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Cet ouvrage collectif rassemble les contributions présentées à l’occasion du IXe colloque de théologie dogmatique, qui s’est tenu les 29 et 30 octobre 2007 à la Faculté de théologie de l’Université Catholique de Louvain (Louvain-la-Neuve). Il présente l’originalité d’approcher la question de la vérité, et plus spécifiquement du « faire vérité », sous l’angle de différentes disciplines : la théologie fondamentale, la christologie, l’exégèse biblique, et la philosophie ; mais aussi d’autres domaines, comme le droit, la politique, les sciences exactes, et le registre artistique. C’est donc tout autant à une mise en question générale du concept de vérité, qu’à une spécification chrétienne de ce dernier (sous la forme du Je suis la vérité), que nous invitent les auteurs de cet ouvrage.
Le recueil propose neuf chapitres de qualité et d’une grande ouverture d’esprit. Comme l’indique Benoît Bourgine dans la présentation de la problématique, l’ouvrage part du postulat que « si la vérité est plurielle, elle n’est pas pour autant éclatée » (p. 16). Aussi, est-ce cette unité organique de la vérité que tentent d’approcher les différents auteurs. Dès lors, des questions aussi diverses que le rapport entre vérité et vivre-ensemble (Myriam Revault d’Allonnes), le statut de la vérité judiciaire (Marie-Françoise Rigaux), de la vérité spécifique aux sciences empiriques et formelles (Dominique Lambert), ou du rapport problématique de la diversité culturelle et de la vérité (Pie Tshibanda) ont le mérite d’élargir le concept de vérité, de lui donner une visée pratique et sociale, en n’en diminuant pour autant ni sa force, ni sa portée.
Sur le plan de la théologie, nous relevons dans l’ouvrage une bonne représentation de ses différentes disciplines. Jean-Pierre Sonnet montre, par exemple, à partir d’une lecture exégétique de 1 Samuel 15, comment le texte biblique fait reposer la vérité tant sur le texte lui-même que sur l’intelligence de son lecteur. Ce dernier est en effet partie prenante de l’exercice d’élucidation, et doit souvent « démêler l’écheveau des vérités » que le texte présente (p. 95). Sur un autre plan, Paul Scolas analyse le statut particulier de la vérité christique, en indiquant qu’elle relève d’une inadaequatio fondamentale par rapport à nos catégories humaines, bien qu’elle exprime une autre adaequatio, plus franche et plus fondamentale, entre l’intelligence et le réel, « là où se réalise dans l’agapè l’accord des volontés » (p. 134). Enfin, un article posthume d’Adolphe Gesché insiste sur les rapports entre foi et vérité, en s’interrogeant sur une vérité qui nous rend vrais, ainsi que sur « les droits ultimes de la foi à revendiquer ainsi sa place dans l’ordre de la rationalité et de la vérité » (p. 155). Aussi, est-ce à un retournement du concept de raison qu’il nous invite, en se centrant sur le sens du terme Logos pour la tradition chrétienne et sur ses potentialités.
Sur le plan philosophique enfin, nous retrouvons deux excellentes contributions. La première, de Jean Leclercq, qui envisage la question de la vérité à partir de la phénoménologie radicale de Michel Henry, et la seconde, d’Yves Ledure, qui pense une conception de la vérité comme exigence existentielle et anthropologique, en situant le corps au premier plan de sa réflexion.
Nous saluerons, en terminant, l’initiative des directeurs de cette publication d’offrir cette multiplicité de regards sur la question de la vérité, tout en maintenant élevée la barre de la rigueur et de l’exigence. Il est aussi très agréable de voir se dessiner, par esquisses successives, un tableau nuancé de la vérité, à l’opposé de toute rigidité dogmatique ou de toute forme de relativisme. L’ensemble des textes rassemblés dans cet ouvrage offrira assurément à un assez vaste public le goût d’approfondir, selon ses propres ancrages, certaines des hypothèses qui y sont exprimées.