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Ce livre, présenté par le théologien Ratzinger, devenu Benoît XVI depuis le 19 avril 2005, est le fruit d’un long cheminement intérieur. Il s’agit là de la première de deux parties d’une oeuvre retraçant la vie publique du Christ, de son baptême à la Transfiguration.
D’entrée de jeu, Joseph Ratzinger affirme que les progrès réalisés par l’approche historico-critique ont creusé un fossé de plus en plus profond entre le « Jésus historique » et le « Christ de la foi ». La base historique est sans doute un préalable à une meilleure compréhension des textes bibliques, mais la perspective de la foi, qui est celle des Évangiles, amène constamment à la dépasser. Si on n’ancre pas Jésus en Dieu, le personnage du Nazaréen reste schématique, irréel et inexplicable. Voilà la pierre angulaire de l’ouvrage de Ratzinger. Jésus ne peut être vu qu’à partir de sa communion avec le Père, qui est le centre proprement dit de sa personnalité.
La méthode historico-critique n’épuise pas le travail d’interprétation pour ceux qui ont foi dans les écrits bibliques et qui les croient inspirés par Dieu. Cette méthode étudie le contexte événementiel qui a vu naître les textes. Le projet d’« exégèse canonique », né il y a trente ans et qui vise à lire les différents textes en les rapportant à la totalité des Écritures, vient donner un éclairage nouveau à la recherche historico-critique.
L’auteur de la Bible, selon Ratzinger, ne parle pas en tant que personne privée, comme un sujet clos sur lui-même. Il est porté par un mouvement historique vivant qu’il ne crée pas et qui n’est pas créé par la collectivité, mais dans lequel une force directrice supérieure est à l’oeuvre. Les différents livres de la Bible ne sont pas seulement une oeuvre littéraire. Les auteurs font partie d’un sujet commun, le peuple de Dieu, à partir duquel ils parlent et à qui ils s’adressent. De plus, ce peuple n’est pas isolé ; il est guidé et interpellé par Dieu lui-même, qui est celui qui parle en profondeur, à travers des hommes et à travers leur humanité.
Ratzinger, en théologien prudent, affirme que ce livre n’est pas écrit contre l’exégèse moderne. Il essaie, au-delà de l’interprétation historico-critique, d’appliquer les nouveaux critères méthodologiques qui l’autorisent à faire une interprétation proprement théologique de la Bible.
Le pape, en prenant appui sur l’unité qui existe entre l’Ancien et le Nouveau Testament, montre Jésus de Nazareth comme étant le nouveau Moïse, accomplissant les attentes d’Israël. Le Christ, Fils de Dieu, est celui qui conduit le peuple de Dieu vers sa libération finale.
Le baptême de Jésus dans le Jourdain symbolise sa mort et sa « descente aux enfers » qu’il a dû vivre aux différentes étapes de sa vie. Pour sauver l’humanité, il a eu à lutter et vaincre les différentes tentations qui travaillent de tout temps l’homme, ouvrant par là le chemin vers Dieu, vers la Terre promise.
Le coeur du livre de Ratzinger est le Royaume de Dieu préfiguré et annoncé dans le Sermon sur la Montagne. Les Béatitudes sont le fondement de la Loi nouvelle. L’ancienne Loi était le résultat d’un tête-à-tête avec Dieu. La Loi d’amour ou la Loi nouvelle est la plénitude de l’union totale entre le Père et le Fils.
La vie nouvelle de l’homme n’est pas d’abord soumission à une Loi, bien que celle-ci ne soit pas effacée, mais entrée en dialogue avec Dieu, écoute de Dieu. Le pape montre alors l’importance de la prière, tout particulièrement la prière du Notre Père que Jésus nous a enseignée.
Ratzinger propose par la suite une lecture proprement théologique des paraboles, expose la nécessité de la vie en Église, préfigurée par le choix des Apôtres où les échecs sont même permis. Enfin, dans les deux derniers chapitres, Ratzinger expose quel est le sens exact de la mission du Christ Messie parmi les hommes.
Oeuvre personnelle, n’engageant pas le Magistère, Ratzinger souhaite être lu à partir d’une perspective pastorale. Jésus nous donne la vie en plénitude, parce qu’il nous donne Dieu. Il peut nous le donner parce qu’il est lui-même Un avec Dieu. Parce qu’il est le Fils. Il est lui-même le don, il est « la vie ».