Note critique

À propos d’un récent ouvrage d’André Gounelle[Record]

  • Roland Galibois

…more information

  • Roland Galibois
    Faculté de théologie, d’éthique et de philosophie
    Université de Sherbrooke

Titre, sous-titre, collection convergent : le croyant s’interroge ici sur son rôle de citoyen dans la cité moderne où se posent des questions de société toujours nouvelles ; nées de discussions entre amis réunis en des groupes de travail, les réflexions qui font la substance du volume vont sans cesse indiquer le type de débats où l’on souhaite qu’elles se prolongent. À l’entendre, l’auteur s’écarte là du domaine propre de ses compétences universitaires ; mais, à le lire, rien ne nous laisse oublier en lui l’érudit dont la carrière d’écrivain, de professeur et de responsable ecclésiastique aligna, sur plus de trente ans, de prestigieux états de service, auxquels la retraite académique, en 1998, est loin d’avoir mis un terme. Son oeuvre lui a valu un doctorat honoris causa de l’Université de Lausanne et un autre de l’Université Laval. D’enseigner près de vingt ans à la Faculté de Théologie Protestante de Montpellier ne l’a pas empêché d’être membre pendant douze ans du Conseil National de l’Église réformée de France, de présider l’Association libérale « Évangile et liberté », de codiriger, ces quinze dernières années, la traduction française des Oeuvres de Paul Tillich. Si le présent ouvrage nous montre en André Gounelle un théologien de la culture soucieux de rendre compte du fonds religieux sous-jacent à toute pensée politique, la « culture », au sens ancien du terme, le définit tout autant, celle de l’humaniste aussi versé en histoire et en lettres qu’en matière de pensée abstraite. En fait foi la vingtaine de ses publications sur la théologie de la Réforme, du Process ou de la mort de Dieu, sur les diverses christologies américaines ou sur les rapports de Pascal et des jansénistes. L’auteur a pris soin, dans son « Introduction », de nous préciser le plan de son essai, de le diviser en trois tiers, de trois chapitres chacun : Recenser avec un soin particulier le premier tiers et ses trois chapitres, suffira déjà, croyons-nous, pour une large part, à donner une juste idée de l’ensemble. Il ne restera qu’à parcourir sommairement les applications auxquelles donnent lieu, dans les deux derniers tiers, les notions de base étudiées dans le premier. Que vient faire l’Église dans la cité des hommes ? Y vient-elle faire de la politique, ou, du moins, promouvoir son idée du politique ? Que lui dit là-dessus son fondateur, qui ne lui confia que d’annoncer la Bonne Nouvelle ? Tant l’exercice du pouvoir que l’organisation relationnelle où il prend place sont des réalités culturelles, des produits de l’esprit créateur de l’homme laissé à ses forces naturelles. Mais un Évangile qui fait appel à la foi ne condamne-t-il pas la culture ? À moins qu’il n’ait tendance à s’y laisser absorber ? Ou qu’il distingue si bien son domaine de celui de l’État qu’entre lui et ce dernier l’interaction ne soit plus possible ? À partir d’un saint Jean mal compris, Tertullien, des anabaptistes et des jansénistes condamnent la culture. À partir d’un saint Paul hellénisé, Justin martyr ouvre une autre voie, où foi et culture font bon ménage, au point que l’Évangile y perde parfois sa force d’interpellation. La théorie des deux règnes a pu avoir le même effet. Aucune des trois grandes conceptions des rapports entre l’Évangile et la culture, telles que décrites par l’auteur, « de manière typologique » (p. 11), n’a vraiment de quoi le satisfaire. Fort d’une interprétation nuancée d’Ernst Troeltsch, il propose donc, en termes philosophiques, une quatrième conception des rapports entre foi et culture. Définir l’essence du christianisme, disait Troeltsch, c’est donner son point de vue à soi, sans plus. D’accord, dira …

Appendices