L'association Erasme, qui a déjà publié par deux fois les travaux de son séminaire scientifique, propose un nouvel ouvrage collectif fruit d'un travail réalisé sur le thème « Santé et médecine au féminin-masculin ». La perspective adoptée est intéressante, à la croisée de deux domaines appelés à dialoguer, celui des spécialistes des questions se rapportant aux rapports sociaux de sexe et celui des chercheurs se situant dans le champ de la santé et de la médecine. Sans prétention d'exhaustivité, le livre offre une lecture sexuée des questions de santé à partir des outils conceptuels tels que les rapports sociaux de sexe et l'analyse en termes de genre. Anne-Marie Devreux, dont la contribution, « Les rapports sociaux de sexe : un cadre d'analyse pour des questions de santé ? », est curieusement placée au chapitre 4 de la première partie, retrace la généalogie des concepts sociologiques qui parlent des femmes et des rapports entre les sexes, en interrogeant la façon dont la différence entre les sexes pourrait être prise en compte dans le champ de la santé et de la médecine. L'analyse des travaux antérieurs met en lumière le travail de dénaturalisation des sexes qui a permis de montrer comment le social s'appuie sur le biologique pour légitimer les discriminations à l'encontre des femmes. Le concept de rapport social de sexe, au singulier, est générique, sorte d'« enveloppe conceptuelle » des rapports sociaux de sexe dans leurs formes empiriques diverses. Le rapport social est une construction conceptuelle différente de celle de « relations sociales » : il ne s'agit pas simplement de la mise en rapport d'acteurs sociaux individuels ou collectifs, mais de l'organisation hiérarchisée de leurs relations. « Il implique en effet une dimension systémique dans l'organisation sociale des faits relatifs à l'oppression, la domination et l'exploitation d'un groupe social par un autre » (p. 104). De ce point de vue, le rapport social de sexe n'est pas spécifique et possède, comme tout rapport social, quatre caractéristiques fondamentales : c'est une structure transversale à toute une société; c'est un antagonisme plus ou moins visible entre des dominants et des dominés; il a une dynamique propre de reproduction et, enfin, il est producteur de catégorisations, de critères de classement social et de normes (p. 114). Les trois parties du livre abordent la question des rapports sociaux de sexe sous différents registres : construction sociale de problèmes de santé au masculin et au féminin; professions de santé; savoirs et pratiques dans la sphère privée. La diversité des cadres théoriques et des démarches méthodologiques utilisées par les auteurs est grande et se veut au service d'« une tentative de dévoilement de réalités souvent cachées du fait même de l'existence des rapports sociaux de domination présents dans tous les domaines de la vie sociale » (p. 8). Le but n'est donc pas de prendre parti dans des controverses en apportant des réponses tranchées à des questions complexes. Il s'agit au contraire d'ouvrir un débat en faisant émerger des questions. La première partie (Construction sociale de problèmes de santé au masculin et au féminin) analyse le rôle des représentations dominantes du féminin et du masculin dans la visibilité des problèmes de santé et dans leur prise en charge. Patrizia Romito analyse les réponses socio-sanitaires et policières qui sont faites aux violences exercées sur les femmes en Italie et met en lumière que les représentations masculines du masculin et du féminin, dominantes dans ces institutions, conduisent à parler d'une complicité objective avec les hommes violents, ce que suggère son titre : « Violence privée, complicités publiques ». Serge Clément et Monique Membrado, sur la construction sexuée …
ERASME. 2001. Femmes et hommes dans le champ de la santé. Approches sociologiques. Rennes, Éditions de l'ENSP, collection « Recherche, santé, social », 330 p. [Record]
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François-Xavier Schweyer
LAPSS/ENSP Rennes