PrésentationVieillir pose-t-il vraiment problème ?[Record]

  • Nicole F. Bernier and
  • Isabelle Mallon

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  • Nicole F. Bernier
    Institut de recherche en santé publique, Université de Montréal

  • Isabelle Mallon
    Maître de conférences en sociologie, Groupe de recherche sur la socialisation, Université de Lyon

Il est bien difficile de s’intéresser au phénomène mondial du vieillissement démographique sans constater son appréciation très controversée par les spécialistes du domaine s’exprimant dans les médias, la littérature scientifique et les forums d’experts internationaux. D’un côté, il y aurait de quoi se réjouir de ce phénomène. Dans plusieurs sociétés, tant au Nord qu’au Sud, l’amélioration générale des conditions sociales ainsi que les progrès des mesures d’hygiène sanitaire et de la médecine ont contribué sinon à enrayer, du moins à mieux maîtriser, au cours des dernières décennies, plusieurs épidémies et maladies mortelles. L’on constate un allongement remarquable de l’espérance de vie, ainsi qu’un allongement de l’espérance de vie en bonne santé. Il y a lieu de célébrer la mise en place de dispositifs de redistribution sociale (tels les programmes de retraite, d’assurance-chômage ou d’assurance-maladie) ainsi que les progrès en santé publique et en médecine (tels la vaccination, les antibiotiques, la radiologie et l’anesthésie) qui ensemble, au cours du XXe siècle, ont contribué à ce que les populations vivent mieux et plus longtemps qu’autrefois ! De l’autre côté, la notion de vieillissement en soi n’invite pas à la fête, étant volontiers associée à la fragilité des personnes, à la vulnérabilité, à la maladie, à la dépendance envers autrui, aux obligations de prendre soin des proches et à la mort. La représentation collective du vieillissement démographique, quant à elle, n’apparaît guère plus reluisante, renvoyant bien souvent à l’image d’un fardeau social ingérable pour les jeunes générations actuelles et à un déséquilibre des finances publiques menaçant de provoquer une crise dont les conséquences ébranleront, pourquoi pas, les fondements mêmes de la démocratie ! (Petersen, 1999). Beaucoup d’efforts sont déployés de par le monde pour établir ou pour défaire des pronostics souvent alarmistes, voire apocalyptiques, en relation avec le vieillissement des sociétés, ce que d’aucuns appellent « le vaudou démographique » (Barer et al., 1995 ; Bourdelais, 1997 ; Gee & Gutman, 2000 ; Evans et al., 2001). Le vieillissement des populations apparaît dans le discours public comme un véritable défi social se structurant principalement autour du financement problématique des régimes de pensions de retraite et des systèmes de soins de santé. La mise en relation d’images frappantes comme le départ massif à la retraite des générations du baby-boom avec celle de cohortes toujours plus nombreuses de vieillards inactifs qui seront atteints de maladies chroniques et de problèmes complexes de santé requérant des soins de longue durée, alimente les pires scénarios futuristes. Les descendants des générations du baby-boom paieraient cher le progrès social dont leurs parents bénéficient. Au plan personnel, les plus jeunes seront relativement peu nombreux à pouvoir s’occuper d’un parent baby-boomer. Au plan collectif, ils se trouveront relativement peu nombreux à cotiser aux régimes publics, comme travailleurs, pour assurer la partie publique de l’aide dont les aînés bénéficieront. Bien entendu, la vision moins pessimiste ne peut faire l’économie d’une réflexion sérieuse portant sur certains enjeux de taille pour l’avenir de nos sociétés et de solutions à mettre en place. Comme l’indique Jacques Légaré dans ce numéro, sur le plan de la gouvernance sociale du vieillissement démographique, cela pose bien sûr des problèmes d’équité et de redistribution entre générations. La durée de la vie en perte d’autonomie et l’augmentation des problèmes de santé et de services sociaux de longue durée demandent des ajustements organisationnels. Cela dit, le poids des charges sociales à venir dépend beaucoup des modalités associées aux programmes publics. Plusieurs pays sont déjà à la recherche de nouvelles façons de retenir la main-d’oeuvre dans le marché du travail au-delà de l’âge de 65 ans, cherchant à abolir notamment …

Appendices