Le Traité 54 (I, 7), Du premier Bien et des autres biens, est le dernier écrit de Plotin. Il a traditionnellement été divisé en trois chapitres, dans lesquels le philosophe résume à grands traits certains éléments-clés de son enseignement. Dans le chapitre I, Plotin rappelle d’abord, contre Aristote, que le bien de l’âme s’identifie au Bien absolu, puis il offre une description de ce dernier en des termes parfaitement habituels dans son oeuvre. Le Bien est au-delà de l’être, de l’acte, de l’intelligence et de la pensée. Il est immobile, ne tend vers rien et ne désire rien. Bien plutôt, ce sont les autres choses qui, par leur désir ou leur activité, tendent vers lui, et c’est sous ce mode qu’il donne aux autres la forme du bien. Il est comme le centre d’un cercle, d’où partent les rayons, ou comme le soleil, d’où émane la lumière. Dans le chapitre II, Plotin précise le mode de participation des choses au Bien, en rappelant sommairement son système des « hypostases ». Les êtres inanimés se rapportent au Bien par l’intermédiaire de l’Âme et de l’Intelligence, qui sont, chacune à leur manière, des « images » du Bien. La conséquence en est que les êtres inanimés prennent part au Bien de façon indirecte, en participant à la fois de l’unité, de l’être et de la forme. Quant à l’âme, elle participe au Bien par la vie et par l’intelligence, dont la possession constitue, pour elle, deux manières de tendre vers le Premier Principe. Enfin, dans le chapitre III, Plotin rappelle en quels sens la vie et la mort sont un bien ou un mal. La vie, y explique-t-il, n’est pas forcément un bien puisque, chez le méchant, elle n’accomplit pas sa fonction. En fait, il faut dire que la vie impure est un mal pour l’âme. La vie ne sera un bien que si l’âme, par la vertu, se purifie, c’est-à-dire se garde de tout mal en se détachant du corps. Dans ces conditions, la mort, qui est la séparation de l’âme d’avec le corps, sera évidemment, pour l’âme vertueuse, un bien, et même un plus grand bien que son union avec le corps, qui fait entrave à son activité. Agnès Pigler nous a récemment offert, dans la belle collection que dirige Pierre Hadot aux Éditions du Cerf, une nouvelle traduction du traité, assortie, comme le veulent les usages de la collection, d’une introduction, de commentaires et de notes, et suivie d’un appendice d’une quinzaine de pages, intitulé « La matière précosmique comme principe d’entropie pour les êtres vivants sensibles ». Du premier Bien et des autres biens est toutefois un traité très court, nettement plus que les autres parus jusqu’ici dans la collection, ce qui donne d’emblée au commentaire proposé par Pigler une ampleur disproportionnée. Ainsi, alors que le très substantiel Traité 38 (VI, 7), qui fait 57 pages de grec dans l’editio minor de Henry-Schwyzer, avait donné lieu, de la part de Pierre Hadot, à un commentaire de 173 pages, qui est à juste titre considéré comme un modèle de précision et d’érudition, Pigler ne consacre pas moins de 94 pages d’explications à un traité qui n’en compte que 3, et dont le propos est essentiellement — comme on l’aura aperçu à partir du résumé qui précède — récapitulatif. Pour justifier une telle ampleur, l’auteur tente de faire valoir, dans son introduction, diverses raisons. Elle affirme ainsi, de manière apriorique, que le Traité 54 « représente en quelque sorte le “testament” de l’Alexandrin », et qu’il « résume l’essentiel de son enseignement quant aux questions morales et religieuses …
Le Traité 54 (I, 7) de PlotinÀ propos d'une traduction récente[Record]
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Martin Achard
Faculté de philosophie
Université Laval, Québec