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Introduction

La pandémie de Covid-19 a accéléré la transformation digitale rapide des entreprises. La transformation digitale désigne « les effets économiques et sociétaux de la digitisation et de l’utilisation de technologies et données interconnectées » (OCDE, 2018, p. 19). La digitisation est la conversion de données et de processus analogiques en un format lisible par une machine, tandis que la digitalisation décrit comment les technologies numériques peuvent être utilisées pour modifier des activités existantes (Verhoef et al., 2021, p. 891). Pour résumer, la digitisation et la digitalisation concernent spécifiquement la technologie alors que la transformation digitale va bien au-delà. Il s’agit de l’exploration et l’exploitation de nouveaux « possibles » engendrés par ces technologies, en particulier au niveau organisationnel (Dudézert, 2018). Elle n’est plus une option. Selon Kraus, Schiavone, Pluzhnikova et Invernizzi (2021), elle est passée du statut d’opportunité technologique à celui de pure nécessité dans la gestion des besoins et attentes de la population mondiale croissante. Elle pousse les entreprises à se réinventer à marche forcée par un changement de paradigme imposé par les nouvelles technologies (Janati-Idrissi, 2020). Les entreprises conscientes de l’existence de ces opportunités s’engagent dans un processus de transformation digitale (Dudézert, 2018). Cependant, la mise en place de cette transformation s’effectue sur un rythme encore lent en ce qui concerne les petites et moyennes entreprises (PME) (Sommer, 2015). Les PME se digitalisant en cours d’existence sont généralement moins bien préparées aux nouvelles technologies et à leurs exigences (Smit, Kreutzer, Moeller et Carlberg, 2016). À l’inverse, celles nées dans le digital construisent et exploitent une infrastructure digitale dans le cadre d’un modèle d’entreprise digitale, dès leur création (Brouthers, Geisser et Rothlauf, 2016 ; Chen, 2020 ; Monaghan, Tippmann et Coviello, 2020 ; Stallkamp et Schotter, 2021). De ce fait, elles peuvent se trouver confrontées à davantage de défis, tels le désapprentissage (Surdu et Narula, 2021), l’incertitude technologique (Kriz et Welch, 2018) et surtout les tensions liées aux ressources limitées (Welch et Welch, 2009). De nombreux auteurs (Mcmahon, 2001 ; Mittal, Khan, Romero et Wuest, 2018) ont souligné l’entrave que peut représenter le manque de ressources financières pour les PME. La transformation digitale exige « des actifs complémentaires fondés sur les connaissances, tels que le capital organisationnel et humain » (OCDE, 2017, p. 13-14). Elle nécessite de nouvelles méthodes de travail, de nouvelles technologies (Kane, Palmer, Phillips, Kiron et Buckley, 2015). Or, la plupart des PME, le plus souvent, adopteront des mesures à impact rapide, expérimenteront de nouvelles solutions, observeront leurs pairs et avanceront prudemment, sans une vision globale de ce que le digital signifie pour l’entreprise (North, Aramburu et Lorenzo, 2019). Dans le contexte de PME, les propriétaires très influents dans les décisions stratégiques de l’entreprise (Jones et Kierzkowski, 2018) deviennent de plus en plus susceptibles d’adopter la technologie s’ils en perçoivent des avantages clairs (Simmons, Armstrong et Durkin, 2008). En outre, pour bénéficier des avantages et des opportunités de compétitivité que la transformation digitale semble offrir, les PME sont encouragées à se réinventer afin de s’assurer que l’entreprise continuera d’exister à l’avenir et atteindra des niveaux de performance élevés (Bampoky, 2017 ; Dudézert, 2018 ; Kraus et al., 2022).

La littérature sur les PME, en tant qu’objet de recherche, présente cependant plusieurs lacunes : les questions en lien avec la responsabilité sociale des entreprises et l’internationalisation au-delà des pays occidentaux sont peu traitées, de même que la question de la digitalisation (Renaud et Maucuer, 2022). Plus spécifiquement, le lien entre la transformation digitale et la performance reste « un sujet largement inexploré » (Ferreira, Fernandes et Ferreira, 2019). Les récents flots d’études académiques sont largement orientés vers les contextes des grandes entreprises (Kraus, Brem, Schuessler, Schuessler et Niemand, 2019) ou les PME industrielles (Müller etal., 2018). De plus, elles sont souvent trop optimistes (Chanias, Myers et Hess, 2019), avec des perspectives très étroites : marketing (Hofacker, Golgeci, Pillai et Gligor, 2020), innovation des modèles d’affaires (Li, 2020), comptabilité (Knudsen, 2020) et dépassant la portée de la majorité des PME aux ressources limitées (Verhoef et Bijmolt, 2019). Ces études, bien que très instructives, ne s’adressent pas spécifiquement aux PME (Li, 2020). D’ailleurs, Kraus etal. (2021) soulignent que la transformation digitale elle-même n’en est qu’à ses prémices et suggèrent d’initier davantage de recherches visant à étudier comment la transformation digitale peut aider les petites entreprises à faire face à la vulnérabilité due à leur taille.

Nous souhaitons, à travers ce travail, questionner l’existence d’une communauté de recherche structurée autour de la question de la transformation digitale et de la performance prenant en compte les spécificités des PME. Ainsi, nous évaluons le niveau de maturité de cette littérature. Nous cherchons aussi à comprendre ses dynamiques de constitution à travers les thématiques explorées et les angles morts actuels. En partant de la littérature traitant conjointement de la transformation digitale et de la performance des PME, notre étude poursuit trois objectifs principaux : comprendre comment et sur quelles bases s’est construite la littérature académique sur le sujet, structurer la recherche existante en identifiant ses apports, mais aussi ses limites, et enfin, faire ressortir des voies de recherches futures.

Pour cela, nous avons mené une étude bibliométrique. Les données ont été recueillies à partir de Scopus. Nos résultats sont fondés sur deux analyses différentes, mais complémentaires (Walsh et Renaud, 2017), à savoir l’analyse de cocitations de références (désormais ACC) et l’analyse de couplage bibliographique de documents (désormais ACB). Ils mettent en évidence les diverses lacunes de la littérature sur la transformation digitale, par exemple, la mise en marge des PME, mais montrent également une certaine ambigüité sur les notions de transformation digitale et de performance, ainsi que sur les liens qu’elles entretiennent. Ils soulèvent, enfin, certaines questions de recherche qui justifient de futures recherches académiques.

Notre article se construit comme suit : après une rapide présentation de la littérature sur la transformation digitale en général d’une part et sur la performance des PME d’autre part, nous décrivons notre méthodologie de travail. Nous détaillons ensuite les résultats de nos deux études. Finalement, nous discutons ces résultats afin de faire ressortir les apports et limites de la littérature sur la transformation digitale et la performance des PME. Ce travail nous permet de mettre en valeur des pistes de recherches futures.

1. Revue succincte de la littérature

1.1. Transformation digitale : désarroi de définitions

Définir et conceptualiser la transformation digitale n’est pas aisé. Les contours de cette notion ne sont pas clairement dessinés et renvoient à de multiples réalités, notamment en raison de sa récente émergence. La diversité des problématiques traitées ainsi que les réponses apportées montrent toute l’étendue et la richesse du sujet.

Selon Besson, Gossart et Julien (2017, p. 1), l’expression digital transformation est apparue pour la première fois en 2000 : « Cette transformation est décrite comme une combinaison de trois phénomènes : l’automatisation, la dématérialisation et la réorganisation des schémas d’intermédiation. » Chacune de ces trois familles d’effets interagit avec les deux autres et se renforce dans cette interaction (Lemoine, 2014) : i) l’automatisation (derrière celle-ci se jouent les effets d’accroissement de performance dans l’emploi des facteurs de production. Cela affecte la productivité du travail, du capital, de l’énergie et des matières premières, mais aussi la question de l’augmentation des capacités d’individualisation de l’offre), ii) la dématérialisation (elle entraîne l’apparition de nouveaux canaux de communication et de distribution qui remplacent ou transforment les réseaux physiques d’agences, de guichets et de magasins, en même temps qu’une baisse des coûts marginaux de production et des coûts de transaction), iii) la désintermédiation/réintermédiation (elle concerne les effets de réorganisation des chaînes de valeur). L’irruption de nouveaux acteurs qui se placent entre les entreprises traditionnelles et leurs clients impose de réinventer les modèles d’affaires et d’intermédiation.

Dans les études publiées dans le MIT Sloan Management ou MIS Quarterly, nous retrouvons deux groupes de définitions mettant tous deux l’accent sur l’utilisation des technologies et les résultats attendus d’une transformation digitale. Le premier groupe (Westerman, Tannou, Bonnet, Ferraris et McAfee, 2012) définit la transformation digitale comme l’utilisation de la technologie permettant d’améliorer radicalement la performance ou la portée d’une entreprise. Le second groupe la définit comme « l’utilisation de nouvelles technologies digitales pour permettre une amélioration majeure de l’entreprise » (Fitzgerald, 2014). Ainsi, la transformation digitale est voulue, comme toutes les actions mises en place par une entreprise pour intégrer les technologies digitales dans ses activités, en vue de créer et de souhaiter plus de valeur pour l’entreprise (Kane et al., 2015 ; Liu, Chen et Chou, 2011 ; Schallmo et William, 2018 ; Verhoef et al., 2021).

Cette transformation ne renvoie donc pas uniquement à une amélioration d’ordre technologique des procédés de fabrication ou des propositions de services, mais plutôt à un processus global de transformation de l’entreprise qui l’incite à revoir sa relation avec les clients, ses processus de travail internes et parfois même son modèle d’affaires (Dudézert, 2018). Certains chercheurs (Bouncken, Kraus et Roig-Tierno, 2021 ; Vial, 2019) soutiennent que la transformation digitale va encore plus loin et modifie fondamentalement les opérations, les produits et les processus de l’entreprise, ce qui, dans certains cas, conduit à des modèles d’affaires complètement nouveaux. Mertens et Wiener (2018) précisent d’ailleurs que la transformation digitale ne doit pas être considérée comme un nouveau phénomène ou traitée comme une « nouvelle discipline », mais plutôt comme une extension naturelle du domaine bien établi de la gestion de l’information, permettant d’éviter les problèmes actuellement rencontrés jusqu’à ce que ce nouveau bloc de construction soit capable de démontrer l’apport de nouveaux ajouts significatifs à la complexité de la gestion de l’information. Or, pour Dussart (2017), la transformation digitale est un impératif plus qu’un choix dans la mesure où la reconfiguration des modèles d’affaires (pour les adapter aux nouveaux comportements des marchés) est une question de survie pour l’entreprise, compte tenu du niveau d’attente des consommateurs en termes d’achats en ligne (Chen, Teng, Yu et Yu, 2016). Bien que la discussion sur la transformation digitale ait tendance à avoir une connotation positive et a été fortement promue par de grandes sociétés de conseil comme McKinsey et Boston Consulting Group, les effets négatifs possibles sont de plus en plus abordés, en insistant par exemple sur la pertinence d’approches responsables de la gestion de la transformation digitale (O’Halloran et Griffin, 2019) ou sur les questions sociétales et éthiques (Royakkers, Timmer, Kool et Van Est, 2018).

Ces travaux, quelle que soit la méthode utilisée, soulignent à quel point les composantes d’une transformation digitale sont nombreuses (Kraus etal., 2021). La diversité des problématiques traitées ainsi que les réponses apportées (la culture d’entreprise, l’innovation, le leadership, le modèle d’affaires, la stratégie d’entreprise, les capacités dynamiques, les capacités managériales, les capacités digitales…) montrent toute l’étendue et la richesse du sujet. Les conclusions de certains travaux parlent de la rapidité avec laquelle les avancées technologiques transforment les entreprises. On se voit en conséquence confrontés à de nouveaux enjeux qui risquent de redéfinir les frontières et les contours de la transformation digitale. Il est alors difficile de les identifier et d’appréhender la manière dont cette transformation peut intervenir sur la performance.

1.2. Transformation digitale des PME et performance

L’influence considérable de la transformation digitale sur le monde de l’entreprise est incontestable. D’ailleurs, Autio (2017) utilise le terme « perturbation digitale » pour décrire l’impact transformateur produit par les technologies et les infrastructures digitales sur le mode de fonctionnement des entreprises, de l’économie et de la société. Cette perturbation digitale crée des opportunités de croissance pour les entreprises : le développement de l’automatisation rendu possible par la robotique et l’intelligence artificielle apporte la promesse d’un accroissement de la productivité, mais également une amélioration de l’efficacité, de la sécurité et de la commodité[1]. Grâce à ces technologies, les entreprises optimisent les processus commerciaux existants en permettant une coordination plus efficace entre les processus et/ou en créant une valeur ajoutée supplémentaire pour le client (Verhoef et Bijmolt, 2019).

De son côté, l’OCDE (2017) précise les avantages du digital pour les PME : meilleur accès aux compétences et aux talents, meilleur accès aux marchés, accès plus étendu aux financements, meilleures collaborations et communication, meilleur accès aux technologies et aux applications, développement de produits et réduction des formalités administratives. La transformation digitale apparaît alors comme un changement conscient et durable des performances de l’entreprise. De nombreuses recherches ont démontré qu’une relation positive entre la transformation digitale et la performance pourrait exister : augmentation de la productivité, amélioration de la qualité des produits et de l’efficacité des processus, flexibilité supérieure, réduction des délais de mise sur le marché, innovation des modèles d’entreprise et, enfin et surtout, la durabilité environnementale (Chen et al., 2016 ; Gabriel et Rodeiro-Pazos, 2018). Cependant, les études académiques sont peu nombreuses à s’être concentrées sur les liens existants entre la transformation digitale et la performance des PME.

La performance est un concept qui, pour plusieurs, est d’une grande clarté alors que pour d’autres, il reste totalement abstrait. Bien que tous les acteurs économiques considèrent que la performance fait partie de leurs objectifs à court, moyen ou long terme, on se rend rapidement compte que celle-ci laisse place à bien des interprétations, notamment pour les dirigeants de PME. La performance des PME comporte des spécificités et ne se résume pas à la transposition de celle des grandes entreprises dans un modèle réduit. Orientée par le dirigeant, cette performance revêt un caractère singulier : « Tandis que pour le propriétaire-dirigeant d’une petite société, la performance peut, par exemple, se limiter à assurer un revenu familial décent, le conseiller socio-économique peut, dans sa perspective, penser en termes de création d’emplois et de croissance des entreprises et le banquier, envisager principalement la réalisation de profits et la production de liquidités. » (St-Pierre et Cadieux, 2011) La performance en PME n’est pas prédéterminée et se construit chemin faisant en fonction des objectifs personnels de leurs propriétaires-dirigeants (Jarvis, Curan, Kitching et Lightfoot, 2000), ceux-ci étant souvent en totale symbiose avec ceux de leur entreprise (LeCornu, Mcmahon, Forsaith et Stanger, 1996 ; Jarvis et al., 2000). Cette conception « étroite » de la performance peut avoir un impact sur la manière dont les propriétaires-dirigeants de PME envisagent la croissance, la réussite, voire leur intérêt pour la transformation digitale.

Cette diversité dans les conceptions de la performance n’est pas sans conséquence et devient ainsi source de confusion, voire de conflit entre les différentes parties prenantes de l’entreprise. Cela nous amène à nous interroger davantage sur l’impact de l’utilisation efficace et efficiente de ces technologies et à dresser un constat actuel. En effet, malgré la littérature croissante sur la transformation digitale, peu d’études abordent ouvertement ses conséquences. La notion de conséquence de la transformation digitale est représentée de peu de manières : soit améliorer la proposition de valeur existante ou créer une nouvelle proposition de valeur (Gong et Ribière, 2020), soit devenir une organisation plus consciencieuse de son rôle et de son impact (Bordeleau, Combemale, Eramo, Van den Brand et Wimmer, 2020). Nous souhaitons à travers cette étude mettre en lumière ces travaux et comprendre comment cette littérature se structure.

Cette revue de la littérature nous permet de préciser nos questions de recherche. Nous nous interrogeons ici sur l’émergence d’une communauté de recherche structurée autour de la transformation digitale et de la performance des PME. Nous nous questionnons sur l’existence d’un ancrage intellectuel commun et sur l’organisation de cette littérature en thématiques de recherche identifiables. Ce travail nous permettra ainsi de mettre en valeur les opportunités de recherche futures.

2. Méthodologie

Pour analyser les dynamiques de constitution et de structuration de la recherche sur la transformation digitale et la performance des PME, nous mobilisons la bibliométrie. Développée au début du xxie siècle comme un outil de gestion des bibliothèques, la bibliométrie est devenue, depuis les travaux De Solla Price (1965) et de Garfield (1963), une méthode reconnue en sociologie des sciences. Elle s’appuie sur l’idée que la construction de la science repose sur des lois sociologiques que l’analyse statistique des schémas de citations permet de mettre à jour (De Solla Price, 1965). À partir de techniques statistiques comme le regroupement (ou clusterisation) et la visualisation de réseaux, elle permet de cataloguer, classer et quantifier les connaissances dans une discipline donnée. Grâce à ces résultats, les chercheurs sont en mesure d’évaluer et de suivre l’évolution d’un domaine ou d’un sous-domaine de recherche.

Dans la continuité de la proposition de Walsh et Renaud (2017), nous avons construit notre étude en combinant deux méthodes bibliométriques parmi celles existantes (Zupic et Cater, 2015) : l’analyse de cocitations de références (ACC) et l’analyse du couplage bibliographique de documents (ACB). Cette combinaison de méthodes offre une vision globale et historique d’un corpus de littérature scientifique.

En effet, pour l’ACC (Garfield, 1979), deux documents sont cocités par un troisième lorsque ce dernier les cite simultanément (Small, 1973). Cette approche repose sur une double hypothèse. D’une part, la citation répétée d’une paire de documents souligne la nature complémentaire des deux documents (Callon, Courtial et Penan, 1993). D’autre part, les chercheurs qui cocitent les mêmes références ont tendance à partager la même représentation ou perspective de recherche (Small, 1973). L’ACC permet d’identifier le coeur intellectuel composé des textes fondateurs de la littérature étudiée (Noma, 1984). Il s’articule en piliers théoriques qui illustrent la logique de développement et d’évolution du champ étudié.

L’ACB (Kessler, 1963) implique l’analyse comparative des références citées dans un corpus de documents. La proximité intellectuelle entre deux articles est mesurée par la similarité de leurs bibliographies, c’est-à-dire le nombre de références partagées entre ces deux documents. Dès lors, plus deux documents ont des bibliographies proches, plus ils sont susceptibles de couvrir le même sujet de recherche. L’ACB permet de son côté d’identifier le front de la recherche (Jarneving, 2005), à savoir les conversations scientifiques constituant les tendances actuelles du champ étudié.

En d’autres termes, l’ACC offre une analyse rétrospective, tandis que l’ACB s’intéresse aux tendances actuelles (Vogel et Güttel, 2013).

2.1. Collecte des données

Pour mener cette recherche, nous utilisons le logiciel Artirev V1.2.6.10c[2] qui prend en charge l’ensemble des étapes nécessaires à la réalisation d’études bibliométriques (Walsh et Renaud, 2017 ; Walsh et Row, 2022), à savoir la collecte des données bibliographiques, leur nettoyage, leur traitement (constitution des matrices de cocitation et de couplage bibliographique) et la cartographie des résultats sous forme de dendrogrammes circulaires. Les données sont collectées par une API (pour Application Programming Interface ou interface de programmation applicative) liée à la métabase de données bibliographiques Scopus, qui offre une couverture plus complète que sa concurrente Web of Science (Harzing et Alakangas, 2016).

Pour obtenir notre corpus de texte, nous utilisons la requête suivante : TITLE-ABS-KEY ((« digitization* » or « digitisation* » or « digital transformation* » or « digitalisation* » or « digitalization* ») and « performance *» and « sme* ») AND SUBJAREA (BUSI OR ECON) AND DOTYPE(ar OR re) AND SRCTYPE(j) AND PUBSTAGE(aip OR final).

Cela signifie que nous demandons au logiciel de rechercher dans toutes les revues en économie et sciences de gestion de la base les articles et revues scientifiques publiés avant mai 2022 dont le titre, le résumé ou les mots-clés contiennent des références à la transformation digitale, la digitalisation ou la digitisation (selon différentes orthographes), à la performance et aux PME. L’utilisation des étoiles (*) dans les commandes nous permet de prendre en compte les termes au singulier et au pluriel ainsi que les termes dérivés. Notons que nous privilégions ici l’utilisation de mots-clés en anglais pour accroître la portée de notre recherche. Le sujet étant relativement récent, nous n’incluons pas, pour l’instant, de contrainte de temps. La requête nous a permis de collecter 67 articles portant sur ce sujet qui constituent donc notre base de connaissances pour réaliser cette étude.

2.2. Traitement des données

Les traitements des données de l’ACC et de l’ACB sont relativement similaires : dans un premier temps, les indices de proximité (indices de cocitation pour l’une, indices bibliographies coupling pour l’autre) sont calculés ; dans un second temps, les données sont analysées par la méthode du regroupement et représentées visuellement sous la forme d’un dendrogramme circulaire. Ces étapes sont automatisées par le logiciel Artirev. Toutefois, afin d’engager cette phase de traitement des données, il convient, dans les deux cas, d’identifier l’échantillon de second ordre, c’est-à-dire les données sur lesquelles le travail est effectué.

Dans le cadre de l’ACC, cela passe par la définition du coeur intellectuel qui est composé des références les plus citées par la littérature étudiée. L’enjeu ici est de définir un niveau de citation seuil à partir duquel on considère qu’une référence fait partie de ce coeur intellectuel. Ici, un arbitrage doit se faire entre un seuil élevé, qui réduit le nombre de références retenues et améliore la qualité statistique des résultats, mais réduit la finesse d’interprétation, et un seuil plus faible, qui augmente la taille du coeur intellectuel, mais risque de créer une forme de bruit statistique du fait des liens faibles qui se multiplient entre les références conservées (Walsh et Renaud, 2017). Le critère de choix qui est à privilégier pour déterminer le seuil de citation n’est pas statistique, mais interprétatif. C’est le sens qui doit guider l’analyse et non les chiffres. Néanmoins, les seuils de citations ne descendent traditionnellement pas en dessous de 5 %. En d’autres termes, les références conservées doivent être citées par au moins 5 % des articles composant le corpus étudié. De plus, généralement, les coeurs intellectuels sont composés de 30 à 50 références. Ainsi, dans notre démarche exploratoire, nous avons fait un essai d’interprétation avec un seuil de 4 citations amenant à un coeur intellectuel de 39 références et un autre avec un seuil de 5 citations pour 17 références. Nous n’avons pas réussi à faire sens des groupes obtenus avec les 39 références qui étaient beaucoup trop hétérogènes pour être interprétées. En revanche, les groupes obtenus à 17 étaient très clairs et nous avons donc décidé de nous arrêter sur ce seuil. Ce coeur intellectuel assez étroit s’explique par le fait que notre base de connaissances est limitée (67 articles) puisque, comme le montrent notre revue de littérature, et les résultats de l’analyse descriptive, le champ de recherche est émergent. Ainsi, il est naturel qu’une base de connaissances commune soit encore en cours de constitution et de renforcement.

Pour l’ACB, nous avons fait le choix de nous focaliser uniquement sur les cinq dernières années de publication afin de garantir un maximum d’homogénéité et de cohérence dans les habitudes de citations du corpus étudié. De plus, nous avons éliminé de l’analyse statistique deux revues de littérature (Metawa, Elhoseny et Mutawea, 2021 ; Pfister et Lehmann, 2021). En effet, ces dernières ont tendance à citer un nombre important de références, ce qui peut créer du bruit dans le regroupement construit sur des indices de proximité. Enfin, dans l’analyse, 8 articles n’ont pas pu être rattachés à des groupes, car ils n’avaient aucun lien bibliographique avec les autres. Nous les avons donc éliminés. Notre échantillon de second ordre, qui compte le front de la recherche, est ainsi composé de 55 articles. La figure 1 schématise le processus de sélection des données.

Figure 1

La sélection des données pour l’ACC et l’ACB

La sélection des données pour l’ACC et l’ACB

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3. Résultats

3.1. Analyse descriptive

La recherche sur le lien entre la transformation digitale et la performance des PME a émergé avec deux premiers articles en 2016 avant de connaître une croissance rapide depuis 2018 et une explosion en 2020 où le nombre de publications a presque doublé (Figure 2). Ce rythme d’évolution semble s’inscrire dans une certaine continuité puisque, lors de la collecte des données, en mai 2022, treize articles avaient déjà été publiés sur le sujet sur l’année 2022. L’accélération, débutée en 2020, peut être expliquée, en partie, par la crise du Covid-19 et les conséquences que celle-ci a eues sur les PME. Nous notons, par ailleurs, que sept articles traitent directement de cette question dans notre base de connaissances.

Figure 2

Évolution du nombre de publications

Évolution du nombre de publications

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Le caractère émergent de cette littérature est illustré par la diversité des contributeurs. En effet, nous remarquons que sur les 208 auteurs qui travaillent sur la question, seuls 11 ont participé à la publication des articles. Ceci montre qu’il n’existe pas encore de rente de situation sur le champ. Il reste donc un espace de publication très ouvert qui ne s’est pas encore structuré autour de la présence d’auteurs clés. Ce caractère émergent et pas encore sédimenté de cette recherche est confirmé par l’ACC présentée en détail dans le tableau 5 (Annexes).

Nous retrouvons cette tendance au niveau des revues dans lesquels sont publiés les articles puisque sur 51 revues contributrices, seules 11 (20 %) ont publié plus de 2 contributions sur la question pour un total de 27 articles (soit 40 %). En termes de disciplines d’origine, nous avons classé les revues selon les catégories proposées par le classement ABS. Parmi les 51 revues, 20 ne sont pas référencées dans ce classement.

Nous leur avons alors attribué une discipline de référence en fonction des objectifs et périmètres de publication que chacune se donne sur son site Internet. En cas de doute, nous avons créé une catégorie supplémentaire (généraliste) qui rassemble les revues pour lesquelles il n’était pas possible de clairement distinguer la discipline d’origine. Aussi, il apparaît que paradoxalement ce ne sont pas les revues dédiées aux PME qui contribuent le plus à cette littérature (Tableau 1).

Tableau 1

Répartition des publications par discipline de rattachement des revues

Répartition des publications par discipline de rattachement des revues

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L’étude descriptive de l’échantillon confirme notre revue de littérature. En effet, tant la courbe de publications que le manque de structuration du champ autour d’auteurs et de revues de référence trahissent le caractère émergent de la recherche sur la transformation digitale et la performance des PME. Nous allons désormais étudier, avec l’ACC et le ACB, sur quelles bases intellectuelles et autour de quelles thématiques se cristallise cette émergence.

3.2. L’analyse de cocitation de références : identification des piliers théoriques de la littérature

Les dix-sept références composant le coeur intellectuel ont été publiées en systèmes d’information (7/17), en management (5/17) et en marketing (4/17). L’ensemble des articles sont rassemblés en trois collèges grâce à la méthode du regroupement (Figure 3)[3].

Figure 3

Représentation des piliers théoriques[4]

Représentation des piliers théoriques4

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Les articles appartenant au même groupe sont ceux les plus cocités par les 67 articles du corpus étudié. Les articles du groupe 1 (en bleu), majoritairement qualitatifs, font le lien entre l’adoption du digital et ce que cette adoption entraîne pour les entreprises – y compris les PME. Les articles du groupe 2 (en rouge), exclusivement qualitatifs, visent à comprendre le déroulement de la transformation digitale des entreprises. Les articles du groupe 3 (en vert), essentiellement méthodologiques, posent davantage la question des indicateurs de performance. L’ACC fait ainsi émerger trois groupes qui ne confrontent pas tous de front les volets « transformation digitale », « performance » et « PME ».

Les trois groupes, le nombre d’articles qu’ils rassemblent ainsi que les noms que nous leur avons donnés sont présentés dans le tableau 2 et les références détaillées ainsi que le nombre de citations des articles se trouvent dans le tableau 5 (Annexes).

Tableau 2

Présentation des groupes de l’ACC

Présentation des groupes de l’ACC

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Le premier groupe (en bleu) est composé de quatre articles dressant plusieurs processus mis en place par les entreprises pour intégrer les technologies digitales, appréhender leur transformation digitale et devenir ainsi plus performantes. Dans cette optique, deux grandes problématiques émergent des articles : il est ici question (1) de s’interroger sur la manière dont la transformation digitale s’opère au sein des entreprises – et notamment des PME – et (2) d’envisager comment la transformation digitale intervient dans la performance des entreprises. Un premier volet du groupe s’intéresse donc au déroulement de la transformation digitale en elle-même, à travers la mobilisation de capacités dynamiques (Li, Su, Zhang et Mao, 2018) ou l’implantation d’une stratégie de transformation digitale (Matt, Hess et Benlian, 2015). Le digital est ici appréhendé comme un outil de transformation. Un second volet du groupe envisage ensuite les technologies digitales comme un vecteur de performance (Cenamor, Parida et Wincent, 2019) et d’innovation (Yoo, Henfridsson et Lyytinen, 2010) pour les entreprises. Cette fois, le digital est plutôt vu comme un objet de performance.

Ce groupe est le seul à traiter de front le cas spécifique des PME, en étudiant comment ces entreprises peuvent mener à bien leur transformation digitale (Li et al., 2018) et rester compétitives (Cenamor, Parida et Wincent, 2019), malgré leurs ressources limitées. Seuls deux articles sur les dix-sept du coeur intellectuel de notre corpus prennent en considération les spécificités des PME, qui ne peuvent pourtant pas mener aussi facilement leur transformation digitale que d’autres entreprises. Ces deux articles sont issus du groupe 1. Nous mettons ici en évidence que, pour étudier la transformation digitale des PME, les auteurs se basent majoritairement sur des travaux qui traitent d’une transformation digitale commune à toutes les entreprises – grandes ou petites. Si certains articles de ce coeur se focalisent précisément sur la transformation digitale des PME, nous observons que l’adoption des technologies digitales (Li et al., 2018) et la manière dont celles-ci peuvent être source de performance pour les PME (Cenamor, Parida et Wincent, 2019) sont traitées séparément.

Le deuxième groupe (en rouge) est un groupe exclusivement composé de sept articles qualitatifs : deux revues de littérature (Verhoef et al., 2021 ; Vial, 2019), trois articles conceptuels (Bharadwaj et al., 2013 ; Lasi et al., 2014 ; Sambamurthy et al., 2003) et deux articles méthodologiques focalisés sur la conduite d’études de cas (Eisenhardt, 1989 ; Yin, 2009). Ce groupe qualitatif donne à voir les principales références sur lesquelles se fondent les articles de notre corpus de 67 articles ayant eux-mêmes adopté une méthodologie qualitative (principalement des études de cas).

Nous pouvons constater que les ressources du groupe sont totalement détachées des PME : elles considèrent la transformation digitale dans son ensemble (Verhoef et al., 2021 ; Vial, 2019), les entreprises contemporaines (Bharadwaj et al., 2013 ; Sambamurthy et al., 2003) ou encore les entreprises de l’Industrie 4.0 (Lasi et al., 2014). À travers ce deuxième groupe, il s’agit de montrer – qualitativement et de manière très générale – comment se déroule la transformation digitale : ce groupe met en lumière les impératifs, les artefacts et les outils avec lesquels les entreprises doivent composer pour pleinement tirer parti des technologies numériques. Pour ce faire, deux impératifs sont exposés par les articles du groupe : la nécessité d’adopter une stratégie digitale (Bharadwaj et al., 2013 ; Sambamurthy et al., 2003 ; Verhoef et al., 2021 ; Vial, 2019) et de développer des capacités digitales (Sambamurthy et al., 2003 ; Verhoef et al., 2021 ; Vial, 2019).

Le troisième et dernier groupe (en vert) est, quant à lui, composé de six articles, dont cinq ayant été mobilisés pour leur contribution méthodologique quantitative (Armstrong et Overton, 1977 ; Fornell et Larcker, 1981 ; Hair et al., 2014 ; Podsakoff et al., 2003). Il est ainsi révélateur de l’ancrage méthodologique de notre corpus de 67 articles, qui plébiscitent les méthodologies quantitatives – notamment les analyses multivariées et la modélisation par équations structurelles. Ce groupe pose la question des indicateurs et des variables à retenir pour modéliser, quantifier et mesurer les effets de la transformation digitale sur la performance des petites et moyennes entreprises. Il aborde de front la question de la performance : comment la transformation digitale se traduit-elle en vecteur de performance pour les entreprises ?

Parallèlement à cela, le seul article à finalité théorique du groupe (Barney, 1991) est un article conceptuel précurseur de la théorie du management par les ressources visant à étudier le lien entre les ressources d’une entreprise et le potentiel à générer un avantage concurrentiel durable. Notons qu’il s’agit du seul article faisant état d’une performance durable. En revanche – et à l’image de l’article de Barney (1991) –, ce troisième groupe ne s’articule pas – lui non plus – spécifiquement autour des PME, ni même directement autour de la transformation digitale.

Pour conclure, nous constatons, tout d’abord, une mise à la marge des PME dans l’étude de la transformation digitale, qui reste encore trop envisagée comme étant commune à toutes les entreprises. L’ancrage intellectuel commun, encore en construction, se situe plus au niveau de la transformation digitale en général, mais nécessiterait d’inclure davantage la littérature se focalisant sur le cas précis des PME et de leurs spécificités. Ensuite, l’ACC souligne ici le manque de connexion entre deux grandes thématiques de recherche identifiées : l’adoption du digital et la transformation du digital en vecteur de performance. Il est, en effet, curieux de constater que le groupe 1 est le seul à confronter directement ces deux thématiques. Le groupe 2 s’est quant à lui entièrement construit autour de l’adoption des technologies digitales, tandis que le groupe 3 se consacre totalement à la mesure de la performance. En somme, l’ACC donne à voir une littérature qui s’est majoritairement structurée autour de deux volets qui n’ont que trop peu dialogué : l’adoption des technologies digitales d’un côté et la transformation de celles-ci en une source de performance pour les PME de l’autre.

3.3. Analyse de couplage bibliographique : cartographie des conversations scientifiques actuelles

L’analyse des 55 documents composant le front de la recherche mène à l’identification de 5 groupes structurant la discussion sur la transformation digitale et la performance dans le cadre de PME (Figure 4).

Figure 4

Représentation de l’ACB[5]

Représentation de l’ACB5

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Les articles appartenant au même groupe sont ceux qui partagent le plus grand nombre de références. Le groupe 1 (en rouge) rassemble seize articles et est composé majoritairement d’articles conceptuels (Llinas et Abad, 2019 ; Faridi et Malik, 2019) ou utilisant des méthodologies qualitatives. Les articles de ce groupe abordent la première question identifiée dans l’ACC : comment l’entreprise se transforme-t-elle ? La notion de performance y est relativement marginale.

Les articles des groupes 2 (en vert), 3 (en bleu marine), 4 (en violet) et 5 (en bleu clair) rassemblent respectivement quatorze, douze, dix et trois articles et regroupent majoritairement des articles quantitatifs. Dans ces groupes, les interrogations portent plus spécifiquement sur la seconde question, identifiée dans l’ACC, autour de la performance.

Les cinq groupes, le nombre d’articles qu’ils rassemblent ainsi que les noms que nous leur avons donnés sont présentés dans le tableau 3 et les références détaillées des articles se trouvent dans le tableau 6 (Annexes).

Tableau 3

Présentation des groupes de l’ACB

Présentation des groupes de l’ACB

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Les articles du groupe 1 soulignent comment se transforment les PME pour et par l’introduction d’outils digitaux. Ils analysent le processus de transformation digitale majoritairement dans le secteur de l’industrie (Muller et al., 2018 ; Ungerman et al., 2018 ; Llinas et Abad, 2019 ; Dutta, Kumar, Sindhwani et Singh, 2020 ; Bejlegaard et al., 2021 ; Bettiol et al., 2021 ; Denicolai et al., 2021 ; Kumar et al., 2021 ; Endrodi-Kovacs, 2022).

Tout d’abord, ils mettent en exergue les modifications devant avoir lieu en amont de l’introduction d’outils digitaux – et par extension, les technologies de l’industrie 4.0. Ils soulignent que la transformation digitale des PME doit reposer sur des ressources et des capacités d’innovation qui sont le résultat de la stratégie globale de l’entreprise (Muller et al., 2018 ; Faridi et Malik, 2019 ; Dutta et al., 2020 ; Bettiol et al., 2021 ; Endrodi-Kovacs et Stukovszky, 2022 ; Pfister et Lehmann, 2022). Des investissements simultanés sont alors nécessaires : dans la formation des employés, dans l’infrastructure digitale et dans le domaine de l’éducation (Muller et al., 2018 ; Llinas et Abad, 2019 ; Dutta et al., 2020 ; Ssenyonga, 2021 ; Endrodi-Kovacs et Stukovszky, 2022). Il apparaît alors que les ressources humaines et les pratiques de gestion du personnel sont des facilitateurs importants de la transformation digitale. Les analyses qualitatives (dont l’étude de cas proposée par Garzoni et al., 2020 ; Apostolov et Coco, 2021) mettent en valeur les différentes étapes par lesquelles doivent passer les PME faisant leur transformation digitale. Elles détaillent la logique à adopter (Dutta et al., 2020) et fournissent des informations utiles pour comprendre les différents défis auxquels elles vont devoir faire face, non seulement au niveau de l’entreprise (Apostolov et Coco, 2021 ; Kumar et al., 2021), mais aussi au niveau individuel (Llinas et Abad, 2019). La compréhension de ces défis est utile, car elle offre une solution pour aider les dirigeants de PME à évaluer le positionnement de leur propre entreprise (Muller et al., 2018 ; Garzoni et al., 2020).

Les articles du groupe 1 soulignent aussi les conséquences et les résultats de l’intégration des outils digitaux dans la PME. Ils évoquent, pour cette raison, la performance. Pourtant, ils ne la définissent pas véritablement et ne cherchent pas à la mesurer. La performance est ici considérée plus comme une motivation que comme un véritable résultat. La plupart des études portent sur des pays européens (7). On trouve tout de même quelques exceptions (Arabie Saoudite, 1 ; Inde, 2 ; Indonésie, 1). Enfin, les conclusions de ce groupe d’articles peuvent être considérées comme des éléments pertinents pour guider la réussite de la transformation digitale d’une entreprise.

Les articles du groupe 2 se concentrent sur l’introduction des outils digitaux spécifiques et la manière dont ils peuvent intervenir directement ou indirectement sur la performance de la PME. Ils adoptent une approche centrée sur les technologies (plateforme, système de paiement mobile, médias sociaux…). La majorité des articles mettent en avant un lien positif et significatif entre l’introduction d’un outil digital et la performance de l’entreprise (Kwabena et al., 2021 ; Cenamor, Parida et Wincent, 2019). Ce lien peut cependant apparaître comme indirect. Pour que la technologie permette une meilleure performance, l’entreprise a besoin de revoir son organisation en facilitant la prise de décision (Dutot et al., 2022) et en accentuant son agilité organisationnelle (Troise et al., 2022) où l’outil doit permettre une innovation-produit (Popovic-Pantic et al., 2020). Certains auteurs sont cependant plus modérés dans leurs résultats, ne parvenant pas à mettre en valeur de lien (Virglerova et al., 2022) ou en démontrant un lien négatif entre l’introduction d’un outil et la performance (Holopanen, 2020).

Ces articles sont beaucoup plus orientés sur des pays « développés » : des PME européennes (Italie [Apostolov et Coco, 2021 ; Bettiol et al., 2021 ; Denicolai et al., 2021], Allemagne [Pfister et Lehmann, 2022 ; Ungerman et al., 2018], Espagne [Llinas et Abad, 2019], Danemark [Bejlegaard et al., 2021] ou canadiennes [L’Écuyer et Raymond, 2020]). Nous retrouvons tout de même des études sur le Ghana (Kwabena et al., 2021), sur le Nigeria (Lateef et Keikhosrokiani, 2022), sur l’Afrique du Sud (Belitski et Liversage, 2019) ou encore la Malaisie (Ismail et al., 2021) et l’Indonésie (Syarief, 2021). Une seule étude porte sur des PME familiales françaises (Dutot et al., 2022).

L’ensemble des articles des groupes 3 et 4 souligne l’importance de l’environnement interne de l’entreprise pour que les outils digitaux permettent une meilleure performance. En effet, l’appétence et la fascination provoquées par les technologies digitales ont tendance à faire oublier les changements qu’elles nécessitent aussi bien pour les individus que pour l’organisation en elle-même. Tout d’abord, face à l’adoption des outils digitaux, les individus, et notamment les salariés, ne sont pas égaux. La nature de l’impact de la digitalisation et son évaluation positive ou négative sur l’entreprise seront fonction des compétences des salariés (Eller et al., 2020) ou encore de leurs capacités digitales (Scuetto et al., 2021). De plus, afin que l’instrumentalisation de ces outils vienne directement ou indirectement accroître la performance, les entreprises doivent se structurer autour d’une stratégie digitale (Eller et al., 2020 ; Aridito, 2021). Cela doit donner lieu au développement de capacités dynamiques (Martins, 2022 ; Guo et al., 2020), de nouvelles compétences organisationnelles (Gonzalez-Varona et al., 2021), voire la mise en place d’une gestion des connaissances (Van Nguyen et al., 2022). L’introduction des outils digitaux apparaît comme une étape nécessaire à de meilleures performances (Van Nguyen et al., 2022 ; Eller, 2022 ; Gonzalez-Varona et al., 2021). Elle est alors présentée comme une variable médiatrice ou une variable modératrice (Martins, 2022 ; Wong, 2021 ; Guo et al., 2020) pour expliquer la performance. Ces articles ont donc une vision plus générale, l’outil n’est plus perçu comme une condition suffisante à des effets sur la performance de l’entreprise. L’objet d’étude n’est plus l’outil, mais l’organisation qui l’accueille. Il est alors possible aux auteurs d’analyser les interactions entre les deux. On constate alors que l’introduction des outils en tant que tels ne suffit pas. Il s’agit de s’assurer de leur adoption. L’engagement de la direction, le leadership et la culture organisationnelle peuvent intervenir dans cette adoption (Antony et al., 2022). La préparation organisationnelle est alors importante (Jun etal., 2021), mais aussi la présence d’une stratégie digitale d’entreprise (Ukko et al., 2019).

Ces deux groupes se différencient de deux manières : par l’échelle de l’étude et par le terrain. Les articles du groupe 3 traitent de l’organisation dans sa globalité et se concentrent plus spécifiquement sur des pays « développés » : des PME européennes (Scuetto et al., 2021 ; Zeiringer et al., 2022 ; Kraft et al., 2022) ou américaines (Ardito et al., 2021). Nous retrouvons tout de même des études sur le Ghana (Martins, 2022) ou encore sur la Chine (Wang, 2022 ; Yu et al., 2022 ; Guo et al., 2020). Les articles du groupe 4 travaillent à l’échelle d’une activité spécifique digitalisée de la PME : le commerce (Somjai et al., 2019 ; Ali et al., 2020), la chaîne d’approvisionnement (Ali et al., 2019 ; Nasiri et al., 2020 ; Muafi et Kusumawati, 2021 ; Al Mulhim, 2021) ou la qualité (Antony et al., 2022). Ils se concentrent plutôt sur les pays en voie de développement cette fois : Indonésie (Muafi et Kusumawati, 2021), Thaïlande (Somjai et al., 2019), Pakistan (Jun et al., 2021), Arabie saoudite (Al Mulhim, 2021) et Chine (Ali et al., 2019, 2020).

Les articles du groupe 5 travaillent quant à eux à une échelle différente : ce sont les seuls à clairement traiter la question du digital et de la performance au-delà des frontières de l’organisation avec un angle marketing. Les trois articles travaillent sur l’orientation stratégique des PME et la manière dont celle-ci peut intervenir sur sa performance. L’orientation digitale est alors présentée comme un « positionnement stratégique délibéré d’une PME pour tirer parti des possibilités offertes par les technologies digitales » (Quinton et al., 2018). Il en ressort que les technologies de l’information et de la communication soutiennent l’orientation marché interne des PME et permettent ainsi d’accroître leur performance (Kazakov et al., 2020). Le lien entre la digitalisation et la performance des PME disparaît cependant quand il s’agit d’entreprises internationalisées (Joensuu-Salo et al., 2018).

Si les groupes ont chacun leurs spécificités, ils ont aussi des points communs : tout d’abord, les termes digitisation, digitalisation et transformation digitale sont employés dans tous les groupes et sont souvent utilisés comme des synonymes. De plus, pour l’ensemble du corpus, les appréhensions de la performance sont très variées, et cela quel que soit le groupe. Nous retrouvons dans chacune des références à la performance au sens large (Bouwman et al., 2018 ; Kwabena et al., 2021 ; Holopainen et al., 2020 ; Syarief, 2021 ; Levstek et al., 2022), la performance financière (Cenamor, Parida et Wincent, 2019 ; Pfister et Lehmann, 2022 ; Eller et al., 2020 ; Guo et al., 2020 ; Al Mulhim, 2021 ; Ukko et al., 2019), la performance à l’international (Denicolai et al., 2021 ; Virglerova et al., 2022) ou encore la performance en termes d’innovation (Faridi et Malik, 2019 ; Popovic-Pantic et al., 2020 ; L’Écuyer et Raymond, 2020 ; Troise et al., 2022 ; Dutot et al., 2021 ; Scuetto et al., 2021 ; Zeiringer et al., 2022 ; Ardito et al., 2021 ; Jun et al., 2021 ; Herte et al., 2021). Des formes plus précises de performance émergent, mais restent plus rares : la performance relationnelle (Nasiri et al., 2020) ou liée au personnel (satisfaction du personnel, engagement du personnel et faible rotation du personnel) (Martins, 2022) ou encore la performance clients, c’est-à-dire l’image, la satisfaction et la fidélité des clients (Martins, 2022).

Pour conclure, il nous apparaît important de souligner le caractère encore émergent de cette littérature. Le corpus de texte étudié nous semble présenter quelques limites, tant sur le plan empirique que théorique. Le tableau 4 présente les apports et limites de la littérature que nous venons d’étudier.

Tableau 4

Synthèse de l’étude

Synthèse de l’étude

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Nous faisons ainsi le constat d’une littérature encore en construction. En effet, si nous avons pu identifier des thématiques de recherche très claires, il semble néanmoins que les recherches peinent à dialoguer. Nous voyons ici l’opportunité manquée de mieux prendre en compte les caractéristiques propres aux PME et d’aller au-delà de l’adoption et de l’instrumentalisation des outils digitaux. Sur le plan empirique, la littérature mériterait de considérer différents contextes. De plus, cette littérature gagnerait à être davantage stabilisée sur le plan conceptuel : elle mobilise trop souvent indifféremment des concepts pourtant intrinsèquement différents. La littérature donne une compréhension encore trop générale de la transformation digitale et peine à mesurer de manière uniforme la performance des PME. Pour cela, des références plus systématiques aux travaux traitant des spécificités des PME doivent venir enrichir l’ancrage intellectuel commun.

4. Discussion

La littérature sur la transformation digitale et la performance des PME reste une littérature émergente. Au travers de nos analyses, nous percevons l’importance critique de la transformation digitale ainsi que les défis qu’elle implique dans l’environnement de la PME. On comprend qu’elle ne s’arrête pas à la simple utilisation des technologies numériques. Il faut mener des actions, des transformations et des adaptations au sein de l’organisation en vue d’atteindre les niveaux de performance souhaités et d’assurer la pérennité des PME.

Nous montrons que cette littérature doit se préciser et se stabiliser à plusieurs niveaux. Tout d’abord, au niveau du vocabulaire utilisé : les termes digitisation, digitalisation et transformation digitale ne doivent pas être utilisés indifféremment comme c’est le cas aujourd’hui. De plus, les chercheurs ne peuvent pas encore s’appuyer sur un socle théorique solide : beaucoup des références citées par les articles du corpus sont méthodologiques et très peu nombreuses sont celles qui évoquent à la fois la transformation digitale et la performance des PME. Ensuite, les études se concentrent encore sur des éléments très précis du processus et ne permettent pas d’avoir une vision globale de celui-ci et des enjeux pour l’organisation. De même, elles se concentrent sur des organisations, des secteurs, des pays/cultures spécifiques, ce qui empêche en l’état la généralisation des principaux résultats et l’élaboration de recommandations managériales pouvant alimenter la réflexion des dirigeants d’entreprise. La conséquence est que certaines PME restent encore prudentes quant à l’adoption des solutions offertes par les technologies numériques et continuent de la considérer comme un coût (Müller, Kiel et Voigt, 2018). Finalement, les deux grands questionnements que nous mettons en avant dans la littérature ne semblent pas s’alimenter mutuellement alors même que les questions sont complémentaires. Cela permettrait pourtant d’enrichir la réflexion.

Nous proposons une cartographie (Figure 5). Elle représente le positionnement de chacun des cinq groupes dans la compréhension de la transformation digitale des PME et de ses impacts et démontre que chacun s’est concentré sur une partie du processus.

Figure 5

Cartographie de la littérature sur la transformation digitale et la performance des PME

Cartographie de la littérature sur la transformation digitale et la performance des PME

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Cette cartographie constitue une première suggestion de synthèse et révèle l’organisation de cette littérature en thématiques de recherche identifiables. Elle souligne aussi que les recherches existantes ont besoin d’être documentées et étayées par des travaux futurs, tant conceptuels qu’empiriques. En effet, lorsqu’il s’agit d’étudier le cas spécifique des PME, nos analyses bibliométriques laissent entrevoir plusieurs zones d’ombre théoriques et empiriques encore laissées pour compte par les recherches existantes. Consolider la littérature sur la transformation digitale et la performance des PME ouvre la voie à de nombreuses recherches futures.

Sur le plan théorique, il serait tout d’abord opportun d’adopter une approche davantage holistique de la transformation digitale, afin d’étudier de manière concomitante comment se déroule la transformation digitale des PME et comment elle se traduit en vecteur de performance pour ces entreprises. Si la littérature documente effectivement la manière avec laquelle les PME réalisent leur transformation digitale (Li et al., 2018), tout comme les moyens par lesquels la transformation digitale peut devenir source de performance pour ces entreprises (Cenamor, Parida et Wincent, 2019), il n’en reste pas moins que ces deux problématiques sont systématiquement traitées séparément dans les recherches existantes. Il nous apparaît pourtant fécond de croiser ces deux problématiques, qui sont finalement très liées l’une à l’autre.

De la même manière, de futures recherches pourraient emprunter une vision plus dynamique de la transformation digitale, dans l’optique d’analyser le phénomène de manière processuelle (Verhoef et al., 2021 ; Vial, 2019). Nous constatons qu’une vision statique de la transformation digitale est encore répandue dans la littérature – pourtant elle-même émergente –, donnant parfois l’impression qu’il suffirait d’appliquer « la recette de la transformation digitale » au cas des PME. On pourrait cependant trouver plus judicieux, pour un dirigeant de PME, d’être prêt à apprendre en faisant et d’expérimenter plutôt que d’appliquer un modèle prédéfini de transformation digitale clé en main.

Enfin, toujours sur le plan théorique, il serait pertinent d’élargir la réflexion spécifiquement autour de la performance des PME, qui reste majoritairement étudiée financièrement tandis que de multiples formes de performance sont encore à explorer (performance durable, internationale, éthique, etc.). Il est donc nécessaire de réaliser des études plus complètes pour comprendre l’impact de la transformation numérique sur divers aspects qui sont actuellement ignorés dans la littérature, tels que l’impact sur la société et sur l’environnement. Dans cette optique, des études croisant performance durable des PME et économie sociale et solidaire peuvent être envisagées.

D’un point de vue empirique, il serait opportun d’envisager des travaux futurs proposant des études ou des comparaisons internationales (entre pays développés et pays en voie de développement par exemple). L’attention devrait alors se concentrer sur certains pays peu étudiés comme la France (Merlet et Pénard, 2022 ; Berger-Douce, 2021 ; Reboud, Lequin et Tanguy, 2021).

Ces perspectives de recherche devront néanmoins composer avec le fait qu’il existe diverses manifestations de la transformation digitale. C’est pourquoi les futures recherches pourraient profiter du fait que certains secteurs d’activité aient totalement été laissés pour compte (prenons l’exemple de l’agriculture ou de l’art), alors qu’ils regorgent de PME faisant face aux défis de la transformation digitale.

Enfin, le niveau d’analyse des recherches existantes ne s’intéresse finalement que très peu aux écosystèmes dans lesquels se développent et évoluent les PME (Vial, 2019) : la littérature traite surtout de l’organisation au niveau individuel et du contexte d’industrie 4.0 (Muller et al., 2018 ; Dutta et al., 2020) dans lequel elles se trouvent. La pluralité de parties prenantes qui gravitent autour des organisations implique une diversité de stratégies et d’objectifs qui témoignent de conceptions multiples de ce qu’est la performance (court terme-long terme, croissance-décroissance, silo-réseau, économique-social, économique-environnemental, local-international). Il est donc nécessaire de comprendre comment gérer et concilier ces tensions de performance. Nous voyons ici une opportunité intéressante d’étudier de manière empirique les relations entre les PME et leur écosystème, au sein duquel gravitent de nombreuses start-up et acteurs du numérique et ceci afin d’envisager de potentielles collaborations, des mutualisations de ressources ou de simples partages de bonnes pratiques.

Conclusion

Si la littérature mentionne bien la transformation digitale comme une source de performance globale des PME (Barann, Hermann, Cordes, Chasin et Becker, 2019), elle reste néanmoins évasive à bien des égards lorsqu’il s’agit de généraliser les pratiques à mettre en place pour les PME. Elle n’offre tout d’abord qu’une vision partielle de la transformation digitale, encore centrée sur les outils (Kraft, Lindeque et Peter, 2022), les capacités numériques (L’Écuyer et Raymond, 2020) et un niveau d’analyse limité à l’organisation elle-même (Scuotto, Arrigo, Candelo et Nicotra, 2020). À l’inverse, la prise de recul sur la transformation digitale des PME devient rapidement très générale, éloignant l’analyse de ladite PME et de ses caractéristiques. Il en va de même pour la vision de la performance dressée par la littérature, qui reste limitée et abordée de manière indirecte via la notion de « valeur ajoutée » notamment (Vial, 2019). La performance globale laisse souvent place à un aspect de performance bien précis, le plus souvent financier (Barua, Konana, Whinston et Yin, 2004). La performance durable avec l’aspect sociétal notamment (Tarutėa et Gatautisa, 2014) est souvent mise de côté. Les difficultés conceptuelles et d’analyse rendent difficiles l’articulation et la coordination des recherches alliant transformation digitale, performance globale et PME.

Notre travail bibliométrique met en lumière les principaux dialogues engagés, mais aussi les principales zones encore inexplorées. Nous montrons que la littérature se construit autour de deux questions principales : l’une portant sur la transformation digitale elle-même et l’autre sur les liens entre le digital et la performance. Elles sont traitées respectivement par des méthodologies qualitatives et des méthodologies quantitatives.

La littérature souligne, tout d’abord, l’importance d’adopter une vision moins orientée sur l’introduction des outils digitaux et davantage sur l’impact de cette introduction sur les stratégies de l’entreprise. Un alignement de la stratégie digitale et de la stratégie globale de l’entreprise doit, en effet, être pensé. Nous révélons ensuite la nécessité d’adopter une vision plus large de la performance, prenant en compte les enjeux sociétaux actuels. La réflexion autour de l’internationalisation des PME ou encore de la durabilité doit apparaître dans les recherches académiques autour de la transformation digitale des PME. Finalement, les études académiques doivent aussi changer d’échelle afin de prendre en compte les écosystèmes dans lesquels peuvent évoluer les PME. Pour Hahn, Pinkse, Preuss et Figge (2015), les dirigeants des PME doivent apprendre à vivre et à gérer les tensions de performance. En effet, de nombreuses collaborations entre PME et start-up des écosystèmes Tech (Fintech, Medtech, Edtech…), par exemple, sont envisageables (Mercandetti, Larbig, Tuozzo et Steiner, 2017 ; Krause, 2021).

D’un point de vue méthodologique, en combinant deux méthodes bibliométriques (ACC et ACB) (comme suggéré par Walsh et Renaud, 2017), nous avons pu obtenir une analyse fine de la manière dont la littérature scientifique sur le digital et la performance des PME s’est structurée au cours des dernières années. Nous avons souligné sur quelles bases elle a pu se construire, comment elle s’organise et quelles réflexions nouvelles émergent. L’article est donc la première étude tendant vers l’exhaustivité de la littérature sur le digital et la performance des PME. Nos analyses ne permettent malheureusement pas d’examiner en profondeur chacun des articles mis en exergue. Nous voyons ici l’opportunité pour la communauté académique de venir étayer et approfondir la compréhension d’une littérature en plein développement.

Sur le plan pratique et managérial, cette revue de littérature permet de donner plus de cohérence à une littérature éparse et ainsi de mieux faire ressortir les principales recommandations existantes. En incitant les chercheurs à adopter des définitions plus larges des notions de transformation digitale et de performance, nous espérons que les recherches futures pourront donner lieu à des recommandations plus précises et concrètes, mais aussi plus adaptées aux besoins spécifiques des PME. Les mesures de maturité digitale et les indicateurs de performance des entreprises ne pourront qu’en être plus pertinents pour évaluer le succès d’une transformation. Les outils d’accompagnement seront d’autant plus efficaces.