Abstracts
Résumé
La privatisation ou la délégation à des organisations privées d’un certain nombre de services ordinairement rendus par les collectivités publiques peut être l’occasion d’une interrogation sur le fonctionnement de l’action étatique. Elle peut également être l’occasion de réfléchir, dans un renversement de questionnement, aux conséquences de ces délégations ou de ces privatisations sur la structuration du champ de l’action associative. En effet, s’il y a transformation de l’action étatique, il y a également transformation du monde associatif du fait de ces délégations. À partir du cas de l’aide à la vieillesse en Suisse, nous voudrions faire l’hypothèse que des lignes de clivage émergent, au sein du champ associatif, du fait de l’existence même de ces délégations. Les subventions ou les contrats de prestations offrent en effet des ressources ou des rentes de situation à certains groupes et pas à d’autres. Ils contraignent pour une part leurs conditions de prise de parole et d’action, et sont dès lors l’objet de remises en cause et de tensions.
Abstract
Privatization, or the outsourcing to private organizations of a number of services ordinarily provided by public agencies, provides an opportunity to raise questions about the workings of State action. Conversely, it is also an opportunity to reflect on the impact of this outsourcing, or privatization, on the structuring of the field of associative action. As State action is being transformed, associations are also undergoing radical change as a result of the outsourcing. Taking as a case in point old age assistance in Switzerland, the author hypothesizes that the very privatization of services is causing splits to emerge between associations. Grants or contracts for the supply of services provide resources or positional advantages to certain groups, but not to others. They have the effect of limiting the conditions under which associations can speak out or take action, and are therefore the focus of challenges and tensions.
Article body
La privatisation ou la délégation à des organisations privées d’un certain nombre de services ordinairement rendus par les collectivités publiques peut être l’occasion d’une interrogation sur le fonctionnement de l’action étatique[1]. Qu’il s’agisse des aides à domicile, de la réinsertion des chômeurs ou de l’aide à la vieillesse, plusieurs indices témoignent d’une emprise croissante d’un certain nombre d’acteurs privés sur les politiques sociales (santé, éducation, pauvreté) qui participerait de la recomposition de l’agir collectif sur ces questions.
Pour autant, s’il est possible de s’interroger sur l’impact de ces délégations sur l’action étatique, nous voudrions ici proposer un autre questionnement et réfléchir aux conséquences de ces délégations ou de ces privatisations sur la structuration du champ de l’action associative. En effet, on fait l’hypothèse que l’existence de ces délégations provoque des tensions au sein du champ associatif et, dès lors, si ces délégations transforment l’action étatique, elles transforment (ou contraignent) tout autant le fonctionnement du monde associatif dans le champ d’activité concerné.
Le cas de la Suisse, et plus particulièrement de la large délégation historiquement faite par la Confédération de l’aide à la vieillesse à une organisation philanthropique, est, de ce point de vue, sans doute intéressant. En effet, caractérisée comme un État « faible » et, en termes de politiques sociales, comme « libéral-résiduel[2] », la Suisse a toujours été marquée dans son évolution, et dans tous les secteurs de l’action étatique, par le principe de « subsidiarité » qui veut que ce soit seulement lorsque l’initiative privée ne parvient pas à trouver de solution à un problème public que l’intervention étatique est demandée par des groupes politiques ou sociaux[3]. Le « principe de la subsidiarité » dans la politique suisse signifie en effet que « l’État ou les partis ne doivent intervenir qu’au moment où ni la famille, ni l’Église, ni les voisins, ni les cartels, ni les associations d’intérêts ne parviennent à résoudre les problèmes. De leur côté, les associations d’intérêts ne doivent pas non plus assumer des tâches qui peuvent être réglées par des communautés naturelles ou par des groupes intermédiaires. La subsidiarité implique donc que l’État ne soutient que les groupes, des syndicats, par exemple, qui, tout en assumant pleinement leur responsabilité, ne sont plus à même de s’acquitter de leurs tâches » (Kriesi, 1998 : 262-263 ; Kissling-Näf et Wälti, 2007). En vertu de ce principe, les problèmes soulevés par le processus de modernisation en Suisse ont en première instance été abordés par les organisations privées, et ce n’est qu’au moment où ces organisations ne sont plus parvenues à résoudre ces problèmes par leurs propres moyens qu’elles se sont adressées à l’État pour qu’il soutienne leurs efforts. Cette répartition des rôles, ou cette primauté des acteurs non étatiques dans la prise en charge des problèmes publics, n’est pas sans conséquence pour la structuration de l’État. Dans le cas helvétique, on assiste ainsi à une interpénétration mutuelle de l’État et des organisations privées, et les politiques publiques sont largement préstructurées par les tentatives préalables des organisations privées de résoudre les problèmes[4]. L’action publique est ainsi pensée et conduite tant par des acteurs publics que des « entreprises d’économie mixte » ou des acteurs associatifs, et on parle alors d’une « administration para-étatique » (Hotz 1979 ; Germann, 1987) ou de « co-gouvernance » (Kissling-Näf et Wälti, 2007). La délégation ne signifie alors pas le retrait de l’action gouvernementale ; on peut assister au contraire à un engagement accru de l’État, par l’augmentation de budgets, mais sans centralisation des activités. Les exemples les mieux étudiés sont sans doute ceux des politiques liées à la drogue (Kübler, 2000) ou au sida (Voegtli et al., 2009)[5]. Dans ces deux cas, le gouvernement fédéral s’appuie sur des réseaux existants (associations, groupes d’entraide, centres de thérapie, instituts de recherche) et crée des incitations pour ces derniers d’explorer de nouvelles approches face à ces addictions ou maladies. Le soutien à des organisations privées participe ainsi de « routines relativement bien établies dans l’administration » (Voegtli et al., 2009), et les acteurs de l’action associative sont ainsi non seulement consultés dans l’élaboration des lois, mais sont aussi des acteurs à part entière de la mise en oeuvre de ces dernières.
Dans le cas des assurances sociales également, les premières initiatives sont privées, que ce soit la création de caisses maladies puis de retraites syndicales ou d’entreprises, ou la création de la Fondation de bienfaisance de type philanthropique qu’est Pro Senectute (« Pour la vieillesse »), en 1917. L’intervention de l’État n’arrivera que plus tard, la première loi sur l’assurance-vieillesse et survivants (AVS) entrant en vigueur le 1er janvier 1948. Jusque-là, la Confédération a subventionné et délégué l’assistance publique en faveur des personnes âgées tant aux cantons qu’à la Fondation Pro Senectute, subventions qui se poursuivent aujourd’hui encore dans le cas de cette dernière pour tout ce qui concerne la prise en charge de services spécifiques (comme les moyens auxiliaires), l’aide sociale individuelle et le subventionnement de formations ou de loisirs. Il est d’ailleurs stipulé, dans l’article 34 de la Constitution, qui traite de l’assurance-vieillesse, que l’« assurance est réalisée avec le concours des cantons » et qu’« il peut être fait appel au concours d’associations professionnelles et d’autres organisations privées ou publiques[6] ».
Cet arrangement institutionnel ainsi posé n’est pas sans conséquence pour le secteur de l’action associative. En effet, il préstructure le paysage dans lequel de nouveaux acteurs associatifs peuvent émerger. En raison de la délégation faite par l’État d’un certain nombre de services aux personnes âgées à la Fondation Pro Senectute dès 1917, le développement de nouvelles organisations dès les années 1940 mais plus encore dans les années 1980 se construit pour une large part contre le travail de cette fondation et se traduit par des attaques des nouveaux entrants contre son subventionnement, son fonctionnement ou son audience auprès des autorités. Les subventionnements offrent en effet des ressources rares aux organisations qui en bénéficient dans leurs rapports avec les autres organisations du champ, et peuvent modifier la structure de celui-ci ou le configurer. La question de la légitimité possible de telles délégations n’est alors pas le fait des chercheurs, dans une posture plus ou moins normative, mais un enjeu pour les acteurs associatifs eux-mêmes. Ces subventionnements ou cette reconnaissance par les autorités de certains groupes comme représentatifs (comme dans le cas de la Fondation Pro Senectute) constituent en effet des ressources rares pour lesquelles les associations luttent. Ainsi et comme nous le verrons, un faisceau d’indices tend à montrer que cette délégation, faite à cette fondation voilà bientôt quatre-vingts ans, a conditionné et conditionne aujourd’hui encore les terrains d’action possibles des organisations d’aide concurrentes, mais aussi plus largement la légitimité des autres groupements à parler au nom des personnes âgées.
La notion de champ, reprise à Bourdieu, nous semble alors intéressante, par-delà les controverses dont elle est l’objet selon le monde associatif ou militant (Péchu, 2001 ; Mathieu 2007). Elle permet en effet de penser les rapports de force, les enjeux de lutte entre les associations ou organisations participant d’un même champ. Pour Bourdieu (1981), le champ politique est le « lieu où s’engendrent, dans la concurrence entre les agents qui s’y trouvent engagés, des produits politiques, problèmes, programmes, analyses, commentaires, concepts, événements […] ». Le champ de l’action associative en faveur de la vieillesse peut alors être lu comme un espace structuré de positions, un réseau de relations objectives entre des agents ou des institutions qui s’interdéfinissent par la distribution inégale d’un capital spécifique, qui peut être, dans le cas de l’action associative en faveur de la vieillesse, le nombre de membres ou de bénéficiaires, les ressources financières, l’expertise ou l’accès autorisé aux autorités. Plus largement, l’émergence de nouvelles organisations représente toujours, pour celles déjà présentes, une voix discordante, un possible désaveu du travail effectué jusque-là ou la mise en lumière de caractéristiques particulières propres à ces organisations déjà existantes. Comme le dit Merton : « une personne qui, idéalement, devrait faire partie du groupe mais qui, en fait, n’en est pas membre lui cause par là un tort, soit qu’elle suscite une concurrence, soit qu’elle témoigne à l’égard de l’extérieur les limites de la puissance du groupe » (Merton, 1965 [1953] : 242). L’émergence de toute nouvelle organisation questionne ainsi, par son émergence même, l’existant, ses caractéristiques spécifiques et ses limites.
Nous allons donc étudier la structure et la dynamique des relations qu’entretiennent les organisations engagées dans des luttes de concurrence et de coopération autour d’objectifs largement similaires dans le cadre de l’action en faveur de la vieillesse en Suisse. Pour ce faire, nous avons travaillé sur le matériau suivant : l’étude approfondie de trois organisations de retraités en Suisse, à savoir la Fondation Pro Senectute, l’Association des vieillards, invalides, veuves et orphelins (AVIVO) et la Fédération suisse des retraités (FSR), ces deux dernières organisations étant elles-mêmes membres de la Fédération des associations de retraités et d’entraide en Suisse (FARES)[7]. Pour chacune de ces organisations, nous avons travaillé tant sur les productions institutionnelles (rapports d’activités, prises de position) que sur le matériau plus informel (courriers internes) quand il était disponible. Enfin, nous avons également mené des entretiens avec les principaux responsables de ces différentes organisations comme avec leurs interlocuteurs au sein de l’État (en l’occurrence des membres de l’Office fédéral des assurances sociales)[8]. Comme nous le verrons, et pour anticiper sur nos résultats, l’étude de ce matériau montre bien vite que nombre d’indices semblent indiquer que l’émergence successive de l’AVIVO, de la FSR puis de la FARES renvoie pour une large part à une remise en cause du monopole « de fait » de la Fondation Pro Senectute sur les questions de la vieillesse. Si tant la création de l’AVIVO que celle de la FSR sont le fait de groupes sociaux spécifiques (des individus proches du Parti suisse du travail dans le cas de l’AVIVO, des syndicalistes chrétiens sociaux dans le cas de la FSR) et le produit de points de vue divergents sur la définition même de ce que doit être la défense des retraités, ces deux organisations se constituent néanmoins en opposition aux finalités, modalités de fonctionnement ou rapports privilégiés des autorités avec la fondation. On pourra considérer dès lors que les modes d’action et les combats menés tant par l’AVIVO que par la FSR, puis par la FARES, et en négatif l’engagement accru de la fondation dans des structures de recherche en gérontologie, sont peut-être d’abord le fruit des rapports de concurrence dans lesquels elles se trouvent prises. La légitimité et le subventionnement de la Fondation Pro Senectute en fait un objet incontournable de prise de position, tant pour elle-même dans son rapport aux autres organisations que pour les autres organisations qui ne se lassent pas de questionner ce statut particulier.
Se construire face aux finalités et modes d’actions des organisations concurrentes
La première organisation de Suisse structurée uniquement autour des questions liées à la vieillesse est, comme nous l’avons dit, une fondation privée de type philanthropique. Du nom de Pro Senectute et « inspirée d’un idéal chrétien et pénétrée des devoirs que toute personne doit avoir envers les indigents de sa patrie » (statuts de 1918), elle a été créée à Winterthur le 23 octobre 1917, sous l’impulsion de la Société suisse d’utilité publique (SSUP)[9]. Organisation « d’élite » (McCarthy et Zald, 1977)[10] et fondée par des pasteurs, des médecins, tous déjà engagés dans des actions d’aide, cette fondation s’est donnée, au moment de sa création, trois objectifs : « 1) Éveiller et renforcer dans notre pays les sentiments de sollicitude envers les vieillards (hommes et femmes), sans distinction de confession ; 2) Récolter les fonds nécessaires pour secourir les vieillards indigents et améliorer leur sort ; 3) Soutenir tous les efforts en faveur de l’assurance-vieillesse, en particulier de l’assurance-vieillesse légale[11] ». Pour ce faire, et dès 1918, la fondation organise des collectes à l’échelle nationale en faveur des personnes âgées, argent qui sert à offrir des aides individuelles aux vieillards les plus pauvres. Faisant dès 1921 une demande de reconnaissance d’utilité publique, elle se place dès lors sous la haute surveillance du Conseil fédéral, ce qui signifie que dorénavant, chaque année, un rapport complet et les comptes de la fondation sont présentés au Département de l’Intérieur et que deux délégués de la confédération sont membres de son comité de direction. De la même manière, la présidence de l’assemblée des délégués revient au conseiller fédéral en charge du département responsable des affaires sociales. Les élus politiques comme les membres de l’administration fédérale les plus engagés sur les questions de la vieillesse se retrouvent ainsi au sein des instances de la fondation. Dès 1928 (et aujourd’hui encore), la fondation est subventionnée par la confédération et différents cantons pour venir en aide, puis pour offrir différents services et activités, à la population âgée. Cette subvention sera non seulement en constante augmentation jusqu’au tournant des années 2000, mais elle est aussi inscrite, dans son principe et, dès 1938, dans la loi[12].
Le rôle de la fondation comme organisation subventionnée par la confédération et pourvoyeuse d’aides individuelles ne s’arrête pas avec l’introduction de l’assurance-vieillesse et survivants (AVS) en 1948. Si l’AVS doit assurer le minimum vital, Pro Senectute, aux côtés des cantons, continue à venir en aide à ceux qui ne bénéficient pas de rentes ou à ceux pour lesquels ces dernières ne sont pas suffisantes. Mais son combat politique constitutif ayant abouti avec l’instauration de l’assurance, les campagnes publiques sur des objets politiques disparaîtront largement des activités de cette fondation, ses activités se développant et se concentrant dès lors sur le développement de services aux personnes âgées et sur celui de la gérontologie. On assiste ainsi à un élargissement des problématiques prises en compte par l’organisation. En 1953 apparaît le premier service d’aide à domicile ; en 1955 sont mis en place des services de visite et des clubs d’aînés ; en 1958 sont donnés les premiers cours de préparation à la retraite ; en 1959, en collaboration avec la Croix-Rouge, est créé un premier groupe de gymnastique pour personnes âgées ; en 1961 un groupe est institué en vue de procurer du travail aux retraités ; en 1963 les premiers cours de cuisine pour hommes à la retraite sont proposés ; en 1968 des centres de consultation desservis par des assistants sociaux permanents sont mis sur pied, de même que des services de repas à domicile ; enfin, et pour nous limiter à ces quelques éléments, en 1970 sont organisées les premières vacances accompagnées pour personnes âgées en Suisse. Quant à l’activité politique, et si la fondation continue d’intervenir dans les processus de consultation, lors de propositions de réformes de la loi sur les prestations complémentaires, de l’assurance-maladie ou de l’AVS, elle devient toujours plus problématique. La fondation sera amenée ainsi à clarifier à plusieurs reprises sa position. C’est que si, dans ses statuts, la fondation est dite « apolitique », elle veut tout autant « défendre les intérêts des personnes âgées tant auprès des autorités que du public ». Dans le document « Politique de la Fondation », formalisé en 1989, le secrétaire général explicite ainsi la marge de manoeuvre politique que la fondation a décidé de se donner : « Pro Senectute prend publiquement position sur les questions qui sont d’importance pour les personnes âgées. Très souvent, on a exprimé l’avis que Pro Senectute devait se prononcer plus souvent et de manière plus tranchée sur des questions de politique sociale et adopter une position marquée à leur sujet. Cette proposition a été écartée par tous les organes responsables de notre Fondation : il est en effet évident que Pro Senectute est une institution politiquement neutre et que d’autre part, elle ne serait pas en mesure, faute d’une capacité suffisante en personnel, d’émettre dans un délai utile un avis bien fondé sur tous les problèmes, en partie fort complexes, de la politique sociale. Il est en revanche certain que nous nous exprimerons publiquement sur des questions à propos desquelles nos connaissances et nos expériences nous permettent d’émettre un point de vue compétent, ainsi par exemple sur la révision de la Loi fédérale sur les prestations complémentaires. » Dans les faits, la fondation s’est largement retirée des débats publics.
D’autres organisations, durant cette même période, seront plus revendicatives et estimeront les intérêts des personnes âgées, que ce soit par l’État ou par Pro Senectute, mal défendus. Elles se constitueront dès lors publiquement « contre » l’État. L’Association des vieillards, invalides, veuves et orphelins (AVIVO) en constitue un évident exemple. Lorsqu’en 1948 entre en vigueur l’AVS, celle-ci, dans sa forme finale, ne satisfait pas tout le monde, et loin du constat d’une victoire, tel qu’il peut apparaître dans les rapports d’activité de Pro Senectute, c’est un constat de relatif échec qui peut être exprimé par d’autres, en particulier des élus du Parti suisse du travail (PST). Fondant des Associations des vieillards, invalides, veuves et orphelins dans différents cantons et communes, organisations rassemblant des membres retraités cotisants, ses membres mèneront alors de nombreux combats pour une amélioration des rentes AVS. Pour ne prendre que deux exemples, l’AVIVO suisse lance en 1958 – au moment de sa structuration en organisation nationale – une pétition adressée aux Chambres fédérales demandant une révision de l’AVS « ayant pour but d’accorder aux vieillards, veuves et orphelins des rentes qui leur permettent de vivre ». De même, en 1972, l’AVIVO soutient l’initative du PST intitulée « Pour une véritable retraite populaire » et dont le but est la transformation de l’AVS, par l’inclusion des Fonds de prévoyance existants ainsi que des Caisses de retraite des fonctionnaires. L’initiative du PST fut rejetée par le peuple, mais il n’en demeure pas moins qu’entre le dépôt de l’initiative et le jour du vote, plusieurs années ont passé et qu’entre-temps – et peut-être grâce à la pression de cette initiative ?[13] – la rente AVS minimum a plus que doublé. Surtout, l’AVIVO poursuivra son combat, plus particulièrement concernant les « prestations complémentaires » (pour les personnes dont l’AVS n’assure pas le minimum vital), jugeant que l’AVS ne remplit toujours pas son mandat constitutionnel de couvrir les besoins vitaux, parlant de « jambe de bois des prestations complémentaires pour pallier à l’insuffisance des trois piliers[14] ». L’activité de l’AVIVO se fait ainsi d’abord par des actions protestataires (manifestations, pétitions, participation à des comités d’initiative ou référendaires) dans l’espace public, et si elle offre également un certain nombre de loisirs ou d’activités récréatives aux personnes âgées, ces activités restent, au moins symboliquement et aujourd’hui encore, subordonnées à l’activité proprement politique.
Cette opposition dans les modèles organisationnels entre groupements « pour » et « de » retraités se renforce encore avec l’émergence de nouvelles organisations dans les années 1980, comme la création de la Fédération suisse des retraités, suivie bientôt par celle de la FARES. Si les luttes pour les conditions de vie et pour l’amélioration des rentes AVS restent bien présentes, les revendications de reconnaissance et de participation deviennent omniprésentes et remettent alors en cause, mais sous un autre aspect, le monopole jusque-là accordé à la Fondation Pro Senectute comme interlocuteur principal de la confédération pour toutes les questions touchant à la vieillesse.
Fondée en décembre 1983, la Fédération regroupe pour une large part des retraités liés à la mouvance catholique de gauche qui ont milité au cours de leur vie tant dans des syndicats chrétiens que dans des organisations familiales et catholiques comme Pro Familia, le Mouvement populaire des familles ou Caritas. N’abandonnant pas les luttes pour les conditions de vie et pour l’amélioration des rentes AVS, ils revendiqueront la possibilité de participer aux processus décisionnels qui les concernent en tant que retraités. On assiste alors à l’expression nouvelle d’une volonté d’autonomie, c’est-à-dire le refus d’une imposition de normes par l’extérieur et la volonté de participer à la production des normes et des règles concernant directement le groupe. Autant que les revendications sociales, c’est le refus d’une exclusion des processus de décision dont ils se disent victimes comme retraités qui sera au coeur du combat de l’association. Le combat principal de cette Fédération s’articule alors autour de l’accumulation d’un capital particulier, à savoir le « nombre » (de membres), en vue d’une revendication première d’être considérée comme représentative : « Ce qui est certain, c’est que nous demanderons à être reconnus comme partenaires, à être consultés au même titre que les organisations syndicales de salariés et les organisations patronales[15] ». Cette volonté d’être « intégrés au processus décisionnel », d’être « partenaires au même titre que les autres associations », est alors omniprésente. La compétence attribuable au vécu de la vieillesse ou de la retraite est alors l’argument premier de cette Fédération et se complète d’une forte et constante distance vis-à-vis de ceux qui, comme Pro Senectute, parlent pour les retraités. Les plaintes face aux structures ne laissant de place qu’aux « connaissances basées sur un savoir scientifique » et non à l’« expérience » sont sans cesse réitérées[16]. Dans un courrier au professeur Lalive d’Epinay, alors responsable de la Commission « Vieillir en Suisse », le président de la FSR se plaint ainsi de n’avoir eu que des « strapontins ». De la même manière, en 1997, à propos d’une conférence organisée à Genève à l’occasion de la Journée internationale des aînés, le président de la Fédération écrit : « Hélas, tous les orateurs sont des professeurs d’université, des représentants de gouvernements, de l’OMS, du Haut Commissariat des Nations-Unies pour les réfugiés, du directeur de l’ONU à Genève. Des bulletins de participation sont à disposition. J’ai cependant déjà écrit que si nous participions nous n’entendions toutefois pas être “paternalisés” et que nous regrettions l’absence parmi les intervenants de représentants actifs de retraités au sein de leurs mouvements respectifs[17] ». Enfin, et face aux autres associations de retraités, le combat de la FSR est également une remise en cause du travail effectué par l’AVIVO, les liens à des partis politiques de ces deux organisations apparaissant sans cesse lorsque ces organisations sont amenées à prendre position sur leurs actions ou développements respectifs[18]. Plus largement, si l’AVIVO s’est construite « contre » l’État et existe d’abord à travers des modes d’action protestataires (pétitions, manifestations, etc.), la FSR veut au contraire obtenir un accès officiel et pérenne aux autorités, veut être intégrée au processus législatif dès le processus de consultation, au même titre que les organisations économiques, politiques ou syndicales.
La délégation de compétences à la Fondation comme objet de lutte
L’émergence de ces trois organisations, de même que leurs objectifs premiers, renvoient pour une part à des contextes et à des caractéristiques de la population âgée, à des vécus particuliers de la vieillesse et donc à des besoins de celle-ci largement différents. À la mise en place, par des actifs, d’une politique assistancielle au niveau national en attendant la concrétisation (ou en complément à) d’une assurance-vieillesse (1917-1948) et dont Pro Senectute représente un bon exemple, succède un temps de lutte politique (1948-1980) portant sur le niveau des rentes, sur la transformation de cette assurance et qu’exemplifie l’émergence et le combat de l’AVIVO. À cette période succède, depuis les années 1980, un temps de lutte pour la participation, c’est-à-dire où les personnes âgées refusent leur exclusion des lieux de prise de position politique, et qu’illustre l’émergence d’une organisation comme la FSR. Pour autant et pour utile qu’elle soit, cette possible mise en évidence des contextes de création de ces organisations ne doit pas donner l’illusion que le type de combat mené dans une période disparaît avec la suivante, que la sensibilisation au vécu des vieillards, qui date du début du siècle, n’est plus d’actualité ou que la question de la participation des personnes âgées aux prises de position politiques n’a jamais été questionnée avant les années 1980. Il s’agit bien plus de strates, de couches revendicatives successives, que des organisations ont plus particulièrement prises en charge et où les revendications propres à une période permettent, s’articulent ou se superposent à d’autres revendications, où les revendications disparaissent moins avec le temps qu’elles ne permettent l’expression de nouvelles, sans pour autant disparaître. Surtout, à trop lier les combats premiers des organisations à des contextes particuliers ou à des transformations lourdes du groupe concerné (comme l’augmentation de l’espérance de vie des personnes âgées, de leur espérance de vie en santé, de leur capacité économique ou de leur niveau moyen de formation scolaire), on risque de faire croire que les organisations se constituent indépendamment les unes les autres, faisant fi de l’offre associative déjà en présence. Au contraire, et comme nous l’avons dit, l’émergence de nouvelles organisations représente toujours, pour celles déjà présentes, une voix discordante, un possible désaveu du travail effectué jusque-là ou la mise en lumière de caractéristiques particulières (et pas toujours visibles). L’émergence de l’AVIVO face à Pro Senectute est le fait d’un combat « de gauche » et de la volonté de permettre aux personnes âgées de s’organiser. De même, la création de la FSR est aussi une attaque du « communisme » de l’AVIVO, mais est également une lutte contre la forme d’expertise dont peut se prévaloir la Fondation Pro Senectute. Le subventionnement et l’audience de la fondation par la confédération constituent alors des enjeux premiers.
On peut faire l’hypothèse, en effet, que le modèle organisationnel choisi par les fondateurs de l’AVIVO est une réponse au modèle organisationnel promu par la fondation. En effet, si ces modèles organisationnels font sens par rapport aux socialisations militantes ou professionnelles particulières des membres qui les ont créées, leur persistance ne semble pouvoir être comprise indépendamment des enjeux de concurrence dans lesquels ces organisations se trouvent prises dans le champ de l’aide à la vieillesse. Pro Senectute est en effet devenue le « bras armé » de la confédération, pourvoyeuse de prestations financées pour une large part par cette dernière. L’AVIVO, elle, s’oppose le plus souvent à l’État. Elle s’est structurée comme une organisation militante s’efforçant non pas de mettre en oeuvre les politiques étatiques mais au contraire de les transformer. En termes organisationnels également, ces deux organisations se distinguent largement. Pro Senectute, comme fondation, ne permet pas, encore aujourd’hui, l’accès des bénéficiaires à ses organes de décision : si des personnes âgées peuvent être membres de son conseil de fondation, ce n’est pas en tant que bénéficiaires mais du fait d’une expertise particulière, que ce soit comme ancien professeur en gérontologie ou comme président d’une organisation de défense de retraités. À l’opposé, l’AVIVO est une association dont les bénéficiaires sont les membres et participent dès lors aux organes de décision, qu’ils soient des comités ou des assemblées générales. Si l’on suit Curtis et Zurcher (1974) dans le choix de leurs variables à même de distinguer différentes formes organisationnelles, on constate que Pro Senectute peut se définir avant tout comme une organisation « instrumentale et spécifique » (elle vend des prestations et octroie des aides financières) et peut être considérée comme « exclusive » quant à la participation à ses organes de décision ; au contraire, l’AVIVO (puis la FSR) oscille entre des finalités « instrumentales et spécifiques » ou « expressives et diffuses », l’association ayant simultanément la vocation de défendre des objectifs spécifiques (activités de loisirs et organisation de conférences pour les membres), diffus (amélioration de l’AVS et des prestations complémentaires) et expressifs (en permettant l’engagement et la participation en son sein des personnes âgées) ; elle est ainsi, en matière de conditions d’admission, des plus « inclusives ». Enfin, l’image que donnent ces groupements de leurs « publics » (membres ou bénéficiaires) est largement différente. L’AVIVO se veut l’organisation des « plus petits » et fait référence aux plus pauvres des retraités dans l’ensemble de ses discours[19]. À l’inverse, si en 1920 les rapports d’activité de Pro Senectute parlent de « vieillards indigents » et si en 1949 le directeur peut encore décrire son activité comme « apporter de la lumière et de la joie dans la vie de nos vieux », dans les années 1970 ces mêmes rapports d’activité parlent de « personnes âgées », d’« aînés » ou de « personnes âgées se trouvant dans une situation financière mauvaise ou momentanément mauvaise ». Enfin, quand une grande campagne publicitaire est menée en 2003 dans la presse dominicale nationale avec pour thème « vieillir, un art de vivre », ce n’est plus l’« indigence » des premières campagnes, mais bien l’ère des loisirs qui s’épanouit.
De même, lorsque la Fédération suisse des retraités se constitue, la revendication de la vieillesse expérimentée comme savoir à valoriser au même titre que le savoir académique remet directement en cause le monopole d’expertise jusque-là accordé par la confédération à la fondation. En effet, la fondation, dès sa création, est l’interlocuteur privilégié de la confédération sur les questions liées à la vieillesse. À titre d’exemple, les trois rapports de la confédération sur les questions de la vieillesse (Commission d’étude des problèmes de la vieillesse, 1966 ; Commission fédérale « Vieillir en Suisse », 1979 et 1995) ont tous été menés sous la direction de la Fondation Pro Senectute. Un parlementaire ayant déposé une interpellation sur ce thème en 1952, on apprend en effet que « le Conseil fédéral accepta ce postulat, en émettant l’avis qu’il incombait aux organisations existantes, particulièrement à la Société suisse de gérontologie et à la Fondation suisse “Pour la Vieillesse”, de s’occuper des questions soulevées dans le postulat et de prendre les mesures qui s’imposeraient » (Commission d’étude des problèmes de la vieillesse, 1966 : 11). Dans cette même réponse, le Conseil fédéral attire l’attention sur l’activité de la fondation « Pour la Vieillesse » : les tâches économiques et sociales relèvent de ses attributions et elle va « à l’avenir intégrer la gérontologie dans son secteur d’intérêts » (Pro Senectute Suisse, 2007 : 22). Les tâches d’expertise concernant la vieillesse sont ainsi clairement et explicitement déléguées, par la confédération, à la fondation.
On assiste alors à des remises en cause directes du travail de la fondation en quelques occasions, comme lors de rassemblements communs, auxquels les différentes organisations participent. Si dès 1987 des « rencontres de l’entraide des aînés en Suisse » sont organisées sous l’égide de Pro Senectute, dès 1990 ces journées sont dites organisées par un « Comité central des aînés », avec la collaboration de Pro Senectute Suisse et, en 1990, c’est l’acronyme FARES (pour Fédération des associations de retraités et d’entraide en Suisse) qui apparaît, structure à laquelle participent tant l’AVIVO que la FSR mais dont n’est pas membre la fondation. En 1993, ces journées annuelles sont remplacées par des « Sessions des aînés » au Palais fédéral (siège du gouvernement), qui auront lieu tous les deux ans, la dernière se déroulant en 1999. Le passage des « journées annuelles » aux « Sessions des aînés » a entraîné un certain nombre de modifications dans la structure organisationnelle qui, de manière concomitante, a modifié la place possible pour la fondation en son sein. Si dans les premières années ces journées sont d’abord l’occasion pour chaque organisation de se présenter, de dire quelques mots sur ce qu’elles font et sur ce qu’elles veulent (ce qui entre bien dans la politique de la fondation), dès 1990 ce sont des thèmes transversaux qui sont abordés (bénévolat, relations entre les générations, sécurité avec l’âge, etc.)[20], autant de thèmes sur lesquels la Fondation est jusqu’alors l’interlocutrice officielle de la confédération. Surtout, avec la création officielle de la FARES, comme organisation faîtière des organisations de retraités le 25 avril 1990, on assiste à la création d’un comité dont la tâche principale est d’assurer la mise sur pied de ces rencontres annuelles de l’entraide des aînés en Suisse, mais qui a aussi « une autre mission non moins importante : en effet, il ne suffit pas de recueillir des avis, d’élaborer des solutions aux problèmes rencontrés par les aînés, d’adopter des résolutions, encore faut-il les communiquer à qui de droit (autorités, décideurs, population, etc.). Il incombe donc aussi à la FARES de s’acquitter de ce devoir d’information, de relations publiques et de représentation[21] ». Le rôle et la position de Pro Senectute dans le champ de la vieillesse deviennent alors largement questionnés. D’ailleurs, le soutien de Pro Senectute à cette structure se termine bientôt. C’est que la FARES, à en croire un responsable de Pro Senectute, estime qu’elle est assez forte pour s’organiser seule. Mais c’est aussi que le rôle de Pro Senectute dans cette structure semble ambigu ; pour ce même responsable de Pro Senectute, il s’agissait au début, pour la fondation, de ne pas perdre complètement le contrôle, de garder un pied dans tout ce qui se fait : « on sentait bien les enjeux, sortir d’une retraite consommation, mais on ne voyait pas bien vers quoi ils allaient. En même temps, nombre de ces organisations offraient des services aux personnes âgées et pouvaient apparaître comme concurrentes dans des secteurs où Pro Senectute était active[22]. » Qui plus est, un certain nombre de prises de position d’organisations membres de la FARES prennent à partie la fondation et son financement en la stigmatisant de « bureaucratie coûteuse qui ne s’inquiète que de la classe moyenne ». Si le compte rendu des sessions ne donne pas à voir ces possibles attaques, la lecture d’un certain nombre de courriers en donne une idée ; en 1997, dans un courrier reçu par le président de la FSR, une membre d’une autre organisation écrit ainsi : « Je ne m’oppose en aucun cas à une collaboration avec Pro Senectute, mais je mets l’accent sur le point de la collaboration. Pro Senectute nous laisse toujours moins indépendants et abuse de notre confiance. Dès lors nous sommes nous-mêmes coupables parce que nous n’avons toujours pas compris que c’est seulement ensemble que nous pouvons réussir quelque chose et qu’il faut que certains arrêtent de se profiler. Pro Senectute reçoit des millions de notre AVS. Cet argent devrait être mieux dépensé. Nous pouvons faire notre secrétariat nous-mêmes. »
C’est, plus largement, la question même de ce qu’il est légitime de défendre et de la façon de le défendre qui est alors posée. Les politiques publiques segmentent la population des aînés et chaque organisation est amenée à définir son public et les caractéristiques qui le définissent. Et si Pro Senectute, comme organisation, cherche à toucher l’ensemble de la population âgée, à prendre acte des transformations de la population âgée (par exemple pour la plus grande part de ce groupe, l’élévation de son niveau de vie et de ses aspirations en matière de loisirs et de culture), chaque choix qu’elle opère semble ouvrir simultanément le flan à des critiques. Ces choix ne sont-ils, en effet, que le fait de ces « nouveaux médiateurs » qui, à en croire Guillemard (1986 : 176), « tant en raison de leur recrutement social, de leur classe d’appartenance, qu’en raison des transformations qu’a subies la population âgée dont ils se veulent les intercesseurs, vont prioritairement véhiculer les intérêts et valeurs des nouvelles couches moyennes salariées » ? En tous les cas, c’est bien ce glissement que semblent reprocher les organisations de retraités à la fondation, et son usage trop particulier (ou monopolistique) de ses fonds en faveur de ce « nouveau » public, comme lorsqu’un retraité, au cours d’une journée d’étude, intervient à la fin d’un débat sur l’image des personnes âgées dans la société et sur le rôle qu’elles ont à y jouer, pour dire qu’on ne peut pas avoir une vieillesse heureuse quand on est pauvre et en mauvaise santé.
Il est d’ailleurs intéressant de noter que les rapports « Les problèmes de la vieillesse en Suisse » (1966) ou « Vieillir en Suisse » (1975) parlent de Pro Senectute et des clubs d’aînés mais qu’ils ne mentionnent jamais l’AVIVO, alors même que des membres de ces Commissions d’étude viennent pour une part de cantons où l’AVIVO est bien présente et mobilisent des exemples qui en sont tirés. On voudrait faire l’hypothèse que cette « ignorance » renvoie à la concurrence latente que se livrent ces deux organisations (elles proposent les deux des consultations sociales, proposent quelques activités récréatives), comme à la volonté de ne pas publiciser cette concurrence et donc l’existence de positionnements tant organisationnels que politiques différents. Comme le dit un directeur d’une AVIVO cantonale lors d’un entretien : « il y a 20 ans, on osait à peine dire le nom des autres. Avant, Pro Senectute, c’était le diable. Nous on était les communistes, de gauche, et eux étaient les bourgeois. » Aujourd’hui, cette concurrence, si elle existe encore, est mieux assumée et une répartition des rôles semble acceptée. Ainsi, comme le dit encore cet interlocuteur : « Quand quelqu’un va à Pro Senectute en maudissant le système des assurances sociales, ils l’envoient chez nous. »
Au final, il est possible de se demander si le développement même de la fondation n’est pas d’abord structuré par ces remises en cause dont elle est victime, par cette concurrence que lui font les organisations de retraités, aujourd’hui également reconnues par les autorités fédérales comme interlocutrices officielles. Dès la fin des années 1980, en effet, la fondation investit différents réseaux comme l’European Federation of Older People (EURAG), l’Europaïscher Beirat der deutschen Lebensabend-Bewegung et l’European Research Committee, mais aussi noue des liens privilégiés, dès 1997, avec le Kuratorium Deutsche Altershilfe. La fondation développe également une grosse activité de publication, avec non seulement le journal Zeitlupe, mais aussi des ouvrages spécialisés concernant la planification de l’aide à la vieillesse. Elle participe à la « Fondation suisse pour la recherche sur la vieillesse » dès 1984, reprend une école de gérontologie à Zurich et soutient la mise en place d’une académie d’été dans le domaine de la gérontologie en 1998. Elle est enfin cofondatrice de l’Institut universitaire Âge et Générations (INAG) en 1998 à Sion et collabore encore, en 2000, avec la haute école spécialisée dans le domaine du travail social de Berne en vue d’un diplôme postgrade intitulé « Vieillir : vivre après 50 ans » (Altern : Lebensgestaltung 50+). La fondation semble se positionner plus que jamais face aux organisations concurrentes en affirmant sa spécificité qui est son professionnalisme. Tout en reconnaissant l’importance du travail effectué par les organisations de retraités, et en offrant par exemple des services à ces organisations, elle affirmera en effet sa spécificité en renforçant son investissement dans la gérontologie.
Tant la légitimité que le subventionnement dont la fondation bénéficie font de celle-ci un objet incontournable de prises de position, et si elle est l’objet de différentes remises en cause de la part des organisations de retraités, ces mêmes remises en cause semblent la pousser à affirmer sa spécificité par un investissement accru dans ce qui la caractérise le mieux, renforçant ainsi son modèle organisationnel et le type d’expertise dont elle se prévaut.
Conclusion
Le partenariat public-privé, ou le subventionnement de la Fondation Pro Senectute par la confédération, offre à cette fondation une place de choix en ce qu’elle peut, grâce à ces fonds, soutenir différentes actions (qu’elles soient lancées par elle-même ou par d’autres organisations de retraités) et qu’elle est l’interlocutrice privilégiée de la confédération pour tout ce qui touche aux questions liées à la vieillesse au point d’être la seule organisation liée à la vieillesse connue par nombre de politiciens au début des années 1990[23]. En même temps, du fait de cette position et de son subventionnement, elle est l’objet de vives attaques qui contraignent pour une large part ses possibilités d’action, comme son action contraint pour une large part les actions possibles des groupements concurrents.
Le fait même d’être subventionnée peut contraindre la fondation à une certaine retenue dans les débats politiques. Comme l’a montré Robert Binstock (1997) à propos du positionnement discret de l’American Association of Retired Persons (AARP) dans le débat politique états-unien à la fin des années 1990 (dans une période où les politiques gouvernementales à l’égard des programmes sociaux sont dans une logique de coupe des coûts et de limitation de budget dégradant les conditions de vie des personnes âgées les plus pauvres), cette organisation, qui compte 35 millions de membres, peut difficilement prendre position sans froisser l’une ou l’autre part de ses membres et agit donc de manière à ne pas mettre en péril la survie de l’organisation. Surtout les attaques dont elle est victime de la part de différents sénateurs sur son statut d’organisation exempte de taxes alors même qu’elle effectue un travail de groupe de pression, la conduit également à la modération. Dans une perspective plus néo-corporatiste (Campbell et Lynch, 2000 ; Streeck et Kenworthy, 2005), on peut penser que le simple fait d’être reconnue et subventionnée par les autorités peut contraindre la Fondation Pro Senectute à une certaine retenue, du fait de la volonté de voir l’existence de ses subventions prolongée. Le bon rapport avec les autorités serait donc un préalable fort à chaque prise de décision. Dans une vision plus optimiste, enfin, la sortie du débat politique est moins le fait de contraintes organisationnelles que le produit de la participation aux processus de décision ; les rapports étroits avec les autorités, comme les discussions qu’ils permettent, transformeraient en effet le point de vue des membres de cette fondation, du fait même de la participation au policy-making ; on assisterait ainsi à l’instauration de rapports de confiance et à une meilleure conscience de l’intérêt général (Mansbridge, 1992). Ce retrait peut encore être lu comme le produit de la professionnalisation des cadres de la fondation ; le fort recrutement de spécialistes en gérontologie en son sein, s’il lui donne une légitimité, amènerait de fait cette organisation à véhiculer majoritairement les intérêts et valeurs des nouvelles couches moyennes salariées, à une vision moins politique que technique de l’aide à la vieillesse. Enfin, et plus précisément, notre travail semble indiquer une dernière explication possible ; le repositionnement de la fondation serait d’abord le produit de la lutte de concurrence dans laquelle elle se trouve prise avec les autres organisations de retraités créées au fil des décennies et le fait que, se concentrant sur ce qui fait sa spécificité, elle aurait abandonné à d’autres le terrain politique, préférant s’investir sur la gérontologie, sur son expertise particulière.
C’est que, quels que soient les éléments (ou la configuration d’éléments) qui peuvent le mieux expliquer le positionnement de la fondation, elle reste l’objet d’opposition par excellence des organisations qui défendent les personnes âgées les plus démunies. Elle symbolise une certaine manière de penser la vieillesse et, son modèle organisationnel étant resté pour une bonne part jusque-là immuable, la fondation représente ce contre quoi doivent se positionner les nouvelles organisations de retraités pour justifier leur propre existence, à savoir, et au risque d’être caricatural, le paternalisme et l’absence de place accordée aux personnes âgées dans les décisions les concernant. La reconnaissance de cette organisation par les autorités et son subventionnement semblent ainsi fonder les lignes de luttes autour desquelles se positionnent les groupes concurrents, cristallisent des enjeux de luttes, c’est-à-dire contraignent l’ensemble des prises de positions possibles.
Appendices
Notes
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[1]
Cet article est une version révisée d’une communication proposée dans le cadre d’un atelier qui s’est tenu au congrès de la Société québécoise de science politique en mai 2010 et intitulé « Vers une “privatisation” des politiques sociales ? Fondations privées, ONG, partenariat public-privé et recomposition de l’action étatique ». Nous remercions les participants à cet atelier pour leurs commentaires, ainsi que les relecteurs anonymes de la revue.
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[2]
La question de la « caractérisation » de la Suisse comme État social, et selon les terminologies d’Esping-Andersen (1990), est l’enjeu de débats et nécessiterait à l’évidence des affinements en fonction des secteurs, mais également des périodes. Ainsi, comme le notent Obinger (1998) et Armingeon (2001), le modèle helvétique compte toujours plus de traits du modèle bismarckien.
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[3]
Cette multiplication des acteurs intervenant dans l’élaboration des politiques publiques n’est ainsi pas nouvelle ; au contraire, elle est bien constitutive de la forme prise par l’État en Suisse. Ainsi, au niveau national, et dès la fin du xixe, et comme l’écrit Mach (1999), « dans le contexte d’un État central peu développé et de la faiblesse des partis politiques sur le plan national, les associations d’intérêt, avant tout économiques, ont atteint un haut degré d’organisation et ont été étroitement impliquées dans le processus décisionnel au niveau fédéral ainsi que dans la mise en oeuvre des politiques publiques […]. Cela est attribuable notamment à la précocité de la Révolution industrielle et à la faiblesse de l’État central, sous-développé et recourant aux compétences des premières associations faîtières de l’économie ».
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[4]
Comme le montrent les travaux d’Helco (1974), les institutions sont le lieu d’apprentissages, et dès lors, les politiques publiques répondent non seulement aux problèmes sociaux en eux-mêmes mais surtout aux conséquences des politiques menées auparavant.
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[5]
Ces auteurs, et à propos de l’Association suisse contre le sida (ASS), montrent ainsi comment, en 1985, le rôle du directeur de l’Office fédéral de la santé publique (OFSP) est prépondérant mais aussi contraignant dans la création de cette association ; l’OFSP promet, en effet, de s’associer à des actions de prévention dans le domaine du sida qu’à la condition de la création d’une organisation faîtière suffisamment généraliste. Ce sera l’ASS qui recevra, dès sa création en 1985, des subventions de l’Office fédéral, d’abord symboliques puis conséquentes, puisque dès 1986 celles-ci passent à 463 000 francs (soit 300 000 euros). Cette première augmentation massive du subventionnement de l’ASS par les pouvoirs publics permettra alors un développement de la structure, et notamment la mise en place d’un secrétariat.
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[6]
Le modèle assuranciel choisi en 1948 est lui-même étroitement lié à la volonté de ne pas empiéter sur les entreprises privées déjà existantes. Comme l’écrit Leimgruber, « en développant très tôt leur propre version de “stratégie de complément”, les assureurs suisses ont partagé, avec les employeurs, l’objectif de préserver les formes privées de prestation, en limitant l’extension d’une assurance sociale étatique et en maintenant la régulation étatique des formes de pension privée à un niveau minimal » (Leimgruber, 2005 : 29-30). Pour cet auteur, ainsi, l’engagement des assureurs privés dans la création de l’AVS a largement permis de conserver leurs avantages, à savoir l’absence d’une trop forte concurrence de l’État face aux prévoyances professionnelles, en favorisant un système de rentes plafonnées (ce qui maintient l’intérêt pour la prévoyance professionnelle) et en évitant un financement par la fiscalité. Si la Suisse est souvent caractérisée, dans les comparaisons internationales, comme un liberal residual welfare state, il apparaît, pour cet auteur, que c’est d’abord la conséquence de la volonté de conforter les assurances privées dans leurs prérogatives.
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[7]
Le choix de ces trois organisations, dans notre dessein de recherche, répond plus spécifiquement à cinq critères. Ce sont des organisations qui ont l’État pour interlocuteur explicite en ce qu’elles prennent position et interviennent (entre autres choses) sur les législations, sont présentes au niveau local mais également au niveau national et dans les organisations faîtières, ont des inscriptions géographiques similaires et se trouvent donc en concurrence les unes avec les autres.
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[8]
Pour une description détaillée de ce matériau, voir Lambelet, 2010.
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[9]
Sur cette société, voir Rickenbach, 1960.
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[10]
Pour ces auteurs, on peut parler d’« organisation d’élite » pour définir une organisation où peu d’individus contrôlent d’importantes ressources qui ne sont pas les leurs, en opposition à une « organisation de masse » où beaucoup d’individus ne contrôlent que leur propre temps et leur travail. Ces auteurs, pour parler de ces organisations d’élite, parlent également d’« organisations de mouvement social professionnelles », lorsque les ressources ne proviennent pas des bénéficiaires et que le travail est d’abord fait par des professionnels.
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[11]
Pro Senectute Suisse, 1918, statuts.
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[12]
Dans sa teneur actuelle, l’art. 101bis de la LAVS, intitulé « Subventions pour l’aide à la vieillesse », indique : « À titre de participation aux frais de personnel et d’organisation, l’assurance peut allouer des subventions aux institutions privées reconnues d’utilité publique et actives à l’échelle nationale, pour l’exécution des tâches suivantes en faveur de personnes âgées : a) conseiller, assister et occuper les personnes âgées ; b) donner des cours destinés à maintenir ou à améliorer les aptitudes intellectuelles et physiques des personnes âgées, à assurer leur indépendance et à leur permettre d’établir des contacts avec leur entourage ; c) assumer des tâches de coordination et de développement ; d) perfectionner le personnel auxiliaire. L’octroi des subventions est réglé par des contrats de prestations. Le Conseil fédéral définit les critères de subvention et fixe le montant maximal des subventions. Il peut en subordonner l’octroi à d’autres conditions ou à l’accomplissement de certaines obligations. L’office fédéral compétent conclut les contrats de prestations et règle le calcul des subventions ainsi que les conditions d’octroi ».
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[13]
Pour Fritz Kaeser, ancien président de l’AVIVO Suisse, le « saut des rentes en 1972 [est le] résultat de l’initiative du parti du travail dite des rentes populaires appuyée massivement par l’AVIVO, contestée par les autorités et tous les partis au pouvoir qui présentaient le contre-projet du système des trois piliers ». Brochure du 50e anniversaire de l’AVIVO Genève, 1999.
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[14]
Ibid.
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[15]
Demande d’entrevue au conseiller fédéral en charge des affaires sociales, le 3 avril 1987. Plus largement les différents courriers, et plus encore leurs préambules et les signatures, donnent à voir assez clairement l’importance de la quête de reconnaissance à laquelle aspire la Fédération. Pour ne donner qu’un exemple, et à la suite de la réponse donnée par les autorités fédérales à leur courrier « des augmentations massives des cotisations à l’assurance-maladie, le ras-le-bol des retraités et une cohésion sociale gravement menacée » (décembre 1990), le président de la Fédération verbalise tout ce qu’il représente en écrivant : « elle déçoit des milliers de retraités qui étaient en droit d’attendre une ferme prise de position. […] Après avoir baissé la tête pendant des années, des dizaines de milliers de retraités, préretraités et rentiers AI expriment leur ras-le-bol et leur révolte face à ce nouvel envol de primes. […] De partout en Romandie nous parviennent des échos d’assurés révoltés » ; enfin, pour renforcer sa signature, il rajoute en nota bene : « cette lettre a été rédigée par une Commission spéciale et bien représentative de tous les milieux directement concernés. »
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[16]
Ce type d’opposition, ou cette valorisation du vécu de ceux qui, par les institutions en place, sont considérés comme des bénéficiaires, n’est pas spécifique aux groupements de retraités, mais se retrouve dans les argumentaires des organisations de patients. Voir par exemple Saillant et Gagnon (1996), Pinell (2002), Crossley (2006), Voegtli et al. (2009).
-
[17]
Procès-verbal de la séance du Comité central de la Fédération, 17 septembre 1997.
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[18]
Comme le rapporte le second président de la section vaudoise de la FSR en 1994, dans un courrier au président national : « À Berne, la secrétaire du Courrier de l’AVIVO a déclaré que le seul obstacle à une adhésion de l’AVIVO à la Fédération des retraités était la personne du président suisse, Joseph Rey, ce “chrétien-social” ! Ils n’en sortent pas […] Et là, un des participants est revenu avec cette histoire de “Rey-chrétien-social”comme obstacle à une collaboration AVIVO – Fédération. Ils commencent à nous “emmerder”. La réalité c’est qu’il y a des élections au National cet automne et la direction de l’AVIVO n’est autre que le comité du POP. Ce parti veut tirer le maximum des “vieux” du canton pour faire passer deux députés aux Chambres. »
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[19]
On peut noter d’ailleurs le succès de ce discours puisqu’il est repris également par les observateurs. Comme l’écrit Jeanneret (2002 : 437) : « La manifestation la plus populaire de l’AVIVO est l’organisation de ses fameux repas de Noël annuels. Celui de Lausanne se tient traditionnellement au grand restaurant du palais de Beaulieu. Il regroupe un bon millier de convives issus de milieux modestes, souvent des vieillards solitaires [notre soulignement]. Pour beaucoup d’entre eux, ce banquet agrémenté de productions musicales et de divertissements constitue la seule fête de Noël. »
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[20]
La seule lecture des tables des matières des rapports publiés à ces occasions est sur ce point des plus explicites ; dans le compte rendu des journées de mai 1987, et à la suite de quatre communications de chercheurs ayant pour thème les organisations d’entraide, les 18 chapitres suivants sont autant de présentations, par leurs présidents, d’organisations de retraités locaux. Dix ans plus tard, lors de la troisième session des aînés, et selon les actes publiés à la suite de cette session, ce sont essentiellement des allocutions d’élus, de représentants de structures similaires européennes ou étrangères et de la présidente du Comité suisse des activités de jeunesse, et les rapports des groupes de travail (« relations intergénérationnelles », « Europe », « prévoyance vieillesse », « assurance maladie »).
-
[21]
VASOS/FARES, 1990. « Qu’est-ce que la F.A.R.E.S. ? » 4. Jahres-Tagung, Universität Bern, p. 77.
-
[22]
Entretien, Lausanne, 2008.
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[23]
Laemmlen, Melching et Schneider, en 1993, se sont intéressés aux représentations qu’ont les politiciens suisses des problèmes de la politique de la vieillesse, et à la manière dont sont influencées ces représentations. Pour ce faire, ils ont passé un questionnaire à 200 conseillers nationaux et à 924 membres de grand conseil cantonaux des cantons d’Aarau, Berne, Bâle-campagne, Bâle-ville, Thurgovie et Zurich. À la question : « Quelle est l’organisation faîtière des organisations de retraités et d’entraide en Suisse ? », ils ont obtenus pour réponses de 51 % de ces parlementaires que c’est Pro Senecture, pour 11 % que ce sont les Panthères grises, pour 7 % que c’est la FARES, pour 3 % que c’est l’AVIVO, et 28 % des parlementaires déclarant ne pas savoir (Laemmlen, Melching et Schneider, 1993).
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