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C’est en témoignage de vive reconnaissance que nous tenons à saluer ici la mémoire de Venant Cauchy. Le Laval théologique et philosophique a longtemps bénéficié de son appui loyal et constant en des temps plus difficiles, avant même qu’il ne devienne membre, en 1981, du Conseil de la revue. Son énergie et son engagement pour la philosophie étaient extraordinaires, se traduisant moins dans l’élaboration d’une oeuvre personnelle que par l’organisation de projets de grande envergure, de préférence internationaux, permettant à collègues et étudiants d’éviter l’enfermement trop facile dans une école ou l’autre de pensée.
Parmi ses réalisations de cet ordre, on cite souvent, à juste titre, le XVIIe Congrès mondial de la Fédération internationale des sociétés de philosophie à Montréal en 1983, Philosophie et culture. Je retiens néanmoins pour ma part le XVe Congrès, particulièrement vivant et réussi, des Sociétés de philosophie de langue française à l’Université de Montréal, sur La communication, dont les Actes en deux tomes, riches en textes mémorables, ont paru par ses soins en 1971 (éd. Montmorency). Le moment fort de ce congrès, la joute dialectique entre Paul Ricoeur et Jacques Derrida autour de la vraie nature du signe, reste gravé dans les mémoires. Cela dit, quantité d’autres rencontres semblables de haute tenue n’auraient pas vu le jour sans l’engagement persistant de Venant Cauchy. La liste en est impressionnante.
Non moins remarquable est l’énumération de ses innombrables interventions sur tous les continents : discours, allocutions, conférences, contributions à des collectifs. Si l’on est de prime abord frappé par la variété des causes qui l’ont sollicité, on y découvre cependant vite un trait commun, qui est le souci de l’humain. Les Mélanges offerts en son honneur en 1993 portent le titre Le dialogue humaniste. On ne pouvait mieux dire. Antoine de Saint-Exupéry écrivait, dans Citadelle : « Les mots essaient d’épouser la nature et de l’emporter. Ainsi j’ai dit “montagne” et j’emporte la montagne en moi avec ses hyènes et ses chacals et ses ravins pleins de silence et sa montée vers les étoiles jusqu’aux crêtes mordues par les vents… mais ce n’est qu’un mot qu’il faut remplir ». Le défi que Venant Cauchy n’a eu de cesse de relever sur tant de tribunes aura été, justement, de « remplir » le mot « humanisme » et de mieux le définir pour notre temps. Il aura su illustrer admirablement ce que Saint-Exupéry résume avec bonheur, dans Citadelle encore : « Il convient en permanence de tenir réveillé en l’homme ce qui est grand et de le convertir à sa propre grandeur ».
À l’instar de tous ceux et celles ayant à coeur le service du bien commun, Venant Cauchy a connu sa part d’attaques mesquines, mais sa générosité et sa magnanimité étaient telles qu’elles semblaient à peine l’effleurer. Sa sensibilité était pourtant manifeste. Ainsi qu’en faisait à nouveau foi une de ses dernières communications, présentée en août 2006 à Budapest, la préoccupation centrale de son humanisme demeurait la liberté, celle des autres d’abord mais aussi la sienne, dont il ne s’est d’ailleurs pas privé, en vue, précisément, du bien commun.
Aussi faut-il rendre hommage à la mémoire de ce grand ami de notre revue et de notre Faculté de philosophie, et reconnaître, avec toute la gratitude qu’elle mérite, sa contribution infatigable à la cause de la philosophie et de l’humain, par-delà les frontières, les inimitiés et les conventions.