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La polémique autour des questions de « participation citoyenne », de « contrôle citoyen » et d’« implication maximale possible des pauvres » a été alimentée par une rhétorique exacerbée et des euphémismes trompeurs. Afin d’encourager un dialogue plus éclairé, une typologie de la participation citoyenne est proposée à partir d’exemples tirés de trois programmes sociaux du gouvernement fédéral des États-Unis : le réaménagement urbain, la lutte contre la pauvreté et les Villes modèles. Cette typologie, qui se veut provocatrice, est présentée sous forme d’échelle, chaque échelon correspondant à l’étendue du pouvoir des citoyens dans la détermination du plan ou du programme.
L’idée de la participation citoyenne est un peu comme celle de manger des épinards : personne ne s’y oppose en principe, parce qu’il s’agit d’une bonne chose. La participation des gouvernés à leur gouvernement est, en théorie, la pierre angulaire de la démocratie – une idée vénérée que tout le monde ou presque applaudit chaleureusement. Les applaudissements perdent toutefois de leur vigueur lorsque ce principe est défendu par les non-possédants, qu’ils soient Noirs, Mexicains, Portoricains, Autochtones, Inuits ou Blancs. Et lorsque les non-possédants définissent la participation comme une redistribution du pouvoir, le consensus américain sur ce principe fondamental s’effrite pour divers motifs raciaux, ethniques, idéologiques ou politiques.
De nombreux discours, articles et livres récents[2] explorent en détail qui sont les non-possédants de notre époque. Parmi eux, beaucoup examinent pourquoi ces derniers sont devenus si vexés et aigris par leur impuissance à faire face aux profondes iniquités et injustices qui marquent leur quotidien. Toutefois, il y a eu très peu d’analyses du sens des expressions controversées « participation citoyenne » ou « participation maximale possible ». En bref : Qu’est-ce que la participation citoyenne, et quelle est sa relation avec les impératifs sociaux de notre époque ?
Participation citoyenne égale pouvoir citoyen
Puisque la question est source de contentieux dans l’arène politique, la plupart des réponses ont été volontairement dissimulées sous des euphémismes creux tels que « s’aider soi-même » ou « s’impliquer dans sa communauté ». D’autres encore ont été enjolivées par une rhétorique trompeuse, comme celle du « contrôle absolu » – lequel ne sera jamais à la portée de quiconque, y compris du président des États-Unis. Entre euphémismes et rhétorique exacerbée, même les spécialistes ont du mal à suivre la controverse. Il y a de quoi rendre le grand public perplexe.
Ma réponse à la question fondamentale de ce qu’est la participation citoyenne est simple : c’est le pouvoir des citoyens. Il s’agit de la redistribution du pouvoir qui permettra aux non-possédants, actuellement exclus des processus politiques et économiques, d’être délibérément inclus. Il s’agit de la stratégie par laquelle les non-possédants s’unissent pour déterminer comment l’information circule, les objectifs et les politiques sont définis, les ressources fiscales sont allouées, les programmes sont mis en oeuvre, et les avantages tels que les contrats et les appuis financiers sont répartis. En bref, il s’agit du moyen par lequel ils peuvent induire une authentique réforme sociale qui leur permette de profiter des avantages de la société d’abondance.
D’un rituel creux à un processus réellement avantageux
Il existe une différence majeure entre le fait de se soumettre au rituel vain de la participation et celui de détenir le pouvoir réel nécessaire pour influencer le résultat du processus. Cette différence est brillamment résumée dans une affiche peinte au printemps dernier par les étudiants français pour expliquer la rébellion étudiante et ouvrière (voir Figure 1)[3]. L’affiche met en évidence le principe fondamental selon lequel la participation sans redistribution du pouvoir est un processus vide et frustrant pour ceux et celles qui n’ont pas de pouvoir. Elle permet aux détenteurs du pouvoir de prétendre que toutes les parties ont été prises en compte, alors que seulement certaines d’entre elles sont en mesure de bénéficier d’avantages réels, maintenant ainsi le statu quo. Pour l’essentiel, c’est ce qui est en train de se passer dans la plupart des 1 000 programmes d’action communautaire (Community Action Programs), et ce qui promet de se répéter dans la grande majorité des 150 programmes des Villes modèles.
Les types de participation et de « non-participation »
Une typologie des huit niveaux de participation peut aider à analyser cette question confuse. En guise d’illustration, les huit types sont disposés sous forme d’échelle, la hauteur de chaque échelon indiquant l’étendue du pouvoir des citoyens dans la détermination du résultat final (voir Figure 2)[4].
Les échelons inférieurs sont (1) la manipulation et (2) la thérapie. Ces deux échelons décrivent des niveaux de non-participation que certains utilisent comme substitut à la participation réelle. L’objectif véritable n’est pas de permettre aux gens de participer à la planification ou de gérer des programmes, mais de permettre aux détenteurs du pouvoir d’« éduquer » ou de « guérir » les participants. Les échelons 3 et 4 progressent vers des niveaux d’inclusion de façade [tokenism] qui permettent aux non-possédants d’écouter et de faire entendre leur voix, soit : (3) l’information et (4) la consultation. Lorsque ces pratiques sont présentées par les détenteurs du pouvoir comme représentant l’étendue totale de la participation, les citoyens peuvent effectivement entendre et être entendus. Mais dans ces conditions, ils n’ont pas le pouvoir de s’assurer que leurs points de vue seront pris en compte par les puissants. Lorsque la participation est limitée à ces niveaux, il n’y a pas de suivi, pas de « muscle », et donc pas d’assurance de changer le statu quo. L’échelon (5), l’apaisement [placation], est simplement un niveau supérieur d’inclusion de façade, parce que les règles de base permettent aux non-possédants de donner leur avis, mais réservent le droit de décider aux détenteurs du pouvoir.
Dans la partie supérieure de l’échelle, on trouve les niveaux correspondant au pouvoir citoyen, avec des degrés croissants d’influence sur la prise de décision. Les citoyens peuvent ainsi conclure un (6) partenariat, qui leur permet de négocier et de faire des compromis avec les détenteurs traditionnels du pouvoir. Aux échelons les plus élevés, soit (7) le pouvoir délégué et (8) le contrôle citoyen, les non-possédants obtiennent la majorité des sièges pour la prise de décisions, ou le plein pouvoir de gestion.
Bien évidemment, cette échelle à huit barreaux constitue une simplification, mais elle aide à illustrer un aspect souvent occulté, à savoir l’existence de divers degrés de participation citoyenne. Le fait de les connaître permet d’aller au-delà de l’hyperbole et de comprendre les demandes de plus en plus pressantes des non-possédants qui souhaitent participer, ainsi que la gamme de réponses confuses des détenteurs du pouvoir.
Quoique la typologie utilise des exemples tirés de programmes fédéraux tels que le réaménagement urbain, la lutte contre la pauvreté et les Villes modèles, elle s’applique tout aussi bien à ce qui se passe actuellement dans l’Église, où des prêtres et des laïcs demandent plus de pouvoir pour en modifier la mission ; dans les collèges et les universités, qui, dans certains cas, sont devenus de véritables champs de bataille sur la question du pouvoir des étudiants ; ou dans les écoles publiques, les mairies et les services de police (ou encore les grandes entreprises, qui seront probablement les prochaines cibles). Les enjeux sous-jacents sont essentiellement les mêmes : des « rien du tout » tentent d’être reconnus et d’obtenir assez de pouvoir pour que les organisations ciblées soient sensibles à leurs points de vue, à leurs aspirations et à leurs besoins.
Les limites de la typologie
L’échelle juxtapose les citoyens sans pouvoir et les puissants afin de mettre en évidence les divisions fondamentales qui existent entre eux. En réalité, ni les non-possédants ni les détenteurs du pouvoir ne constituent des blocs homogènes. Chaque groupe englobe une multitude de points de vue divergents, de clivages importants, d’intérêts concurrents et de sous-groupes éclatés. Le recours à des abstractions aussi simplistes se justifie par le fait que, dans la plupart des cas, les non-possédants perçoivent réellement les puissants comme un « système » monolithique, et que les détenteurs du pouvoir considèrent les non-possédants comme une masse homogène, comprenant mal les différences de classes et de castes qui existent entre eux.
Il convient de noter que la typologie n’inclut pas d’analyse des principaux obstacles à l’atteinte de la véritable participation. Ces obstacles se trouvent des deux côtés de la barrière symbolique. Du côté des détenteurs du pouvoir, ils comprennent le racisme, le paternalisme et la résistance à la redistribution du pouvoir. Du côté des non-possédants, ils s’incarnent dans un manque de connaissances, dans les lacunes de l’infrastructure politique et socioéconomique, ainsi que dans la difficulté d’organiser un groupe de citoyens représentatif et responsable face à la futilité, à l’aliénation et à la méfiance.
Une autre mise en garde concernant cette échelle est que dans la vraie vie, en tenant compte des individus et des programmes réels, elle comprendrait peut-être bien 150 échelons, avec des distinctions moins « pures » et nettes entre chacun. En outre, certaines des caractéristiques utilisées pour illustrer chacun des huit éléments de la typologie peuvent aussi s’appliquer à d’autres échelons. Par exemple, l’emploi de non-possédants dans un programme ou au sein d’une équipe de planification peut correspondre à n’importe lequel des huit échelons et représenter une forme légitime ou illégitime de participation citoyenne. En fonction de leurs motivations, les détenteurs de pouvoir peuvent embaucher des personnes pauvres pour les coopter afin de les apaiser [placate], ou encore pour utiliser leurs compétences et connaissances particulières[5]. Certains maires, en privé, se vantent même de leur stratégie consistant à engager des leaders noirs militants pour les museler tout en minant leur crédibilité au sein de leur communauté.
Caractéristiques et illustrations
C’est dans ce contexte de pouvoir et d’impuissance que les caractéristiques des huit échelons sont illustrées par des exemples issus des programmes sociaux actuels du gouvernement américain.
1. La manipulation
Au nom de la participation citoyenne, des gens sont parachutés dans des comités consultatifs bidon dans le but déclaré de les « éduquer » ou d’obtenir leur prétendu soutien. Au lieu d’une véritable participation citoyenne, le premier barreau de l’échelle correspond à la distorsion de la participation en un instrument de relations publiques par les détenteurs du pouvoir.
Cette forme illusoire de « participation » s’est popularisée avec le réaménagement urbain, lorsque l’élite sociale a été invitée par les responsables du logement à siéger au sein de comités consultatifs de citoyens (Citizen Advisory Committees – CAC). Les sous-comités des CAC sur les groupes minoritaires, qui devaient théoriquement protéger les droits des Noirs dans le cadre du programme de réaménagement urbain, ont également fait l’objet de manipulations. Dans la pratique, ces sous-comités, tout comme les CAC dont ils dépendaient, servaient surtout de façades, présentées au moment opportun pour promouvoir les plans de réaménagement urbain (désignés depuis comme des « plans d’éviction des Noirs »).
Lors des réunions de ces comités prétendument consultatifs, ce sont en fait les fonctionnaires qui éduquaient, persuadaient et conseillaient les citoyens, et non l’inverse. Les directives fédérales relatives aux programmes de réaménagement ont légitimé cette manipulation en mettant l’accent sur les termes « collecte d’information », « relations publiques » et « soutien » en tant que fonctions explicites des comités (Department of Housing and Urban Development, 1966 : 1 ; 6).
Ce style de non-participation a depuis été appliqué à d’autres programmes touchant les pauvres. On en trouve des exemples dans les organismes d’action communautaire (Community Action Agencies – CAA), qui ont créé des structures appelées « conseils de quartier » ou « groupes consultatifs de quartier ». Ces entités n’ont souvent aucun pouvoir ni aucune fonction légitime (Austin, [n. d.]). Les CAA les utilisent pour « prouver » que les « gens de la base » sont impliqués dans le programme. Mais il se peut que le programme n’ait pas fait l’objet de discussions avec « les gens ». Il peut aussi avoir été présenté en des termes très généraux. Par exemple : « Nous avons besoin de votre signature au bas de cette proposition de centre multiservice qui réunira sous un même toit des médecins, du personnel des Services sociaux et des spécialistes du Service de l’emploi ».
Les signataires ne sont pas informés du fait que le centre, au coût de 2 millions de dollars par an, ne fera que renvoyer les résidents vers les mêmes files d’attente et les mêmes organismes qu’avant, à l’autre bout de la ville. Personne ne se fait demander si un tel centre d’aiguillage est vraiment nécessaire dans son quartier. Personne ne sait que l’entrepreneur chargé de la construction du bâtiment est le beau-frère du maire, ou que le « nouveau » directeur du centre sera la même personne qui agit déjà à titre de spécialiste en organisation communautaire pour l’organisme de réaménagement urbain.
Après avoir apposé leur signature, les fiers membres de la base font consciencieusement savoir qu’ils ont « participé » à la création d’un centre dans le quartier – tout nouveau, tout beau –, qui offrira aux habitants les emplois et les services de santé et d’aide sociale dont ils ont tant besoin. Ce n’est qu’après la cérémonie d’inauguration que les membres du conseil de quartier se rendent compte qu’ils n’ont pas posé les questions importantes, et qu’ils n’avaient pas de conseillers pour les aider à comprendre les mentions légales en petits caractères. Le nouveau centre, qui est ouvert de 9 h à 17 h en semaine uniquement, ne fait qu’ajouter à leurs problèmes. Désormais, les vieux organismes à l’autre bout de la ville refusent de faire affaire avec eux, à moins qu’ils présentent un papier rose prouvant qu’ils ont été dirigés par « leur » nouveau et rutilant centre de quartier.
Malheureusement, cette tactique ne constitue pas un exemple isolé. Au contraire, elle est presque typique de ce qui a été perpétré au nom d’une rhétorique pompeuse évoquant la « participation de la base ». Cette imposture est au coeur de l’exaspération et de l’hostilité profondes des non-possédants à l’égard des détenteurs du pouvoir.
Une touche d’espoir réside toutefois en ce que, après avoir été si grossièrement humiliés, certains citoyens ont appris comment jouer eux aussi à ce petit jeu [the Mickey Mouse game]. Maintenant au fait de cette stratégie, ils exigent une véritable participation pour s’assurer que les programmes publics répondent à leurs besoins et à leurs priorités.
2. La thérapie
À certains égards, la thérapie de groupe, maquillée en participation citoyenne, devrait se trouver au plus bas de l’échelle, car elle est à la fois malhonnête et arrogante. Ses administrateurs – des experts en santé mentale allant des travailleurs sociaux aux psychiatres – partent du principe que l’impuissance est synonyme de maladie mentale. Sur la base de ce postulat, et sous couvert d’intégrer les citoyens dans la planification, les experts soumettent ces derniers à une thérapie de groupe. Ce qui rend cette forme de « participation » si odieuse, c’est que les citoyens sont mobilisés dans une activité intense, mais que celle-ci vise à les guérir de leur « pathologie » plutôt qu’à mettre fin au racisme et à la victimisation qui en sont à l’origine.
Prenons l’exemple d’un événement survenu en Pennsylvanie il y a moins d’un an. Lorsqu’un père a amené son bébé gravement malade à la clinique d’urgence d’un hôpital local, le jeune médecin résident de service lui a indiqué de ramener le bébé à la maison et de lui donner de l’eau sucrée. L’après-midi même, le bébé est mort d’une pneumonie et de déshydratation. Le père endeuillé s’est plaint au conseil d’administration de l’organisme local d’action communautaire. Mais au lieu de lancer une enquête sur l’hôpital afin de déterminer les changements qui permettraient d’éviter des décès similaires ou d’autres erreurs médicales, le conseil d’administration a invité le père à assister aux séances (de thérapie) sur le soin des enfants organisées par l’organisme d’action communautaire à l’intention des parents, et lui a promis que quelqu’un « téléphonerait au directeur de l’hôpital pour veiller à ce que cela ne se reproduise plus ».
Des exemples moins dramatiques, mais plus courants, de thérapie déguisée en participation citoyenne peuvent être observés dans les programmes de logements sociaux où les groupes de locataires sont utilisés comme des véhicules pour promouvoir le contrôle parental ou des campagnes de nettoyage. Les locataires sont réunis pour les aider à « adapter leurs valeurs et leurs attitudes à celles de la société dans son ensemble ». En vertu de ces règles de base, on les détourne des questions importantes, telles que les expulsions arbitraires, la ségrégation dans le projet de logement ou la raison pour laquelle il faut attendre trois mois pour faire remplacer une fenêtre cassée en hiver.
La complexité du concept de maladie mentale à notre époque est illustrée par l’expérience des étudiants et des militants pour les droits civiques confrontés aux armes à feu, aux fouets et à d’autres formes de terreur dans le Sud, qui ont eu besoin de l’aide de psychiatres conscients du contexte social pour gérer leurs peurs et éviter la paranoïa[6] (Coles, 1964).
3. L’information
Informer les citoyens de leurs droits, de leurs responsabilités et de leurs options peut être une première étape importante vers une participation citoyenne légitime. Trop souvent, cependant, l’accent est mis sur un flux d’information à sens unique – des fonctionnaires aux citoyens –, sans rétroaction possible ni pouvoir de négociation. Dans ces conditions, en particulier lorsque l’information est fournie à un stade tardif de la planification, les citoyens n’ont guère la possibilité d’influer sur le programme conçu « pour leur bien ». Les outils les plus fréquemment utilisés pour cette communication unidirectionnelle sont les médias, les brochures, les affiches et les réponses aux demandes de renseignements.
Les réunions peuvent également être transformées en véhicules de communication à sens unique par le simple fait de fournir des informations superficielles, de décourager les questions ou de donner des réponses non pertinentes. Lors d’une récente réunion de planification citoyenne des Villes modèles à Providence, dans le Rhode Island, le sujet abordé était celui des aires de jeu pour jeunes enfants. Un groupe de représentants élus des citoyens, qui assistaient presque tous à trois à cinq réunions par semaine, a consacré une heure à une discussion sur l’emplacement de six aires de jeu. Le quartier concerné est composé à moitié de Noirs et à moitié de Blancs. Plusieurs représentants noirs ont fait remarquer que quatre aires de jeu étaient proposées pour le quartier blanc, contre seulement deux pour le quartier noir. Le fonctionnaire municipal leur a répondu par une longue explication très technique sur les coûts au mètre carré et les terrains disponibles, que la plupart des résidents ne comprenaient manifestement pas. Les observateurs de l’Office of Economic Opportunity (OEO), eux, savaient bien qu’il existait d’autres options qui, compte tenu des fonds disponibles, auraient permis une répartition plus équitable des installations. Intimidés par l’inanité du processus, le jargon juridique employé et le prestige du fonctionnaire, les citoyens ont toutefois accepté les « informations » et approuvé la proposition de l’organisme d’installer quatre aires de jeu dans le quartier blanc (Fellman, 1969).
4. La consultation
Inviter les citoyens à donner leur avis, tout comme les informer, peut être une étape légitime vers leur pleine participation. Mais si la consultation n’est pas combinée à d’autres modes de participation, celle-ci reste une imposture, car elle n’offre aucune garantie que les préoccupations et les idées des citoyens seront prises en compte. Les méthodes de consultation les plus fréquemment utilisées sont les enquêtes d’attitudes, les réunions de quartier et les audiences publiques.
Lorsque les détenteurs du pouvoir limitent l’apport des citoyens à ce seul niveau, la participation reste un rituel de façade. Les gens sont perçus essentiellement comme des abstractions statistiques, et la participation est mesurée par le nombre de personnes qui assistent aux réunions, prennent des brochures ou répondent à un questionnaire. Ce que les citoyens obtiennent de toutes ces activités, c’est une « participation à la participation ». Et ce que les détenteurs du pouvoir obtiennent, c’est la preuve qu’ils ont fait tout ce qu’il fallait pour impliquer « les gens ».
Les enquêtes d’attitudes sont devenues un sujet de discorde dans les ghettos, où les résidents sont de plus en plus mécontents du nombre de fois par semaine où on les interroge sur leurs problèmes et leurs espoirs. Pour reprendre les mots d’une femme : « Il ne se passe jamais rien avec ces maudites questions, si ce n’est que l’enquêteur gagne 3 dollars l’heure pendant que de mon côté, la lessive ne se fait pas ». Dans certaines communautés, les résidents, excédés, en sont venus à exiger une rémunération pour les entretiens de recherche.
Les enquêtes d’attitudes ne sont pas des indicateurs très fiables de l’opinion de la communauté lorsqu’elles sont utilisées en l’absence d’autres contributions des citoyens. L’une après l’autre, les enquêtes (financées par des fonds alloués à la lutte contre la pauvreté) « documentent » le fait que ce que les ménagères pauvres souhaitent le plus avoir dans leur quartier, ce sont des aires de jeu sécuritaires pour les tout-petits. Cependant, la plupart des femmes répondent à ces questionnaires sans connaître toutes leurs options. Elles partent du principe que si elles n’en demandent pas trop, elles pourront au moins obtenir quelque chose d’utile dans leur quartier. Si elles savaient qu’un régime d’assurance maladie gratuit et prépayé était une possibilité, elles ne placeraient peut-être pas les aires de jeu aussi haut sur leur liste de priorités.
Un exemple classique de mauvais usage de la consultation s’est produit lors d’une réunion organisée pour consulter les citoyens sur une proposition de subvention du programme des Villes modèles à New Haven, dans le Connecticut. James V. Cunningham, dans un rapport non publié destiné à la Fondation Ford, décrit la foule qui y était présente comme nombreuse et « majoritairement hostile » :
Les membres de l’association des parents du quartier The Hill ont demandé pourquoi les résidents n’avaient pas participé à l’élaboration de la proposition. Le directeur de l’organisme d’action communautaire, M. Spitz, a expliqué qu’il s’agissait simplement d’une proposition visant à obtenir du financement gouvernemental et qu’une fois les fonds obtenus, les résidents s’impliqueraient en profondeur dans la planification. Un observateur externe, présent dans le public, décrit la réunion ainsi : « Spitz et Mel Adams ont dirigé la réunion seuls. Aucun représentant d’un groupe de The Hill n’a joué le rôle de modérateur ou n’a eu une place sur la scène. Spitz a déclaré aux 300 résidents que cette grande réunion était un exemple de “participation à la planification”. Pour le prouver, comme il y avait beaucoup de mécontentement dans l’assistance, il a demandé un “vote” sur chaque élément de la proposition. Le vote s’est déroulé ainsi : “Puis-je voir les mains de toutes les personnes qui sont en faveur d’une clinique médicale ? De toutes celles qui s’y opposent ?” C’était un peu comme demander qui est en faveur de la maternité. »
Cunningham, 1967 : 54
C’est la combinaison de la profonde méfiance suscitée par cette réunion et d’un long historique de formes similaires de « participation de façade » qui a conduit les résidents de New Haven à exiger le contrôle du programme.
Par contraste, il est utile de se pencher sur le cas de Denver, où les techniciens ont appris que même les mieux intentionnés d’entre eux étaient souvent étrangers, voire insensibles, aux problèmes et aux aspirations des pauvres. La directrice technique du programme des Villes modèles décrit comment les planificateurs professionnels avaient supposé que les résidents, victimes des tarifs élevés proposés par les commerçants locaux, avaient « grand besoin d’une éducation à la consommation[7] ». Les résidents leur ont toutefois fait savoir que les commerces locaux remplissaient pour eux une fonction précieuse. Malgré leurs prix excessifs, ils faisaient crédit, offraient des conseils, et ils étaient souvent les seuls endroits du quartier où l’on pouvait encaisser des chèques de paie ou d’aide sociale. À l’issue de cette consultation, les techniciens et les résidents se sont mis d’accord pour créer dans le quartier les établissements de crédit si nécessaires en lieu et place d’un programme d’éducation à la consommation.
5. L’apaisement [placation]
C’est à ce niveau que les citoyens commencent à avoir un certain degré d’influence, bien que l’on demeure sur le plan de l’inclusivité de façade [tokenism]. Un exemple de stratégie d’apaisement consiste à placer quelques pauvres « méritants » triés sur le volet dans les conseils d’administration des organismes d’action communautaire ou dans des organismes publics tels que les conseils scolaires, les commissions de police ou les offices d’habitation. S’ils ne sont pas élus et n’ont donc pas de comptes à rendre à la communauté, tandis que l’élite traditionnelle détient toujours la majorité des sièges, les non-possédants peuvent être facilement neutralisés et déjoués. Les comités consultatifs et de planification des Villes modèles offrent un autre exemple. Ceux-ci permettent aux citoyens de conseiller ou de planifier à l’infini, mais réservent aux détenteurs du pouvoir le droit de juger de la légitimité ou de la faisabilité de leurs idées. Bien entendu, le degré d’« apaisement » dépend largement de deux facteurs : la qualité de l’assistance technique dont les citoyens bénéficient pour formuler leurs priorités, et la mesure dans laquelle la communauté a été organisée pour faire pression en faveur de ces priorités.
Il n’est pas surprenant que le niveau de participation citoyenne dans la grande majorité des programmes des Villes modèles se situe à l’échelon de l’apaisement ou en deçà. Les responsables des politiques du département du Logement et du Développement urbain (Department of Housing and Urban Development – HUD) étaient déterminés à remettre le génie du pouvoir citoyen dans la bouteille d’où il s’était échappé, dans quelques villes, à l’issue de la disposition stipulant la « participation maximale possible » dans les programmes de lutte contre la pauvreté. Ils ont donc trouvé une façon d’impliquer la mairie dans leur approche de rajeunissement physique, social et économique des quartiers délabrés, en rédigeant une loi exigeant que tous les fonds des Villes modèles soient versés à un organisme appelé City Demonstration Agency (CDA) par l’intermédiaire du conseil municipal élu. Telle qu’elle a été promulguée par le Congrès, cette loi conférait aux conseils municipaux un droit de veto final sur la planification et la programmation et éliminait toute relation de financement direct entre les groupes communautaires et le HUD.
Le HUD a exigé des CDA qu’ils créent des conseils délibératifs de coalition incluant les détenteurs du pouvoir à l’échelle locale pour la création d’un plan physique et social global au cours de la première année. Ce plan devait être mis en oeuvre sur une période de cinq ans. Le HUD, contrairement à l’OEO, n’a pas exigé que des non-possédants soient inclus dans les instances. Les normes du HUD en matière de participation citoyenne exigeaient seulement que les citoyens aient un accès « clair et direct » au processus décisionnel.
En conséquence, les CDA ont structuré leurs conseils délibératifs de manière à y inclure une combinaison d’élus ; de représentants des écoles ; de fonctionnaires des secteurs du logement, de la santé et de l’aide sociale ; de représentants des services d’emploi et de la police ; ainsi que de leaders sociaux, syndicaux et du monde des affaires. Certains CDA ont inclus des citoyens du quartier. Comme il se doit, de nombreux maires ont interprété la disposition du HUD relative à « l’accès au processus décisionnel » comme une échappatoire leur permettant de reléguer les citoyens à un rôle consultatif traditionnel.
La plupart des CDA ont créé des comités consultatifs de résidents. Un nombre alarmant d’entre eux ont créé des conseils et des comités citoyens censément voués à l’élaboration de politiques, mais n’ayant au mieux qu’une autorité très limitée. Presque tous les CDA ont créé une douzaine de comités de planification ou de groupes de travail en lien avec les grands axes : la santé, l’aide sociale, l’éducation, le logement et le chômage. Dans la plupart des cas, les non-possédants ont été invités à y siéger avec des techniciens des organismes publics concernés. Certains CDA, en revanche, ont structuré des comités de planification composés de techniciens et de comités parallèles de citoyens.
Dans la plupart des programmes des Villes modèles, des heures et des heures ont été consacrées à l’élaboration de structures complexes de conseils, de comités et de groupes de travail pour l’année de planification. Cependant, les droits et les responsabilités des différents éléments de ces structures ont été mal définis et restent ambigus. Cette ambiguïté est susceptible d’engendrer des conflits considérables à la fin du processus de planification d’un an. En effet, à ce moment-là, les citoyens pourraient se rendre compte qu’ils ont une fois de plus abondamment « participé », mais qu’ils n’en ont pas profité au-delà de la mesure dans laquelle les détenteurs du pouvoir ont bien voulu les « apaiser ».
Les résultats d’une étude (réalisée au cours de l’été 1968, avant l’octroi de la deuxième série de soixante-quinze subventions) ont été publiés dans un bulletin du HUD de la même année (Department of Housing and Urban Development, 1968). Bien que ce document public utilise des formulations beaucoup plus délicates et diplomatiques, il atteste des critiques déjà citées concernant les conseils délibératifs qui n’élaborent pas de politiques et les structures compliquées et ambiguës, en plus de formuler les conclusions suivantes :
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La plupart des CDA n’ont pas négocié les exigences de participation citoyenne avec les résidents.
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Les citoyens, compte tenu de leurs expériences négatives passées avec les détenteurs du pouvoir à l’échelle locale, étaient extrêmement méfiants à l’égard de ce nouveau programme présenté comme une panacée. Ils se méfiaient légitimement des motivations de la Ville.
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La plupart des CDA ne travaillaient pas avec des groupes de citoyens véritablement représentatifs des quartiers modèles et responsables devant les électeurs du quartier. Comme dans de nombreux programmes de lutte contre la pauvreté, les personnes impliquées étaient surtout représentatives de la classe ouvrière en processus d’ascension sociale. Ainsi, leur approbation des plans préparés par les organismes municipaux était vraisemblablement peu représentative de l’opinion des chômeurs, des jeunes, des résidents plus militants et des plus démunis.
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Les résidents, qui pouvaient aller jusqu’à participer à cinq réunions par semaine, ne connaissaient pas leurs droits et responsabilités de base, ainsi que les options qui leur étaient offertes en vertu du programme. Par exemple, ils ignoraient qu’ils n’étaient pas tenus d’accepter l’aide des techniciens de la Ville en lesquels ils n’avaient pas confiance.
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L’assistance technique fournie par les CDA et les organismes municipaux était pour l’essentiel de qualité médiocre, paternaliste et condescendante. Les techniciens ne proposaient pas d’options innovantes. Ils réagissaient de manière bureaucratique lorsque les résidents sollicitaient des approches novatrices. Les intérêts particuliers des organismes municipaux de la vieille garde, bien que dissimulés, étaient au coeur du programme.
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La plupart des CDA n’étaient pas engagés dans un processus de planification assez exhaustif pour exposer la dégradation urbaine et s’attaquer à ses causes profondes. Ils se sont laissé gagner par la « réunionite » et ont soutenu des stratégies ayant dégénéré en « projectite », pour finalement produire une liste interminable de programmes traditionnels menés par des organismes traditionnels de la manière traditionnelle – celle qui est à l’origine même de la dégradation urbaine.
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Les résidents ne recevaient pas suffisamment d’information de la part des CDA pour leur permettre d’examiner les plans qu’ils avaient élaborés ou de prendre l’initiative d’élaborer leurs propres plans, comme l’exige le HUD. Au mieux, ils recevaient des renseignements superficiels. Au pire, ils ne recevaient même pas de copies des documents officiels du HUD.
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La plupart des résidents ignoraient qu’ils avaient le droit d’être remboursés pour les dépenses engagées du fait de leur participation – garde d’enfants, transport, etc.
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La formation des résidents pour les aider à se retrouver dans le labyrinthe des instances fédérales, étatiques et municipales et de leurs réseaux de sous-systèmes est un élément que la plupart des CDA n’ont même pas envisagé.
Ces résultats ont conduit à une nouvelle interprétation publique de l’approche du HUD en matière de participation citoyenne. Bien que les exigences pour les soixante-quinze bénéficiaires du « deuxième tour » du programme des Villes modèles n’aient pas été modifiées, le bulletin technique de vingt-sept pages du HUD sur la participation citoyenne rappelle à plusieurs reprises que les Villes partagent le pouvoir avec les résidents. Il incite également les CDA à expérimenter le recours à des contrats de sous-traitance pour permettre aux groupes de résidents d’embaucher leurs propres techniciens de confiance.
Une évaluation plus récente a été diffusée en février 1969 par l’OSTI, une société privée qui a conclu un contrat avec l’OEO pour fournir une assistance technique et de la formation aux citoyens participant aux programmes des Villes modèles dans le nord-est du pays. Le rapport de l’OSTI à l’OEO corrobore l’étude précédente. Il indique en outre ce qui suit :
Dans pratiquement aucune structure des Villes modèles la participation citoyenne n’est synonyme de prise de décision véritablement partagée, de sorte que les citoyens pourraient se considérer comme des « partenaires du programme […] ».
En général, les citoyens ne parviennent pas à avoir un impact réel sur la planification globale en cours. Dans la plupart des cas, les planificateurs du CDA et des organismes existants se chargent de la planification proprement dite, les citoyens jouant un rôle périphérique de chiens de garde pour, au bout du compte, approuver le plan produit sans discussion. Dans les cas où les citoyens sont directement responsables de l’élaboration des plans, le délai qui leur est imparti et les ressources techniques indépendantes mises à leur disposition ne leur permettent pas d’adopter autre chose que des approches très traditionnelles à l’égard des problèmes qu’ils tentent de résoudre.
En général, on n’a guère réfléchi aux moyens d’assurer la participation continue des citoyens pendant la phase de mise en oeuvre. Dans la plupart des cas, les organismes traditionnels sont envisagés comme les exécutants des programmes des Villes modèles, et peu de mécanismes ont été élaborés pour encourager le changement organisationnel ou la modification de la méthode d’exécution des programmes au sein de ces organismes, ou encore pour garantir que les citoyens auront une certaine influence sur ceux-ci lors de la mise en oeuvre des programmes des Villes modèles […].
Globalement, on planifie encore à la place des citoyens. Dans la plupart des cas, les principales décisions de planification sont prises par le personnel du CDA, et approuvées officiellement par les conseils délibératifs.
Organization for Social and Technical Innovation, 1969 : 27-28, 35
6. Le partenariat
À cet échelon, le pouvoir est redistribué par le biais de la négociation entre les citoyens et les détenteurs du pouvoir, qui acceptent de partager les responsabilités en matière de planification et de prise de décision en recourant à des structures telles que des conseils délibératifs mixtes, des comités de planification et des mécanismes de résolution des impasses. Une fois que les règles de base ont été établies par à la suite de concessions mutuelles, celles-ci ne peuvent pas être modifiées unilatéralement.
Le partenariat est d’autant plus efficace lorsqu’il existe au sein de la communauté une structure organisée à laquelle les leaders citoyens doivent rendre des comptes, que le groupe de citoyens dispose de ressources financières suffisantes pour payer à ses leaders des honoraires raisonnables pour le temps investi, et qu’il a les moyens d’embaucher (et de licencier) ses propres techniciens, juristes et organisateurs communautaires. Avec ces ingrédients, les citoyens ont une véritable influence sur le résultat du plan (tant et aussi longtemps que les deux parties jugent utile de maintenir le partenariat). Un leader communautaire a décrit cela ainsi : « C’est comme entrer à la mairie avec son chapeau sur la tête au lieu de l’avoir à la main. »
Dans le cadre du programme des Villes modèles, seule une quinzaine des soixante-quinze villes dites de première génération ont atteint un degré significatif de partage du pouvoir avec les résidents. Dans toutes ces villes, sauf une, ce sont les revendications des citoyens en colère, plutôt que l’initiative de la Ville, qui ont conduit au partage négocié du pouvoir[8]. Les négociations ont été déclenchées par des citoyens frustrés par les formes antérieures de prétendue participation. Ils étaient à la fois en colère et suffisamment avertis pour refuser de se faire avoir à nouveau. Ils ont menacé de s’opposer à l’octroi d’une subvention de planification à la Ville. Ils ont envoyé des délégations au HUD à Washington, utilisé des termes abrasifs. Les négociations se sont déroulées dans un climat de suspicion et de rancoeur.
Dans la plupart des cas où le pouvoir a été partagé, il a été pris par les citoyens, et non accordé par la Ville. Il n’y a là rien de nouveau. Étant donné que ceux qui détiennent le pouvoir souhaitent normalement s’y accrocher, historiquement, les sans-pouvoir ont dû l’arracher plutôt que de se le voir offrir par les puissants.
Un tel partenariat a été négocié par les habitants du quartier modèle de Philadelphie. Comme la plupart des candidats à une subvention des Villes modèles, Philadelphie a rédigé une demande de plus de 400 pages et l’a brandie lors d’une réunion avec les leaders de la communauté convoquée à la hâte. Lorsqu’on leur a demandé d’approuver le projet, les participants ont protesté contre le fait que la Ville avait négligé de les consulter lors de l’élaboration de la demande détaillée. Un porte-parole de la communauté a menacé d’organiser une manifestation de quartier contre la demande si la Ville refusait d’accorder aux citoyens quelques semaines pour examiner celle-ci et recommander des changements. Les fonctionnaires ont accepté.
Lors de la réunion suivante, les citoyens ont remis aux représentants de la Ville une version refondue de la section portant sur la participation citoyenne, laquelle modifiait les règles de base pour passer d’un faible rôle consultatif des citoyens à un solide accord de partage des pouvoirs. La demande de Philadelphie au HUD reprenait mot pour mot la proposition des citoyens. (Elle comprenait également un nouveau chapitre introductif préparé par ceux-ci, qui modifiait la description du quartier modèle faite par la Ville pour la faire passer d’une description paternaliste des problèmes à une analyse réaliste de ses forces, de ses faiblesses et de son potentiel.)
En conséquence, le comité d’élaboration des politiques proposé par le CDA de Philadelphie a été remanié afin d’attribuer cinq des onze sièges à l’organisation des habitants, appelée Area Wide Council (AWC). L’AWC a obtenu du CDA un contrat de sous-traitance de plus de 20 000 dollars par mois, qu’elle a utilisé pour maintenir l’organisation de quartier, payer les leaders citoyens 7 dollars par réunion pour leurs services de planification, et payer les salaires d’un personnel composé d’organisateurs communautaires, de planificateurs et d’autres techniciens. L’AWC a le pouvoir de prendre l’initiative de ses propres plans, de s’engager dans une démarche de planification conjointe avec les comités du CDA et d’examiner les plans issus des organismes municipaux. Il dispose d’un droit de veto en ce sens qu’aucun plan ne peut être soumis par le CDA au conseil municipal tant qu’il ne l’a pas vérifié et que toute divergence d’opinions n’a pas fait l’objet d’une négociation fructueuse avec l’AWC. Les représentants de l’AWC (qui est une fédération d’organisations de quartier regroupées en seize « pôles » de quartier) peuvent assister à toutes les réunions du CDA, que ce soit celles des groupes de travail, des comités de planification ou des sous-comités.
Bien que le conseil municipal ait un droit de veto final sur le plan (en vertu de la loi fédérale), l’AWC estime disposer d’une base suffisamment puissante pour négocier toute objection de dernière minute que le conseil municipal pourrait soulever lors de l’examen des innovations proposées par l’AWC, telles qu’une réserve foncière, une société de développement économique et un programme expérimental de maintien du revenu pour 900 familles pauvres.
7. Le pouvoir délégué
Les négociations entre les citoyens et les fonctionnaires peuvent également aboutir à ce que les citoyens obtiennent un pouvoir de décision dominant en lien avec un plan ou un programme particulier. Parmi les exemples typiques, on trouve les conseils délibératifs des Villes modèles et les organismes délégués par le CAA au sein desquels les citoyens disposent d’une nette majorité de sièges et de pouvoirs précis. À ce niveau de l’échelle, les citoyens détiennent les cartes importantes leur permettant d’être assurés qu’on leur rendra des comptes. Pour résoudre les différends, les détenteurs du pouvoir doivent entamer le processus de négociation plutôt que de répondre à la pression exercée par l’autre partie.
Les résidents d’une poignée de Villes modèles, dont Cambridge (Massachusetts), Dayton et Columbus (Ohio), Minneapolis (Minnesota), Saint-Louis (Missouri), Hartford et New Haven (Connecticut) et Oakland (Californie), sont parvenus à jouer un tel rôle prépondérant dans la prise de décisions.
À New Haven, les résidents du quartier The Hill ont créé une société, la Hill Neighborhood Corporation, qui s’est vu déléguer le pouvoir de préparer l’ensemble du plan des Villes modèles. La Ville, qui a reçu une subvention de planification de 117 000 dollars du HUD, a octroyé 110 000 dollars à cette société pour qu’elle engage son propre personnel de planification et ses propres consultants. La Hill Neighborhood Corporation compte onze représentants au sein du conseil d’administration du CDA, auquel siègent vingt et un membres, ce qui lui assure la majorité des voix lors de l’examen de son plan par le CDA.
Un autre modèle de délégation du pouvoir consiste à créer des groupes distincts et parallèles de citoyens et de détenteurs du pouvoir, en prévoyant un droit de veto des citoyens si les divergences d’opinions ne peuvent être résolues par la négociation. Il s’agit d’un modèle de coexistence particulièrement intéressant pour les groupes de citoyens hostiles, trop aigris à l’égard de la Ville à l’issue d’« efforts de collaboration » désastreux pour vouloir s’engager dans une démarche de planification conjointe.
Étant donné que tous les programmes des Villes modèles doivent être approuvés par le conseil municipal pour être financés par le HUD, les conseils municipaux disposent d’un droit de veto final, même lorsque les citoyens détiennent la majorité des sièges au conseil d’administration du CDA. À Richmond, en Californie, le conseil municipal a accepté un contre-veto des citoyens, mais les détails de cet accord sont ambigus et n’ont pas encore été mis à l’épreuve.
Divers accords de délégation du pouvoir émergent également dans le cadre du Community Action Program en réponse aux demandes des quartiers et aux dernières directives de l’OEO, qui presse les organismes d’action communautaire de « dépasser les exigences de base » en matière de participation des résidents (Office of Economic Opportunity, 1968 : 1-2). Dans certaines villes, ces organismes ont conclu des contrats de sous-traitance avec des groupes où les résidents sont dominants pour planifier ou gérer un ou plusieurs éléments de programmes de quartier décentralisés, comme un centre de services polyvalent ou un programme Bon départ (Headstart). Ces contrats comprennent généralement un budget détaillé et les spécifications du programme. Ils précisent également quels sont les pouvoirs importants qui ont été délégués, par exemple : l’élaboration de politiques, l’embauche et le licenciement, et l’octroi de contrats de sous-traitance pour la construction, l’achat ou la location. (Certains contrats de sous-traitance sont si généraux qu’ils s’apparentent à des modèles de contrôle citoyen.)
8. Le contrôle citoyen
Les demandes d’écoles contrôlées par la communauté, de contrôle par les Noirs et de contrôle citoyen se multiplient. Bien que personne au pays ne dispose d’un contrôle absolu, il est très important de ne pas confondre la rhétorique et l’intention. Les gens demandent simplement le degré de pouvoir (ou de contrôle) qui garantit que les participants ou les résidents peuvent administrer un programme ou une organisation, être entièrement responsables des politiques et de la gestion, et négocier les conditions dans lesquelles les personnes « de l’extérieur » peuvent les modifier.
Une société de quartier sans intermédiaire avec la source de financement est le modèle le plus souvent préconisé. Un petit nombre de sociétés expérimentales de ce type produisent déjà des biens ou des services sociaux. Plusieurs autres seraient en cours de développement, et de nouveaux modèles de contrôle verront sans doute le jour à mesure que les non-possédants continueront à faire pression pour obtenir un plus grand pouvoir sur leur vie.
Bien que la lutte acharnée pour le contrôle communautaire des écoles d’Ocean Hill-Brownsville à New York ait suscité de vives craintes parmi le grand public, des expériences moins médiatisées démontrent que les non-possédants peuvent réellement améliorer leur sort en prenant en charge l’ensemble de la planification, de l’élaboration des politiques et de la gestion d’un programme. Certains démontrent même qu’ils peuvent faire tout cela d’une seule main, car ils sont obligés d’utiliser l’autre pour repousser la déferlante d’opposition déclenchée à l’échelle locale par l’annonce selon laquelle une subvention fédérale a été accordée à un groupe communautaire ou à un groupe composé uniquement de Noirs.
La plupart de ces programmes expérimentaux ont été financés par des fonds de recherche et de démonstration de l’OEO en collaboration avec d’autres organismes fédéraux. En voici quelques exemples :
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Une subvention de 1,8 million de dollars a été accordée à la Hough Area Development Corporation de Cleveland pour la planification de programmes de développement économique dans le ghetto ainsi que pour une série d’initiatives économiques allant d’un projet novateur combinant un centre commercial et des logements sociaux à un programme de garantie de prêt pour les entrepreneurs locaux du secteur de la construction. Les effectifs et le conseil d’administration de la société sans but lucratif sont composés de dirigeants des principales organisations communautaires du quartier noir.
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Environ 1 million de dollars (595 751 dollars pour la deuxième année) ont été accordés à la Southwest Alabama Farmers Cooperative Association à Selma, en Alabama, pour une coopérative de commercialisation de produits alimentaires et de bétail réunissant dix comtés. Malgré les tentatives locales d’intimidation à l’encontre de la coopérative (dont le recours à la force pour arrêter les camions sur le chemin du marché), le nombre de membres a augmenté au cours de la première année pour atteindre 1 150 agriculteurs, lesquels ont gagné 52 000 dollars sur la vente de leurs nouvelles récoltes. Le conseil d’administration élu de la coopérative est composé de deux agriculteurs noirs pauvres de chacun des dix comtés économiquement défavorisés.
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Environ 600 000 dollars (300 000 dollars sous forme de subvention supplémentaire) ont été accordés à l’Albina Corporation et à l’Albina Investment Trust pour créer une entreprise de fabrication gérée par des Noirs et appartenant à des Noirs, en faisant appel à des cadres inexpérimentés et à du personnel non qualifié issu des minorités du district d’Albina. L’usine de fabrication de métal et de laine à but lucratif sera détenue par ses employés par le biais d’un régime de rémunération différée.
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Environ 800 000 dollars (400 000 dollars pour la deuxième année) ont été attribués au Harlem Commonwealth Council pour démontrer qu’une société de développement communautaire peut catalyser et mettre en oeuvre un programme de développement économique avec le soutien et la participation de la communauté. Après seulement dix-huit mois d’élaboration et de négociation, le conseil lancera bientôt plusieurs initiatives de grande envergure, dont l’exploitation de deux supermarchés, un centre d’entretien et de réparation automobile (avec un programme intégré de formation de la main-d’oeuvre), une société de financement pour les familles gagnant moins de 4 000 dollars par année, et une société de traitement de données. Le conseil d’administration, composé uniquement de Noirs et basé à Harlem, gère déjà une fonderie.
Bien que plusieurs groupes de citoyens (et leurs maires) utilisent la rhétorique du contrôle citoyen, aucune Ville modèle ne peut répondre aux critères du contrôle citoyen, puisque le pouvoir d’approbation finale et la responsabilité incombent au conseil municipal.
Daniel P. Moynihan affirme que les conseils municipaux sont représentatifs de la communauté, mais Adam Walinsky (1969) illustre plutôt le caractère non représentatif de ce type de représentation :
Qui […] exerce le « contrôle » par le biais du processus représentatif ? Le ghetto new-yorkais de Bedford-Stuyvesant compte 450 000 habitants, soit autant que la ville de Cincinnati et plus que l’ensemble de l’État du Vermont. Pourtant, le quartier a une seule école secondaire et 80 % des adolescents y sont des décrocheurs. Le taux de mortalité infantile y est deux fois supérieur à la moyenne nationale. Il y a plus de 8 000 bâtiments abandonnés de tous, sauf les rats, et néanmoins, le quartier n’a pas reçu un seul dollar du programme de réaménagement urbain pendant ses 15 premières années de fonctionnement. Dieu seul connaît le taux de chômage qui y sévit.
Il est clair que Bedford-Stuyvesant a des besoins particuliers, mais le quartier a toujours été perdu au milieu de la ville de huit millions d’habitants. En fait, il a fallu un procès pour que cette vaste zone obtienne, en 1968, son premier représentant au Congrès. Dans quel sens peut-on dire que le système représentatif a « parlé » pour cette communauté pendant les longues années de négligence et de déclin ?
La remarque de Walinsky sur Bedford-Stuyvesant s’applique de manière générale aux ghettos d’un bout à l’autre du pays. Il est donc probable que dans les ghettos où les résidents ont acquis un niveau de pouvoir important dans le processus de planification des Villes modèles, les plans d’action pour la première année exigeront la création de nouvelles organisations communautaires entièrement dirigées par les résidents et dotées d’une somme d’argent déterminée. Si les règles de base de ces programmes sont claires et si les citoyens comprennent que l’obtention d’une véritable place sur la scène pluraliste les assujettit à ses formes légitimes de concessions mutuelles, alors ces types de programmes pourraient commencer à montrer comment contrecarrer les diverses forces politiques et socioéconomiques corrosives qui assaillent les pauvres.
Dans les villes susceptibles de devenir majoritairement noires en raison de la croissance démographique, il est peu probable que les groupes de citoyens les plus revendicateurs, comme l’AWC de Philadelphie, exigent des pouvoirs légaux pour l’autogestion des quartiers. Leur grand dessein consistera plus probablement à réclamer une mairie noire, obtenue par le processus électoral. Dans les villes destinées à rester majoritairement blanches dans un avenir prévisible, il est fort probable que les groupes homologues à l’AWC fassent pression en faveur de formes séparatistes de gouvernement de quartier, aptes à créer et contrôler des services publics décentralisés en matière de protection policière, d’éducation et de santé. Beaucoup dépendra de la volonté des autorités municipales de répondre aux demandes d’allocation de ressources en faveur des pauvres, afin d’inverser les déséquilibres flagrants du passé.
Parmi les arguments contre le contrôle par la communauté, on entend dire que celui-ci favorise le séparatisme, qu’il crée une balkanisation des services publics, qu’il est plus coûteux et moins efficace, qu’il permet aux arrivistes des groupes minoritaires d’être aussi opportunistes et méprisants à l’égard des non-possédants que leurs prédécesseurs blancs, qu’il est incompatible avec les notions de méritocratie et de professionnalisme, et, assez ironiquement, qu’il ne s’agit que d’une nouvelle babiole pour les pauvres, leur permettant de prendre le contrôle mais ne leur accordant pas suffisamment de ressources financières pour leur permettre de réussir[9]. Ces arguments ne doivent pas être pris à la légère. Cependant, nous ne pouvons pas non plus prendre à la légère les arguments des partisans désillusionnés du contrôle communautaire – qui affirment que tous les autres moyens de mettre fin à leur victimisation ont échoué !
Appendices
Notes
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[1]
Version originale : Sherry R. Arnstein. 1969. « A Ladder of Citizen Participation », Journal of the American Institute of Planners, 35, 4 : 216-224. Reproduit avec la permission de Taylor & Francis Ltd (http://www.tandfonline.com), pour le compte de l’American Planning Association, Chicago, Illinois.
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[2]
La littérature sur la pauvreté, la discrimination et leurs effets sur les gens est abondante. Pour une introduction au sujet, les ouvrages suivants seront utiles : Ben H. Bagdikian, In the Midst of Plenty: The Poor in America, New York, Beacon, 1964; Paul Jacobs, « The Brutalizing of America », Dissent, XI, automne 1964 : p. 423-8; Stokely Carmichael et Charles V. Hamilton, Black Power: Politics of Liberation in America, New York, Random House, 1967; Eldridge Cleaver, Soul on Ice, New York, McGraw-Hill, 1968; Leonard J. Duhl, The Urban Condition: People and Policy in Metropolis, New York, Basic Books, 1963; William H. Grier et Price M. Cobbs, Black Rage, New York, Basic Books, 1968; Michael Harrington, The Other America: Poverty in the United States, New York, Macmillan, 1962; Peter Marris et Martin Rein, Dilemmas of Social Reform: Poverty and Community Action in the United States, New York, Atherton Press, 1967; Mollie Orshansky, « Who’s Who Among the Poor: A Demographic View of Poverty », Social Security Bulletin, 27, juillet 1965 : 3-32; et Richard T. Titmuss, Essays on the Welfare State, New Haven, Yale University Press, 1968.
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[3]
Cette affiche est l’une des quelque 350 produites en mai ou juin 1968 à l’Atelier Populaire, un centre d’arts graphiques lancé par les étudiants de l’École des Beaux-Arts et de l’École des arts décoratifs de Paris.
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[4]
Cette typologie est issue d’une autre typologie plus rudimentaire que j’ai diffusée en mars 1967 dans un document de travail du HUD intitulé « Rhetoric and Reality » (« Rhétorique et réalité »). Cette dernière ne suggérait pas nécessairement une progression chronologique et comprenait huit niveaux qui étaient moins distincts les uns des autres : l’information, la consultation, la planification conjointe, la négociation, la décision, la délégation, la défense des intérêts (advocate planning) et le contrôle communautaire.
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[5]
Pour un article sur certaines stratégies d’emploi possibles, voir Edmund M. Burke, « Citizen Participation Strategies », Journal of the American Institute of Planners, 34, 5, 1968, p. 287-294.
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[6]
Je suis également redevable à Daniel M. Fox, de l’université Harvard, pour son apport général sur la question du recours à la thérapie pour faire diversion à la véritable participation citoyenne.
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[7]
Entretien avec Maxine Kurtz, directrice technique, City Demonstration Agency de Denver.
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[8]
À Cambridge, dans le Massachusetts, la mairie a proposé de partager le pouvoir avec les habitants et a anticipé la nécessité d’une période au cours de laquelle un groupe représentatif de citoyens pourrait être engagé, et où les ambiguïtés relatives à l’autorité, à la structure et au processus seraient levées. À la demande du maire, le HUD a autorisé la Ville à consacrer plusieurs mois de fonds de planification des Villes modèles à des activités d’organisation communautaire. Au cours de ces mois, le personnel du bureau du directeur municipal a également aidé les résidents à rédiger une ordonnance municipale qui a créé un CDA composé de seize résidents élus et de huit représentants d’organismes publics et privés nommés. Cette entité dominée par les résidents a le pouvoir d’embaucher et de licencier le personnel du CDA, d’approuver tous les plans, d’examiner tous les budgets et contrats types de la Ville, de définir des politiques, etc. L’ordonnance, qui a été adoptée à l’unanimité par le conseil municipal, prévoit également que tous les plans de la Ville modèle doivent être approuvés par une majorité de résidents du quartier par le biais d’un référendum. Le pouvoir d’approbation finale revient au conseil municipal en vertu de la loi fédérale.
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[9]
Pour des analyses savantes approfondies du potentiel et des écueils des modèles émergents de contrôle communautaire, voir Alan Altshuler, « The Demand for Participation in Large Cities », un document inédit préparé pour l’Urban Institute; et Hans B. C. Spiegel et Stephen D. Mittenthal, « Neighborhood Power and Control, Implications for Urban Planning » (novembre 1968), un rapport préparé pour le département du Logement et du Développement urbain.
Bibliographie
- Austin, David. [n. d.] « Study of Resident Participants in Twenty Community Action Agencies », CAP Grant 9499.
- Coles, Robert. 1964. « Social Struggle and Weariness », Psychiatry, 27 : 305-15.
- Cunningham, James V. 1967. Resident Participation. Rapport non publié préparé pour la Fondation Ford.
- Department of Housing and Urban Development. 1966. Workable Program for Community Improvement: Answers on Citizen Participation, Program Guide 7.
- Department of Housing and Urban Development. 1968. « Citizen Participation in Model Cities », Technical Assistance Bulletin, 3.
- Fellman, Gordon. 1969. « Neighbourhood Protest of an Urban Highway », Journal of the American Institute of Planners, 35, 2 : 118-122.
- Office of Economic Opportunity. 1968. OEO Instruction, Participation of the Poor in the Planning, Conduct and Evaluation of Community Action Programs. Washington, D.C.
- Organization for Social and Technical Innovation. 1969. Six-Month Progress Report to Office of Economic Opportunity: Region 1.
- Walinsky, Adam. « Review of Maximum Feasible Misunderstanding by Daniel P. Moynihan », New York Times Book Review, 2 février 1969.