Abstracts
Résumé
Cet article cherche à comprendre les ressorts de la « transition » vers une mobilité urbaine durable engagée depuis le début des années 2000 dans la ville de Mexico, en dépit d’une configuration politique défavorable. En s’appuyant sur une enquête ethnographique, il analyse le processus de traduction opéré à partir des années 1990 par les membres d’un collectif de cyclistes. Occupant initialement une position marginale vis-à-vis des réseaux des partis politiques, ces agents parviennent progressivement à mettre à l’agenda de la « transition » vers une mobilité durable, en valorisant des ressources expertes et internationales. Par le biais de stratégies de professionnalisation et d’entrisme dans les administrations, ils impulsent le développement de modes de transport collectifs et peu polluants. Face aux contradictions persistantes de l’action publique en la matière, ils cherchent finalement à faire usage de leur insertion dans le champ politico-administratif pour garantir l’autonomie de leur contribution, par la mise en place d’un nouveau cadre légal tributaire des ressources spécifiques de l’expertise internationale. L’analyse de ce processus met en lumière la nécessité d’étudier les « trajectoires de transition » à l’aune des trajectoires sociales des agents qui les promeuvent. La « transition » vers une mobilité durable est ainsi conditionnée à Mexico par une transformation de l’espace social de production des politiques urbaines, marquée par l’émergence d’agents porteurs de légitimités nouvelles qui opèrent des déplacements et des échanges entre différents champs. Ces mouvements révèlent, davantage qu’une opposition entre capital politique local et expertise internationale, des logiques complexes de transfert entre ces deux types de ressources.
Mots-clés :
- transition écologique,
- trajectoires sociales,
- processus de traduction,
- politiques publiques,
- mobilité durable,
- Mexico,
- expertise
Abstract
This article seeks to understand the causes and context of the “transition” towards sustainable urban mobility that has been implemented since the early 2000s in Mexico City despite the rather unfavorable political climate. Based on an ethnographic survey, it analyzes the “process of translation” that members of a cycling collective initiated in the 90’s. Although they initially occupied a marginal position within the political parties’ networks, these actors gradually manage to put the “transition” towards sustainable mobility on the agenda by promoting expert and international resources. Through professionalization strategies and entryism in the local government, they manage to boost the development of low-pollution public transportation modes. Facing the persistent contradictions of public action in this area, they finally seek to use this insertion in the political-administrative field in order to guarantee the autonomy of their contribution, by setting up a new legal framework dependent on the specific resources of international expertise. The analysis of this process underlines the need to study “transition trajectories” in the light of the social trajectories of actors who promote them. The “transition” to sustainable mobility is thus conditioned in Mexico by a transformation of the space of urban policies production, affected by the emergence of actors carrying new legitimacy operating shifts and exchanges between different fields. These movements show, more than an opposition between local political capital and international expertise, the complex logic of transfer between these two types of resources.
Keywords:
- ecological transition,
- social trajectories,
- process of translation,
- public policies,
- sustainable mobility,
- Mexico,
- expertise
Appendices
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