La typologie proposée par Arnstein en 1969 a influencé de nombreux esprits, en offrant un fondement à la fois théorique et méthodologique à plusieurs générations de théoricien·nes et de praticien·nes de la participation citoyenne. Son génie est double. D’une part, elle a su établir de manière limpide pourquoi la participation citoyenne, un concept flou de prime abord, est un sujet digne d’attention : « Participation of the governed in their government is, in theory, the cornerstone of democracy » (Arnstein, 1969 : 216). Elle présente la participation citoyenne comme la stratégie de base d’une démocratie plus juste et équitable. Au fil du temps et de ses interprètes, le champ d’étude a donné lieu à un champ de pratique tellement important qu’il a fait l’objet d’une « professionnalisation » (Bherer, Gauthier et Simard, 2017) au tournant des années 2010. D’autre part, son génie a été d’illustrer sous forme d’échelle la progression du degré de pouvoir ou d’influence qui peut être attendu ou exercé par la population dans un processus de prise de décision. À partir de là, il était facile, pour les théoricien·nes qui l’ont suivie, de commenter et de suggérer des adaptations au schéma pour le bonifier. Au fil du temps, les différentes versions de l’échelle qui ont émergé ont offert un nombre variable d’échelons et différents libellés pour les qualifier. Si l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) a retenu une version de l’échelle à trois niveaux (informer, consulter, participer), l’Association internationale pour la participation publique (IAP2) en a retenu cinq (informer, consulter, engager, collaborer et renforcer les capacités [empowerment]). Même chose pour l’Institut du Nouveau Monde (INM), qui adopte sa version (information, consultation, discussion, délibération, collaboration) en 2013. Cette dernière a depuis été reproduite dans plusieurs politiques de participation publique de différentes villes et municipalités du Québec. Quel que soit le nombre d’échelons qu’elles proposent, toutes ces échelles conservent l’idée d’une progression dans la participation, elle-même fonction d’objectifs ou de contextes distincts. Certaines échelles traduisent davantage l’idée d’une progression du degré d’interactivité de l’activité participative, tandis que d’autres, peut-être plus fidèles à l’esprit original d’Arnstein, reflètent vraiment l’idée d’une progression d’influence sur une décision publique. Du point de vue de la pratique de l’INM des 20 dernières années, cette échelle offre un outil méthodologique puissant : elle aide le concepteur ou la conceptrice d’une démarche participative à clarifier l’objectif qu’il ou elle poursuit, en l’invitant à préciser le type de participation utile. L’objectif est-il d’amener un groupe à formuler un consensus sur une question précise ? Ou est-il plutôt de documenter un éventail de besoins ? Selon l’objectif poursuivi, l’échelle guide le concepteur ou la conceptrice vers les dispositifs participatifs adaptés. L’une des principales adaptations de l’échelle d’Arnstein qu’on peut observer à travers le temps est le passage d’une échelle verticale à une échelle horizontale. L’idée d’une progression du pouvoir citoyen qui peut être attendu et exercé entre les échelons est ainsi conservée, mais l’horizontalité vient assouplir le sentiment que les échelons supérieurs sont les plus vertueux et qu’ils devraient être davantage recherchés par les praticien·nes. L’horizontalité est plus intéressante que la verticalité pour illustrer le fait qu’aucun échelon n’est – en soi – meilleur qu’un autre. Autrement dit, un positionnement à l’échelon de la co-construction ou de la décision partagée n’est pas nécessairement synonyme de l’épinard le plus frais et le meilleur pour la santé démocratique. Le choix d’un niveau de participation ou d’influence doit être fonction des objectifs et du contexte d’un projet participatif. À titre d’exemple, une petite municipalité a-t-elle besoin de co-construire (décision partagée) l’aménagement d’un parc avec sa population dans …
Appendices
Bibliographie
- Arnstein, Sherry R. 1969. « A Ladder of Citizen Participation », Journal of the American Institute of Planners, 354 : 216-224.
- Bherer, Laurence, Mario Gauthier et Louis Simard (dir.). 2017. The Professionalization of Public Participation. New York, Routledge.
- Ville de Repentigny. 2023. Politique de participation citoyenne de la Ville de Repentigny. https://repentigny.ca/sites/default/files/2023-05/ville-repentigny_vivre-ensemble_politique-participation-citoyenne_2023.pdf. Page consultée le 30 mai 2024.