FR:
La thèse typiquement plotinienne de la non-descente partielle de l’âme n’est pas le simple reflet de la capacité personnelle de Plotin à remonter par lui-même vers le principe — comme on l’a longtemps suggéré faute de mieux —, mais la reformulation plotinienne d’une doctrine précise, l’ὁμοούσιος gnostique/hermétique, l’élu gnostique — le « pneumatique » plus précisément —, dont l’âme demeure consubstantielle au Plérôme divin, ne perdant jamais son lien substantiel avec lui et se trouvant par là même assuré du salut. L’âme non pas simplement parente (συγγενής) du divin comme l’enseignait déjà Platon, mais véritablement non descendue et consubstantielle à lui (cf. 2 [IV 7], 10, 19), telle que l’échafaude Plotin, accorde donc à tout homme ce lien ininterrompu et indissoluble avec les réalités les plus hautes que la gnose réservait seulement à quelques-uns. L’audace revendiquée sur ce point par Plotin (cf. 6 [IV 8], 8, 1-3), consiste à s’opposer non à des adversaires platoniciens en vérité ici introuvables, mais à des gnostiques platoniciens, des « séthiens » qui fréquentent son École et s’accordent à eux seuls le pouvoir d’atteindre l’Intelligible (cf. 33 [II 9], 9, 79), tandis que, de l’avis du philosophe néoplatonicien, « toute âme est fille du père de là-bas » (33 [II 9], 16, 9).
EN:
The thesis of the partly undescended soul, typically Plotinian, is not a simple testimony of Plotinus’s personal abilities to ascend on his own to the First Principle — as it has long been thought to be, for want of a better suggestion — but the reformulation of a specific doctrine, that of the Gnostic/Hermetic ὁμοούσιος. The soul of the Gnostic elect — the “pneumatic” soul, to be more precise — remained consubstantial to the divine Pleroma, never losing its substantial link with it, its salvation being thus guaranteed. The soul, not only akin (συγγενής) to the divine, as Plato taught before, but in fact undescended and consubstantial to it (cf. 2 [IV 7], 10, 19), as Plotinus conceives it, grants therefore to every man what the Gnostics denied to all but a few, an uninterrupted and indissoluble link with the highest realities. The audacity of this approach, recognized by Plotinus (cf. 6 [IV 8], 8, 1-3), consists in challenging, not Platonic adversaries, which in fact cannot be found, but Platonic Gnostics, “Sethians” who attend his School and who claim for themselves only the power to reach the Intelligible (cf. 33 [II 9], 9, 79), whereas, in the opinion of the Neoplatonic philosopher, “every soul is a child of That Father” (33 [II 9], 16, 9).