Notes critiques

Saint Paul, penseur de la métamorphoseÀ propos du dernier livre de Pierre-Marie Beaude[Record]

  • François Nault

…more information

  • François Nault
    Faculté de théologie et de sciences religieuses, Université Laval, Québec

Professeur émérite de l’Université Paul-Verlaine (Metz), Pierre-Marie Beaude est l’auteur d’une oeuvre littéraire importante, qui s’enrichit encore régulièrement de nouveaux titres. Avant cette aventure dans le domaine de la littérature et en parallèle avec son travail d’écrivain, Beaude a aussi produit des travaux importants dans le champ de l’exégèse biblique et de la théologie. De son Jésus oublié (Paris, Cerf, 1977) à ses études sur le christianisme ancien (Premiers chrétiens, premiers martyrs, Paris, Gallimard, 1993), en passant par son ouvrage sur L’accomplissement des Écritures (Paris, Cerf, 1980), ce bibliste de formation a érigé une oeuvre tout à fait originale, située au confluent notamment de l’exégèse, de la science historique, des sciences du langage, des études littéraires, de la psychanalyse et bien sûr de la théologie. Il s’agit d’une oeuvre marquée du sceau de l’interdisciplinarité, qu’on pourrait rapprocher de celle d’un Michel de Certeau : la rigueur de la pensée s’allie à une liberté et à une capacité d’invention peu compatibles avec les clôtures disciplinaires ou encore les « styles imposés ». La lecture du livre d’hommage consacré à Pierre-Marie Beaude, paru en 2010, pourra donner une idée du large écho que ses travaux ont reçu. Annoncé et promis depuis longtemps par son auteur, le livre Saint Paul, l’oeuvre de métamorphose ne décevra pas les lecteurs qui connaissent déjà le type d’approche privilégié par Pierre-Marie Beaude. Cet ouvrage imposant (plus de quatre cents pages) désarçonnera sans doute les autres lecteurs, étourdis par l’étendue et la diversité des sources, la complexité et la multiplicité des plans d’analyse. Toutefois, il réussira assurément à emporter leur adhésion à terme, pour autant qu’ils consentent à s’engager dans une véritable aventure de la pensée. Ils seront aidés par le caractère pédagogique de l’ouvrage : celui-ci est organisé autour d’un principe structurant (l’idée de métamorphose) et est formé de chapitres qui se terminent tous par une section récapitulative qui résume les résultats acquis. Dès les premières lignes de son livre, Pierre-Marie Beaude évoque la genèse de son projet : « J’ai longtemps nourri le projet d’écrire, sans autre souci, un livre qui sélectionnerait dans le corpus paulinien quelques grandes entrées socio-anthropologiques telles que le corps, la langue, les appartenances, l’autorité, la légitimation du pouvoir, l’utilisation du texte sacré. Puis l’idée m’est venue que peut-être quelque chose organisait l’ensemble, quelque chose qui donnait comme un liant à la pensée de l’Apôtre » (p. 15). Relisant les épîtres en essayant de trouver, non pas un « thème central », mais une sorte de « principe organisateur » servant de « liant » à l’oeuvre de saint Paul, Beaude a alors été frappé par « la présence insistante du vocabulaire du corps » : « […] corps individuel, corps collectif, corps souffrant, corps parlant, corps délirant, corps appelé à la transformation avec et dans le grand corps du cosmos » (p. 15). Et du corps, il est arrivé à la métamorphose. Au-delà même du recours au vocabulaire de la métamorphose, la référence à un « principe métamorphique » s’est imposée à lui comme clef de lecture possible de l’oeuvre paulinienne, et ce sont les résultats de cette lecture que l’ouvrage de Pierre-Marie Beaude nous livre d’une manière à la fois fort érudite et séduisante. Le premier chapitre, intitulé simplement « Métamorphose » (p. 13-34), propose quelques éclaircissements préalables touchant le vocabulaire et la notion de métamorphose. L’auteur précise qu’il prête au terme « métamorphose » un sens assez extensif, débordant le domaine de la physique pour toucher aussi l’esthétique, la rhétorique, la logique et l’éthique (p. 27). Ce chapitre se termine par une courte mais décisive réflexion sur …

Appendices