiennes et christianisme, Bruxelles, Éditions de l’Université de Bruxelles (coll. « Annales de l’Institut de Philosophie et de Sciences morales »), 1984, p. 9-43 ; J.J. Duhot, La conception stoïcienne de la causalité, Paris, Vrin, 1989, p. 73-86. R. Muller, Les stoïciens : la liberté et l’ordre du monde, Paris, Vrin, 2006. Pour les textes, cf. J. von Arnim, Stoicorum Veterum Fragmenta, Leipzig, I, 1905, Zénon et ses disciples ; II, 1903, Chrysippe, Logique et Physique ; III, 1902, Chrysippe, Morale, disciples et successeurs de Chrysippe ; IV, 1925, Tables par M. Adler (= SVF). Voir Appendice I.
-
[9]
Le moyen platonisme élabore un système de l’univers fondé sur trois principes : Dieu (Θέος), les Idées (ἰδέαι ou παραδείγματα), la matière (ὕλη). Ce schéma se rencontre d’abord chez Plutarque (Quaest. conv., VIII, 2, 720a-b) ; cf. Plutarque. Oeuvres morales, t. IX, troisième partie : Propos de table, livres VII-IX, texte établi et traduit par F. Frazier, J. Sirinelli, Paris, Les Belles Lettres (coll. « Collection des universités de France »), 1996, p. 88, sera repris par Alcinoos (Didaskalikos, VIII-X) ; cf. Alcinoos : enseignement des doctrines de Platon, introduction, texte établi et commenté par J. Whittaker et traduit par P. Louis, Paris, Les Belles Lettres (coll. « Collection des universités de France »), 1990, p. 19-26, et apparaîtra chez Apulée dans la formulation suivante : « Initia rerum esse tria arbitratur Plato : Deum et materiam… rerumque formas, quas ἰδέας vocat » (De Platone et ejus dogmate, I, 5) ; cf. J. Beaujeu, Apulée. Opuscules philosophiques (Du dieu de Socrate. Platon et sa doctrine. Du monde) et fragments, texte établi, traduit et commenté, Paris, Les Belles Lettres (coll. « Collection des universités de France »), 1973, p. 254-256. Sur les principes du platonisme et du moyen platonisme, cf. J. Dillon, The Middle Platonists, revised edition with a new afterword, New York, Cornell University Press, 1996 ; J. Pépin, Théologie cosmique et théologie chrétienne, p. 17-58, 493-496 ; L. Brisson, Le même et l’autre dans la structure ontologique du Timée de Platon, Sankt Augustin, Academia Verlag, 1994, p. 58-64, 151-160, 233-237, 295-303. Voir Appendice I.
-
[10]
Cf. C. Imbert, « Théorie de la représentation et doctrine logique dans le stoïcisme ancien », dans Les stoïciens et leur logique. Actes du Colloque de Chantilly, 18-22 septembre 1976, Paris, Vrin (Bibliothèque d’histoire de la philosophie), 1978, p. 223-249. Cf. Diog. Laërt., VII, 49 : « La représentation vient tout d’abord, puis la pensée (διάνοια) qui, de par sa loquacité propre (ἐκλαλητικὴ ὑπάρχουσα), exprime par le discours cela même qu’elle éprouve du fait de la représentation » (voir aussi VII, 51), traduction de C. Imbert, « Théorie de la représentation et doctrine logique dans le stoïcisme ancien », p. 231. Sur l’ἔννοια stoïcienne, cf. Plutarque, Oeuvres morales, tome XV, 2e partie, traité 72 : Sur les notions communes des stoïciens, texte établi par M. Casevitz, traduit et commenté par D. Babut, Paris, Les Belles Lettres (coll. « Collection des universités de France »), 2002, p. 117, § 47 (1084F), et les n. 740 à 743, p. 362-363.
-
[11]
L’expression copte correspond au grec μονοειδής. Dans le Phédon 78d, l’adjectif caractérise une nature sans mélange.
-
[12]
Le Traité Tripartite, par exemple, affirme que le Père qui est « la racine du Tout » (NH I, 51,3-4a), « est à lui-même son propre intellect » (55,6). Concernant la question du principe suprême qui se situe au-delà de l’Intellect, cf. J. Whittaker, « EPEKEINA NOU KAI OUSIAS », Vigiliae Christianae, 23 (1969), p. 91-104.
-
[13]
M. Lafranque, Poseidonios d’Apamée. Essai de mise au point, p. 317-320. Notons cependant que notre auteur situe le Pneuma dans un lieu au-dessus de l’αὐγή, la sphère supérieure de l’univers physique dans le stoïcisme (voir, Appendice III). Le Discours sacré (CH III), de son côté, présente une cosmogonie également influencée par le stoïcisme, mais situe son principe actif, le pneuma, totalement immergé à l’origine dans le principe passif : « Or il y avait une obscurité sans limites dans l’abîme et de l’eau et un souffle subtil intelligent (πνεῦμα λεπτὸν νοερόν) […] ». Cf. A.J. Festugière, A.D. Nock, éd., Corpus Hermeticum, I, Traités I-XII, Paris, Les Belles Lettres (coll. « Collection des universités de France »), 1945, réimpr. 1980, avec addenda et corrigenda, p. 44. Voir aussi, C.H. Dodd, The Bible and the Greeks, Londres, Hodder & Stoughton, 1935, p. 210-234.
-
[14]
Des auteurs chrétiens, comme par exemple Tatien et Théophile d’Antioche, influencés par la philosophie du Portique, situeront le pneuma comme intermédiaire entre Dieu et le monde, lui faisant jouer le rôle de principe actif immanent à la façon du pneuma stoïcien. Cf. G. Verbeke, L’évolution de la doctrine du Pneuma du stoïcisme à S. Augustin, Paris, Desclée de Brouwer ; Louvain, Institut supérieur de philosophie, 1945, p. 410-429 ; M. Spanneut, Le stoïcisme des Pères de l’Église. De Clément de Rome à Clément d’Alexandrie, nouvelle édition revue et augmentée, Paris, Seuil, 1960, p. 334-338.
-
[15]
Pour l’édition, voir G. Kroll, De oraculis Chaldaicis, Breslau (coll. « Breslauer philologische Abhandlungen », VII, 1), 1894, réimpr. Hildesheim, Olms Verlag, 1962, mit einem Nachtrag des Verfassers aus dem « Rheinischem Museum », N.F. Band 50, Jg. 1895 ; É. des Places, Oracles chaldaïques, avec un choix de commentaires anciens, Paris, Les Belles Lettres (coll. « Collection des universités de France »), 1971 (voir les remarques critiques de M. Tardieu, « La gnose valentinienne et les Oracles chaldaïques », dans B. Layton, éd., The Rediscovery of Gnosticism, vol. I, The School of Valentinus, Leiden, Brill [coll. « Studies in the History of Religions », XLI], 1980, p. 194 et 232) ; R. Majercik, The Chaldean Oracles. Text, Translation, and Commentary, Leiden, New York, København, Köln, Brill (coll. « Studies in Greek and Roman Religion », 5), 1989. Nous citons d’après la numérotation et, à moins d’indication contraire, la traduction d’É. des Places. Sur les Oracles chaldaïques, l’étude fondamentale reste celle de H. Lewy, Chaldean Oracles and Theurgy. Mysticism, Magic and Platonism in the Later Roman Empire, troisième édition par Michel Tardieu, avec un supplément « Les Oracles chaldaïques 1891-2011 », Paris, Institut d’Études Augustiniennes (coll. « Études Augustiniennes », série « Antiquité », 77), 2011. Sur Numénius, voir É. des Places, Numénius. Fragments, Paris, Les Belles Lettres (coll. « Collection des universités de France »), 1977.
-
[16]
Le démiurge du Timée ayant été assimilé à la divinité suprême, ces systèmes tentaient ainsi de concilier les notions de transcendance et d’immanence en postulant l’existence de deux Intellects.
-
[17]
Cf. W. Deuse, Untersuchungen zur mittelplatonischen und neuplatonischen Seelenlehre, Wiesbaden, Steiner ; Mainz, Akademie der Wissenschaften und der Literatur (coll. « Abhandlungen der Geistes- und Sozialwissenschaftlichen Klasse », « Einzelveröffentlichung », 3), 1983. Voir Appendice I.
-
[18]
Représentée par la déesse Hécate dans les Oracles chaldaïques (voir Appendice II). La formation de la matrice cosmique sera décrite lors de la première intervention du Sauveur (3,30-6,30a).
-
[19]
Comme chez Antiochus d’Ascalon. Cf. J. Dillon, The Middle Platonists, p. 82-83, 95 ; M. Baltes, « Numenios von Apamea und der platonische Timaios », Vigiliae Christianae, 29 (1975), p. 241-270. Le monde sensible n’est plus considéré comme une imitation du monde des Idées, mais comme le produit de formes dynamiques.
-
[20]
Il faudra tenir compte de cette position de l’Intellect tout au fond du chaos, entre l’Obscur et l’eau, pour comprendre le scénario de la chute du principe médian visant à séparer l’Intellect de l’Obscur et assurer sa remontée. Ainsi l’Obscur, lorsqu’il voudra aller voir ce qui se passe au-delà de son royaume (cf. 2,7b-8a), devra « monter » (Hi eHrai) ou « élever » (Jise) son Intellect (cf. 3,7-9a), c’est-àdire son « oeil » (cf. 3,10.20 ; 4,35).
-
[21]
Cf. « Stanzas against Mani », dans S. Ephraim’s Prose Refutations of Mani, Marcion and Bardaisan, transcribed from the Palimpsest B.M. Add. 14623 by the late C.W. Mitchell and completed by A.A. Bevan and F.C. Burkitt, Vol. II, Londres, Oxford, Text and Translation Society, 1921, p. cvi (syriaque, p. 224-225) ; « Stanzas against Bardaisan », p. xlviii, lxxii (syriaque, p. 155). Sur les différentes représentations du chaos primordial chez Bardesane, dont la répartition des éléments aux différents points cardinaux, voir l’Introductory Essay de F.C. Burkitt dans le même volume aux p. cxxii-cxxiv ; H.J.W. Drijvers, Bardaisan of Edessa, Assen, Van Gorcum (coll. « Studia Semitica Neerlandica »), 1971, p. 96-126 ; H. Kruse, « Die “mythologischen Irrtümer” Bar-Daiṣāns », Oriens Christianus, 71 (1987), p. 24-52 ; A. Camplani, « Note bardesanitiche », Miscellanea Marciana, 12 (1997), p. 11-43 ; Id., « Bardesane et les bardesanites », dans Annuaire. Résumé des conférences et travaux, Paris, École pratique des hautes études (coll. « Section des sciences religieuses », 112), 2003-2004, p. 29-50.
-
[22]
Ces deux textes ont été traduits et analysés en détail par H.-C. Puech, « Le prince des ténèbres en son royaume », dans Satan (Les études carmélitaines), Paris, Desclée de Brouwer, 1948, p. 136-174.
-
[23]
Cf. F. Cumont, La cosmogonie manichéenne d’après Théodore Bar Khôni, Bruxelles, H. Lamertin (coll. « Recherches sur le manichéisme », I), 1908, p. 11-13 (la citation se trouve à la p. 11, n. 4).
-
[24]
Cf. M. Kugener, « Un traité astronomique et météorologique syriaque attribué à Denys l’Aréopagite », dans Actes du XIVe Congrès International des Orientalistes, Alger, 1905, Deuxième partie, section II, Paris, E. Leroux, 1907 (Nendeln, Liechtenstein, Kraus Reprint, 1968), p. 137-198 (le texte cité se trouve à la p. 177, le texte syriaque à la p. 152). Le traité refléterait dans son ensemble « de vieilles doctrines chaldéennes à peine modifiées par quelques éléments grecs » (p. 143).
-
[25]
Cf. ibid., p. 178, n. 1 ; voir aussi, p. 140, 143-144.
-
[26]
Cf. supra, n. 7.
-
[27]
SVF I, 98 « τὸ μέντοι πρῶτον πῦρ εἶναι καθαπερεί τί σπέρμα, τῶν ἁπάντων ἔχον τοὺς λόγους καὶ τὰς αἰτίας τῶν γεγονότων καὶ τῶν γιγνομένων καὶ τῶν ἐσομένων· ».
-
[28]
Cf. SVF II, 1027 : « οἱ Στωικοὶ νοερὸν Θεὸν ἀποφαίνονται, πῦρ τεχνικόν, ὁδῷ βαδίζον ἐπὶ γένεσιν κόσμου […] ».
-
[29]
Chez Plutarque, par exemple, l’âme du monde, au départ irrationnelle et « sans activité » (ἀργόν), sera pourvue d’un Intellect pour la tirer de son inertie et lui conférer « ordre, harmonie et mouvement ». Cf. Plutarque, De animae procreatione in Timaeo 1014B ; 1015A-E ; 1016D-F ; 1017A. Cf. P. Thévenaz L’Âme du monde, le devenir et la matière chez Plutarque. Avec une traduction du traité « De la Genèse de l’Âme dans le Timée » (1re partie), Neuchâtel, Attinger, 1938, p. 18-21 ; É. des Places, « La matière dans le platonisme moyen. Surtout chez Numénius et dans les Oracles chaldaïques », dans Zetesis. Album amicorum door vrienden en collega’s aangeboden aan Prof. Dr. E. de Strycker ter gelegenheid van zijn vijfenzestigste verjaardag, Antwerpen, Utrecht, De Nederlandsche Boekhandel, 1973, p. 215-223 ; G. Bechtle, « La problématique de l’âme et du cosmos chez Philon et les médio-platoniciens », dans C. Levy, B. Besnier, éd., Philon d’Alexandrie et le langage de la philosophie. Actes du colloque international organisé par le Centre d’études sur la philosophie hellénistique et romaine de l’Université de Paris XII-Val de Marne (Créteil, Fontenay, Paris, 26-28 octobre 1995), Turnhout, Brepols, 1995, p. 377-392.
-
[30]
« Par quelque cause externe ou par hasard », comme dans les textes qui rapportent la cosmologie de Bardesane ? Cf. H.J.W. Drijvers, Bardaisan of Edessa, p. 98-101.
-
[31]
Dans le mythe manichéen, l’Homme Primordial et ses cinq Fils s’offrent en pâture comme un poison aux cinq Fils de la Ténèbre. Cf. H.-C. Puech, Le manichéisme. Son fondateur, sa doctrine, Paris, Civilisations du Sud (coll. « Musée Guimet », « Bibliothèque de diffusion », LVI), 1949, p. 76-77.
-
[32]
Même formule en 3,19b-20 ; il sera appelé plus loin « l’oeil du coeur de l’Obscur » (22, 23). Métaphore d’origine platonicienne : Rep., 519b (τῆς ψυχῆς ὄψιν), 533d (τῆς ψυχῆς ὄμμα), elle sera utilisée à maintes reprises en différentes formulations par Philon d’Alexandrie : De opif. mundi, § 53 (ὅπερ γὰρ νοῦς ἐν ψυχῇ, τοῦτ ὀφθαλμὸς ἐν σώματι), § 66, § 71 ; Quod Deus sit imm., § 45-46, etc. On la retrouve dans les textes hermétiques : CH V, 2 ; CH X, 4, 5 ; CH XIII, 14, 17 (τοῦ νοῦ ὀφθαλμός) ; CH IV, 11 ; CH VII, 1,2 (τοῖς τῆς καρδίας ὀφθαλμοῖς). Les Oracles chaldaïques utilisent l’expression « l’oeil de l’âme » (ψυχῆς ὄμμα), fr. 1 et fr. 213. Sur cette métaphore, cf. H. Lewy, Chaldean Oracles and Theurgy, p. 169, 370-373.
-
[33]
Cf. SVF II, 863, 866, 871, 867 : « ὁρᾶν δε τοῦ μεταξὺ τῆς ὁράσεως καὶ τοῦ ὑποκειμένου φωτὸς ἐντεινομένου κωνειδῶς, καθά φησι Χρύσιππος […] γίνεσθαι μέντοι τὸ κωνοειδὲς τοῦ ἀέρος πρὸς τῇ ὄψει, τὴν δὲ βάσιν πρὸς τῷ ὁρωμένω · […] » (= Diogenes Laërt. VII, 157). Voir sur ce sujet, A. Dihle, « Vom sonnenhaften Auge », dans H.-D. Blume, F. Mann, éd., Platonismus und Christentum. Festschrift für Heinrich Dörrie, Münster, Aschendorf (coll. « Jahrbuch für Antike und Christentum », « Ergänzungsband », 10), 1983, p. 85-91 ; Einar Már Jónnson, Le miroir. Naissance d’un genre littéraire, Paris, Les Belles Lettres, 1995. Cet auteur explique que cette théorie remonte à l’école pythagoricienne : « […] l’oeil émet en permanence un faisceau de “rayons visuels” rectilignes, formant un cône dont l’oeil est lui-même le sommet, et qui vont percevoir dans l’espace les objets colorés et éclairés […]. Mais il est important de noter que dans tous les cas ces rayons étaient considérés comme une prolongation de l’âme elle-même » (chap. 1 : « Le miroir dans l’Antiquité », p. 50).
-
[34]
« Wichtig ist dabei, dass das Auge diese folgenreiche, sei es heilsame, sei es verderbliche Strahlung nicht nur aussendet, sondern auch empfängt » (A. Dihle, « Vom sonnenhaften Auge », p. 90).
-
[35]
Dans le système des Ophites (Adv. Haer., I, 5), on décrit la chute de Jaldabaoth en ces termes : « Jaldabaoth regarda la lie de la matière qui se trouvait au-dessous de lui et s’éprit d’un violent désir pour elle : de là, disent-ils, lui naquit un fils, “l’Intellect”, qui a la forme entortillée du serpent » (cf. A. Rousseau, L. Doutreleau, Irénée de Lyon, Contre les Hérésies, Livre 1, édition critique, t. II, texte et traduction, Paris, Cerf [coll. « Sources Chrétiennes », 264], 1979, p. 371). Numénius, de son côté, affirme à propos du second Dieu : « […] parce qu’il regarde la matière, il s’en préoccupe et s’oublie lui-même. Il entre en contact avec le sensible, le choie, l’élève en outre jusqu’à son propre caractère, parce qu’il a tendu son désir vers la matière » (fr. 11, trad. É. des Places, Oracles chaldaïques avec un choix de commentaires anciens, p. 53. Voir également le récit de la chute de l’Homme primordial, en CH I, 14).
-
[36]
Cf. C. Beeson, Hegemonius, Acta Archelai, Leipzig, J.C. Hinrichs’sche Buchhandlung (coll. « Die Griechischen Christlichen Schriftsteller », 16), 1906. Spéc. 67, 8-9 : « Postquam autem ad alterutrum agnitionem uterque pervenit et tenebrae contemplatae sunt lucem, tamquam melioris rei sumpta concupiscentia insectabantur ea et coadmisceri ac participari de ea cupiebant. Et tenebrae quidem haec agebant, lux vero nequaquam ex tenebris quicquam recipiebat in sese nec in earum desiderium veniebat, tantummodo quod etiam ipsa spectandi libidinem passa est. Et quidem et respexit eas velut per speculum […], sed lux ipsa respexit tantummodo et abscessit, nulla scilicet parte sumpta de tenebris. Tenebrae vero ex luce ex luce sumpserunt ituitum et yles enfasin vel colorem […] ». Pour une analyse exhaustive de ce texte, cf. W.A. Löhr, Basilides und seine Schule, Tübingen, Mohr Siebeck (coll. « Wissenschaftliche Untersuchungen zum Neuen Testament », 83), 1996, p. 219-249.
-
[37]
Comme dans la ParaSem, on ne donne aucune explication à cette rupture de l’harmonie originelle.
-
[38]
Cf. ParaSem 2,23-24 : « […] il vit une grande eau obscure et fut pris de dégoût ».
-
[39]
Cf. M. Marcovich, Hippolytus. Refutatio omnium haeresium, Berlin, New York, Walter de Gruyter (coll. « Patristische Texte und Studien », 25), 1986, p. 188-189.
-
[40]
: 3,18 (l’Intellect) ; 13,28 ; 21,22 ; 24,34 (la Matrice) ; 25,8 (projet de l’Obscur) ; 45,13 (l’Obscur) ; 48,8 (la Nature) ; ἀργός : 4,16 (l’Obscur) ; 15,7 (les eaux) ; 16,21 (la racine de la Matrice) ; 22,1 (les démons) ; 36,31 (traitement donné par l’eau) ; 37,24 (l’eau du baptême).
-
[41]
SVF II, 449 : « τὴν ὓλην ἀργὸν ἐξ ἑαυτῆς […] » (= Plutarque, De Stoicorum repugnantiis, 1054 A). Cf. J. Pépin, « À propos du platonicien Hermogène. Deux notes de lecture de l’Adversus Hermogenem de Tertullien », dans M. Joyal, éd., Studies in Plato and the Platonic Tradition. Essays Presented to John Whittaker, Brookfield, Ashgate, 1997, p. 191-201.
-
[42]
Cf. Plutarque, De animae…, 1015 A : « […] τὸ ἄποιον καὶ ἀργὸν ἐξ αὐτοῦ καὶ ἀρρεπὲς […] ».
-
[43]
Fragment XXIII, 14 : « Lui-même alors, comme il voulait que ne fût plus inerte (ἀργὸν) le monde supérieur, mais qu’il avait décidé de le remplir d’esprits afin que, jusque dans le détail, la création ne demeurât pas immobile et inactive (ἀργὰ) […] » (trad. A.J. Festugière, t. IV, Fragments extraits de Stobée, Paris, Les Belles Lettres, 1954, p. 4).
-
[44]
In Parm., 922, 29-38, trad. C. Steel, « Proclus et Aristote sur la causalité efficiente de l’intellect divin », dans J. Pépin, H.D. Saffrey, éd., Proclus lecteur et interprète des anciens. Actes du colloque international du CNRS (Paris 2-4 octobre 1985), Paris, CNRS, 1987, p. 213-225 (p. 218).
-
[45]
Cf. Wisse : « But in order that the mind of the Darkness, which is the eye of the bitterness of evil, might not be destroyed […] » ; Schenke : « Damit aber der Verstand der Finsternis […] nicht zunichtegemacht werde […] ».
-
[46]
Sur l’association de l’Intellect et du feu, cf. CH X, 17-18 : « L’Intellect donc, étant le plus pénétrant de tous les concepts divins, possède aussi pour corps le plus pénétrant de tous les éléments, le feu. Et comme l’Intellect est le fabricateur de tous les êtres, c’est le feu qu’il prend pour instrument en vue de cette fabrication ». Cf. A.J. Festugière, A.D. Nock, Corpus Hermeticum, p. 122.
-
[47]
« Ce n’est pas par une action directe, mais par un Intellect, que le Feu Premier transcendantal enclôt sa Puissance dans la matière […] » (fr. 5) (trad. des Places ; Id. pour tous les fr. suivants). Aussi, fr. 3.
-
[48]
« Toutes choses sont nées d’un seul feu » (fr. 10).
-
[49]
« Car le Père a créé en perfection toutes choses […] » (fr. 7).
-
[50]
« Quand en effet il eut conçu ses oeuvres, l’Intellect paternel né de lui-même insémina en toutes le lien lourd de feu de l’Amour […] » (fr. 39) ; « Car l’Intellect du Père (πατρικὸς νόος) a semé les symboles à travers le monde, lui qui pense les intelligibles, que l’on appelle indicibles beautés » (fr. 108).
-
[51]
« Car l’Intellect ne subsiste pas indépendamment de l’Intelligible, et l’Intelligible ne subsiste pas à part de l’Intellect » (fr. 20) ; « L’Intellect du Père a vrombi, quand il a pensé, d’un propos vigoureux, les Idées de toutes formes et d’une seule source toutes s’élancèrent […] » (fr. 37).
-
[52]
« C’est de lui que s’élancent les foudres implacables […] » (fr. 35) ; « Aux fulgurations intellectuelles du feu intellectuel tout cède, asservi au conseil persuasif du Père » (fr. 81) (cf. Appendice II).
-
[53]
Selon H. Lewy, la restriction vise le panthéisme stoïcien (cf. Chaldean Oracles and Theurgy, p. 32-33 et 33, n. 75).
-
[54]
Le verbe copte correspond très probablement au grec μονοειδής (cf. 1,35b-36a) et décrit une lumière sans mélange. Le thème de l’homogénéité de la lumière est caractéristique de la doctrine de Mani. Cf. U. Bianchi, « The Contribution of the Cologne Mani Codex to the Religio-Historical Study of Manicheism », dans Papers in Honour of Professor Mary Boyce, Leiden, Brill (coll. « Acta Iranica », 24, Deuxième série, « Hommages et opera minora », X), 1985, p. 15-24 ; « Zoroastrian Elements in Manichaeism. The Question of Evil Substance », dans P. Bryder, éd., Manichean Studies. Proceedings of the First International Conference on Manichaeism, August 5-9, 1987, Lund, Plus Ultra (coll. « Lund Studies in African and Asian Religions », 1), 1988, p. 13-18 ; « Omogeneita della luce e dualismo radicale nel manichaeismo », dans M. Görg, éd., Religion im Erbe Ägyptens. Beiträge zur spätantiken Religionsgeschichte zu Ehren von Alexander Böhlig, Wiesbaden, In Kommission bei O. Harrassowitz, 1988, p. 54-64 ; « Sur la théologie et l’anthropologie de Mani », dans P. Bilde, H.K. Nielsen, J.P. Sørensen, éd., Apocryphon Severini, presented to Søren Giversen, Aarhus, Aarhus University Press, 1993, p. 19-28 ; N.A. Pedersen, « Some Comments on the Relationship between Marcionism and Manichaeism », dans Apocryphon Severini, p. 166-177.
-
[55]
On discutait à l’époque sur l’origine et la nature de la lumière ainsi que sur sa relation avec le feu. Pour Platon, que Proclus suivra plus tard, la lumière est corporelle et produite par le feu, alors que pour Aristote, Plotin et Simplicius, la lumière est non corporelle. Cf. J.F. Finamore, « Iamblichus on Light and the Transparent », dans H.J. Blumenthal, E.G. Clarck, éd., The Divine Iamblichus Philosopher and Man of Gods, Bristol, Bristol Classical Press, 1993, p. 55-64.
-
[56]
Ce passage rappelle la façon dont les stoïciens se représentaient l’origine de l’univers : la transformation d’un élément passif (παθητικόν) par un élément actif (δραστικόν). D.E. Hahm écrit que pour eux, « le cosmos est formé d’un corps et d’une âme […] l’eau est le corps, le feu est l’âme […] » et « la relation du feu à l’eau est comme celle de l’agent à la matière » (The Origins of Stoic Cosmology, p. 61 et 71).
-
[57]
Timée, 50d : « Et tout naturellement il convient de comparer le réceptacle à une mère, le modèle à un père, et la nature qui tient le milieu entre les deux à un enfant […] » (trad. L. Brisson, Timée/Critias, p. 149-150).
-
[58]
Cf. D.E. Hahm, The Origins of Stoic Cosmology, p. 57-90 (p. 66).
-
[59]
« C’est de Lui que s’élancent les foudres implacables, le sein, accueillant aux orages, de l’éclat resplendissant d’Hécate issue du Père (πατρογενοῦς Ἑκάτης), la fleur du feu qui a pris (ou qui forme) une ceinture, et le Souffle puissant au-delà des pôles ignés » (fr. 35).
-
[60]
« Comme une membrane (ὑμήν) intellective qui a pris une ceinture, (Hécate) dissocie le premier et le second feux qui ont hâte de se mêler » (fr. 6) ; « […] qu’au milieu des Pères le centre d’Hécate est porté » (fr. 50 ; M. Tardieu, « La gnose valentinienne et les Oracles chaldaïques », p. 21, traduit : « emporté »). Sur le rôle d’Hécate dans les Oracles chaldaïques, cf. S.I. Johnston, HEKATE SOTEIRA. A Study of Hekate’s Roles in the Chaldean Oracles and Related Literature, Atlanta, Ga., Scholars Press (coll. « American Philological Association. American Classical Studies »), 1990. Voir Appendice II.
-
[61]
Cf. L. Brisson, « La place des Oracles Chaldaïques dans la Théologie platonicienne », dans A.P. Segonds, C Steel, éd., Proclus et la Théologie platonicienne, Leuven, Leuven University Press ; Paris, Les Belles Lettres, 2000, p. 113-114.
-
[62]
But qui précise celui déjà énoncé en 4,8-10a : « afin que l’Intellect de l’Obscur ne demeurât pas dans l’Hadès ».
-
[63]
Cf. supra, n. 27 et 28. Sur ce sens du terme Puissance, cf. H. Lewy, « Δύναμις is the sum of the noetic powers of the “Father” » (Chaldean Oracles and Theurgy, p. 79, n. 46).
-
[64]
Cf. : 21,23b-24a ; 21,32 (la masturbation) ; 22,8b-9a (renvoie à notre épisode). : 10,24b-25a () ; 14,16 ; 23,23b-24a (…) ; 27,6 () ; 34,21b-22a ; 35,6 () ; 38,9 .
-
[65]
Cf. P. Louis, Aristote. De la génération…, p. 8-9.
-
[66]
On peut aussi citer le fr. 100 : (la matière) « sale » (vile) et le fr. 34 : « […] ce torrent de matière, où se trouvent meurtre, agitations et souffles infects, maladies desséchantes, putréfactions et écoulement […] ». Sur le fr. 129, cf. M. Tardieu, « La gnose valentinienne et les Oracles chaldaïques », p. 207 ; J.-D. Dubois, « La forme de la matière selon la démiurgie valentinienne et les Oracles chaldaïques », dans Helmut Seng, Michel Tardieu, éd., Die Chaldaeischen Orakel : Kontext - Interpretation - Rezeption, Heidelberg, Universitätsverlag Winter, 2011, p. 179-192.
-
[67]
Le copte utilise ici les deux termes grecs.
-
[68]
Cf. G. Bechtle, « A Neglected Testimonium (Fragment ?) On the Chaldaean Oracles », Classical Quarterly, 52 (2006), p. 563-581 ; ici, p. 578 ; voir aussi Id, The Anonymous Commentary on Plato’s « Parmenides », Bern, Stuttgart, Wien, Verlag Paul Haupt, 1999, p. 195-196.
-
[69]
Les traductions suivantes ne tiennent pas compte du contexte : « And when Nature had taken to herself the mind by means of the dark power, every likeness took shape in her » (Wisse) ; « Und als die Natur den Verstand an sich genommen hatte, wurde jede Art in ihr geformt » (Schenke).
-
[70]
« Cela dit, trouver le fabricant et le père de l’univers exige un effort […] » (trad. Luc Brisson, Timée/Critias, p. 116) ; aussi, Tim., 50d (cf. supra, n. 57).
-
[71]
Philon d’Alexandrie, De ebrietate, § 30, trad. J. Gorez, Paris, Cerf (coll. « Les oeuvres de Philon d’Alexandrie », 11-12), 1962, p. 37.
-
[72]
De cherubim, § 52, trad. J. Gorez, Paris, Cerf (coll. « Les oeuvres de Philon d’Alexandrie », 3), 1963, p. 45 ; également le § 49. Voir aussi, Leg all., II, § 49 ; Quod det., § 54 ; De fuga, § 51, 109 ; De mut., § 134 ; Frg phil De Deo § 3, § 6. Sur ce dernier texte, cf. F. Siegert, Philon von Alexandrien. Über die Gottesbezeichnung « wohltätig verzehrendes Feuer » (De Deo). Rückübersetzung des Fragments aus dem Armenischen, deutsche Übersetzung und Kommentar, Tübingen, Mohr Siebeck (coll. « Wissenschaftliche Untersuchungen zum Neuen Testament », 46), 1988, p. 125-126 ; Id., « Le fragment philonien De Deo. Première traduction française avec commentaire et remarques sur le langage métaphorique de Philon », dans C. Levy, B. Besnier, éd., Philon d’Alexandrie et le langage de la philosophie, Turnhout, Brepols, 1995, p. 214. Même thématique dans CH I, 9 ; CH V, 11 ; Ascl. 20 ; Irénée, Adv. Haer. I, 1,1 ; 2, 1 (Ptolémée) ; Hippolyte, Elenchos VII, 21 (Basilide). Sur ce thème, cf. G. Quispel, « Ezechiel 1:26 in Jewish mysticism and Gnosis », Vigiliae Christianae, 34 (1980), p. 1-13.
-
[73]
Cf. Marius Victorinus, Traités théologiques sur la Trinité, I, texte établi par Paul Henry, introduction traduction et notes par Pierre Hadot, Paris, Cerf (coll. « Sources Chrétiennes », 68), 1960, p. 514-515 ; Pierre Hadot, Porphyre et Victorinus, I, Paris, Études augustiniennes, 1968, p. 383 et n. 6 sur l’image de l’écoulement des Idées.
-
[74]
Cf. aussi le fr. 28 : « Car c’est dans le sein de cette triade que toute choses ont été semées » ; et le fr. 32 : « Ouvrière, distributrice de feu porteur de vie est (celle-ci), et remplissant le sein générateur d’Hécate […] ». Sur ce fr., nous suivons l’interprétation de S.I. Johnston, pour qui l’adjectif « ouvrière » (ἐργάτις) renvoie à la « Puissance paternelle » (Πατρικὴ Δύναμις) (HEKATE SOTEIRA, p. 64-65). On peut aussi mentionner le fr. 96.
-
[75]
Cf. Crum, 779a. Traductions qui ne tiennent pas compte du contexte : « […] had acquired the likeness of the mind […] » (Wisse) ; « […] das Bild des Verstandes angeeignet hatte […] » (Schenke).
-
[76]
Elle recevra ce principe au moment de la formation de l’Âme du monde (cf. infra, 6,20-22a).
-
[77]
Gyn., I, 43. Cf. P. Burguière, D. Gourevitch, Y. Malinas, Soranos d’Éphèse. Maladies des femmes, t. I, livre I, p. 41.
-
[78]
Contresens : « For Nature rose up to expel it » (Wisse) ; « Denn die Natur erhob sich, um es abzuwerfen » (Schenke).
-
[79]
Wisse a mal ponctué le texte, ce qui conduit à un contresens : « It (i.e. the mind) collided against the unbegotten Spirit, since it possessed a likeness from him, in order that Nature might become empty of the chaotic fire ».
-
[80]
L’auteur utilise ici le terme à la fois en son sens gynécologique et cosmique. En ce dernier sens, le terme désigne la limite entre le monde igné et le monde de l’Esprit. On peut rappeler le fr. 6 des Oracles à propos d’Hécate : « Comme une membrane (ὑμήν) intellective […] » (cf. supra, n. 60).
-
[81]
Chorion désigne l’enveloppe extérieure du foetus chez Aristote, De gen. an., II, 4,739b ; II, 7,745b, 746a ; III, 2,753b.
-
[82]
« […] ὁ αἰθήρ, ἱερὸν πῦρ, φλόξ ἐστιν ἄσβεστος […] » (Philon d’Alexandrie, De conf. ling., § 156). Cf. ParaSem 13,12 : « […] la flamme (pSaH = φλόξ) de feu […] ».
-
[83]
Cf. SVF II, 612, 668. Voir Appendice III.
-
[84]
Il ne reste plus dans le chaos et sous l’eau qu’un feu « obscur, lourd et pesant » (9,13b-15a ; cf. 14,34b-35a ; 15,2b-4).
-
[85]
De gen. an., II, 4, 739b (trad. Pierre Louis).
-
[86]
euswk, présent II.
-
[87]
Cf. supra, n. 63.
-
[88]
Cf. Appendices I et III.
-
[89]
De gen. an., 726a ; cf. aussi, 727b, 730b.
-
[90]
Cf. supra, n. 57 et p. 161.
-
[91]
Chaldean Oracles and Theurgy, p. 79, n. 46.
-
[92]
Ibid., p. 335.
-
[93]
Il renvoie à Philon d’Alexandrie, Numénius, Plutarque, les Écrits Hermétiques et Plotin.
-
[94]
Ibid., p. 341. Voir aussi, p. 82, 340-343.
-
[95]
Notons en CH I, 16 une thématique et une terminologie très proches de notre texte : « La Nature, en effet, s’étant unie d’amour à l’Homme, mit au monde un étonnement tout à fait étonnant (ἤνεγκέ τι θαῦμα θαυμασιώτατον) » (trad. A.J. Festugière, cf. supra, n. 43).
-
[96]
Cette lumière sera délivrée de l’emprise de l’Intellect-démiurge par le Sauveur en 19,4b-13a et donnée au troisième Intellect, l’Intellect-roi, pour le rendre fidèle (πιστός) (22,21b-23,8). Elle sera aussi désignée par le nom de Foi (πίστις) dans l’histoire du salut et sera au principe de la race des noétiques. Le texte parle de façon équivalente de « la lumière de l’Intellect » (43,25-26a) ou simplement de la Foi (35,27b-31a).
-
[97]
De gen. an., I, 11, 719a (trad. P. Louis).
-
[98]
« Le mâle apporte le principe du mouvement, et la femelle, la matière » (De gen. an., I, 22, 730a, trad. P. Louis) ; voir aussi, II, 3, 737a, IV, 3, 767b.
-
[99]
De gen. an., II, 3, 736b (trad. P. Louis). Dans cette traduction nous avons gardé le terme grec pneuma que Pierre Louis traduit par « gaz ».
-
[100]
Au sujet de l’Intellect principe de mouvement, cf. W. Deuse, Untersuchungen zur mittelplatonischen und neuplatonischen Seelenlehre, p. 71 et suiv.
-
[101]
traduit probablement le verbe τυποῦσθαι qui, en contexte embryologique, se réfère à la formation de l’embryon. Cf. Soranos, Gyn., I, 43 (= I, 14, « Collection des universités de France »).
-
[102]
Traduction R. Arnaldez, p. 185.
-
[103]
C’est-àdire le vêtement qui lui permet de traverser intact l’ensemble du cosmos, du lieu de l’Esprit à la sphère de l’Eau.
-
[104]
SVF I, 512 : « […] οἷον εἰς σπερμα τὸ πῦρ […] » ; cf. supra, n. 27 et 28.
-
[105]
Cf. fr. 37, 28 : « Car c’est dans le sein de cette triade que toutes choses ont été semées ».
-
[106]
Voir aussi, fr. 31 : « […] la Triade, […] où les intelligibles sont mesurés (τὰ νοητὰ μετρεῖται) » ; et le fr. 37 : « […] la source en est unique, d’où d’autres Idées jaillissent en vrombissant, partagées (μεμερισμέναι), inabordables, en se brisant sur les corps cosmiques […] ». Sur cette fonction d’Hécate, cf. S.I. Johnston, HEKATE SOTEIRA, p. 55-57. Les données de la ParaSem corroborent son interprétation.
-
[107]
Cf. SVF I, 98 ; 512 ; II, 311, 1027. Cf. supra, n. 8.
-
[108]
Cette façon d’envisager le rôle du Logos se retrouve chez Plotin : « Chez Plotin, l’Intellect est toujours considéré comme le démiurge. Mais ce démiurge ne travaille pas. Il transmet son logos à l’Âme, qui utilise les logoi pour fabriquer les choses sensibles […] » (L. Brisson, « Logos et logoi chez Plotin. Leur nature et leur rôle », dans Les Cahiers Philosophiques de Strasbourg, Strasbourg, Université de Strasbourg, 1999, p. 87-108) ; Id., « Amélius : sa vie, son oeuvre, sa doctrine, son style », dans W. Haase, H. Temporini, éd., Aufstieg und Niedergang der Romischen Welt, Teil II, Principat, Band 36.2, Berlin, New York, Walter de Gruyter, 1987, p. 837.
-
[109]
Le vêtement adapté à son passage dans les trois sphères, de l’Hymen, du Chorion ou Silence, et de la Puissance ou Milieu.