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Introduction

Imaginez un instant que pratiquement toutes les connaissances auxquelles vous avez accès sont produites dans une autre langue que la vôtre. Plus encore, que c’est le cas pour la presque totalité des informations auxquelles vous avez accès. Cette réalité, c’est celle de plusieurs personnes sourdes signeures ayant une langue des signes pour langue première.

Nous avons mené une recherche sur les enjeux liés à la citoyenneté culturelle des personnes sourdes en ayant pour ambition d’impliquer pleinement les communautés concernées, et en veillant à mettre en place un espace de collaboration et de réflexion qui permette à chacun·e de s’exprimer dans sa langue. Cet article propose de revenir sur ces enjeux à partir du projet On vous fait signe ! (OVFS), mené par l’équipe de la Chaire de recherche du Canada sur la citoyenneté culturelle des personnes sourdes et les pratiques d’équité culturelle[1]. L’objectif poursuivi est de présenter les avantages inhérents à l’usage de la vidéo comme lieu de production de connaissances signées (en langues des signes), dans le cadre d’une recherche collaborative à propos de la citoyenneté culturelle sourde.

Dans un premier temps, nous poserons le contexte de la recherche, en situant les personnes sourdes comme minorité culturelle et linguistique dont la citoyenneté culturelle mérite considération et invite à revisiter les modes de production et de diffusion des savoirs. Nous ferons ensuite une brève présentation de la Chaire et de ses activités, au sein desquelles l’usage de la vidéo et les formats participatifs sont des stratégies récurrentes. En effet, la vidéo constitue un outil politique et éthique à l’accessibilité multiple, qui permet de créer et de diffuser des connaissances en langue des signes québécoise (LSQ).

Dans un deuxième temps, en prenant le cas précis de la capsule vidéo « Se sentir appartenir », fruit de la recherche collaborative OVFS, et après avoir présenté sa méthodologie, ses objectifs, son déroulement et les profils des personnes participantes, nous présenterons ce que leurs témoignages nous apprennent de la citoyenneté culturelle sourde.

Enfin, nous réservons un temps de cet article à un plaidoyer pour l’importance de l’élaboration d’une réflexion en langue signée sur la question de la citoyenneté culturelle, un concept encore majoritairement pensé par les entendant·e·s et les langues dominantes. Cela nous mènera à positionner la vidéo comme espace de rassemblement et d’exercice de la citoyenneté culturelle sourde.

Les personnes sourdes : une minorité culturelle et linguistique dont la citoyenneté culturelle mérite considération

Considérées socialement comme des personnes handicapées, les personnes sourdes forment une minorité culturelle et linguistique qui rencontre de nombreux obstacles (préjugés, discriminations, manque de représentations) et affiche un taux de participation sociale moindre (Leduc, 2018a ; Lane, 1995 ; Shaw, 2012 ; Sépulchre, 2018). Elles font partie de la diversité capacitaire, un terme désignant l’ensemble des personnes sourdes, handicapées, neuroatypiques et psychoatypiques (Leduc et al., 2020).

Les perspectives médicales, culturelles et sociales prédominantes considèrent la surdité comme un manque et une incapacité (Bauman et Murray, 2009). Elles ont imposé une compréhension hégémonique évacuant l’affirmation identitaire et les appartenances à une ou plusieurs communautés sourdes. Des auteur·e·s soulignent pourtant la capacitation et la fierté liées au fait de signer une ou plusieurs langues des signes (Dagneaux, 2015 ; Kusters et Meulder, 2013). De fait, quelques travaux dans la littérature contrent les tendances dominantes qui envisagent la surdité de manière incapacitante. En ce sens, les cultures sourdes (Padden et Humphries, 2009), la sourditude (Ladd, 2003) et les arts de la scène sourde (Leduc et al., 2020 ; Kuppers, 2014 ; Fraser, 2007) sont documentés, tout comme les obstacles sociaux rencontrés par les personnes sourdes (Emery, 2011 ; Bauman et Simser, 2013). Toutefois, un besoin crucial de connaissances sur la citoyenneté culturelle des personnes sourdes reste à combler, un créneau prometteur et peu développé dans les études sur la citoyenneté (Marzana et al., 2016 ; Miller, 2003).

La citoyenneté culturelle englobe l’ensemble des pratiques qui déterminent la possibilité des personnes de se sentir appartenir à une société, particulièrement lorsqu’elles sont issues d’un groupe social minorisé (Poirier, 2017 ; Miller, 2001 ; Rosaldo, 1994). Ce concept complexe et non univoque englobe notamment la participation sociale, la production culturelle et artistique, le sentiment d’appartenance et la visibilité des acteurs sociaux concernés (Poirier, 2017 ; Rosaldo, 1994). Promues par de nombreuses conventions, chartes, lois et politiques protégeant les droits humains et culturels à l’échelle internationale, nationale, provinciale et municipale, les pratiques d’accessibilité (ex. : sous-titrage et interprétation en langues des signes) et d’équité (ex. : occasions d’emploi et de développement professionnel) sont indispensables à la citoyenneté culturelle, rendant possibles la visibilité, la participation sociale et le sentiment d’appartenance de personnes minorisées (Emery, 2009 et 2011 ; Leduc et al., 2020 ; Brault, 2013 ; Lister, 2007 ; Miller, 2003 ; Chouinard, 2000).

Bien que le concept de citoyenneté culturelle soit l’objet d’une littérature en expansion, et que certain·e·s auteur·e·s documentent la citoyenneté sourde et la culture sourde (Ladd, 2003 ; Gaucher, 2009 ; Benvenuto, 2015 ; Dalle-Nazébi et Lachance, 2015), peu d’articles portent spécifiquement sur la citoyenneté culturelle sourde.

Revisiter les modes de production et de diffusion des savoirs

Comme nous l’avons mentionné précédemment, cette étude sur les enjeux liés à la citoyenneté culturelle des personnes sourdes avait pour ambition d’impliquer pleinement les personnes concernées et de veiller à mettre en place un espace de collaboration et de réflexion. Notre recherche a contribué à poursuivre l’analyse critique des modes de production et de diffusion des savoirs. Ces enjeux méthodologiques, éthiques et épistémologiques interrogent les dispositifs, modes de relation et rapports de pouvoir à l’oeuvre non seulement dans les milieux culturels, mais également savants, majoritairement entendants, où la modalité de l’écriture classique domine l’économie de production des connaissances.

Le savoir universitaire produit à propos des cultures et des citoyennetés sourdes est majoritairement diffusé en anglais et en français écrits, les langues des signes étant des langues tridimensionnelles pour lesquelles il existe peu de systèmes d’écriture officiels, voire aucun. C’est le cas, notamment, pour la langue des signes québécoise. Il s’agit là d’un fait linguistique et culturel qu’il est indispensable de prendre en considération lorsque l’on défend une approche méthodologique de la recherche « par et pour » les communautés ciblées, ici les communautés sourdes. Si le français écrit n’est pas accessible aux personnes sourdes ou constitue, au mieux, une deuxième ou une troisième langue, comment alors rendre les résultats d’une recherche universitaire profitables à la communauté sourde ? Comment penser une recherche qui favorise l’accès et la circulation des connaissances sans rejouer des situations d’exclusion par son inaccessibilité ? Plus encore, comment envisager la production de connaissances directement en langues des signes ? La réponse à ces questions se trouve pour nous dans les modalités mêmes de la recherche et dans la manière de penser, dès ses prémices, la collaboration des communautés.

C’est dans cette double visée de documenter la citoyenneté culturelle sourde et de produire des savoirs signés (en langues des signes) qu’a été créée en 2020 la Chaire de recherche du Canada sur la citoyenneté culturelle des personnes sourdes et les pratiques d’équité culturelle.

Un espace de création de savoirs « par, pour et avec » les personnes sourdes et issues de la diversité capacitaire

Créée en 2020, la Chaire de recherche du Canada sur la citoyenneté culturelle des personnes sourdes et les pratiques d’équité culturelle adopte une approche méthodologique de la recherche universitaire produite par, pour et avec les personnes sourdes. Au sein de la Chaire, Véro Leduc, titulaire, veille, avec son équipe bilingue (français et LSQ) constituée de personnes issues des communautés sourdes et de la diversité capacitaire, au développement de connaissances en ce qui a trait aux citoyennetés culturelles sourdes. La Chaire promeut d’autre part l’accroissement de pratiques exemplaires en matière d’équité culturelle et la sensibilisation des milieux culturels afin de favoriser l’accès à la création artistique et d’encourager la participation citoyenne des personnes sourdes.

L’équité culturelle repose sur la valorisation de conditions de pleine participation à la société, notamment pour les personnes sourdes (qui, avec les personnes handicapées, forment l’un des quatre groupes minoritaires ciblés par le Conseil des arts du Canada [CAC]). En mettant l’accent sur les processus systémiques nécessitant la mise en oeuvre de pratiques équitables, l’équité culturelle permet d’envisager des façons de « corriger les inégalités dont sont victimes les personnes issues de différentes cultures en identifiant les déséquilibres historiques et actuels existant entre les divers groupements culturels » (Conseil des arts du Canada, 2017 : 5).

L’équipe de la Chaire mène des projets interrogeant les rapports de pouvoir à l’oeuvre au sein de sociétés majoritairement entendantes, en veillant à valoriser les savoirs sourds et à mettre de l’avant la façon dont les pratiques d’accessibilité viennent enrichir la scène culturelle. Qu’ils prennent la forme d’entretiens, de groupes collaboratifs, d’ateliers ou de journées d’étude, ces projets visent à offrir des espaces d’échanges, de réflexion et de collaboration afin de soutenir les productions culturelles et savantes sourdes ou réalisées en mixité sourde et entendante. Ces événements se font toujours en concertation et en collaboration avec les membres des communautés sourdes et allié·e·s, et réunissent les milieux culturels et universitaires.

La vidéo, dont la tridimensionnalité s’accorde exceptionnellement bien à celle des langues signées (Leduc, 2016), est l’outil privilégié par la Chaire pour diffuser des informations auprès des communautés sourdes, et l’ensemble de ses communications (site Internet, réseaux sociaux et infolettre) sont bilingues, voire trilingues (français-LSQ-ASL). Toutes les recherches de la Chaire sont également réalisées grâce à des entretiens vidéo qui permettent aux personnes sourdes de s’exprimer en langues des signes.

On vous fait signe ! Mieux comprendre la citoyenneté culturelle sourde

De 2021 à 2022, pour répondre aux missions qu’elle s’est données, l’équipe de la Chaire a mené la recherche OVFS, qui étudie les enjeux inhérents à la citoyenneté culturelle grâce à l’apport d’artistes sourd·e·s et d’acteur·rice·s culturel·le·s entendant·e·s qui défendent les pratiques en matière d’équité culturelle.

OVFS a été l’occasion de produire une recherche universitaire qui, tant dans son fond que dans sa forme, puisse être un objet collaboratif mixte (entendant·e·s/sourd·e·s) accessible, et ainsi être aussi le reflet des cultures sourdes. Pour ce faire, cette recherche devait pouvoir garantir l’agentivité des participant·e·s, nécessaire à l’exercice même du concept de citoyenneté. Elle se voulait facilitatrice de rencontres et d’échanges des membres des communautés sourdes et de leurs pairs artistes. Enfin, elle devait participer à l’activation du sentiment d’appartenance tout en faisant de l’accessibilité de la transmission des connaissances une priorité. Le pari était le suivant : que le travail mené par l’équipe de recherche soit à l’image des communautés sourdes et leur soit utile, qu’elles puissent en somme se l’approprier. Il devait aussi servir à la sensibilisation des personnes néophytes en matière de cultures sourdes. Ainsi, la recherche OVFS aspirait à contribuer au développement des connaissances universitaires autant qu’à la création d’une épistémologie sourde.

OVFS s’est donc matérialisée sous la forme d’une série d’entretiens et d’une capsule vidéo qui s’intitule « Se sentir appartenir » (2022), produite à partir d’extraits de ces derniers. D’une recherche universitaire consacrée à la réflexion et au développement de connaissances concernant les citoyennetés culturelles sourdes est né un objet médiatique qui, dans sa forme même, nous renseigne à propos des citoyennetés culturelles sourdes. Les accès aux témoignages des membres des communautés sourdes sont multiples, suivant les codes des communautés, et leur médiatisation permet une large diffusion au sein de celles-ci.

La vidéo ne constitue pas seulement un lieu de rassemblement et de participation citoyenne, c’est aussi un moyen de se réapproprier un espace médiatique historiquement excluant ou stigmatisant, et de participer à l’intellectualisation et à la transmission de faits culturels relatifs aux cultures sourdes. Ainsi, en nous concentrant sur la recherche collaborative OVFS (2021-2022) et la vidéo « Se sentir appartenir » (2022), nous tâcherons de démontrer que les témoignages recensés autant que le format choisi renseignent sur les savoirs sourds et leur transmission en plus de contribuer à leur développement. Vecteur d’agentivité, la vidéo est sans aucun doute le moyen idéal de contourner les barrières sociales et communicationnelles des sociétés majoritairement entendantes et leurs mécanismes audistes[2].

Aller à la rencontre des artistes et des personnes travaillant dans les milieux culturels

Afin de parfaire ses connaissances sur les défis quotidiens que rencontrent les personnes concernées au premier chef par les problématiques de recherche, la Chaire a mené 21 entrevues avec des artistes sourd·e·s et des travailleur·euse·s culturel·le·s sourd·e·s et entendant·e·s établi·e·s dans quatre villes au Canada (Montréal, Québec, Toronto et Ottawa). L’objectif de ces rencontres était de documenter, de diffuser et de valoriser les réflexions et savoirs sourds en lien avec la notion de citoyenneté culturelle dans le but de contribuer aux connaissances dans le domaine. L’élaboration des discussions auprès des artistes sourd·e·s se structurait en trois parties, à savoir : 1) comprendre comment les personnes sourdes considèrent leur(s) appartenance(s) citoyenne(s) ; 2) appréhender la manière dont elles conçoivent et expérimentent les obstacles à leur participation culturelle ; et enfin 3) documenter les principaux dispositifs de pouvoir marquant l’expérience des personnes dans l’exercice de leur citoyenneté.

Auprès des travailleur·euse·s culturel·le·s sourd·e·s et entendant·e·s, l’intention était aussi de réfléchir à la mise en commun et à la généralisation de pratiques exemplaires en matière d’équité culturelle.

Le recrutement des participant·e·s aux entrevues s’est déroulé en 2020 et en 2021, par l’entremise d’un appel à participation quadrilingue (français, anglais, LSQ et ASL) envoyé à un réseau d’artistes et de personnes issues du milieu culturel identifiées grâce à leurs pratiques artistiques et/ou à leur participation active au développement de l’accessibilité culturelle. Les participant·e·s vivent dans quatre villes canadiennes : Montréal, Québec, Toronto et Ottawa-Gatineau. L’échantillon se caractérise par une belle variété sur le plan de la diversité capacitaire, culturelle et de genre. Les participant·e·s étaient des personnes sourdes signeures (LSQ et ASL) et entendantes (francophones et anglophones), blanches, racisées ou autochtones, femmes, hommes ou non-binaires, âgées de 18 à plus de 60 ans.

Déroulement des entrevues

Compte tenu des restrictions sanitaires en lien avec la pandémie de la COVID-19, en vigueur au Québec de mars 2020 à mars 2022, ces entrevues se sont tenues à distance, via Zoom, ce qui a considérablement amoindri les qualités sonores et visuelles des enregistrements et a, de fait, complexifié le montage de la capsule vidéo. Chaque entrevue dirigée, de deux heures environ, était menée de façon à s’intégrer au premier et au second axe de recherche de la Chaire, voués respectivement à la compréhension et à la documentation de la citoyenneté culturelle des personnes sourdes, et au développement de connaissances à propos des pratiques exemplaires sur les scènes artistiques et culturelles. Les participant·e·s ont particulièrement insisté sur les diverses discriminations qu’iels subissent, dont l’audisme figure parmi les plus importantes et dommageables à l’échelle individuelle et structurelle.

Collecter des données vidéo pour construire des savoirs en langues des signes

Les langues des signes sont des langues incorporées et en mouvement qui nécessitent le corps (bras, tronc, visage) comme site de communication (Leduc, 2016). Elles se caractérisent aussi par leurs visuo-spatialités (Boivin, 2017). Initialement, c’est le cinéma qui est parvenu à capter la langue signée, notamment avec le cinéma dit muet. Comme le fait remarquer Véro Leduc dans sa thèse, C’est tombé dans l’oreille d’une Sourde : la sourditude par la bande dessignée (2015), le cinéma n’a pas seulement permis de mettre en mouvement des images ; pour le public sourd, il a aussi été le médium privilégié par lequel témoigner d’une représentation sociale diversifiée, et le moyen d’en faire mémoire. L’avènement d’Internet a facilité l’accès aux technologies médiatiques permettant le développement de la communication et de la production de connaissances en langues signées.

Dans notre recherche, l’invitation à participer au projet, la réalisation des entrevues, la conception de la vidéo – le tournage, le montage et la postproduction – ont été faites pour, par et avec les Sourd·e·s. Le processus s’est fait conceptuellement et en pratique selon des usages, des vécus et des savoirs sourds situés. Ainsi, le travail de postproduction a été pensé de sorte à honorer la diversité des besoins des personnes sourdes – et plus spécifiquement les personnes sourdaveugles, de même que les personnes aveugles. La vidéo comporte ainsi des signes en LSQ et en ASL, des sous-titres, ainsi qu’une audiodescription et un doublage, disponibles en anglais et en français. Le doublage a été fait par des personnes sourdes oralistes et bilingues (oralistes et signeures). Le processus a été réalisé dans un environnement bienveillant qui prenait en considération l’historicité de la parole chez les personnes sourdes. Entre autres, la pratique de l’oralisme peut renvoyer à des expériences violentes, par exemple l’interdiction de signer ou l’obligation de parler dans certaines écoles oralistes (Leduc, 2018b).

La citoyenneté culturelle : du concept entendant aux expériences sourdes

Dans la littérature, écrite principalement par des personnes entendantes, la citoyenneté culturelle est généralement présentée comme la résultante de deux composantes : 1) la démocratisation de la culture, qui permet un accès à la culture pour les personnes historiquement marginalisées ; et 2) la démocratie culturelle, qui vise à soutenir les expressions culturelles de ces dernières (Paquin, 1996 ; Bellavance, 2000). En effet, parce que les personnes minorisées ne souhaitent pas uniquement avoir accès à la culture dominante, les pratiques de démocratisation de la culture doivent côtoyer des pratiques de soutien aux artistes marginalisé·e·s afin que ces dernier·ère·s puissent contribuer au développement culturel.

Les résultats de la recherche OVFS ont démontré, d’une part, que cette conception de la citoyenneté culturelle s’appliquait également aux personnes sourdes, qui ne souhaitent pas simplement avoir accès à la culture majoritaire entendante, mais veulent également créer, à partir de pratiques artistiques sourdes (Leduc et al., 2020). D’autre part, ils font ressortir des enjeux spécifiques, à savoir que les initiatives d’accessibilité culturelle sont insuffisantes si elles ne sont pas accompagnées de représentations culturelles sourdes, et que le soutien aux expressions culturelles sourdes ne peut se limiter au financement de leurs pratiques artistiques : il doit y avoir des avancées pour diffuser l’art sourd à travers les milieux culturels entendants.

En ce qui concerne la démocratisation de la culture, bien que des efforts soient déployés et que de plus en plus d’institutions culturelles tendent à rendre leur programmation accessible, souvent, les Sourd·e·s ne sont pas au rendez-vous. En ce sens, les artistes et travailleur·euse·s culturel·le·s rencontré·e·s soulignent l’importance de la représentation culturelle : « On veut y être représenté·e·s ! » La simple accessibilité ne garantit pas que les Sourd·e·s s’impliquent dans la culture : accéder à la culture entendante n’est pas suffisant. Sur le plan de la démocratie culturelle, des avancées sont saluées, par exemple le financement par divers conseils des arts des pratiques artistiques sourdes. Or, malgré ces financements mis en place pour favoriser les expressions culturelles sourdes, les entendant·e·s s’intéressent peu à la culture sourde ou bien essaient de la normaliser selon les critères entendants (ex. : demander à une musicienne sourde d’ajouter du son à sa création en langue des signes pour satisfaire le public entendant).

Parallèlement aux deux composantes que sont la démocratisation de la culture et la démocratie culturelle, l’analyse des entrevues en met de l’avant une troisième, qu’on pourrait nommer la déconstruction culturelle. Ce terme est inspiré de l’expression « cripping the arts », qu’on pourrait traduire littéralement par « déconstruction artistique » ; faite d’un point de vue handicapé, celle-ci permettrait de « développer de nouvelles façons de créer de l’art et de soutenir les pratiques artistiques, de changer les types d’art que nous rencontrons et d’innover en proposant de nouvelles façons de s’engager avec l’art[3] » (Chandler, 2016). Comme le faisait remarquer Catherine Frazee en 2008, « en tant que personnes handicapées, nous ne cherchons pas simplement à participer à la culture canadienne, nous voulons la créer, la façonner, l’emmener au-delà de ses limites[4] » (citée dans Chandler, 2019). Ainsi, les personnes sourdes proposent de nouvelles façons de faire, et il ne s’agit pas uniquement pour elles d’ajouter de nouvelles pratiques à celles qui existent déjà – un peu comme on ajouterait une couleur à une palette –, mais bien de remettre profondément en question les pratiques culturelles audistes. Faire de la musique sans son bouscule assurément les conceptions prédominantes selon lesquelles

la musique constitue une forme artistique essentiellement, sinon exclusivement sonore et […] s’avère inaccessible aux personnes sourdes jugées incapables de la performer ou de l’apprécier pleinement. L’efficacité de l’épistémè centrée sur l’audition s’étend aux cultures sourdes dans lesquelles la musique, bien que vécue par de nombreuses personnes et à travers différents médias, est néanmoins souvent conceptualisée comme une expression culturelle des personnes entendantes[5]

Grenier et Leduc, 2022

Plusieurs pistes de solution ont émergé lors de l’analyse des entrevues. Par exemple, une pleine équité et citoyenneté culturelle sourde passe par un accès accru des personnes entendantes à la culture sourde et par un engagement des acteur·rice·s des milieux culturels dans le développement des représentations culturelles sourdes et la diffusion de l’art sourd. Les institutions ont en effet un rôle clé à jouer pour favoriser concrètement la citoyenneté culturelle sourde. Actualiser les pratiques des milieux culturels implique notamment de revoir les pratiques de communication – par exemple, en modifiant le type de langage utilisé dans les communications, pour employer des termes positifs reliés au handicap et à la sourditude plutôt que des termes médicaux – et de collaboration – par exemple, en incluant la temporalité handicapée, aussi nommée crip time. La notion de crip time renvoie à la prise en considération des différents types de temporalité des personnes handicapées, sourdes et malades, qu’il s’agisse du temps additionnel nécessaire en raison de l’inaccessibilité (par exemple le temps requis pour chercher un interprète afin de participer à un événement autrement non accessible), des douleurs et de la fatigue, ou encore des temporalités médicales (diagnostics, hospitalisations, rémissions, etc.). Une vigilance particulière est également requise en ce qui a trait, d’une part, au recrutement des artistes – en développant par exemple de nouveaux canaux pour la découvrabilité des artistes sourd·e·s –, et d’autre part, à la diffusion, grâce à une offre culturelle riche de représentations culturelles sourdes et pleinement accessibles.

Dans le cadre restreint de cet article, nous avons choisi de mettre de l’avant un thème proéminent dans les expériences de la citoyenneté culturelle que nous ont partagées les personnes sourdes rencontrées : celui de l’appartenance.

Se sentir appartenir : au coeur de la citoyenneté culturelle

L’un des faits saillants de l’analyse des entretiens est que, parmi les onze personnes sourdes interrogées, une majorité ne se sent pas appartenir à la société « en général », telle que façonnée par les entendant·e·s, comme le souligne Isaac Leal, photographe établi à Montréal :

Je sens que j’accepte de vivre dans la société, c’est-à-dire que je m’adapte aux coutumes, nos cultures et tout ça, je m’adapte au quotidien. Mais si tu me demandes si j’ai un sentiment d’appartenance envers cette société, ça, non. […] Est-ce que je me sens comme un citoyen à part entière ? Non, non. Parce que je me sens en décalage par rapport au reste de la société.

Toutefois, cette recherche sur les citoyennetés culturelles sourdes a permis de mettre de l’avant la possibilité de se sentir appartenir à la société à travers des appartenances à des communautés, notamment à la communauté sourde. La fierté individuelle et collective tout comme l’affirmation culturelle positive ressortent autant des entretiens que des pratiques artistiques des personnes rencontrées. Tamyka Bullen la résume en quelques mots :

Je suis fière de ma sourditude. Je suis fière d’avoir ma propre culture sourde et que la langue des signes soit ma langue. J’ai ma propre langue, mes propres coutumes, mes propres valeurs. J’ai tout ce qu’une culture a, donc j’en suis très fière[6].

En plus de leur appartenance aux communautés sourdes, des participant·e·s comme Sage Lovell, Tamyka Bullen, Gaitrie Persaud et Hazélique soulignent leur appartenance aux communautés queer, LGBTQ+, autochtones et PANDC (traduction de l’anglais BIPOC, l’acronyme désignant les personnes autochtones, noires et de couleur). Comme le souligne Sage Lovell, artiste de Toronto à l’origine du projet Deaf Spectrum :

Avec la société dans son ensemble, je ne me sens pas vraiment connecté·e. Je suis plus proche des petites communautés, principalement les communautés queer, LGBTQ et la communauté non binaire. Mes amis proches s’identifient comme non binaires. Toustes mes ami·e·s ! Et ce sont toutes des personnes sourdes[7].

Ces liens, souvent, ont rapport avec l’intrication des identités des personnes elles-mêmes et témoignent de la diversité qui anime les communautés sourdes : « C’est sûr que j’ai plusieurs identités qui se chevauchent les unes et les autres. Je ne suis pas seulement Sourde. Je suis une personne queer, je suis une femme, je suis de la génération des près de 50 ans », déclare l’artiste et travailleuse culturelle Pamela Witcher. Pour Hazélique, artiste installée à Toronto au moment de l’entrevue, les communautés minoritaires sont plus accueillantes :

La plupart du temps, je me sens reliée à différentes cultures, à leurs communautés, parce que c’est facile de m’y sentir connectée. Ces communautés font preuve de respect envers les Autochtones et comprennent ce que cela signifie. Lorsque les gens connaissent les communautés autochtones, c’est plus facile et plus accueillant. Les gens sont plus ouverts d’esprit et en apprennent davantage. On est accueillant·e·s. En ce qui concerne le gouvernement et le Canada, je ne suis pas intéressée. Je préfère entrer en contact avec diverses communautés où nous pouvons partager nos cultures. J’aime m’impliquer, car cela s’appelle le partage culturel. C’est ce que j’aime, ce que je préfère[8].

De la même façon, l’artiste, comédienne et coach ASL Gaitrie Persaud souligne l’importance des moyens mis en place pour permettre l’accès de toustes aux événements organisés par le mouvement de la Fierté LGBTQ+, dont elle fait partie, et cela, autant du côté des artistes que de celui du public :

Je participe au défilé de la Fierté LGBTQ+ depuis un certain temps. Le défilé de la Fierté est amusant parce qu’il y a aussi des artistes sourd·e·s sur scène, ce qui est génial. Les artistes sourd·e·s travaillent avec des musicien·ne·s entendant·e·s sur scène. Le défilé offre également un soutien incroyable en finançant les services d’interprètes ASL. Je suis impressionnée[9].

L’accessibilité, une clé pour développer le sentiment d’appartenance

De nombreux thèmes ont été abordés au cours des entrevues et il est impossible de tout couvrir ici. Mentionnons toutefois que, tout en soulignant l’importance de la représentativité culturelle, les participant·e·s ont abordé la question de l’accessibilité. Pour Jennifer Manning, artiste montréalaise, l’accessibilité est nécessaire non seulement pour la communauté sourde en général, mais pour les artistes sourd·e·s en particulier, lesquel·le·s, en ayant accès à une plus grande offre culturelle, peuvent développer un sentiment d’appartenance au monde des arts et de la culture :

On veut voir autre chose, d’autres communautés culturelles et artistiques. Les Sourd·e·s ont besoin de voir une variété de cultures et de pratiques artistiques. Si on n’a pas accès à ce qui se fait à l’extérieur, à un moment donné, on ne s’ouvre pas sur le monde, on ne prend pas conscience de ce qu’il y a ailleurs. Grâce à l’accessibilité, l’art grandit et la culture artistique devient plus diversifiée.

Au fil des entretiens, le constat est unanime : non seulement l’accès à la culture est plus facile pour le public entendant, mais il en va de même pour la création. Ainsi, pour la danseuse et chorégraphe Maritza Côté, cet état de fait a des répercussions sur son identité d’artiste et son métier :

Moi, j’aimerais que tout soit accessible pour toustes. Qu’on soit vraiment égaux aux entendant·e·s, qu’on ait les mêmes accès qu’elleux. Nous, on est des citoyen·ne·s québécois·e·s, on paye des taxes comme les autres. J’ai des enfants, je suis mère, je suis féministe. Je me sens égale, mais, comme artiste, il n’y a pas assez d’accessibilité.

Les propos du comédien Jonathan Poulin-Desbiens confirment cette difficulté pour les artistes sourd·e·s de faire carrière dans le monde des arts :

[Dans la] société entendante, mon identité artistique est comme en prison. Je ne peux pas l’exprimer. Tu sais, moi, en réalité, je suis cet artiste-là, mais, en grandissant, j’ai dû m’adapter pour entrer sur le marché du travail [et faire un autre emploi]. C’est un peu faux, artificiel, ce n’est pas agréable pour moi, mais c’est ça.

Comme l’illustre la vidéo de recherche « Se sentir appartenir », les participant·e·s ont nommé différentes pistes de solution afin de rendre le monde culturel plus accessible aux personnes sourdes. Pour l’instant, le manque d’accessibilité et, de façon plus globale, l’oppression vécue par les personnes sourdes les empêchent de se sentir pleinement appartenir à cet univers, comme le souligne l’artiste torontoise Tamyka Bullen :

Je ne me sens pas à ma place à cause des différents types d’oppression que je subis. Je dois lutter contre le système et je ne laisserai pas la société nous mettre à l’écart. Je dois être agressive et m’assurer que je fais partie du système, que je suis capable de travailler pour le changer. Si je ne fais rien, rien ne changera. Ils continueront à le faire tourner sans le changer[10].

Des pistes pour favoriser la citoyenneté culturelle

Interrogée sur l’idée de citoyenneté culturelle, Tamyka Bullen exprime l’idéal d’équité que le terme recouvre pour elle :

Cela signifie que nous soyons toustes en mesure de travailler ensemble d’égal·e à égal·e, que tout le monde s’écoute, change d’attitude et de façon de penser, reste ouvert·e à différentes perspectives et prenne la responsabilité de nos problèmes. Nous devons changer nos comportements afin de pouvoir être uni·e·s comme une seule personne[11].

Sage Lovell pointe quant à iel l’importance des représentations et des actions politiques concrètes :

Je veux voir plus de personnes sourdes en politique, au Parlement, siéger dans des jurys lorsqu’il y a une personne sourde, [je veux une meilleure] une représentation et une plus grande visibilité des personnes sourdes à la télévision et dans les nouvelles au Canada. Des occasions pour être sur un pied d’égalité. [Je voudrais qu’on] s’attaque au taux de chômage [des Sourd·e·s] pour le faire baisser […]. Nous méritons davantage[12].

Pour Pamela Witcher, il s’agit pour les personnes sourdes de cesser de s’adapter sans cesse aux normes entendantes :

Les mots tels qu’« intersectionnalité », « inclusif », « inclusion », « accessibilité », « minorité » et « majorité » ont fait leur apparition […] à cause de l’oppression, du contrôle, du pouvoir, des inégalités. Ces mots ont été créés pour se défendre. Parfois, j’aurais envie que nous quittions le mode défense pour pouvoir simplement créer et avancer. Simplement être tel·le·s que nous sommes. Sans avoir à nous adapter pour les autres. J’ai envie que ça cesse. Pour ma part, j’ai pris la décision d’arrêter de m’adapter.

La vidéo comme espace d’exercice de la citoyenneté culturelle sourde

La recherche que nous avons menée s’intéresse à la citoyenneté culturelle sourde. Comme nous l’avons mentionné précédemment, celle-ci englobe l’ensemble des pratiques qui déterminent la possibilité des personnes minorisées de se sentir appartenir à une société. Les réflexions des artistes sourd·e·s rencontré·e·s soulignent que l’accessibilité, la représentativité et l’équité sont des dimensions essentielles de la citoyenneté culturelle. Ainsi, lorsqu’un événement ou une situation s’avère équitable, est accessible ou met en avant des représentations culturelles qui interpellent les personnes sourdes, celles-ci ont plus de chance de se sentir reconnues et respectées comme citoyennes.

Par ailleurs, l’analyse a fait ressortir que notre méthodologie vidéo a permis non seulement de produire des connaissances en langues des signes, mais que son usage pouvait être envisagé comme espace médiatique où la citoyenneté culturelle sourde prend elle-même forme.

Premièrement, la vidéo, comme vecteur d’agentivité, est sans aucun doute le moyen par lequel contourner les barrières sociales et communicationnelles des sociétés majoritairement entendantes et leurs mécanismes audistes[13]. La création de savoirs en langues des signes permet à la fois aux personnes sourdes interrogées de s’exprimer dans leur langue première et aux communautés sourdes d’avoir accès à des connaissances sans intermédiaire. Sachant qu’un très grand nombre d’entre elles ne lisent pas, il s’agit là d’une pratique où les personnes sourdes créent les conditions d’exercice de leur citoyenneté. D’ailleurs, l’écriture de cet article s’est faite de façon bilingue et bimodale : nous avons coécrit en LSQ lors de nos rencontres Zoom. Plusieurs passages ont été formulés en LSQ avant d’être traduits en français et écrits dans un document Google partagé où nous sommes toutes intervenues, revenant souvent en rencontres Zoom pour réfléchir en LSQ au développement de l’article.

Deuxièmement, la vidéo s’avère un espace numérique subversif pour les personnes interrogées en se transformant en lieu d’autonomisation : pouvoir s’exprimer dans sa langue est fondamental. Prendre ses libertés, déconstruire, s’autoriser et définir ses propres moyens de création sont autant d’éléments qui forgent la participation culturelle et l’autodétermination des personnes sourdes. Tel est le cas, par exemple, de l’artiste Pamela Witcher, qui utilise différents médiums dans sa pratique, dont la vidéo (vidéos expérimentales, poésie, peinture, musiques signées). C’est le cas également pour Marie-Andrée Boivin, qui a réalisé une maîtrise intitulée « Femmes sourdes, dites-moi… » : transmission culturelle, identitaire, mémorielle, de l’expérience des femmes sourdes, par le biais d’un documentaire accessible (français audible, sous-titrage et langue des signes québécoise) (2017). Ces deux artistes explorent leur propre vécu et celui d’autres personnes en s’exprimant et en rassemblant en images les témoignages recueillis.

Troisièmement, le médium vidéo est un support de diffusion, de trace ainsi que d’archives. Il permet dès lors la transmission. Faire rayonner les connaissances des personnes sourdes entre personnes sourdes de différents milieux, mais aussi transmettre des savoirs d’une époque à l’autre, c’est ce qui est rendu possible par les enregistrements vidéo. Comme la transmission culturelle est synonyme de continuité de la vie de la langue des signes, l’écriture signée est indispensable. Rendre cet article disponible sous forme de vidéo s’inscrit donc pleinement dans notre philosophie, et c’est pour cette raison que nous avons publié une version synthèse en signes internationaux dans la revue Arte Contexto (Abdelmoumeni Pierini et al., 2023)[14].

Finalement, dans un désir de contribution à l’élaboration des savoirs, en évitant l’extractivisme culturel et intellectuel, et en favorisant une participation active et engagée, cette recherche de terrain expérimentale, éthique et émancipatoire met de l’avant l’importance de la vidéo pour nous rendre visibles, en tant que personnes sourdes ayant des choses à dire. La diffusion dans les communautés sourdes lors d’événements publics ou par l’intermédiaire des réseaux sociaux crée des ponts avec les personnes entendantes, de sorte que nous puissions oeuvrer ensemble à l’avènement d’une société plus équitable.

Conclusion

En février dernier, à la cérémonie des Victoires de la Musique 2022, la chanteuse française Hoshi présentait une chanson intitulée « Fais-moi signe », qui évoque sa perte auditive due à la maladie de Ménière. Disponible sur les plateformes Web, la vidéo montre Hoshi sur scène accompagnée d’une interprète LSF-FR. « Fais-moi signe, si j’ai les images mais plus le son » ; cette première phrase du refrain évoque la nécessité d’une présence physique et visuelle de la langue des signes.

La recherche On vous fait signe ! a permis de mieux comprendre différents aspects de la citoyenneté culturelle sourde. Elle a également pu situer le médium de la vidéo comme un espace d’exercice de la citoyenneté culturelle des personnes sourdes. Le travail mené par l’équipe de la Chaire se veut l’occasion de développer la recherche universitaire comme un lieu de rencontre, d’innovation et de construction d’autres types de savoirs. L’expression On vous fait signe ! le résume : nous existons bel et bien, et nous vous invitons à nous écouter.