Abstracts
Résumé
Ce travail cherche à comprendre en quoi le réseau d’un nouveau dirigeant impulse/facilite la stratégie d’internationalisation rapide et soudaine d’une PME roumaine, après plusieurs années d’activité sur le marché national. La spécificité du comportement de ces entreprises provient du contexte local qui se caractérise par des contraintes institutionnelles, de faibles ressources et un manque d’information sur les marchés étrangers. Les recherches empiriques sur le comportement stratégique des PME roumaines, dans un pays en transition, ne sont pas très nombreuses et n’étudient pas le rôle du réseau du dirigeant dans ce cadre. La combinaison de la théorie de l’internationalisation et de la théorie du réseau offre un cadre théorique complet pour appréhender le comportement des born-again globals (BAG) dans ce contexte. L’étude de cas d’une PME roumaine, ELJ Automotive, devenue BAG, a été menée moyennant des récits de vie et des entretiens exploratoires. L’analyse diachronique et thématique montre que les réseaux territoriaux et communautaires ne contribuent pas à l’internationalisation des PME des pays d’Europe centrale et orientale (PECO). Elle apporte des enseignements sur les liens forts que le dirigeant doit nouer avec les réseaux personnels, professionnels et d’influence afin d’accélérer l’internationalisation tout en contournant les contraintes institutionnelles.
Mots-clés:
- PME,
- Born-again global,
- Réseau,
- Dirigeants,
- Liens forts et faibles
Abstract
This work seeks to understand how the network of a new manager facilitates the strategy of the rapid and sudden internationalization of a SME, after several years of activity on the national market. The specificity of the behavior of these companies stems from the local context, which is characterized by institutional constraints, weak resources and a lack of information on foreign markets. Empirical research on the strategic behavior of Romanian SMEs in a transition country is limited and does not study the role of the manager’s network in this context. The combination of internationalization theory and network theory provides a comprehensive theoretical framework for understanding the behavior of Born-again Globals (BAG) in this context. The case study of a Romanian SME, ELJ Automotive, now BAG, was conducted through life stories and exploratory interviews. The diachronic and thematic analysis shows that territorial and community networks do not contribute to the internationalization of Central and Eastern European Countries (CEEC) SMEs. It provides lessons on the strong links that the manager must establish with personal, professional, and influential networks in order to accelerate internationalization while circumventing institutional constraints.
Keywords:
- SME,
- Born-again global,
- Networks,
- Managers,
- Strong and weak links
Resumen
El objetivo de este trabajo es entender cómo la red de un nuevo gestor impulsa/facilita la estrategia de internacionalización de una PyME rumana, después de varios años de actividad en el mercado nacional. La especificidad del comportamiento de estas empresas se debe al contexto local, que se caracteriza por las limitaciones institucionales, la falta de recursos y la falta de información de los mercados extranjeros. La investigación empírica del comportamiento estratégico de las PyME rumanas en un país en transición es limitada y no estudia el papel de la red del gerente en este contexto. La combinación de la teoría de la internacionalización y la teoría de las redes proporciona un marco teórico completo para comprender el comportamiento de los Globales Nacidos de Nuevo (BAG). Este estudio de caso es una PyME rumana, ELJ Automotive, ahora BAG, que se llevó a cabo a través de historias y entrevistas exploratorias. El análisis diacrónico y temático muestra que las redes territoriales y comunitarias no contribuyen a la internacionalización de las PyME de los Países de Europa Central y Oriental (PECO). Esto proporciona lecciones sobre los fuertes vínculos que el gerente debe establecer con redes personales, profesionales e influyentes, para acelerar la internacionalización y sortear las limitaciones institucionales.
Palabras clave:
- PyME,
- Globales nacidos de nuevo,
- Redes,
- Líderes,
- Vínculos fuertes y débiles
Article body
Introduction
La recherche sur l’internationalisation des entreprises s’est considérablement développée ces dernières décennies (Bell, McNaughton, Young et Crick, 2003 ; Mayrhofer et Urban, 2011). En évoquant la dynamique d’internationalisation des PME, trois principales catégories sont identifiées : les PME traditionnelles, les international new venture (INV) et les born-again globals (BAG) (Bell et al., 2003). Nous nous intéressons particulièrement à ces dernières. C’est un modèle de comportement de PME qui se caractérise par une internationalisation rapide et soudaine après une longue période de fonctionnement local (Bell, McNaughton et Young, 2001 ; Bell et al., 2003 ; Baldegger et Schueffel, 2010).
Les recherches sur les BAG montrent que plusieurs facteurs jouent un rôle important dans cette dynamique d’internationalisation rapide et soudaine des PME (Rialp, Rialp et Knight, 2005 ; Oviatt et McDougall, 2005 ; Lemaire, 2013 ; Cabrol et Nlemvo, 2011). Le marché local de la BAG influence son développement international à travers le degré de concurrence ou encore une politique incitative (Baldegger et Schueffel, 2010 ; Bell, McNaughton et Young, 2001 ; Bell et al., 2003). Le dirigeant joue un rôle important (Dominguez et Mayrhofer, 2016 ; Schueffel, Rico et Amann, 2014 ; Coeurderoy, Davidsson, Lwango, Murray et Tywoniak, 2013). Grâce à sa personnalité, son expérience et son esprit entrepreneurial, il peut réduire l’incertitude et le manque de connaissance du marché à l’international (Pollard et Jemicz, 2006 ; Goedhuys et Sleuwaegen, 2016). Malgré l’accent mis sur l’importance du dirigeant dans la dynamique d’internationalisation des BAG (Coeurderoy et al., 2013 ; Schueffel, Rico et Amann, 2014 ; Dominguez et Mayrhofer, 2016), très peu de recherches se sont intéressées au rôle de son réseau dans ce cadre.
La multiplication des recherches ces dernières années témoigne de l’intérêt grandissant pour ce modèle comme une nouvelle typologie de PME inscrite dans une dynamique de développement international. Ce phénomène a été étudié en Australie, au Royaume-Uni et en Nouvelle-Zélande (Bell, McNaughton et Young, 2001 ; Bell et al., 2003), en Finlande (Tuppura, Saarenketo, Puumalainen, Jantunen et Kylaheiko, 2008), en Suisse (Baldegger et Schueffel, 2010 ; Schueffel, Rico et Amann, 2014), en Allemagne (Olejnik et Swoboda, 2012), en France (Dominguez et Mayrhofer, 2016) et en Amérique latine (Baños et Roca, 2017). À notre connaissance, les BAG n’ont fait l’objet que de très peu d’études dans les pays en transition comme la Roumanie. Pourtant, cette dynamique d’internationalisation semble se développer. En effet, une étude réalisée par Feder (2015) sur 140 petites et moyennes entreprises (PME) roumaines internationalisées démontre que 38,57 % des PME étudiées s’internationalisent comme BAG. Ce taux est particulièrement élevé comparé à celui des PME qui suivent le processus dit « traditionnel » (32,14 %), ou encore les born globals (INV, 13,57 %). Toutefois, Feder (2015) ne s’intéresse pas au rôle du réseau du dirigeant dans le développement de ces BAG. Selon Ciszewska-Mlinaric et al. (2020), les études sur l’internationalisation rapide des PME sont majoritairement menées dans de petites économies ouvertes ou de grandes économies développées. Par conséquent, les recherches sur le contexte des pays en transition sont très rares compte tenu de leur spécificité économique et institutionnelle. La particularité des PECO crée donc un contexte intéressant pour étudier le phénomène de l’internationalisation des PME dans de nouvelles conditions (Jaklič, Rasković et Schuh, 2018). Ceci nous conduit à formuler la question suivante : dans quelle mesure le réseau du dirigeant d’une PME roumaine pourrait-il favoriser son développement international rapide après plusieurs années de fonctionnement sur le marché national ?
Ce questionnement s’inscrit dans la réflexion de Coviello, Kano et Liesch (2017) et répond à un manque de travaux dans la littérature sur le niveau d’influence. L’étude du rôle du réseau du dirigeant pour favoriser l’internationalisation rapide de la PME constitue une microfondation[1] (Coviello, Kano et Liesch, 2017) particulièrement intéressante dans l’histoire des pays en transition, en général et de la Roumanie en particulier (Meyer et Peng, 2016). De par le contexte économique et institutionnel dans lequel elles opèrent, les PME de ces pays constituent une plateforme pour les entreprises du monde entier, surtout de l’Europe de l’Ouest. Les PME roumaines cherchent à sortir de leur isolement, à contourner le contexte institutionnel et à créer de la valeur à l’international. Ce changement de comportement, tourné vers l’international après plusieurs années d’activité exclusivement sur le marché national, mérite d’être étudié. Le réseau du dirigeant pourrait y constituer un levier.
Afin de répondre à notre question de recherche, nous nous sommes intéressés à l’étude d’une PME roumaine, ELJ Automotive. Dans ce cadre, nous avons mobilisé le cadre théorique sur l’internationalisation des entreprises avec l’accent mis sur le réseau (Johanson et Vahlne, 2009, 2011) et l’approche de l’entrepreneuriat international (Oviatt et McDougall, 1994). Ce cadre théorique sera combiné avec la théorie du réseau (Granovetter, 1973). Nous avons mis en évidence la nature du réseau du dirigeant de PME et la force de ses liens afin de comprendre son rôle à faciliter le développement international rapide et soudain après des années d’activité en Roumanie. Cette étude de cas sera détaillée dans la troisième partie de ce travail. Auparavant, nous rappellerons les fondements et l’évolution de la théorie d’internationalisation, en particulier pour les PME. Dans une deuxième partie, nous nous focaliserons sur les caractéristiques du réseau du dirigeant.
1. Évolution de la théorie d’internationalisation des PME : de l’approche séquentielle au BAG
1.1. Évolution des modèles d’internationalisation des PME
Depuis leur premier modèle d’Uppsala, de référence, séquentiel et incrémental en 1977 (Johanson et Vahlne, 1977), Johanson et Vahlne (2009) ont pris conscience du changement de contexte (évolution des technologies d’information et libéralisme économique). Ceci les a conduits à intégrer la notion des réseaux d’affaires locaux pour appréhender le phénomène du développement international. Ils admettent que le réseau d’affaires joue un rôle dans le processus d’internationalisation dans la mesure où les relations sont marquées par des niveaux de connaissances au sens de l’engagement et de la confiance qui créent des opportunités. Puis en 2011, Johanson et Valhne ont mobilisé la théorie de l’EI pour introduire la notion du processus entrepreneurial dans leur modèle.
Malgré l’importance donnée au concept de réseau, cette approche processuelle reste insuffisante. Ceci a été confirmé par la recherche d’Hakanson et Kappen (2017). En proposant un modèle alternatif (le modèle Casino), ces derniers soulignent que l’incertitude conduit les entreprises à être plus rationnelles dans le choix des pays. Ce modèle ne permet pas d’expliquer le phénomène du développement rapide à l’international de certaines PME. Un nouveau type d’entreprise a alors vu le jour sous des appellations différentes : « entreprise à internationalisation rapide et précoce » (EIRP) (Servantie, 2007 ; Cabrol et Nlemvo, 2012 ; Beddi, Bueno Merino et Coeurderoy, 2012) ou INV (international new venture) ou encore born global (Oviatt et McDougall, 1994 ; Knight et Cavusgil, 1996, 2004 ; Madsen et Servais, 1997 ; Rasmussen et Madsen, 2002 ; Zahra, Korri et Yu, 2005 ; Braunerhjelm et Halldin, 2019). Knight et Cavusgil (2004, p. 124) précisent davantage leur définition, sans se limiter à un secteur donné, et considèrent la born global comme toute « entreprise qui, dès sa création ou presque, cherche à atteindre une performance internationale supérieure depuis l’utilisation de ressources basées sur la connaissance jusqu’à la vente de produits dans plusieurs pays ». Le développement exponentiel des recherches sur ce modèle a même conduit Dzikowski (2018) à mener une recherche bibliométrique sur 453 articles publiés sur le sujet. Les recherches montrent que deux principaux critères sont pris en compte : le temps écoulé entre le moment de la création de l’entreprise et la première vente internationale (entre deux et six ans) ainsi que le pourcentage du chiffre d’affaires à l’international (25 %) (Madsen, Rasmussen et Servais, 2000).
Les PME adoptent un comportement entrepreneurial pour saisir les opportunités qui se présentent à l’étranger. Qu’en est-il des entreprises, ancrées depuis plusieurs années sur un marché local (chiffre d’affaires réalisé uniquement par des opérations sur le marché domestique), qui décident de se lancer à l’international rapidement et soudainement ? Ces entreprises, qualifiées de reborn globals (Commission européenne, 2003) ou BAG (Bell, McNaughton et Young, 2001 ; Bell et al., 2003), se caractérisent par un positionnement hybride entre les deux approches décrites précédemment. D’une part, elles sont bien établies sur le marché local, ce qui signifie une grande connaissance de leurs atouts et ressources. D’autre part, elles décident de s’internationaliser rapidement comme les born globals. Afin d’évaluer leur internationalisation, les chercheurs utilisent les deux critères des born globals cités précédemment (Kuivalainen, Saarenketo et Puumalainen, 2012). Tout comme les born globals, les BAG doivent répondre aux deux critères précités et se caractérisent par une situation disruptive. De ce fait, nous considérons comme BAG toute PME qui, après avoir opéré au moins six années sur son marché domestique, décide de s’internationaliser rapidement jusqu’à atteindre un chiffre d’affaires à l’export supérieur à 25 % dans les trois années qui suivent. Plus récemment, Ciszewska-Mlinaric, Wojcik et Obloj (2020) ont mobilisé le terme rapidly internationalizing venture (RIV) pour regrouper à la fois les INV et les BAG. Il s’agit des PME qui commencent leur expansion à l’étranger dans les quelques années suivant leur création avec revenu total (au moins 25 %) d’opération à l’étranger, en vendant au moins à trois pays ou plus et en coordonnant au moins une chaîne de valeur à l’étranger.
En mobilisant le modèle de Zahra et George (2002), les chercheurs ont identifié les facteurs environnementaux, organisationnels et stratégiques qui affectent le degré, la vitesse et l’ampleur d’internationalisation d’une BAG. Deux principales catégories de facteurs sont dégagées :
-
les facteurs « externes » ou push : les entreprises, déjà matures sur leurs marchés domestiques, sont influencées par leur environnement externe. Les conditions économiques et démographiques locales, le suivi d’un client sur les marchés étrangers et la concurrence locale croissante sont un stimulus pour s’internationaliser soudainement (Baldegger et Schueffel, 2010 ; Bell, McNaughton et Young, 2001) ;
-
les facteurs « internes » ou pull : le changement du dirigeant apparaît comme un facteur majeur dans l’internationalisation soudaine et rapide d’une PME ancrée essentiellement sur son marché local (Bell, McNaughton et Young, 2001). L’étude de Dominguez et Mayrhofer (2016) met particulièrement l’accent sur les caractéristiques du dirigeant et lui attribue le même rôle entrepreneurial constaté lors de la création d’une entreprise d’emblée internationalisée (born global). Il est doté d’une forte expérience professionnelle passée, de compétences personnelles (techniques et managériales), d’un esprit international (attitude positive, proactivité et cohérence stratégique) et d’un réseau développé. D’autres travaux se sont également intéressés aux dirigeants en soulignant l’importance de leur vision, leur engagement, leur connaissance du marché, leur ouverture d’esprit et leur appartenance à un réseau (Rialp, Rialp et Knight, 2005 ; Schueffel, Rico et Amann, 2014 ; Coeurderoy et al., 2013).
Ces recherches témoignent de l’intérêt grandissant du modèle BAG comme une nouvelle dynamique d’internationalisation de PME. Dans le contexte des pays en transition, et plus particulièrement en Roumanie, le modèle BAG apparaît désormais comme le modèle dominant (Feder, 2015). Cela nous conduit à chercher à bien comprendre les spécificités de ces marchés pour l’internationalisation des PME.
1.2. L’internationalisation des PME des PECO : enseignements pour les PME en Roumanie
Selon Louis et Lepape (2004, p. 35), les PECO, considérés comme des pays en transition, « disposent de nombreux atouts : une main-d’oeuvre éduquée et encore peu coûteuse, leur proximité géographique avec l’Europe développée, le dynamisme de leur consommation, etc. ». Toutefois, ce marché dispose de plusieurs freins : « les ressources limitées malgré une évolution institutionnelle dynamique, une diversité culturelle géographiquement comprimée, un comportement de marché sophistiqué et des modèles d’innovation idiosyncrasiques » (Jaklič, Rasković et Schuh, 2018, p. 3). Cet héritage historique et institutionnel, qui caractérise ces pays en transition, semble conditionner fortement le comportement des PME des PECO, surtout les BAG (Cuervo-Cazurra, 2012 ; Hoskisson, Wright, Filatotchev et Peng, 2013). Dans ce cadre, certains auteurs ont mis en évidence l’interaction entre le caractère distinctif d’un contexte institutionnel instable, dynamique et fragmenté des marchés des PECO et la croissance internationale des entreprises de ces marchés (Kostova et Hult, 2016). Ces dernières sont confrontées à divers obstacles pour se développer à l’international, car les dirigeants sont mal informés sur les marchés étrangers et ne disposent pas de sources de financement alternatives (Korsakiene et Tvaronavičiene, 2012). Comme solution, certaines PME sont devenues de véritables partenaires stratégiques pour les entreprises assez proches géographiquement comme la France, l’Allemagne, etc. (Angué et Mayrhofer, 2010). De son côté, Ciszewska-Mlinaric, Wojcik et Obloj (2020) ont étudié la dynamique d’apprentissage d’une entreprise polonaise tout au long des quatre grandes étapes d’internationalisation afin d’expliquer les logiques d’apprentissage dans ce contexte institutionnel spécifique.
Nowiński et Rialp (2013) démontrent que les PME des PECO, qui s’internationalisent rapidement (INV ou BAG), sont motivées par des pressions et par le contexte dans lequel elles opèrent. C’est particulièrement le cas de l’effet négatif du pays d’origine, son infériorité en termes de ressources, d’infrastructures et d’expériences. Feder (2015) montre une évolution du comportement des PME roumaines vers des BAG. Ce modèle présente le réseau international comme un des éléments facilitateurs de l’internationalisation rapide des entreprises nouvellement créées dans les PECO (INV). Toutefois, il n’apporte pas de réponse au sujet des BAG et du rôle du réseau du dirigeant, dans la démarche d’internationalisation.
2. Le rôle du réseau du dirigeant dans l’internationalisation des PME
Si nous nous référons aux travaux sur la dynamique d’internationalisation des BAG (Rialp, Rialp et Knight, 2005 ; Coeurderoy et al., 2013 ; Schueffel, Rico et Amann, 2014 ; Dominguez et Mayrhofer, 2016), le dirigeant est souvent mis en avant. Au-delà de ses caractéristiques et ses compétences, son réseau pourrait constituer un moyen pour dépasser les spécificités de chaque contexte local.
2.1. Réseau et internationalisation : apport de la théorie des réseaux
L’impact des réseaux et l’approche intégrée de l’internationalisation des entreprises (Meier et Meschi, 2010) ouvrent de nouvelles perspectives, particulièrement pour les PME (Sasi et Arenius, 2008 ; Catanzaro, Messeghem et Sammut, 2012). Le processus d’internationalisation incarne les comportements et les choix d’entrepreneurs, eux-mêmes soumis à l’emprise des relations formelles et informelles qu’ils nouent avec l’ensemble des parties prenantes internes et externes de l’entreprise (Ramadan et al., 2011). La prise de conscience de l’importance du réseau a conduit Johanson et Vahlne à revoir leur modèle d’internationalisation en 2009.
Afin de comprendre le rôle du réseau dans l’internationalisation des PME, la sociologie économique développée par Granovetter (1973) apporte un éclairage important. En considérant le réseau social comme « un ensemble fini d’acteurs et de relations définies entre eux » (Wasserman et Faust, 1994, p. 20), les relations entre le dirigeant et les acteurs de son réseau sont envisagées en fonction de la force du lien. Deux types de liens sont identifiés (Granovetter, 1973 ; Ramadan et Levratto, 2011) : les liens forts et les liens faibles. Afin d’évaluer la force de ces liens dans un réseau, plusieurs critères sont utilisés : la quantité de temps, l’intensité émotionnelle, l’intimité ou la confiance mutuelle et les services réciproques qui caractérisent ce lien (Granovetter, 1973).
Les liens forts sont basés sur les relations personnelles régulières entretenues avec l’entourage proche. Pour le dirigeant d’une PME, ces relations apportent une certaine sécurité pour le développement de l’entreprise (Elidrissi et Hauch, 2012). Les travaux de Freeman, Hutchings, Lazaris et Zyngier (2010) montrent que les liens forts sont indispensables. Ils favorisent le développement des relations de confiance mutuelle, encouragent et facilitent la coordination des actions entre les différentes parties prenantes de l’entreprise. Contrairement aux liens forts, les liens faibles constituent une source de veille pour informer le dirigeant des opportunités de développement.
Les deux types de liens dans un réseau s’avèrent très importants pour l’internationalisation des PME-BAG. En effet, le réseau peut apporter des opportunités d’affaires à l’international et expliquer ainsi la dynamique d’internationalisation de certaines PME après plusieurs années de fonctionnement sur leur marché domestique. Le processus n’est plus lié uniquement à l’expérience, mais aux informations, voire aux opportunités d’affaires auxquelles chaque acteur peut avoir accès en temps réel à condition qu’il soit intégré dans un réseau approprié (Freeman et al., 2010). L’apprentissage de l’internationalisation se fait alors à travers ces mêmes réseaux et le facteur confiance en est le moteur. L’auteur met en avant le concept de l’hybridation organisationnelle pour désigner le réseau dans lequel les PME trouvent leur place rapidement. Ces relations améliorent leur capacité à s’internationaliser (Johanson et Mattsson, 1988 ; Oviatt et McDougall, 2005 ; Zain et Ng, 2006 ; Prashantham et Young, 2011). Les réseaux jouent également un rôle important dans le choix de la localisation et des modes d’entrée. Les travaux de Lei et Chen (2011) montrent que les entreprises ayant un degré de réseautage plus élevé préfèrent investir dans des régions moins développées, tandis que celles ayant un degré de centralité plus élevé souhaitent investir dans des régions plus développées. De plus, Chetty et Campbell-Hunt (2004) et Freeman, Edwards et Schroder (2006) démontrent que le réseautage est un accélérateur stratégique et commercial de l’internationalisation d’une PME à compétences limitées. Même si ces travaux ne portent pas sur les BAG, ils mettent l’accent sur l’importance du réseau du dirigeant dans l’internationalisation d’une PME (Greve et Salaff, 2003).
2.2. Le réseau du dirigeant de PME : nature et vitesse d’internationalisation
Le réseau du dirigeant et/ou entrepreneur est de plusieurs natures : réseaux personnels (amis, anciens collègues) (Julien, Andriambeloson et Ramangalahy, 2002), réseaux professionnels (entre des individus ayant des relations informelles avec une proximité géographique ou professionnelle (Taddei, 2009), réseaux relationnels (relations interpersonnelles d’un entourage social) (Surply, 2006), réseaux territoriaux (avec des organisations locales) (Keramidas, Le Pennec et Serval, 2012 ; Caputo, Matteo Pellegrini, Dabic et Dana, 2016 ; Jaklič, Rasković et Schuh, 2018), réseaux d’affaires (fournisseurs, clients et distributeurs), réseaux communautaires (entrepreneurs et détenteurs de ressources) ou encore réseaux d’influence (acteurs stratégiques qui coopèrent) (Le Pennec et Reynaud, 2014).
Cette approche, par les réseaux variés des dirigeants, offre une vision plus complexe que celle proposée par Johanson et Vahlne (2009). Elle semble être plus adaptée aux PME qui désirent s’internationaliser rapidement. En effet, Knight et Cavusgil (2004) considèrent que les réseaux personnels du dirigeant permettent aux entrepreneurs d’accéder à des connaissances et des ressources importantes (Chetty, 2000 ; Chtourou, 2006) sans s’inscrire dans une démarche d’apprentissage progressif autour des marchés étrangers. Selon Arenius (2005), le réseau du dirigeant composé de partenaires étrangers modère la relation négative entre la distance psychique définie comme « les facteurs tels que les différences linguistiques, culturelles et de pratiques des affaires qui inhibent et perturbent le flux d’information entre une entreprise et un marché » (p. 115) et « la vitesse de pénétration d’un marché » (p. 127).
De ce fait, toute PME qui évolue dans un milieu international bénéficie d’accompagnement externe à l’entreprise en s’appuyant sur ses réseaux variés (Catanzaro, Messeghem et Sammut, 2012 ; Francioni, Vissak et Musso, 2017 ; Torkkeli, Kuivalainen, Saarenketo et Puumalainen, 2018). Ceci pourrait être particulièrement vrai pour les PME roumaines.
En dépit du consensus sur l’apport du réseau pour le développement international, très peu de recherches se sont intéressées à sa configuration. Covellio (2006), par exemple, indique que le réseau évolue tout au long du développement international de la PME pour devenir plus étendu. La densité du réseau est étroitement liée au nombre de liens qui constituent le réseau. La construction du réseau semble dépendre avant tout de ce que Freeman et Cavusgil (2007) appellent la perception du dirigeant. Ainsi, selon Mort et Weerawardena (2006), l’entrepreneur mobilise son réseau stratégique et le construit d’une manière proactive grâce à sa capacité relationnelle. L’étude de Musteen, Datta et Butts (2014) montre que les dirigeants ayant développé des réseaux internationaux solides et diversifiés avaient une meilleure connaissance des marchés étrangers avant l’internationalisation.
Coeurderoy et al. (2013) montrent que la réussite de l’entrepreneur international est étroitement liée à la qualité des réseaux dans lequel s’inscrit le projet. Pour les BAG, les travaux de Schueffel, Rico et Amann (2014), sur des PME en Suisse, soulignent que les réseaux sont importants, mais ne jouent pas un rôle considérable avant toute démarche d’internationalisation[2]. Toutes ces recherches, en dépit de leur variété, convergent vers l’importance du réseau du dirigeant pour l’internationalisation rapide des PME.
Dans ce cadre, en empruntant les enseignements issus des travaux sur les born globals, il est possible de considérer la variété du réseau du dirigeant de la PME, comme indiqué sur la figure 1. Nous pensons que tous ces types de réseaux cités précédemment, avec lesquels le dirigeant pourrait entretenir des liens forts ou faibles, pourraient jouer un rôle dans l’internationalisation rapide et soudaine des PME (BAG).
Étudier la pertinence de la mobilisation de ces différents réseaux du dirigeant dans le contexte des PECO prend tout son sens si l’on considère la spécificité de ces marchés. Le rôle du réseau du dirigeant pourrait être examiné à travers sa nature, les liens tissés dans ce réseau ainsi que la relation entre la force des liens et la vitesse d’internationalisation. Ces enseignements seront tirés de l’étude qualitative menée auprès d’une PME roumaine, ELJ Automotive. Dans ce qui suit, nous détaillerons le contexte de l’étude, la méthodologie suivie ainsi que les principaux résultats obtenus.
3. Méthodologie
Dans le cadre de cette recherche, nous avons réalisé une étude de cas de l’entreprise roumaine ELJ Automotive. Dans ce cadre, nous avons mis essentiellement l’accent sur la facilitation de la dynamique d’internationalisation moyennant un réseau caractérisé par une multitude d’acteurs et de liens. Compte tenu de l’absence de travaux sur le sujet, le choix d’une méthodologie qualitative basée sur une étude de cas unique s’avère pertinent (Eisenhardt, 1989).
3.1. Contexte de l’étude : les pays en transition
Depuis plusieurs années, la Roumanie subit le double processus de changement : transformation systémique et intégration dans l’UE. Les PECO ont, depuis 1990, abouti à un résultat différent de celui envisagé par les architectes des programmes de transition. La transition vers l’économie de marché a conduit à l’afflux de capitaux étrangers. La crise économique et financière de 2008 a mis en lumière les fragilités du capitalisme dépendant (dépendance financière) et ses différentes variantes institutionnelles. Les pays associés à la première forme de dépendance, à la fois fortement exportateurs et très attractifs pour les investissements directs étrangers dès les années quatre-vingt-dix, ont dû faire face à une chute de la demande en provenance d’Europe de l’Ouest et à une contraction brutale des flux de capitaux. Cependant, la crise de 2008 est aussi une crise bancaire qui illustre les dangers de la seconde forme de dépendance (financière cette fois), avec une contraction du crédit au niveau mondial, suivi du retrait des capitaux en dehors des PECO. Ceci a entraîné une crise de liquidités et une dévaluation des monnaies en régime de change flottant – comme le forint – aggravant la situation des agents emprunteurs en devises. Les pays les plus exposés (Hongrie, Lettonie, Roumanie) ont été contraints de recourir à l’aide financière (conditionnelle) du FMI et de l’UE, en échange de mesures d’austérité, renforçant le caractère dépendant de leurs modèles de capitalisme. Toutes ces caractéristiques montrent que la Roumanie, comme un pays en transition des PECO, ne bénéficie pas d’un contexte local très favorable pour le développement international de ses PME.
3.2. Collecte et analyse des données
La dynamique d’internationalisation d’ELJ Automotive s’est déroulée sur des espaces temporels et géographiques étendus. À défaut d’une étude longitudinale qui accompagne le développement de l’entreprise, nous avons opté pour une approche rétrospective (Langley, 2009). Certes, cette approche met le chercheur face à un risque d’oubli de la part des interviewés, mais elle permet de reconstituer le phénomène étudié. Avec le nouveau dirigeant d’ELJ Automotive, nous avons choisi de mobiliser le récit de vie comme une méthode particulière d’entretien. Bertaux (2005, p. 6) souligne que « le récit de vie résulte d’une forme particulière d’entretien, l’entretien narratif, au cours duquel un chercheur […] demande à une personne ci-après dénommée sujet, de lui raconter tout ou une partie de son expérience vécue ». Ce type d’entretien, qui s’inscrit dans la méthode biographique, n’est pas très utilisé dans les recherches en management (Wacheux, 1996). Néanmoins, il est particulièrement intéressant dans la mesure où l’interviewé est amené à raconter sa propre expérience. Compte tenu de la nature exploratoire de notre recherche, cette méthode constitue un outil privilégié de compréhension du parcours du dirigeant d’ELJ Automotive et surtout du sens qu’il donne à ses actions pour faciliter le développement international de son entreprise. Ni le questionnaire ni l’entretien semi-directif ne nous éclairent sur les actions entreprises et pour lesquelles les dimensions temporelles, relationnelles et émotionnelles sont occultées à travers de telles méthodes (Bah, Ndione et Tiercelin, 2015). Deux entretiens au total ont été réalisés avec le nouveau dirigeant d’ELJ Automotive. Le premier, d’une durée de 3 h 30 (comprenant la visite de l’usine de Titu), a eu lieu début 2015. En suivant le protocole de la méthode du récit de vie, nous avons précisé la position que nous attribuons à M. Lunescu comme dirigeant qui aide sa PME à s’internationaliser grâce à son réseau. Une fois le cadre défini, l’objet de recherche et la confiance établis (Mucchielli, 1991), une première question lui a été posée : comment vous avez réussi à développer rapidement ELJ Automotive à l’international en utilisant votre réseau ? Afin d’atténuer tout biais, une première sous-question a été formulée afin de décrire le processus d’internationalisation rapide d’ELJ Automotive après plusieurs années d’activité en Roumanie. La deuxième, quant à elle, a mis davantage l’accent sur le rôle du réseau du dirigeant. Cette orientation, qui caractérise toute démarche méthodologique basée sur le récit de vie, a été choisie en fonction de l’objectif de cette recherche. Le deuxième entretien a eu lieu en juillet 2016 et a duré 1 h 45. Le même protocole a été suivi pour collecter un récit narratif autour de la suite de la démarche d’internationalisation. L’entretien mené nous a permis de savoir si des facteurs, autres que le réseau, ont également contribué au développement international d’ELJ Automotive.
À côté des deux entretiens narratifs réalisés auprès du dirigeant, nous avons conduit huit entretiens semi-directifs. Trois ont été menés auprès du responsable commercial d’ELJ Automotive, du conseiller du dirigeant et de l’expert-comptable. Au sein du réseau du dirigeant, cinq entretiens ont été réalisés auprès de collaborateurs de la société Valeo en France et au Maroc ainsi que chez Renault France. Ces entretiens, menés en 2016 et d’une durée d’une heure en moyenne, portaient sur les points suivants : la présentation de l’entreprise depuis sa création, leur perception de l’internationalisation d’ELJ Automotive, les réseaux mobilisés et leur rôle.
Ces informations collectées sont issues d’une construction progressive de notre échantillon afin d’avoir des personnes interviewées ayant des profils différents (poste, ancienneté dans l’entreprise, membre du réseau du dirigeant). Ces entretiens ont plusieurs objectifs. D’une part, ils ont complété les informations fournies par le dirigeant quant à la nature des réseaux et des liens établis entre les acteurs. D’autre part, les entretiens ont confirmé la perception du dirigeant en fournissant des informations supplémentaires sur la dynamique d’internationalisation telle que ressentie par les interviewés. Cela a également permis d’identifier les facteurs, autres que le réseau, qui ont contribué au développement international rapide d’ELJ automotive. Ces informations ont été complétées par des rapports et des documents fournis par l’entreprise. Ceci a le mérite d’assurer une meilleure triangulation des sources de données.
Pour analyser les récits de vie du dirigeant interviewé, nous avons retenu deux méthodes : l’analyse diachronique et l’analyse thématique. La première analyse la succession d’événements marquants dans le temps et permet d’éclairer les relations avant/après entre ces événements (Sanséau, 2005). Elle se base sur une reconstitution des événements malgré les distorsions, confusions, zones blanches, déplacements, incohérences, voire dissimulations (Bertaux, 2003). Dans ce cadre, à partir des propos du dirigeant, nous avons reconstitué les enchaînements des principales phases de développement international d’ELJ Automotive. Cette analyse temporelle, qui permet de mieux comprendre le déroulement des événements et les effets de causalité, retrace la dynamique d’internationalisation rapide et soudaine d’ELJ automotive comme une BAG après la nomination de M. Lunescu.
La technique thématique, quant à elle, a été appliquée aux entretiens semi-directifs afin d’explorer les différents aspects évoqués par les interviewés. Dans ce cadre, nous avons identifié les principaux thèmes et les acteurs en mobilisant le logiciel GRIN (GRaph INterface). Il s’agit d’un logiciel de représentation et d’analyse des réseaux sociaux. Sa mobilisation nous a permis d’avoir une représentation visuelle du réseau du dirigeant de la PME pour faciliter son internationalisation. Le tableau 1 détaille la méthodologie suivie.
3.3. Présentation de la PME ELJ Automotive
ELJ Automotive est une PME roumaine située à environ 30 kilomètres de Bucarest, au nord-est, implantée à Titu, dans le district de Dambovita. La production est effectuée selon des procédés d’injection de plastique et d’assemblage avec des composants électriques et électroniques. La production est certifiée ISO 9001, 14000 et TS 16949.
ELJ a été fondée en 1970 par l’État roumain. Entreprise nationalisée, elle était consacrée à la fabrication d’interrupteurs électriques. En 1990, la Roumanie a connu un changement de régime politique drastique. À la suite de l’effondrement du Bloc soviétique, la propriété de l’entreprise a été remise entre les mains de ses employés. Au bord de l’effondrement, elle a été revendue en 1995 à des entrepreneurs privés roumains.
Entre 1996 et 2000, le modèle économique de l’entreprise a considérablement évolué, soutenu par un marché de sous-traitance en développement. En 1999, l’entreprise Dacia en Roumanie a fait appel aux compétences des entreprises locales pour réduire ses coûts de production. Dans ce cadre, ELJ Automotive jouait le rôle de sous-traitant de certaines pièces électriques de la Logan. Forte de son expérience du plastique et de l’électronique, la firme s’est alors spécialisée dans la production de composants pour l’industrie automobile. L’activité d’ELJ Automotive demeure jusque-là toujours locale et oeuvre uniquement sur le marché national roumain. Le succès de Dacia a conduit ELJ à développer des investissements essentiellement technologiques.
En 2002, en vue d’une recapitalisation, l’entreprise est introduite sur le marché financier public à travers la bourse de Bucarest, mais sa dynamique d’internationalisation restait inexistante en raison d’un manque d’accompagnement institutionnel. En 2006, l’entreprise est rachetée par un fonds de pension (NCH Capital[3]). Le fonds est représenté à Bucarest par M. Andrei, vice-président directeur. Il est basé à Bucarest depuis 1994 et supervise les activités du NCH en Roumanie. Auparavant, il était le directeur adjoint du département des marchés de capitaux à la Banque nationale de Roumanie (1993-1994). De 1985 à 1993, il était le directeur d’usine et membre du conseil d’administration de Dacia, l’entreprise automobile nationale roumaine.
En 2008, l’opération immobilière a été soldée, mais l’activité a perduré avec le déménagement de l’entreprise à Titu. ELJ Automotive a alors opéré uniquement sur son marché local en Roumanie pendant toutes ces années malgré le changement de gouvernance.
En 2009, ELJ Automotive compte environ 150 employés. Elle est donc considérée comme une PME sous-traitante locale. Cette année, M. Lunescu, ingénieur de formation, prend la direction de l’entreprise. Il est issu de l’entreprise Renault comme M. Andrei. Des liens privilégiés entre les deux hommes ont conduit à la décision rapide de se développer à l’international (en 2010), soit quelques mois après sa nomination. En investissant plus de sept millions d’euros dans plusieurs nouvelles presses, l’entreprise roumaine, devenue ETI (entreprise à taille intermédiaire) depuis, a développé des produits innovants pour intéresser des clients internationaux. Ce développement international va dans une première phase être opéré avec des clients européens, peu éloignés géographiquement de la Roumanie avant de s’étendre au Maghreb. Le tableau 2, élaboré à partir des rapports annuels des entreprises, retrace le schéma d’internationalisation d’ELJ Automotive.
4. L’internationalisation rapide d’ELJ Automotive : rôle du réseau du dirigeant
4.1. Enseignements de l’analyse diachronique du discours du nouveau dirigeant d’ELJ Automotive
Afin de mieux appréhender la dynamique d’internationalisation de la PME roumaine comme une BAG, une analyse diachronique a été effectuée. En restituant l’expérience appropriée du nouveau dirigeant, la trajectoire de l’entreprise ELJ Automotive a été soumise à plusieurs événements liés à son arrivée. Cette succession de séquences a déclenché la décision de son développement soudain et rapide à l’international.
Ce tableau chronologique met en avant trois phases principales de la dynamique d’internationalisation d’ELJ Automotive. La première est caractérisée par une activité locale de la PME roumaine et la constitution du réseau de M. Lunescu. La deuxième phase identifiée marque le changement au sein de la PME roumaine. Elle se caractérise par trois événements majeurs : (1) la nomination du nouveau dirigeant et le lancement du diagnostic (2) des changements organisationnels pour mettre l’accent sur le développement de la capacité d’innovation de la PME et (3), le début de la collaboration avec Renault France. Ces innovations ont eu des échos positifs auprès du réseau principal de M. Lunescu, Renault, qui est devenu rapidement un client majeur d’ELJ Automotive en France. Ce déclenchement de l’internationalisation soudaine a été suivi par une troisième phase caractérisée par le développement international rapide avec d’autres partenaires comme Valeo en France et au Maroc.
Cette analyse montre que les premières réflexions sur le développement international ont commencé en 2010 avec une collaboration avec Renault. Opérant longtemps uniquement en Roumanie comme PME sous-traitante sur le marché national, ELJ Automotive s’est lancée à l’international. Ce développement s’est intensifié réellement à partir de 2012 avec Valeo. Le chiffre d’affaires à l’international a atteint huit millions d’euros. En 2013, la PME a réalisé environ 40 % de son chiffre d’affaires à l’international. Ce caractère rapide et soudain de la dynamique d’internationalisation a commencé dès l’arrivée du nouveau dirigeant et s’est accentué moins de trois ans après. Toutes ces caractéristiques confèrent à ELJ Automotive la qualité d’une BAG avec une présence dans deux pays : la France et le Maroc. Les trois clients avec qui ELJ Automative collabore (Renault, Valeo France et Valeo Maroc) sont situés sur les deux continents. Afin de faciliter ce développement rapide à l’international, les compétences relationnelles de M. Lunescu ont joué un rôle important.
L’analyse du discours narratif du nouveau dirigeant interviewé montre qu’une combinaison de facteurs externes et internes a motivé cette décision stratégique. Sur le plan externe, le dirigeant a évoqué les conditions locales en Roumanie ainsi que la concurrence. Il a souligné que « nos liens personnels nous permettent d’avoir de l’information et des opportunités qui compensent les difficultés institutionnelles que nous avons parfois en Roumanie ».
Sur le plan interne, les entretiens ont montré que plusieurs facteurs expliquent le développement international rapide d’ELJ Automotive. D’une part, les nouvelles technologies d’information et de communication mises en oeuvre en interne ont favorisé les échanges avec les acteurs externes. D’autre part, les interviewés ont évoqué l’âge de leur entreprise en soulignant l’importance de l’ancienneté, de l’effet d’apprentissage et du développement des innovations. À côté de ces déterminants, l’élément majeur évoqué dans les entretiens est le changement de direction. Plusieurs caractéristiques intrinsèques à M. Lunescu ont été énumérées par les interviewés comme ayant une grande importance dans ce cadre. D’un côté, son expérience professionnelle chez Renault, qui a duré vingt ans, lui a permis de développer des contacts et de bien connaître l’industrie automobile. De l’autre, son expertise technique ainsi que ses compétences managériales étaient très développées. Dès son arrivée, grâce à sa formation d’ingénieur et sa vision, il a développé une gamme performante et innovante de GMV (système de ventilation des moteurs). Cette innovation répond à un besoin, dans un tout premier temps pour Renault, et puis rapidement pour plusieurs fabricants d’automobiles européens qui pourraient devenir de nouveaux clients. En outre, son esprit est très internationalisé grâce à son expérience et à sa communication régulière avec Renault et ses partenaires. Enfin, son appartenance à un réseau est son principal atout. Grâce à Renault, il a pu mobiliser ses contacts et lancer ELJ Automotive à l’international.
Grâce à cette analyse diachronique du schéma narratif du dirigeant, nous avons pu comprendre la causalité séquentielle (avant/après) qui existe entre les différents événements qui ont conduit à l’internationalisation rapide d’ELJ Automotive. Ceci n’était pas le cas dans son discours. Dans les deux récits de vie, les différents événements ont été racontés dans le désordre et cette analyse a permis de comprendre les différentes phases et les liens entre elles. Ainsi, cette analyse a permis de confirmer qu’ELJ Automotive est devenue BAG à partir de 2012, soit trois ans après la nomination du nouveau dirigeant.
En détaillant la dynamique d’internationalisation de la PME étudiée, cette analyse a mis en avant la rapidité du développement international, mais aussi la mobilisation du réseau du dirigeant. Afin de mieux appréhender cet aspect, nous avons effectué une analyse thématique approfondie des huit autres entretiens réalisés.
4.2. Analyse thématique : nature et apports du réseau du dirigeant
L’objectif de cette analyse thématique est de mieux comprendre les différents aspects autour de la nature du réseau, des liens tissés entre les acteurs et de la vitesse de la dynamique d’internationalisation de la PME roumaine. Pour ce faire, nous avons utilisé le logiciel GRIN 40. L’analyse thématique des entretiens réalisés et des documents secondaires laisse apparaître plusieurs acteurs majeurs autour de M. Lunescu : Renault, M. Andrei, ainsi que Valeo en France et au Maroc. Ces acteurs majeurs gravitent autour du nouveau dirigeant pour jouer des rôles différents dans la dynamique d’internationalisation de la PME roumaine.
4.2.1. Le développement international rapide d’ELJ Automotive : impact de la nature du réseau du dirigeant
L’analyse des informations collectées laisse apparaître la présence de trois principaux acteurs qui gravitent autour de M. Lunescu et donc d’ELJ Automotive.
Renault est au coeur du réseau. Toutes les relations et tous les contacts proviennent et passent par Renault. Comme le souligne le conseiller, « le réseau international de ELJ est surtout lié aux relations personnelles de M. Lunescu spécialement avec… Renault ». Les vingt années passées au sein de Renault ont permis à M. Lunescu de développer des relations professionnelles informelles avec plusieurs ingénieurs. Comme le souligne Alain Michel, un chef de projet chez Renault, « il y a presque 25 ans que je connais Lunescu…, il ne parlait pas très bien le français. Mais quand il intervenait, c’était toujours pertinent. Alors, je lui ai proposé de le soutenir en français et nous sommes devenus proches... Une confiance professionnelle s’est établie… » La nature à la fois personnelle et professionnelle de ce réseau lui confère une certaine proximité avec le dirigeant.
De son côté, M. Andrei, à la fois en relation avec Renault (a travaillé chez Renault) et avec le fonds de pension, a également joué un rôle important. Comme le souligne le conseiller interviewé, « je sais que l’historique des relations au sein du groupe Renault par M. Lunescu et Andrei ont facilité l’internationalisation de l’entreprise. Ils ont passé beaucoup d’années dans le même groupe ». Sur la base du document de présentation du fonds de pension NCH Capital, le conseiller rajoute que « le principal facteur déclenchant a été la nécessité d’investir et d’innover pour que l’entreprise soit rentable aux yeux du fonds de pension ». Ce réseau, basé sur la coopération avec un acteur stratégique tel que M. Andrei, est alors considéré comme un réseau d’influence.
Valeo en France et au Maroc : Valeo, l’équipementier automobile français est avant tout un partenaire de Renault. Les commerciaux de Renault, satisfaits par les innovations d’ELJ Automotive, l’ont recommandé à Valeo. Ceci s’est fait à travers la mise en contact, par les commerciaux de Renault, entre le commercial de la PME roumaine et ceux de Valeo. À ce sujet, le responsable commercial interviewé a indiqué : « M. Lunescu m’a envoyé chez Renault et m’a emmené avec lui plusieurs fois à Paris… Ceci m’a permis d’être en contact avec les responsables chez Valeo. » Ce réseau, qui est qualifié par réseau d’affaires, apparaît clairement dans deux comptes rendus de réunions organisées à Paris. D’autre part, Valeo est considéré comme un client d’ELJ Automotive, comme le souligne le responsable commercial : « Valeo est un nouveau client qu’on a pu conquérir grâce à nos relations fortes avec Renault. » Grâce aux contacts à travers les réseaux de Renault, Valeo va compter parmi ces nouveaux clients qui vont permettre une dynamique d’internationalisation. Ensuite, la réputation d’ELJ Automotive s’est développée comme une entreprise innovante avec le lancement d’une pédale en plastique pour les automobiles, élément très attractif pour des constructeurs, y compris hors Europe. Comme l’a souligné M. Amsah, directeur adjoint de Valeo au Maroc : « Nous rencontrons des difficultés à nous développer au Maroc… M. Lunescu apporte des solutions dans la mesure où il comprend notre équation… ELJ est flexible et innovante. » De son côté, M. Akermann, responsable du développement de Valeo en Afrique et en Asie souligne : « Nous sommes à la recherche d’innovations qui s’adapteraient au Maroc… C’est par ce biais que j’ai rencontré M. Lunescu… Tout se passe bien. M. Lunescu a de bonnes références chez Renault. »
Tous ces acteurs, de nature variée, constituent la richesse du réseau du nouveau dirigeant d’ELJ Automotive. La dynamique d’internationalisation d’ELJ Automotive, après plusieurs années de sous-traitance locale, a alors été impulsée par ce réseau comme le montre la figure 2.
L’analyse des différents acteurs du réseau de M. Lunescu montre que ce dernier joue le rôle d’un pont entre ELJ Automotive et Renault (relations 1, 2 et 4). Le nouveau dirigeant a mobilisé son réseau issu de M. Andrei et de son entourage du fonds de pension (relations 3 et 5). Ces liens sont complétés par des relations tissées avec plusieurs acteurs chez Valeo en France et au Maroc (relations 6 et 7). Tous ces éléments témoignent de la variété du réseau du dirigeant et du rôle joué pour faciliter l’internationalisation de la PME ELJ Automotive. Le nombre d’acteurs mobilisés, la variété des natures des réseaux ainsi que la diversité des liens n’ont pas été sans conséquence pour ELJ Automotive.
4.2.2. Le développement international rapide d’ELJ Automotive : impact des liens du réseau du dirigeant
L’analyse du réseau ne peut être complète sans l’étude des liens entre ces différents acteurs. Dans ce cadre, nous avons utilisé les quatre critères souvent mobilisés pour étudier l’intensité des liens du réseau.
La quantité de temps : avec Renault et M. Andrei, M. Lunescu est en communication régulière comme il l’a souligné à maintes reprises. Ceci n’est pas le cas avec Valeo. À ce sujet, M. Sallam, ingénieur responsable des achats chez Valeo France a souligné : « J’ai connu M. Lunescu. Il n’était pas facile ! J’ai gardé un contact professionnel avec lui. On ne se parle pas souvent… par courriel. Quand il a voulu développer ELJ, je l’ai mis en contact avec les responsables Valeo… En tant qu’acheteur, nos liens se sont depuis renforcés. »
L’intensité émotionnelle : présente auprès de Renault en raison des relations informelles développées avec les ingénieurs. Roger Schmidt, directeur qualité responsable des fournisseurs Europe orientale chez Renault nous informe : « Nous avons débuté ensemble… chez Renault… M. Lunescu était pressenti pour aller en Roumanie… M. Lunescu venait régulièrement à Paris… Je suis certain que cela lui apporte des opportunités d’affaires pour ELJ. »
La confiance : très développée entre le dirigeant et les employés de Renault, « la confiance s’est établie au fil des quelque vingt années dans le groupe… Notre langage est devenu même commun ». Le degré de confiance semble être moindre avec Valeo. Enfin, les services réciproques sont essentiellement évoqués par le dirigeant en parlant de Renault. Il souligne : « Les ingénieurs de Renault ont besoin de nous, nous sommes devenus presque un labo pour eux. »
Ces résultats nous permettent ainsi de souligner que l’internationalisation rapide de la PME roumaine est la résultante de la mobilisation de cet ensemble d’acteurs et de liens variés autour du nouveau dirigeant.
4.2.3. Le développement international rapide d’ELJ Automotive : apports du réseau et vitesse d’internationalisation
Comme nous l’avons souligné précédemment, ces réseaux ont permis à la PME de se lancer rapidement à l’international après plusieurs années de fonctionnement sur le marché roumain. L’analyse des informations collectées nous a également permis de regrouper la création de valeur apportée par le réseau du dirigeant de la PME en trois principaux points clés :
-
accès à des informations variées techniques et commerciales : comme le souligne le conseiller du dirigeant, « le trust building… n’aurait pas pu avoir lieu aussi vite sans l’appui du réseau. Ensuite, le savoir-faire mis en place chez ELJ a permis son développement international auprès de clients » ;
-
identification des opportunités d’affaires. Cette valeur ajoutée est très importante pour le dirigeant d’ELJ Automotive qui souligne : « Nous obtenons les informations… pour notre internationalisation à travers les échanges entre les ingénieurs. Nous communiquons lors de réunions à Paris ou à Titu… À travers les informations techniques, nous développons des idées qui circulent chez Renault et qui créent des opportunités dans différentes unités de production » ;
-
accès à des infrastructures et structures d’accompagnement. À ce sujet, le responsable commercial a indiqué : « Nous avons accès à la recherche et au développement en France, cela nous aide à mettre au point nos nouvelles installations à Titu. Mais on doit beaucoup s’adapter en fonction de nos ressources... » ;
-
contournement des difficultés institutionnelles : le contexte roumain a constitué une véritable barrière face au développement international de l’entreprise. Comme le souligne le nouveau dirigeant : « Nous manquons en Roumanie de facilités pour voyager, communiquer et transporter des marchandises hors de l’Europe. » Le conseiller a rajouté que « le manque d’ouverture vers les marchés internationaux… était aussi dû au contexte institutionnel roumain. L’administration de l’ancien régime a été remplacée par un régime… intermédiaire et un peu oligarchique… Le port de Constantza est devenu un centre logistique régional significatif... les PME roumaines ont peu accès aux activités internationales et ne sont pas accompagnées par l’État qui n’a pas encore les moyens surtout financiers. »
Tous ces éléments montrent que le processus d’internationalisation vécu par ELJ Automotive, comme une BAG, est étroitement lié au réseau du dirigeant. D’autres facteurs sont également cités par les interviewés. Il s’agit, par exemple, du développement des nouvelles technologies, du développement de la capacité d’innovation de la PME, etc. Toutefois, ceci n’a pas été sans difficulté. Il a dû faire face à plusieurs obstacles : un personnel qui ne parle pas l’anglais, un manque de compétences, une absence d’accompagnement local, etc. À ce sujet, le responsable commercial nous a indiqué qu’« aucun commercial ne parlait l’anglais ou le français. Pour eux le business était en Roumanie pour Dacia ».
5. Discussion
À partir des résultats présentés précédemment, nous avons noté que dès l’arrivée du nouveau dirigeant, la PME roumaine a commencé à se développer à l’international, soit moins d’un an après sa nomination. Cette internationalisation soudaine s’est déclenchée rapidement après avoir travaillé uniquement pour le marché local roumain, avec un chiffre d’affaires qui dépasse 25 % à l’international. Ceci permet de considérer ELJ Automotive comme une BAG (Bell et al., 2003 ; Schueffel, Rico et Amann, 2014 ; Dominguez et Mayrhofer, 2016).
Ce résultat, issu de l’analyse diachronique réalisée, montre également que l’entreprise roumaine ELJ Automotive opère dans un contexte dans lequel les structures institutionnelles peinent à aider les PME nationales. Afin de se développer rapidement à l’international, le réseau du dirigeant a constitué un véritable levier pour faciliter le changement stratégique d’une PME locale vers une BAG.
À partir de la revue de la littérature, nous avons noté que plusieurs types de réseaux sont mobilisés lors d’un processus de développement international. Notre recherche démontre que les réseaux mobilisés par le dirigeant M. Lunescu s’articulent autour de trois acteurs. En premier lieu, Renault est au coeur du réseau ; tous les contacts passent par Renault. Les résultats ont montré que ce noyau est qualifié de réseau personnel et professionnel (Taddei, 2009 ; Julien, Andriambeloson et Ramangalahy, 2002). En second lieu, Andrei et son entourage issu du fonds de pension ont joué un rôle important. Ils sont qualifiés d’acteurs stratégiques au sens de Le Pennec et Reynaud (2014). En exerçant leur relation, ils ont fortement agi sur la trajectoire de la PME ELJ Automotive d’où le réseau d’influence. Enfin, Valeo en France et au Maroc est considéré à la fois comme un réseau d’affaires et relationnel (Surply, 2006). Sa position de client d’ELJ Automotive a renforcé le développement de la PME en France tout en intégrant le marché marocain en 2015. Les autres types de réseaux, à savoir les réseaux territoriaux et communautaires déjà évoqués dans la littérature, n’ont pas été identifiés dans cette recherche. Ce résultat est très important, car il reflète les caractéristiques du contexte local des PECO en général et de la Roumanie, en particulier. Ainsi, le manque de moyens (Nowiński et Rialp, 2013), malgré les aides de l’Union européenne des institutions dans les PECO pour soutenir leurs PME, rend la valeur ajoutée de ces réseaux locaux presque inexistante. Récemment, une étude de Ciszewska-Mlinaric, Wojcik et Obloj (2020) explique les spécificités des PECO, en transition par rapport aux économies développées : un soutien institutionnel plus faible, un manque d’avantages en matière de protection de la propriété, une capacité d’innovation insuffisante, des contraintes de ressources et une longue tradition d’une économie planifiée (Caputo et al., 2016 ; Jaklič, Rasković et Schuh, 2018). Ceci va de pair avec les résultats de notre recherche.
Les réseaux territoriaux et communautaires, constitués essentiellement d’organisations locales (Keramidas, Le Pennec et Serval, 2012 ; Caputo et al., 2016), d’entrepreneurs et de détenteurs de ressources sont écartés de cette dynamique d’internationalisation des BAG roumaines. En effet, les nouvelles normes et règles qui organisent les institutions et les communautés territoriales sont issues et imposées par l’Union européenne (UE). Elles ne sont pas clairement définies et coexistent avec les anciennes réglementations en usage dans les pays issus du Bloc communiste, y compris parfois celles informelles. Ce risque de traduction rend peu dynamiques les actions institutionnelles et communautaires au sens de l’UE. Pour cette raison, la plupart des recherches ont souvent traité des questions liées aux réformes, à la restructuration des entreprises publiques, au développement du secteur privé et à une comparaison des voies de transition des PECO. Ces deux types de réseaux ne facilitent pas l’internationalisation de la PME roumaine à partir du moment où les organisations locales ne sont pas de véritables parties prenantes de la dynamique d’internationalisation des PME (BAG) de ces pays en transition. Par contre, les réseaux personnels et professionnels (Renault), relationnels et d’affaires (Valeo en France et au Maroc) et d’influence (M. Andrei et son entourage du fonds de pension) ont contribué, chacun à sa manière, à la dynamique d’internationalisation de la BAG ELJ Automotive.
Sur la base des travaux de Granovetter (1973), nous pouvons constater que M. Lunescu entretient un lien fort avec Renault et Andrei, mais aussi un lien faible avec Valeo (France et Maroc). De ce fait, la fréquence et le contenu des échanges, la nature des relations ainsi que la confiance expliquent la nature de ces liens tissés entre les différents acteurs du réseau de M. Lunescu. Comme le montre le tableau 4, les deux types de liens semblent jouer des rôles différents dans l’internationalisation de la PME roumaine.
Les liens forts, entretenus entre le nouveau dirigeant, Renault et Andrei ont permis d’avoir des informations variées sur le marché français, de déclencher l’internationalisation et surtout de contourner les difficultés institutionnelles. L’environnement sécurisé garanti par ces deux principaux acteurs semble avoir été déterminant dans l’expansion rapide de la PME roumaine (Oviatt et McDougall, 2005). Deux premiers marchés ont été visés. Quelques mois après la nomination du nouveau dirigeant ont suffi pour lui permettre de se développer en France (2010). De ce fait, les liens forts du réseau du dirigeant ont joué un rôle important dans la vitesse d’internationalisation d’ELJ Automotive. Au sujet de la vitesse, Jones et Coviello (2005) ont souligné l’importance d’incorporer le temps en tant que dimension conceptuelle majeure pour comprendre l’internationalisation entrepreneuriale. Cette dimension est particulièrement importante pour les BAG. C’est la rapidité qui différencie ce type d’entreprises de celles qui suivent un processus d’internationalisation séquentiel (Johanson et Vahlne, 2009). Selon Vermeulen et Barkema (2002), la vitesse est mesurée par le nombre d’expansions (dans de nouveaux marchés étrangers) que l’entreprise réalise à l’intérieur d’une période donnée (Moore et Meschi, 2010). Les résultats de notre recherche montrent que les liens forts ont accéléré l’internationalisation de la PME comme c’est le cas en France (quelques mois) et en Europe (trois ans) contrairement aux liens faibles. En effet, pour la PME roumaine, l’entrée sur le marché marocain a nécessité six ans après la nomination du dirigeant vu les relations distantes entre Valeo et ELJ Automotive. Le manque d’interaction et la faible intensité émotionnelle expliquent les faibles échanges réciproques avec Valeo (Julien, Andriambeloson et Ramangalahy, 2002). L’apport des liens faibles apparaît, en revanche, au niveau de l’étendue du développement international. Leurs rôles étaient décisifs, car ils évoluent dans des cercles différents (le Maroc). Cette relation a permis de fournir des informations différentes sur de nouveaux marchés et d’identifier de nouvelles opportunités d’affaires sur le marché marocain. Les nouvelles informations échangées entre les commerciaux de Valeo et le dirigeant lui ont permis de se lancer sur ce nouveau marché en 2015.
Tous ces éléments permettent de mieux appréhender la relation entre les types du réseau du dirigeant, l’intensité des liens et leur valeur ajoutée dans la dynamique d’internationalisation de la BAG roumaine, comme l’indique le tableau 4.
Comme le montre le tableau 4, afin de faire face à l’instabilité institutionnelle qui caractérise son marché local, ELJ Automotive s’est appuyée sur quelques acteurs du réseau de son nouveau dirigeant, mais pas tous. Les résultats dégagés nous permettent maintenant d’adapter le modèle initial (Figure 1) aux PME roumaines (Figure 3).
D’une part, la première relation de notre modèle montre que le contexte institutionnel (Bourcieu, 2005 ; Torkkeli, Kuivalainen, Saarenketo et Puumalainen, 2018) très défavorable dans les PECO exerce une influence sur le type de réseau mobilisé et par conséquent sur l’internationalisation rapide des PME roumaines (R1). En effet, pendant la phase de prétransition des PECO, les questions relatives au développement international n’étaient pas importantes. Encore dans les années deux mille, la plupart des économies de la région PECO suivaient des politiques de développement relativement autarciques. Le commerce extérieur était très limité. Maintenant, la plupart des PECO font désormais partie de l’Union européenne (UE). Les changements institutionnels devraient faire de l’État un acteur important des processus institutionnels formels et informels. Avec les élargissements de 2004, 2009 et 2013, la Roumanie a rejoint l’Union européenne en 2007. Pour autant, le caractère distinctif d’un contexte institutionnel instable, dynamique et fragmenté des marchés des PECO subsiste, y compris en Roumanie (Kostova et Hult, 2016).
D’autre part, deux types de réseaux sont retirés du modèle initial compte tenu de l’absence de leur rôle dans la dynamique d’internationalisation des BAG roumaines : les réseaux territoriaux et communautaires. La deuxième relation (R2) montre que les liens forts tissés avec les réseaux personnels (amis et collègues), professionnels (relations professionnelles) et d’influence (acteurs stratégiques) apportent une véritable valeur ajoutée dans ce cadre. En plus d’être source d’informations, ils permettent à la PME de déclencher son processus d’internationalisation tout en contournant les barrières institutionnelles. Les infrastructures qu’elles proposent compensent le manque de ressources qui caractérise ces marchés en transition. Ces trois types de réseaux influencent la vitesse d’internationalisation de la BAG roumaine. Selon Catanzaro, Messeghem et Sammut (2012), l’influence de la force des liens dans un réseau diffère selon l’expérience et le degré d’internationalisation. Ainsi, plus le réseau sera large et dense, plus le processus d’internationalisation aura tendance à être rapide et stable (Oviatt et McDougall, 2005). Ce lien entre le réseau et la vitesse d’internationalisation s’avère ainsi très important pour comprendre le comportement des BAG. En effet, grâce aux opportunités apportées par un réseau solide et varié, ces dernières choisissent de se développer rapidement à l’international sans prendre le temps de tester les marchés étrangers.
De leurs côtés, les réseaux d’affaires (les partenaires) et relationnels (relations interpersonnelles) (R3), bien que caractérisés par des liens faibles, sont porteurs d’opportunités d’affaires pour la PME. Ces différents types de réseaux du dirigeant aident la PME roumaine à se développer à l’international après plus que six années d’activité sur le marché national.
Conclusion
Cette recherche vise à comprendre le rôle du réseau du dirigeant dans l’internationalisation rapide et soudaine des PME en Roumanie, après plusieurs années d’activité sur leur marché national. L’originalité de ce travail est soulignée sur plusieurs niveaux. D’une part, ce travail s’intéresse à l’étude des BAG dans les pays en transition, en Roumanie. Ce contexte se caractérise par un cadre institutionnel spécifique ainsi que par le développement exponentiel du nombre des PME (BAG). Pourtant, très peu de recherches sont menées sur la dynamique d’internationalisation des BAG dans les pays en transition. D’autre part, les travaux portant sur les BAG se sont particulièrement intéressés aux caractéristiques du dirigeant de la PME. La nature de son réseau et les modalités de sa mobilisation n’ont pas encore été étudiées. Enfin, la mise en oeuvre d’une approche de type ethnosociologique, à travers la méthodologie des récits de vie, mérite également d’être soulignée. Basée sur une analyse diachronique et thématique, cette démarche nous a permis d’avoir une lecture approfondie de la dynamique d’internationalisation d’une PME roumaine ainsi que des mécanismes et des logiques d’action mises en oeuvre par le réseau du dirigeant de la PME étudiée.
Cette recherche souligne plusieurs apports théoriques et managériaux. Sur le plan théorique, ce travail a le mérite de démontrer l’importance du réseau du dirigeant d’une PME des PECO pour dépasser les barrières institutionnelles et le manque d’informations sur les marchés étrangers. Plus particulièrement, trois principaux enseignements théoriques méritent d’être évoqués. Le premier concerne la nature du réseau du dirigeant. Notre recherche montre que les réseaux personnels, professionnels, relationnels, d’affaires et d’influence jouent un rôle important dans ce cadre. D’autres types de réseaux, tels que communautaires ou territoriaux, ne semblent pas influencer l’internationalisation à partir du moment où les organisations locales ne sont pas de véritables parties prenantes de la dynamique d’internationalisation. En effet, les nouvelles normes et règles qui organisent ces institutions et les communautés territoriales sont imposées par l’Union européenne, mais coexistent avec les anciennes réglementations du Bloc communiste. Ce vide institutionnel, qui caractérise la Roumanie, semble se répercuter sur le développement des BAG. Un deuxième apport théorique réside dans la mobilisation de la force des liens pour appréhender l’internationalisation des BAG. Notre recherche montre qu’à la fois les liens forts et les liens faibles permettent à une PME roumaine de devenir une BAG. Les liens forts sont noués avec les réseaux personnels, professionnels et d’influence. Les liens faibles pourraient, quant à eux, être établis avec les réseaux d’affaires et relationnels. Cette étude démontre également la valeur ajoutée du réseau à partir de la force du lien. Partant du fait que la rapidité constitue un facteur différenciant par rapport à un processus d’internationalisation séquentiel, ce travail montre que seuls les liens forts permettent d’agir sur la vitesse. Ce sont les réseaux personnels, professionnels et d’influence du dirigeant qui permettent à la PME de contourner les contraintes institutionnelles et de s’informer sur les marchés étrangers, ce qui accélère l’internationalisation. Par ailleurs, les réseaux d’affaires et relationnels contribuent davantage au niveau de l’expansion de l’activité internationale moyennant les opportunités d’affaires. Ce travail vient enrichir le cadre théorique mobilisé, à savoir l’internationalisation des BAG et la théorie du réseau.
Cette étude apporte une contribution managériale importante en démontrant les types de réseaux qu’un dirigeant d’une PME dans les pays en transition pourrait mobiliser pour faciliter la stratégie d’internationalisation de son entreprise. Afin d’accélérer ce processus, il doit nouer de fortes relations avec ses amis, anciens collègues et les acteurs susceptibles de coopérer et d’avoir une influence pour contourner les barrières institutionnelles. Une fois l’internationalisation amorcée, après plus de six ans d’activité sur le marché national, le dirigeant pourrait se tourner vers ses clients, ses fournisseurs, ses distributeurs ainsi que toutes les personnes avec qui il entretient des relations interpersonnelles. Ces acteurs variés ne permettront pas d’accélérer le processus, mais aideront la PME à détecter de nouvelles opportunités d’affaires sur de nouveaux marchés. D’où l’expansion au-delà du marché des PECO. Dans ce cadre, l’inaction des réseaux communautaires et territoriaux pourrait inciter le dirigeant de PME à entreprendre des actions pour les contourner.
Ces contributions ne sont pas sans limites. Tout d’abord, ce travail est basé sur une étude de cas unique. L’étude d’une entreprise roumaine permet de comprendre ce contexte, mais réduit considérablement toute tentative de généralisation des résultats pour la région des PECO. D’autre part, les entretiens menés s’inscrivent dans une logique rétrospective, ce qui ne nous permet pas d’avoir une vision longitudinale du phénomène étudié. Ces limites, qui soulignent l’importance de poursuivre les travaux de recherche dans ce domaine, méritent d’être prises en compte dans les recherches futures. Un intérêt particulier pourrait d’être accordé à l’étude des liens potentiels entre le comportement d’internationalisation des BAG et leur capacité d’innovation. Plus encore, les chercheurs pourraient mieux cerner le profil du dirigeant facilitateur et du modèle BAG dans d’autres secteurs d’activité. Par ailleurs, compte tenu de la spécificité institutionnelle des pays en transition, la mobilisation de la théorie institutionnelle pourrait constituer une voie prometteuse pour mieux appréhender la dynamique d’internationalisation des BAG dans cette région.
Appendices
Notes biographiques
Gérard Cazabat est titulaire d’un doctorat du CNAM Paris. Ses domaines de recherches sont l’entrepreneuriat international, l’internationalisation des TPE-PME et le financement des start-up. Depuis 2006, il est enseignant-chercheur, professeur permanent à l’EDC Paris. Depuis 2015, il est professeur associé au CNAM et depuis 2012 professeur associé à l’École CentraleSupélec de Paris.
Hela Chebbi est professeure de stratégie et de gestion internationale à l’ESG-UQAM. Ses travaux de recherche portent sur l’innovation, l’intrapreneuriat et la stratégie internationale. Elles ont fait l’objet de plusieurs communications et publications dans des revues francophones et internationales.
Mohamed Sellami est docteur en sciences de gestion du CNAM de Paris. Il occupe un poste de professeur associé au sein de l’EDC Paris Business School. Ses domaines de recherche portent sur l’entrepreneuriat, la finance entrepreneuriale, l’intrapreneuriat et la finance de marché.
Notes
-
[1]
Les microfondations constituent un niveau d’analyse qui prend en considération l’individu, le processus, la structure et leur interaction pour mieux comprendre le phénomène d’internationalisation des entreprises.
-
[2]
« Networks were used, but, contrary to certain researchers’ claims… they did not play a significant role prior to the ventures’ internationalization. » (p. 431)
-
[3]
NCH Capital est un fonds de pension créé en 1993 qui vise une implantation dans les pays de l’Europe de l’Est, en Ukraine et en Russie dans les domaines les plus divers en fonction des opportunités locales. En 2010, les dirigeants de ce fonds donnent une priorité aux politiques d’investissement, y compris dans les PME en devenir.
Références
- Angué, K. et Mayrhofer, U. (2010). Coopérer avec des partenaires localisés dans les PECO : rupture ou continuité ? 20e Congrès des IAE. Strasbourg, France, EM Strasbourg.
- Arenius, P. (2005). The psychic distance postulate revised : from market selection to speed of market penetration. Journal of International Entrepreneurship, 3(2), 115-131.
- Bah, T., Ndione, L.C. et Tiercelin, A. (2015). Les récits de vie en sciences de gestion : orientations épistémologiques et méthodologiques. Caen, Éditions EMS.
- Baldegger, J. et Schueffel, P. (2010). Le comportement d’internationalisation des PME suisses born global et internationalisation progressive. Revue internationale PME, 22(1), 9-45.
- Baños, J. et Roca, F.-J.-F. (2017). A born-again global firm : Inés Rosales sociedad anonima unipersonal (SAU) in the traditional sector of pastry production. Journal of Iberian and Latin American Economic History, 35(3), 445-481.
- Beddi, H., Bueno Merino, P. et Coeurderoy, R. (2012). Éditorial. La stratégie réticulaire : une compétence distinctive de l’entrepreneur international. Revue de l’Entrepreneuriat, 11(3), 7-14.
- Bell, J., Mcnaughton, R. et Young, S. (2001). ‘Born-again global’ firms : an extension to the ‘born global’ phenomenon. Journal of International Management, 7(3), 173-189.
- Bell, J., McNaughton, R., Young, S. et Crick, D. (2003). Towards an integrative model of small firm internationalization. Journal of International Entrepreneurship, 1(4), 339-362.
- Bertaux, D. (2003). Les récits de vie. Paris, Éditions Nathan.
- Bertaux, D. (2005). L’enquête et ses méthodes : le récit de vie. Malakoff, Éditions Armand Colin.
- Bourcieu, S. (2005). Les stratégies de développement international des PME face à la dynamique de l’environnement institutionnel. xiie Conférence internationale de management stratégique. Angers, France, 6-9 juin.
- Braunerhjelm, P. et Halldin, T. (2019). Born globals-presence, performance and prospects. International Business Review, 28(1), 60-73.
- Cabrol, M. et Nlemvo, F. (2011). Le rôle de l’expérience de l’entrepreneur dans le niveau d’internationalisation des jeunes entreprises. Revue management & avenir, 10(50), 38-56.
- Cabrol, M. et Nlemvo, F. (2012). Diversité de comportement des entreprises à internationalisation précoce et rapide : essai de validation d’une typologie. Revue de l’Entrepreneuriat, 11(3), 111-136.
- Caputo, A., Matteo Pellegrini, M., Dabic, M. et Dana, L. (2016). Internationalisation of firms from central and eastern Europe : a systematic literature review. European Business Review, 28(6), 630-651.
- Catanzaro, A. Messeghem, K. et Sammut, S. (2012). Accompagner l’entreprise à internationalisation précoce et rapide : la place centrale de la dimension réticulaire. Revue de l’Entrepreneuriat, 11(3), 33-53.
- Chetty, S. (2000). Internationalisation of small to medium-sized manufacturing firms : a network approach. International Business Review, 9(1), 77-93.
- Chetty, S. et Campbell-Hunt, C. (2004). A strategic approach to internationalization : a traditional versus a born global approach. Journal of International Marketing, 12(1), 57-81.
- Chtourou, W. (2006). L’internationalisation des entreprises : profils et défis informationnels. Gestion, 31(1), 88-97.
- Ciszewska-Mlinaric, M., Wojcik, P. et Obloj, K. (2020). Learning dynamics of rapidly internationalizing venture : beyond the early stage of international growth in a CEE context. Journal of Business Research, 108, 450-465.
- Coeurderoy, R., Davidsson, P., Lwango, A.B.R., Murray, G. et Tywoniak, S. (2013). L’internationalisation des jeunes entreprises de hautes technologies : le rôle des compétences internationales des fondateurs. Finance Contrôle Stratégie, 16(1), 2-17.
- Commission européenne (2003). Rapport de l’Observatoire des PME européennes : l’internationalisation des PME. Récupéré le 6 novembre 2019 sur le site : http://ec.europa.eu/docsroom/translations/enditions/pdf.
- Coviello, N.E. (2006). The resource dynamics of international new venture networks. Journal of International Entrepreneurship, 4(2-3), 113-132.
- Coviello, N., Kano, L. et Liesch, P. (2017). Adapting the Uppsala model to a modern world : macro-context and microfoundations. Journal of International Business Studies, 48(9), 1151-1164.
- Cuervo-Cazurra, A. (2012). Extending theory by analyzing developing country multinational companies : solving the Goldilocks debate. Global Strategy Journal, 2(3), 153-167.
- Dominguez, N. et Mayrhofer, U. (2016). Il n’est jamais trop tard pour entreprendre : l’internationalisation des born-again globals. Revue de l’Entrepreneuriat, 15(1), 61-80.
- Dzikowski, P. (2018). A bibliometric analysis of born global firms. Journal of Business Research, 85(C), 281-294.
- Eisenhardt, K.M. (1989). Building theories from case study research. The Academy of Management Review, 14(4), 532-550.
- Elidrissi, D. et Hauch V. (2012). Entrepreneuriat international et réseaux sociaux pour les PME innovantes : quelles perceptions pour quelles stratégies ? Revue de l’Entrepreneuriat, 11(3), 15-32.
- Feder, E.-S. (2015). International behavior and performance based Romanian entrepreneurial and traditional firm clusters. Annals of the University of Oradea : Economic Science, 25(1), 54-62.
- Francioni, B., Vissak, T. et Musso, F. (2017). Small Italian wine producers’ internationalization : the role of network relationships in the emergence of late starters. International Business Review, 26(1),12-22.
- Freeman, S. et Cavusgil, S.T. (2007). Toward a typology of commitment states among managers of born-global firms : a study of accelerated internationalization. Journal of International Marketing, 15(4), 1-40.
- Freeman, S., Edwards, R. et Schroder, B. (2006). How smaller born-global firms use networks and alliances to overcome constraints to rapid internationalization. Journal of International Marketing, 14(3), 33-63.
- Freeman, S., Hutchings, K., Lazaris, M. et Zyngier, S. (2010). A model of rapid knowledge development : the smaller born-global firm. International Business Review, 19(1), 70-84.
- Goedhuys, M. et Sleuwaegen, L. (2016). International standards certification, institutional voids and exports from developing country firms. International Business Review, 25(6), 1344-1355.
- Granovetter, M.S. (1973). The Strength of weak ties. American Journal of Sociology, 78(6), 1360-1380.
- Greve, A. et Salaff, J.W. (2003). Social networks and entrepreneurship. Entrepreneurship Theory and Practice, 28(1), 1-22.
- Hakanson, L. et Kappen, P. (2017). The Casino model of internationalization : an alternative Uppsala paradigm. Journal of International Business Studies, 48(9), 1103-1113.
- Hoskisson, R.E., Wright, M., Filatotchev, I. et Peng, M.W. (2013). Emerging multinationals from mid-range economies : the ifluence of institutions and factor markets. Journal of Management Studies, 50(7), 1295-1321.
- Jaklič, A., Rasković, M. et Schuh, A. (2018). Examining the contextual richness of central and eastern Europe. AIB Insights, 18(1), 3-6.
- Johanson, J. et Mattsson, L.-G. (1988). Internationalization in industrial systems, a network approach. Dans N. Hood et J.-E. Vahlne (dir.), Strategies in global competition (p. 303-321). New York, États-Unis, Croom Helm.
- Johanson, J. et Vahlne, J.E. (1977). The internationalisation process of the firm : a model of knowledge development and increasing foreign market commitments. Journal of International Business Studies, 8(1), 23-32.
- Johanson, J. et Vahlne, J.E. (2009). The Uppsala internationalization process model revisited : from liability of foreignness to liability of outsidership. Journal of International Business Studies, 40(9),1411-1431.
- Johanson, J. et Vahlne, J.E. (2011). Markets as networks : implications for strategy-making. Journal of the Academy of Marketing Science, 39(4), 484-491.
- Jones, M.V. et Coviello, N.E. (2005). Internationalisation : conceptualising an entrepreneurial process of behaviour in time. Journal of International Business Studies, 36(3), 284-303.
- Julien, P.A., Andriambeloson, E. et Ramangalahy, C. (2002). Réseaux, signaux faibles et innovation technologique dans les PME du secteur des équipements de transport terrestre. 6e Congrès international francophone de la PME. Montréal, Canada, HEC Montréal Canada, octobre.
- Keramidas, O., Le Pennec, E. et Serval, S. (2012). Le réseau territorial et ses ressources. Actes de la xviiie Conférence de l’Association internationale de management stratégique. Lilles, France, 3-6 juin.
- Korsakiene, R. et Tvaronavičiene, M. (2012). The internationalization of SMEs : an integrative approach. Journal of Business Economics and Management, 13(2), 294-307.
- Knight, G.A. et Cavusgil, S.T. (1996). The born global firm : a challenge to traditional internationalization theory. Advances in International Marketing, 8, 11-27.
- Knight, G.A. et Cavusgil, S.T. (2004). Innovation, organizational capabilities and the born-global firm. Journal of International Business Studies, 35(2), 124-141.
- Kostova, T. et Hult, G.T.M. (2016). Meyer and Peng’s 2005 article as a foundation for an expanded and refined international business research agenda : context, organizations, and theories. Journal of International Business Studies, 47(1), 23-32.
- Kuivalainen, O., Saarenketo, S. et Puumalainen, K. (2012). Start-up patterns of internationalization – a framework and its application in the context of knowledge-intensive SMEs. European Management Journal, 30(4), 372-385.
- Langley, A. (2009). Studying processes in and around organizations. Dans D.A. Buchanan et A. Bryman (dir.), The Sage handbook of organizational research methods (p. 409-429). Londres, Royaume-Uni, Sage Publications.
- Lei, H. et Chen, Y. (2011). The right tree for the right bird : location choice decision of Taiwanese firms’ FDI in China and Vietnam. International Business Review, 20(3), 338-352.
- Lemaire, J.P. (2013). Stratégies d’internationalisation. Nouveaux enjeux d’ouverture des organisations, des activités et des territoires. Paris, Dunod.
- Le Pennec, E. et Reynaud, E. (2014). Dans quel réseau les PME s’intègrent-elles lors de leur implantation sur un territoire étranger ? Actes de la xxiiie Conférence de l’Association internationale de management stratégique. Rennes, France, 25-27 mai.
- Louis, O. et Lepape, Y. (2004). Les IDE, un facteur crucial de l’insertion des pays d’Europe centrale et orientale dans l’économie européenne, réalités industrielles. Récupéré le 12 décembre sur le site : http://www.annales.org/edit/ri/2004/novembre/ide35-40.pdf.
- Madsen, T.K., Rasmussen, E.S. et Servais, P. (2000). Differences and similarities between born globals and other types of exporters. Advances in International Marketing, 10(2), 247-265.
- Madsen, T.K. et Servais, P. (1997). The internationalization of born globals : an evolutionary process ? International Business Review, 6(6), 561-583.
- Mayrhofer, U. et Urban, S. (2011). Management international. Des pratiques en mutation. Paris, Pearson France.
- Meier, O. et Meschi, P.X. (2010). Approche intégrée ou partielle de l’internationalisation des firmes : les modèles Uppsala (1977 et 2009) face à l’approche international new ventures et aux théories de la Firme. Management international, 15(1), 11-18.
- Meyer, K.E. et Peng, M.W. (2016). Theoretical foundations of emerging economy business research. Journal of International Business Studies, 47(1), 3-22.
- Moore, E.T. et Meschi, P.-X. (2010). Vitesse et mode d’internationalisation des PME. Management international, 15(1), 87-99.
- Mort, G. et Weerawardena, J. (2006). Networking capability and international entrepreneurship : how networks function in Australian born global firms. International Marketing Review, 23(5), 21-35.
- Mucchielli, A. (1991). Les Méthodes qualitatives. Paris, Presses universitaires de France.
- Musteen, M., Datta, D.K. et Butts, M.M. (2014). Do international networks and foreign market knowledge facilitate SME internationalization ? Evidence from the Czech Republic. Entrepreneurship Theory and Practice, 38(4) 749-774.
- Nowiński, W. et Rialp, A. (2013). Drivers and strategies of international new ventures from a central European transition economy. Journal for East European Management Studies, 18(2), 191-231.
- Olejnik, E. et Swoboda, B. (2012). SMEs’ internationalisation patterns : descriptives, dynamics and determinants. International Marketing Review, 29(5), 466-495.
- Oviatt, B.M. et McDougall, P.P. (1994). Toward a theory of international new ventures. Journal of International Business Studies, 25(1), 45-64.
- Oviatt, B.M. et McDougall, P.P. (1995). Global start-up : entrepreneurs on a worldwide stage. Academy of Management Executive, 9(2), 30-43.
- Oviatt, B.M. et McDougall, P.P. (2005). Defining international entrepreneurship and modeling the speed of internationalization. Entrepreneurship Theory and Practice, 29(5), 537-554.
- Pollard, D. et Jemicz, M. (2006). The internationalization of Czech SMEs : some issues relating to marketing knowledge deficiencies. International Journal of Entrepreneurship and Small Business, 3(3-4), 400-416.
- Prashantham, S. et Young, S. (2011). Post-entry speed of international new ventures. Entrepreneurship Theory and Practice, 35(2), 275-292.
- Ramadan, M. et Levratto, N. (2011). Conceptualisation de l’internationalisation des PME. Revue internationale des PME, 4(1), 71-106.
- Rasmussen, E.S. et Madsen, T.K. (2002). The born global concept. Paper for the 28th EIBA Conference. Athènes, Grèce, University of Southern Denmark, 8-10 décembre.
- Rialp, A., Rialp, J. et Knight, G.A. (2005). The phenomenon of early internationalizing firms : what do we know after a decade (1993-2002) of scientific inquiry ? International Business Review, 14(2), 147-166.
- Sanséau, P.-Y. (2005). Les récits de vie comme stratégie d’accès au réel en sciences de gestion : pertinence, positionnement et perspectives d’analyse. Recherches qualitatives, 25(2), 33-57.
- Sasi, V. et Arenius, P. (2008). International new ventures and social networks : advantage or liability ? European Management Journal, 26(6), 400-411.
- Schueffel, P., Rico, B. et Amann, W. (2014). Behavioral patterns in born-again global firms : towards a conceptual framework of the internationalization activities of mature SMEs. The Multinational Business Review, 22(4), 418-441.
- Servantie, V. (2007). Les entreprises à internationalisation rapide et précoce : revue de littérature. Revue de l’Entrepreneuriat, 6(1), 1-22.
- Surply, J. (2006). Gouvernance des transferts de savoirs et de compétences dans la coopération interentreprises « nord-sud » : le cas du Liban (thèse de doctorat en sciences de gestion non publiée). Paris, France, Université Paris-Sud, Faculté Jean-Monnet.
- Taddei, J.C. (2009). Rôles du capital social et des réseaux relationnels au sein d’un territoire économique (thèse de doctorat en sciences de gestion non publiée). Angers, France, Université d’Angers.
- Torkkeli, L., Kuivalainen, O., Saarenketo, S. et Puumalainen, K. (2018). Institutional environment and network competence in successful SME internationalization. International Marketing Review, 36(2), 31-55.
- Tuppura, A., Saarenketo, S., Puumalainen, K., Jantunen, A. et Kylaheiko, K. (2008). Linking knowledge, entry timing and internationalization strategy. International Business Review, 17(4), 473-487.
- Vermeulen, F. et Barkema, H. (2002). Pace, rhythm, and scope : process dependence in building a profitable multinational corporation. Strategic Management Journal, 23(7), 637-654.
- Wacheux, F. (1996). Méthodes qualitatives et recherche en gestion. Paris, Economica.
- Wasserman, S. et Faust, K. (1994). Social network analysis : methods and applications. Revue française de sociologie, 36(4), 781-783.
- Zahra, S.A. et George, G. (2002). Absorptive capacity : a review, reconceptualization and extension. Academy of Management Review, 27(2), 185-203.
- Zahra, S.A., Korri, J.S. et Yu, J. (2005). Cognition and international entrepreneurship : Implications for research on international opportunity recognition and exploitation. International Business Review, 14(2),129-146.
- Zain, M. et Ng, S.I. (2006). The impacts of network relationships on SMEs’ internationalization process. Thunderbird International Business Review, 48(2), 183-205.