Notes de lecture

Féminisme sans frontières ?... les défis conceptuelsDUFOUR, Pascale, Dominique MASSON et Dominique CAOUETTE (dir.). 2010. Solidarities Beyond Borders : Transnationalizing Women’s Movements. Vancouver, Toronto, UBC PressFALQUET, Jules, Helena HIRATA, Danièle KERGOAT, Brahim LABARI, Nicky LE FEUVRE et Fatou SOW (dir.). 2010. Le sexe de la mondialisation : genre, classe, race et nouvelle division du travail. Paris, Presses de Sciences PoMARQUES-PEREIRA, Bérengère, Petra MEIER et David PATERNOTTE (dir.). 2010. Au-delà et en deçà de l’État : Le genre entre dynamiques transnationales et multi-niveaux. Bruxelles, Academia Bruylant[Record]

  • Sylvie Paquerot

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  • Sylvie Paquerot
    École d’études politiques, Université d’Ottawa

Si les trois ouvrages présentés ici portent le regard sur la question des femmes dans la mondialisation, les perspectives sont différenciées et complémentaires à la fois par leurs questions de recherche et leurs interrogations théoriques que par les outils qu’ils proposent pour avancer dans nos réflexions. Le premier décortique les conséquences de la mondialisation en examinant des dimensions souvent occultées à partir, précisément, de leurs conséquences différenciées selon les genres et vise à dégager, à partir de ces caractéristiques, les conditions d’une perspective féministe globale. C’est ici la catégorie même de genre pour l’analyse de la mondialisation qui est proposée afin d’élargir notre compréhension du phénomène. Le second, quant à lui, tente de repérer et d’analyser les dynamiques de genres du point de vue des mouvements sociaux et de l’action publique, en portant plus spécifiquement le regard sur le caractère à la fois multi-niveaux et transnational de la catégorie de genre elle-même. C’est ici à la place des acteurs que l’on accorde une attention particulière dans cette double dynamique traversant les frontières, mais se situant également à des échelles diverses, et, ultimement, aux conséquences de la place que l’on accorde à l’État dans nos analyses, particulièrement du point de vue de la science politique. Le troisième ouvrage, enfin, cherche, d’une part, à définir les conditions de développement des solidarités transfrontières, leur approfondissement et leur élargissement, et, d’autre part, à cerner les apports théoriques utiles pour une meilleure compréhension de ces dynamiques en ciblant particulièrement les apports de la géographie et de l’anthropologie. Du point de vue analytique, d’ailleurs, les deux derniers ouvrages se rejoignent dans la considération particulière accordée à la dimension spatiale et située de la transnationalisation, exigeant une approche multiscalaire. Si les approches féministes ou l’analyse de genre sont par nature, pourrions-nous dire, transdisciplinaires, chaque discipline porte un regard spécifique sur le phénomène de la mondialisation et on perçoit ici l’espace d’un dialogue fécond entre un ouvrage disciplinaire, un ouvrage interdisciplinaire et un troisième cherchant à dégager des apports caractéristiques entre disciplines spécifiques. L’ouvrage de Falquet et al. adopte ainsi d’emblée une perspective interdisciplinaire puisqu’il s’agit de faire dialoguer économistes, sociologues, politistes et historiennes de plusieurs continents en partant de la considération du genre comme organisateur clé de la mondialisation néolibérale, avec deux objectifs principaux : contribuer à une critique et à une déconstruction du concept souvent trop étroit de mondialisation, d’une part et, d’autre part, en cerner la signification pour le travail et l’emploi, mais également pour les mouvements sociaux et la pensée critique. L’ouvrage dirigé par Bérengère Marques-Pereira, Petra Meier et David Paternotte, quant à lui, vise clairement à enrichir les analyses de l’action publique en science politique à partir de la perspective de genre, en mettant en lumière la complexité des relations qui se nouent et, particulièrement, le rôle des acteurs, parfois même individuels, alors que l’ouvrage dirigé par Pascale Dufour, Dominique Masson et Dominique Caouette propose un dialogue original entre les approches féministes de la transnationalisation et la littérature des approches dominantes sur le sujet dans le champ des mouvements sociaux et des relations internationales. Ce faisant, par les études présentées, cet ouvrage illustre concrètement l’intérêt qu’il y a à accorder une attention particulière à la dimension spatiale de la transnationalisation par l’intégration d’une approche géographique à l’analyse. Partant d’interrogations qui se rejoignent sans se confondre, les trois ouvrages contribuent, chacun à sa manière, à une meilleure compréhension de l’action féministe contemporaine. Il s’agit de comprendre à quelles conditions peuvent voir le jour des alliances féministes transnationales véritablement constructives pour toutes (Falquet et al., 2010 : 16), de comprendre les dynamiques d’action …