Abstracts
Résumé
Compte tenu de l’ampleur de la crise liée à la Covid-19, il est nécessaire que les PME informent leurs clients, fournisseurs et salariés des actions qu’elles entreprennent dans l’objectif de préserver leurs activités et leurs relations d’affaires. Cet article porte sur la communication de crise qui est mise en place par les PME internationalisées dans le contexte de la pandémie. L’étude empirique est fondée sur l’analyse systématique des sites Internet et des réseaux sociaux numériques de quinze PME belges qui réalisent plus de 50 % de leur chiffre d’affaires à l’export. Les résultats montrent que ces entreprises communiquent peu sur les actions menées face à la crise sanitaire. Les PME qui annoncent des mesures spécifiques sont principalement orientées vers la continuité des activités et la sécurité des salariés et plusieurs entreprises mettent en place des mesures innovantes liées à la pandémie. Notre recherche enrichit les connaissances sur la communication de crise des PME internationalisées en mettant en relief leurs comportements différenciés en matière de communication digitale. Elle permet de proposer plusieurs recommandations pour améliorer leur utilisation des sites Internet et des réseaux sociaux numériques en contexte de crise.
Mots-clés:
- Communication de crise,
- PME,
- Export,
- Pandémie,
- Covid-19
Abstract
Given the scale of the Covid-19 crisis, SMEs need to inform their customers, suppliers and employees of the actions they are taking with the aim of preserving their activities and their business relationships. This article focuses on crisis communication that is implemented by internationalized SMEs in the context of the pandemic. The empirical study is based on the systematic analysis of the websites and social networking sites of 15 Belgian SMEs who generate more than 50% of their total sales from exports. The findings show that those companies communicate to a limited extent on actions taken to deal with the health crisis. SMEs who announce specific measures are mainly oriented towards business continuity and employee safety, and several companies are implementing innovative measures related to the pandemic. Our research enriches knowledge on crisis communication of internationalized SMEs by highlighting their differentiated behaviors in terms of digital communication. We propose several recommendations to improve their use of websites and social networking sites in a crisis context.
Keywords:
- Crisis communication,
- SMEs,
- Export,
- Pandemic,
- Covid-19
Resumen
Dada la magnitud de la crisis de Covid-19, es necesario que las PyME informen a sus clientes, proveedores y empleados de las acciones que están realizando con el objetivo de preservar sus actividades y sus relaciones comerciales. Este artículo se centra en la comunicación de crisis que implementan las PyME internacionalizadas en el contexto de la pandemia. El estudio empírico se basa en el análisis sistemático de los sitios web y de las redes sociales digitales de 15 PyME belgas que generan más del 50% de su facturación a partir de las exportaciones. Los resultados muestran que estas empresas comunican poco las acciones tomadas para hacer frente a la crisis sanitaria. Las PyME que anuncian medidas específicas están orientadas principalmente a la continuidad del negocio y la seguridad de los empleados, y varias empresas están implementando medidas innovadoras relacionadas con la pandemia. Nuestra investigación enriquece el conocimiento sobre comunicación de crisis de las PyME internacionalizadas al destacar sus comportamientos diferenciados en la comunicación digital. Permite ofrecer varias recomendaciones para mejorar su uso de sitios web y redes sociales digitales en el contexto de una crisis.
Palabras clave:
- Comunicación de crisis,
- PyME,
- Exportación,
- Pandemia,
- Covid-19
Article body
Introduction
Dans le contexte de la crise sanitaire liée à la Covid-19, la recherche sur la gestion de la pandémie s’est montrée très prolifique au cours de la dernière année, s’intéressant à la nécessité de comprendre les événements et de les maîtriser d’un point de vue organisationnel et humain (Carnevale et Hatak, 2020 ; Aguinis et Burgi-Tian, 2021), d’apprendre avec l’expérience de crise (Arslan, Golgeci, Khan, Al-Tabbaa et Hurmelinna-Laukkanen, 2021) et de mieux la gérer (Boubakary, 2020 ; Fallon, Thiry et Brunet, 2020). Comme pour les travaux antérieurs sur la gestion des crises, l’intérêt majeur porte sur les grands groupes (Cros et Cros, 2015). Les contributions sur les petites et moyennes entreprises (PME)[1] restent rares (Vargo et Seville, 2011). Pourtant, l’actualité récente montre que ces entreprises aux ressources financières et humaines limitées sont particulièrement vulnérables dans un contexte de pandémie.
Face à des crises majeures telles que les désastres naturels, les krachs financiers ou les pandémies, les PME subissent de fortes répercussions en raison de leur dépendance de l’évolution des marchés et du comportement de leurs parties prenantes, notamment de leurs clients, fournisseurs et salariés (Stephens, Malone et Bailey, 2005 ; Vargo et Seville, 2011). À ce propos, Spillan et Hough (2003) soulignent que les PME élaborent rarement des plans de gestion de crise et agissent souvent en fonction d’expériences critiques vécues. La plupart d’entre elles cherchent à élaborer des actions visant à nier la menace ou, au contraire, à la combattre, sans tenir compte de sa singularité (Bryon-Portet, 2011). Nonobstant ces difficultés et les contraintes liées à leurs faibles ressources (Dominguez, Mayrhofer et Obadia, 2020), les PME font cependant preuve d’une réactivité résiliente face aux crises de manière générale (Hong, Huang et Li, 2012).
Concernant la communication en période de crise, la littérature existante s’est focalisée sur le rôle de la communication institutionnelle et des relations publiques dans les grands groupes, malgré l’importance socioéconomique des PME (Moss, Ashford et Shani, 2003). Certains travaux montrent que les PME peuvent intégrer ce type de communication dans leurs activités quotidiennes (Huang-Horowitz, 2015), mais sans s’intéresser plus spécifiquement aux stratégies communicationnelles qu’elles adoptent. Face à ces constats, l’objectif de notre recherche est d’analyser la communication de crise mise en place par les PME dans un contexte de pandémie. Nous avons choisi d’étudier les PME internationalisées (Dominguez et Mayrhofer, 2018), qui sont particulièrement touchées par cette crise économique et sanitaire mondiale (Ratten, 2020). La question de recherche retenue est la suivante : comment les PME internationalisées peuvent-elles communiquer dans le contexte de la pandémie liée à la Covid-19 ? Cette question d’actualité mérite une attention particulière, car la communication joue un rôle essentiel dans la gestion des crises (Coombs, 2015), notamment lors de situations qui peuvent menacer la survie des entreprises (Rossmann, Meyer et Schulz, 2018). En effet, il est nécessaire que les PME informent leurs clients, fournisseurs et salariés des actions qu’elles entreprennent, vu que les contacts physiques sont très limités en raison des restrictions de déplacement. L’absence de communication en période critique est souvent perçue de manière négative (Ogrizek et Guillery, 2000 ; Roux-Dufort, 2003) et elle pourrait mettre en péril leurs relations d’affaires et l’existence même de certaines PME. Les entreprises qui ne communiquent pas avec leurs partenaires sont souvent considérées comme passives face à une crise, ce qui peut nuire à leur réputation auprès de leurs parties prenantes et avoir des répercussions négatives, par exemple la perte possible de clients ou de fournisseurs après la crise et le départ d’employés clés qui ne savent pas si leur avenir est assuré dans l’organisation. Or, les entreprises de petite taille ne disposent pas des mêmes ressources que les grands groupes (Huang-Horowitz, 2015) et il paraît dès lors intéressant de s’interroger sur leur politique de communication. Pour répondre à notre question de recherche, nous avons réalisé une étude empirique auprès de quinze PME belges qui réalisent plus de 50 % de leur chiffre d’affaires à l’export.
Nous allons d’abord expliquer les enjeux liés à la communication de crise et son utilisation par les PME. Ensuite, nous allons examiner la communication mise en place par des PME internationalisées dans un contexte de pandémie. Enfin, nous allons mettre en perspective les résultats obtenus en précisant les enseignements qu’on peut tirer de l’analyse effectuée.
1. Les enjeux de la communication en contexte de crise
Nous allons présenter la communication de crise avant de nous intéresser à la politique de communication des PME et à celle mise en place dans un contexte de pandémie.
1.1. Les crises et les stratégies de communication
Pour comprendre les enjeux liés à la communication de crise, il est nécessaire d’examiner le rôle de la communication dans la gestion des crises et les stratégies qui peuvent être développées par les entreprises dans ce domaine.
1.1.1. Le rôle de la communication dans la gestion des crises
Les crises sont des événements inattendus ou imprévus qui demandent une réponse rapide dans un espace de temps restreint et qui peuvent produire des impacts négatifs sur la performance et l’environnement de l’entreprise (Hermann, 1963 ; Mitroff, Shrivastava et Udwadia, 1987 ; Coombs, 2015). Quelle que soit sa nature (organisationnelle, locale, internationale), une crise évolue à travers différentes phases (Pearson et Mitroff, 1993 ; Buchanan et Denyer, 2013) et se présente comme un processus au sein d’un environnement chaotique (Thiétart et Forgues, 1997 ; Roux-Dufort, 2007).
La perception des individus peut influencer les effets des crises sur les entreprises, notamment ceux liés à leur réputation (Compin, 2016 ; Christensen et Laegreid, 2020). Il est dès lors essentiel que les dirigeants communiquent des informations sur le déroulement des événements et les précautions prises pour faire face aux enjeux et aux risques qui y sont associés (Rossmann, Meyer et Schulz, 2018). Indépendamment de la taille de l’organisation, ces actions de communication permettent d’établir un lien avec les parties prenantes touchées dans l’objectif de renforcer la crédibilité et la légitimité de l’entreprise dans la gestion des événements critiques (Huang-Horowitz, 2015). En outre, d’un point de vue organisationnel, restaurer l’image de l’entreprise et regagner la confiance de ses parties prenantes est crucial pour rétablir le contrôle de l’organisation. Pour répondre à ces besoins, la communication peut traduire la manière dont les organisations réagissent, expliquent et justifient les événements dus à la crise : elle permet également de définir et de communiquer les actions entreprises pour la gérer, en utilisant différents outils de communication afin de « réparer » l’image organisationnelle qui peut être endommagée (Marsen, 2020).
La communication de crise constitue un outil de gestion important qui peut remplir trois fonctions principales : (1) fournir des informations qui visent à protéger l’intégrité physique des individus touchés par des événements critiques, (2) fournir des informations d’ajustement qui aident les individus à faire face à l’incertitude et (3) favoriser l’internalisation de l’information pour préserver la réputation de l’entreprise (Sturges, 1994). Dans certains cas, elle peut permettre de développer un avantage concurrentiel afin que l’entreprise puisse mieux rebondir après cette période (Cros et Cros, 2015).
Afin de remplir ces différents rôles, la communication de crise se concentre sur le développement de stratégies rhétoriques dans le but de réduire les effets négatifs et d’aider les entreprises à reprendre leurs activités quotidiennes avec un minimum de préjudice pour leur réputation (Coombs, Frandsen, Holladay et Johansen, 2010 ; Coombs, 2015). À cet effet, les entreprises adoptent des stratégies de réponse qui se traduisent par les discours et les actions employés par leurs dirigeants selon leur perception des risques économiques et sociaux (Cornia, Dressel et Pfeil, 2016 ; Marsen, 2020).
1.1.2. Les stratégies de communication de crise
Dans le processus de gestion de crise, les parties prenantes peuvent influencer les stratégies mises en oeuvre par l’entreprise pour gérer les événements critiques, notamment d’un point de vue sociopolitique. Par exemple, les valeurs et croyances des clients, fournisseurs et salariés peuvent influencer les décisions (Pearson et Clair, 1998 ; Mitchell, Bradley et Wood, 1997) liées aux stratégies de communication déployées (Stephens, Malone et Bailey, 2005 ; Thiessen et Ingenhoff, 2011). Les entreprises doivent adapter le contenu de leurs messages selon le contexte, car la prise en compte d’éléments culturels, économiques et institutionnels peut déterminer le niveau d’adaptation et d’acceptation d’une réponse à une situation critique (Stephens, Malone et Bailey, 2005). Le processus de communication concerne aussi l’identification préalable des risques, vulnérabilités et opportunités, la connaissance du contexte (social, économique, technologique, entre autres) de la crise et la mise en place d’initiatives visant à minimiser son impact sur la réputation organisationnelle (Cros et Cros, 2015).
La gestion de la réputation s’avère dès lors cruciale dans la mesure où celle-ci peut provoquer de nombreuses réactions négatives au sein de l’entreprise et dans son environnement (Christensen et Laegreid, 2020). Pour y faire face, quatre stratégies de « réparation de la réputation » (Sturge, 1994 ; Coombs, 2015) peuvent être mises en place : (1) le déni qui cherche à rompre tout lien entre l’entreprise et la crise dans le but d’établir l’absence de responsabilité ; (2) la réduction de l’offensive qui consiste à reconnaître qu’une organisation porte une part de responsabilité tout en affirmant qu’elle avait peu de contrôle sur la situation ou qu’elle n’était pas aussi grave ; (3) le renforcement qui vise à ajouter des informations positives, permettant aux dirigeants de rappeler les bonnes conduites passées de l’entreprise ou remercier les personnes ou organisations qui ont aidé à combattre la crise ; (4) le redressement qui comprend des stratégies de réparation conçues pour prioriser les préoccupations des victimes dans le but de leur offrir des indemnisations.
Le processus de communication de crise peut se dérouler en deux phases : dans un premier temps, il s’agit de faire des annonces en mêlant compassion et informations afin d’exposer la situation et son évolution et, dans un second temps, d’adopter un discours plus institutionnel et stratégique dans le but de montrer les efforts de gestion accomplis par l’entreprise (Cros et Cros, 2015). Le tableau 1 est issu d’une revue de la littérature réalisée par Capelli, Legrand et Sabadie (2012) qui permet de mettre en avant les caractéristiques des différentes stratégies de communication, avec une illustration par des comptes rendus. La classification proposée rejoint les travaux menés par Coombs (2015).
La prise en compte du facteur temps et la rapidité de réaction constituent des éléments déterminants d’une crise (Bryon-Portet, 2011). L’utilisation de la communication digitale, qui permet d’accentuer la vitesse de diffusion des informations, est récemment apparue comme une stratégie de communication populaire parmi les entreprises, car elle permet de collecter et de diffuser des informations en temps réel (Olsson, 2014). Même si les médias traditionnels restent des sources d’information importantes pendant les crises (Cheng, 2018), la communication digitale joue également un rôle essentiel (White, Plotnick, Kushma, Hiltz et Turoff, 2009 ; Bryon-Portet, 2011 ; Laufer, 2015 ; Lee, 2020). Les technologies numériques sont peu coûteuses et dès lors plus accessibles aux PME que les médias traditionnels (Dufty, 2012).
1.2. La communication des PME en contexte de crise
Nous allons examiner la communication des PME face aux crises avant de nous intéresser à l’utilisation de la communication digitale dans ce contexte.
1.2.1. La communication des PME face aux crises
Il est souvent difficile pour les PME d’identifier les causes des crises et d’admettre la nécessité de transformation que ces situations exigent. La plupart du temps, ces entreprises ne sont pas en mesure de répondre à la hauteur des enjeux parce qu’elles ne disposent pas d’une expertise dans le domaine, ni du temps ou du recul nécessaires pour trouver une solution (Godener, 2002). Ainsi, les PME doivent être particulièrement créatives et stratégiques dans leurs efforts de communication, car la gestion de l’identité et de la réputation peut être plus difficile et plus urgente pour elles par rapport à des structures de taille plus importante (Huang-Horowitz, 2015).
Face à ce défi, certaines PME choisissent d’affronter les crises de manière coopérative en se regroupant pour bénéficier de moyens partagés et en ayant recours à des tiers pour gérer de façon collaborative les risques auxquels elles sont exposées. Les PME qui collaborent peuvent alors utiliser la communication pour maîtriser la perception subjective des risques inhérents à leurs activités – qu’ils soient d’ordre technique, social, économique, sanitaire ou autres – à travers une posture transparente et empathique de la gestion des médias et des relations publiques (Pellegrin-Romeggio, 2016).
L’utilisation d’une telle communication de crise constitue un élément clé de l’influence que les PME peuvent exercer sur leur environnement (Akdim et Schoch, 2016), car elles ont ainsi la possibilité d’atténuer les dysfonctionnements causés et de favoriser les échanges avec leurs partenaires. En raison de leur manque de ressources, la plupart des PME ne disposent pas d’un service de communication institutionnelle (Pellegrin-Romeggio, 2016) et n’ont pas la possibilité de solliciter des experts sur le sujet (Moss, Ashford et Shani, 2003). Ainsi, la communication de crise est souvent assurée par le dirigeant qui connaît bien les activités de son entreprise et peut ainsi gérer les relations internes et externes. Pour ce faire, les PME peuvent avoir recours à de nombreux outils de communication durant cette période (Bahri Korbi, Saïd et Chouki, 2019) et, dans le contexte actuel de la pandémie, elles privilégient souvent la communication digitale.
1.2.2. La communication digitale des PME en contexte de crise
Les PME ont tendance à privilégier la communication digitale par rapport aux médias traditionnels. Cette forme de communication peut concerner le site Internet de l’entreprise, les envois par courriel, les réseaux sociaux numériques (RSN) ainsi que les liens et encarts commandités (Dufty, 2012). Pour communiquer dans le contexte critique actuel, les PME utilisent souvent leur site Internet et les RSN (notamment Facebook, LinkedIn, Twitter, Instagram et YouTube). Ce choix leur permet de contrôler les messages communiqués qui peuvent être orientés vers les clients de l’entreprise, mais aussi vers les médias, les pouvoirs publics et la société en général (Deprince et Arnone, 2018).
La communication de crise des PME a évolué (Lee, 2020), vu que les sites Internet et RSN sont devenus des outils fortement utilisés pour la recherche d’informations et des faits d’actualité. Les RSN facilitent par ailleurs la mise en contact de différents membres d’un réseau (Cheng, 2018), notamment en contexte critique, car leurs fonctionnalités permettent de diffuser en direct des informations liées à la gestion de la crise (Kulkarni, 2019). À ce propos, Dufty (2012) met en avant le fait que ces outils numériques peuvent être utilisés de différentes manières : (1) développer le capital social (soutien à la communauté), (2) informer la communauté des risques de la crise, (3) s’engager avec la communauté pour essayer de réduire les effets de la crise et (4) fournir des renseignements avant, pendant et après la crise à la communauté.
1.3. La communication de crise dans un contexte de pandémie
Nous allons exposer les bénéfices et les risques liés à la mise en place d’une communication de crise avant d’examiner les enjeux liés à la communication dans le contexte actuel de la pandémie liée à la Covid-19.
1.3.1. Bénéfices et risques liés à la mise en place d’une communication de crise
La mise en place de la communication de crise dépend fortement du contexte auquel doivent faire face les entreprises. En effet, les objectifs fixés, les informations communiquées et les publics ciblés varient selon la situation observée (Bowen, Freidank, Wannow et Cavallone, 2018). Par exemple, dans un contexte de crise industrielle et environnementale, la communication cherche à apporter des réponses aux demandes d’informations et d’actions attendues par les parties prenantes concernées, sans pour autant annoncer publiquement les difficultés et problèmes techniques liés à une telle situation (Tan, Pang et Kang, 2019). À l’inverse, les attaques terroristes nécessitent souvent des réponses politiques auprès du grand public pour préserver la réputation des entreprises, des gouvernements et des pays touchés (Marynissen et Laude, 2020). En ce qui concerne les crises sanitaires, il est nécessaire de mettre en place une communication pour expliquer la maladie et les actions préventives appropriées, tout en évitant la panique (Jones, Waters, Holland, Bevins et Iverson, 2010 ; Christensen et Laegreid, 2020).
Face à ces enjeux, le déploiement d’une communication de crise présente de nombreux bénéfices. L’entreprise peut annoncer les mesures prises pour faire face à la crise de manière à rassurer ses différentes parties prenantes et à préserver ainsi sa réputation (Sturges, 1994 ; McGuire, Cunningham, Reynolds et Matthews-Smith, 2020). Une communication rapide, par exemple sur le site Internet et les RSN, permet de maîtriser les inquiétudes qui peuvent être exprimées par les clients, les fournisseurs et les salariés de l’entreprise (Marsen, 2020). Elle peut ainsi faciliter la continuité des activités (McGuire et al., 2020) vu que les RSN offrent la possibilité aux dirigeants de présenter « un visage plus humain » de la crise en publiant des textes, des images et des vidéos et en développant des relations personnelles avec les suiveurs (Kulkarni, 2019). Cette interactivité permet d’engendrer des discussions et d’identifier les réactions aux actions proposées (Cheng, 2018).
L’adoption d’une communication de crise peut aussi présenter des risques de confusion et d’incompréhension (Yehya et Coombs, 2017), notamment en l’absence d’informations claires, cohérentes et précises de la part des entreprises (Garnett et Kouzmin, 2009 ; Rossmann, Meyer et Schulz, 2018). Le contenu du message et le manque d’empathie avec le public ciblé sont d’ailleurs des aspects très sensibles, car un discours qui n’est pas planifié risque d’être superficiel et de donner lieu à des interprétations erronées qui peuvent être rapidement diffusées à travers les médias (Bland, 1998) et nuire à l’image de l’entreprise (Gilpin, 2010). Dans cette perspective, les RSN présentent un risque particulier dans la mesure où les entreprises disposent de capacités limitées pour contrôler les flux d’informations en temps réel (Gonzalez-Herrero et Smith, 2008 ; Zhao, Zhan et Jie, 2018). Enfin, l’absence ou le manque de communication est souvent perçu comme un signe de faiblesse, pouvant entraîner la perte de confiance de certaines parties prenantes (Ogrizek et Guillery, 2000 ; Roux-Dufort, 2003).
1.3.2. Les enjeux de la communication de crise face à la Covid-19
La communication de crise doit être adaptée au contexte spécifique rencontré (Marsen, 2020) et ceci est particulièrement vrai en cas de pandémie, où des urgences complexes ne peuvent être gérées par une seule organisation, une seule municipalité ou un seul pays (Thielsch, Röseler, Kirsch, Lamers et Hertel, 2021). Les pandémies diffèrent d’autres types de crises par certaines caractéristiques spécifiques : leur durée incertaine, leur étendue géographique et sociétale, leur progression qui s’effectue par différentes vagues, leur nouveauté en tant que menace non maîtrisée, leur impact sur la vie sociale qui nécessite des règles strictes d’hygiène et de distanciation physique et leur cadre juridique et politique qui manque de clarté et qui peut évoluer rapidement (Thielsch et al., 2021).
À la différence de crises précédentes (Garnett et Kouzmin, 2007 ; Holmes, Henrich, Hancock et Lestou, 2009 ; Kim et Liu, 2012), où la télévision et les journaux constituaient les principaux moyens de diffusion des informations (Rossmann, Meyer et Schulz, 2018), la crise sanitaire actuelle se caractérise par le rôle croissant de la communication digitale. Actuellement, les RSN constituent des outils clés d’information (Cheng, 2018 ; Kulkarni, 2019 ; Lee, 2020), mais aussi de désinformation, de rumeurs et d’infox (Boman et Schneider, 2021). En effet, les entreprises peuvent les utiliser pour interagir avec leurs parties prenantes (Bennett et Iyengar, 2008), mais elles doivent aussi être attentives à l’échange de contenus générés par ses utilisateurs (Coombs, 2014). Malgré ces risques, des stratégies de communication en ligne, plus précises, transparentes, cohérentes et dialogiques, sont désormais nécessaires pour s’adapter à un public plus exigeant (Cheng, 2018).
Malgré certains risques, l’utilisation de la communication digitale permet d’influencer positivement les perceptions qu’ont les parties prenantes de l’organisation et de limiter ainsi les réactions négatives liées à une crise (Coombs et Holladay, 2009). Dans le contexte actuel de la pandémie, la communication digitale peut être un moyen pour mettre en avant l’authenticité et les valeurs humaines des dirigeants (Kulkarni, 2019). En même temps, les RSN permettent également aux personnes intéressées de partager des informations et de réagir « publiquement » aux messages annoncés par les entreprises (McGuire et al., 2020).
2. La communication des PME internationalisées en contexte de pandémie
Pour examiner la communication mise en place par les PME, nous avons choisi de nous focaliser sur les PME internationalisées, qui sont particulièrement vulnérables face à la crise sanitaire liée à la Covid-19. En effet, la pandémie constitue un frein important au développement international de leurs activités en raison de nombreuses incertitudes liées à la fermeture des frontières, à l’annulation des salons internationaux et à la chute des commandes venant de clients étrangers (Ratten, 2020). Dans ce qui suit, nous expliquerons la méthodologie de recherche avant d’analyser les principaux résultats obtenus.
2.1. Présentation de la méthodologie
Notre recherche vise à contribuer à une meilleure compréhension d’un phénomène peu étudié et notre démarche est de nature interprétativiste. Nous avons conduit une étude qualitative fondée sur l’examen exhaustif des sites Internet et RSN de PME belges qui réalisent plus de 50 % de leur chiffre d’affaires à l’export. Pour identifier notre échantillon, nous avons utilisé la base de données mise à disposition par l’AWEX (Agence wallonne à l’exportation et aux investissements étrangers), qui recense 1 071 entreprises réalisant plus de 50 % de leur chiffre d’affaires à l’export. Nous avons sélectionné les PME qui emploient entre 50 et 250 salariés, car elles disposent de ressources plus importantes pour communiquer sur leurs activités que les entreprises de plus petite taille. L’analyse des sites Internet des soixante-quatorze PME identifiées montre que seulement quinze d’entre elles ont annoncé des mesures spécifiques concernant la gestion de la pandémie. L’échantillon ainsi constitué compte quinze PME qui opèrent dans les secteurs manufacturiers et de services.
La collecte de données a été réalisée entre décembre 2020 et mars 2021 et s’est appuyée sur une analyse exhaustive du site Internet et des RSN de chaque entreprise afin d’identifier les actions annoncées pour faire face à la pandémie. Ces données secondaires présentent l’avantage d’être facilement accessibles et de pouvoir être collectées dans un espace de temps limité (Baumard et Ibert, 2014). Ensuite, les mesures annoncées par les PME dans le contexte de la pandémie ont fait l’objet d’une analyse de contenu thématique dans l’objectif de comprendre les principales réactions observées. Deux chercheurs ont examiné, de manière indépendante, l’ensemble des informations collectées en vue d’identifier des occurrences dans les mesures annoncées et de les répartir en plusieurs catégories (Blanc, Drucker-Godard et Ehlinger, 2014). La méthode utilisée a permis de traiter les données de manière holistique, en respectant le principe d’objectivité (Ghauri, Gronhaug et Strange, 2020). Ce travail d’analyse, qui a été effectué manuellement, a permis de faire émerger trois types d’annonces.
Le tableau 2 présente la liste des quinze PME de l’échantillon retenu, leur secteur d’activité, leur effectif et leur part du chiffre d’affaires réalisée à l’export. Les entreprises ont été renommées pour respecter le principe de l’anonymat.
2.2. La communication des PME internationalisées durant la pandémie
L’analyse des sites Internet et des RSN des quinze PME internationalisées a permis d’identifier plusieurs types d’annonces face à la pandémie : (1) les annonces de mesures de continuité orientées vers les clients, (2) les annonces de mesures de sécurité orientées vers les salariés et (3) les annonces de mesures innovantes liées à la pandémie. Ces trois catégories ne sont pas mutuellement exclusives et une même entreprise peut communiquer différentes mesures sur son site Internet ainsi que sur ses RSN. Une seule entreprise (PME 1) communique sur la fermeture temporaire de ses activités à la suite des restrictions sanitaires.
Le tableau 3 indique les RSN utilisés par les quinze PME de notre échantillon. Nous pouvons remarquer que LinkedIn est le réseau le plus utilisé (onze entreprises), mais la fréquence des posts publiés n’a pas été modifiée pendant la pandémie. En effet, nous avons comparé la fréquence des posts publiés avant et pendant la crise sur les sites de RSN et nous avons pu constater que la crise n’a pas été un facteur significatif d’augmentation du nombre de publications, à l’exception de Facebook, qui connaît une plus grande fréquence d’utilisation pendant la crise sanitaire (six entreprises). Les entreprises présentes sur YouTube n’ont pas utilisé ce canal pour annoncer des informations pendant la pandémie, à l’exception de la PME 8, qui a partagé une vidéo pour montrer à ses clients les conditions de travail pendant cette crise. Nous pouvons constater que les posts en lien avec la pandémie sont principalement créés sur le réseau Facebook, puis partagés sur d’autres réseaux tels que LinkedIn, Twitter ou Instagram. Les annonces sur ces réseaux concernent les mesures de continuité orientées vers les clients ainsi que les mesures innovantes liées à la pandémie. Seules trois PME, opérant dans des secteurs manufacturiers, ne sont pas présentes sur les RSN (PME 4, PME 10 et PME 13).
2.2.1. Les annonces de mesures de continuité orientées vers les clients
Avec la pandémie, les différents confinements, la distanciation physique et le télétravail, les PME rencontrent plus de difficultés pour atteindre leurs clients et doivent adapter leur politique de communication. Dans ce contexte, notre analyse des sites Internet et RSN des PME étudiées montre que six entreprises se voient obligées de fermer leurs portes au public, mais continuent de travailler à distance : « Nous travaillons de la maison pour des raisons évidentes de sécurité, mais sommes tous toujours à votre disposition. » (PME 9, site Internet) Ces entreprises n’hésitent pas à communiquer des messages assurant la continuité de leurs activités : « Alors qu’une partie de notre personnel est désormais engagée dans le travail à distance, nous disposons de systèmes robustes pour soutenir l’activité et nous continuons d’exploiter la grande majorité de nos sites de fabrication pour livrer en toute sécurité à nos clients. » (PME 13, site Internet) Cette continuité est également mise en avant sur les RSN, comme pour la PME 7 : « Nous avons mis en oeuvre toutes les mesures nécessaires pour assurer, dans le cadre de la crise de la Covid-19, la continuité de nos activités, tant au niveau des membres du personnel que des moyens de production. Nous pouvons ainsi assurer à l’ensemble de nos clients, actuels et futurs, la livraison de leurs commandes et la prise en charge de leurs demandes. » (PME 7, Facebook) À son tour, la PME 8 partage une vidéo sur YouTube expliquant aux clients que l’entreprise fonctionne toujours normalement en respectant de façon stricte les mesures de sécurité imposées.
Deux entreprises rassurent les clients sur le fait que leurs fournisseurs poursuivent leurs activités et qu’elles pourront ainsi assurer le suivi des commandes : « PME 2 peut compter sur ses fournisseurs qui, pour la plupart, ont confirmé que leurs activités se poursuivront. Des allongements des délais de livraison des matières premières sont observés sans impact majeur sur les livraisons pour l’instant. » (PME 2, site Internet) Elles préviennent également leurs clients de quelques soucis techniques qui peuvent perturber leurs commandes : « Pour le moment, la production et les opérations sont en mesure de répondre à la plupart de vos demandes, cependant, en raison de problèmes spécifiques tels que la logistique, de petites perturbations pourraient survenir, comme vous le comprenez certainement dans ces conditions Covid-19 hors de notre contrôle. » (PME 4, site Internet)
Face à la pandémie, plusieurs PME ont dû s’adapter pour survivre. Ainsi, trois entreprises ont choisi de modifier leur offre de produits et services afin de pouvoir répondre à leurs clients. Une entreprise a dû réduire sa gamme de produits : « Afin de garantir la continuité de l’activité, et afin de maximiser sa capacité, PME 2 est contraint de restreindre la gamme de ses produits […]. Dans ce contexte, PME 2 peut vous proposer un produit alternatif. » (PME 2, site Internet) Deux autres entreprises ont élargi leur gamme en proposant des produits très demandés pendant la crise sanitaire tels que des stations de gel hydroalcoolique, des marquages au sol ou autres autocollants et des affiches de prévention.
Dans ces conditions économiques préoccupantes, les clients deviennent plus exigeants, plus inquiets et ont besoin d’être rassurés. La satisfaction de leurs exigences peut représenter un réel défi pour les PME. Les entreprises doivent se montrer préoccupées par leurs demandes : « Chez PME 5, nous nous engageons à soutenir nos clients en ces temps difficiles. Nous travaillons d’arrache-pied pour éviter les perturbations dues au virus Covid-19 et pour le moment, nous exploitons nos installations de fabrication et expédions nos produits sans interruption. Si la situation change en raison de l’impact de la Covid-19, nous serons diligents dans la communication de tout retard résultant dans l’expédition du produit ou l’achèvement du projet de service. » (PME 5, site Internet) Les clients étant le principal actif d’une entreprise, il est nécessaire de les satisfaire au mieux en proposant des services de qualité : « Nous nous engageons à fournir des solutions d’identification et un soutien de qualité supérieure pendant la Covid-19 et au-delà. » (PME 10, site Internet) La PME 12 a choisi de partager sur son réseau LinkedIn le témoignage d’un client satisfait de ses services : « Près d’un an que la Covid-19 a eu un impact sur notre vie privée et professionnelle. PME 12 poursuit ses installations/maintenances à distance afin d’assurer un service de qualité à ses clients et partenaires. Voici un témoignage d’un client satisfait […]. »
La PME 1 a utilisé ses différents RSN non pas pour communiquer des informations, mais pour renvoyer les clients vers le site Internet afin de consulter les mises à jour concernant la fermeture de l’entreprise : « Nouvelles mesures de sécurité donc consultez les updates sur notre site concernant le parc, la location de vélos et de maisons de vacances et le camping. » (PME 1, Facebook et Instagram)
2.2.2. Les annonces de mesures de sécurité orientées vers les salariés
Pour traverser cette crise sanitaire, l’entreprise doit maintenir un niveau de confiance élevé avec ses salariés, quelle que soit leur situation. Dans quatre PME de notre échantillon, les salariés continuent à se rendre sur leur lieu de travail (PME 2, 5, 7 et 8) alors que dans neuf entreprises les salariés sont en télétravail (PME 4, 6, 9, 10, 11, 12, 13, 14 et 15) et, dans deux autres, les salariés sont au chômage technique (PME 1 et 3).
Comme les entreprises cherchent à maintenir un certain niveau d’activité durant la crise, il s’avère essentiel de préserver la santé et la sécurité des salariés. Cinq PME mettent en avant les règles de sécurité préconisées sur leur site Internet : « Nous avons imposé les mesures suivantes : mettre en place des mesures d’hygiène renforcées et une distanciation sociale sur tous nos sites, demander aux collègues de travailler à domicile dans la mesure du possible, arrêter tous les déplacements professionnels non essentiels et rapatrier nos collègues dans leur pays d’origine. » (PME 13, site Internet)
Face aux restrictions sanitaires imposées par le gouvernement en termes de télétravail, une entreprise communique clairement sur l’interdiction d’accéder au bâtiment afin d’assurer la sécurité de ses collaborateurs : « Nous interdisons l’accès au site à tout le personnel non requis pour les opérations et prônons le télétravail pour tous nos employés jusqu’à nouvel ordre. » (PME 12, site Internet)
Les PME doivent également anticiper l’après-crise et informer les salariés qu’ils pourront retourner sur les lieux de travail si la sécurité et les mesures sanitaires sont respectées. Une entreprise communique sur ces éléments sur son site Internet : « Durant cette période troublée, que nous espérons la plus courte possible, PME 12 prépare activement la reprise afin que nous soyons prêts à assurer la meilleure qualité de service possible à notre retour. » (PME 12, site Internet)
Plusieurs PME (par exemple, PME 12 et PME 13) communiquent des messages de soutien à leurs employés sur leur site Internet : « Prenez soin de vous, de votre famille, de vos amis et de vos collègues en essayant de suivre les recommandations qui nous protégeront au maximum de ce virus. Nos pensées vont à ceux qui ont été affectés ou infectés ces dernières semaines. » (PME 12, site Internet)
2.2.3. Les annonces de mesures innovantes liées à la pandémie
Plusieurs PME annoncent des mesures innovantes qui sont liées au contexte de la crise sanitaire. Par exemple, la PME 3, qui a dû fermer ses magasins, a choisi de mettre en place la vente en ligne. Elle soutient aussi une initiative lancée par les brasseurs belges : « Nous invitons les commerçants […] à s’inscrire rapidement sur le site et les clients à acheter des bons pour leurs restaurants et bars préférés ! Ces bons pourront être utilisés dès que les commerces rouvriront. » (PME 3, site Internet) Elle partage les résultats de cette initiative sur les RSN : « Grâce à l’initiative #TraiteurComeback, plus de 500 000 € ont été récoltés pour soutenir le secteur de l’accueil ! » (PME 3, Facebook et Instagram)
D’autres entreprises, comme la PME 14, partagent sur LinkedIn et Twitter des articles pour soutenir la population dans cette période anxiogène : « Récupérer vite et mieux après la Covid-19 », ce qui leur permet de garder un contact avec leur communauté.
Certaines entreprises ont choisi de développer de nouveaux produits et services pendant la pandémie. Par exemple, la PME 6 « se mobilise dans la lutte contre la Covid-19 » (PME 6, site Internet) en développant des stations de gel hydroalcoolique qu’il est possible de personnaliser avec de nombreux coloris. La PME 15 a élaboré des produits spécifiques pour aider ses clients à signaler le respect des nouvelles normes : « Nous pouvons vous aider à mettre votre entreprise rapidement aux normes de la Covid-19 : autocollant, affiche, roll-up. » (PME 15, site Internet) La PME 10 cherche à améliorer les services proposés : « Nous nous engageons à fournir des solutions d’identification et une assistance supérieure pendant la crise de la Covid-19 et au-delà. » (PME 10, site Internet) De même, la PME 11 propose des conseils sur son site Internet pour éviter la contamination par des verres de bière et les partage également sur Facebook, Twitter et LinkedIn.
Plusieurs PME s’engagent dans la lutte contre le virus en utilisant les usines fermées à bon escient, comme la PME 3 qui a publié une photo sur les RSN montrant sa brasserie en train de produire du gel hydroalcoolique avec comme titre : « La brasserie va produire du gel hydroalcoolique pour le personnel soignant » (PME 3, Facebook et Instagram) La PME 7 communique sur LinkedIn pour valoriser les avancées innovantes à la suite de la pandémie : « Grâce à nos recherches, nous fabriquerons rapidement un respirateur simplifié. » (PME 7, LinkedIn)
De son côté, la PME 8 a choisi d’adapter l’organisation de ses activités pour limiter les risques liés à la pandémie et communique sur le label reçu pour la nouvelle organisation : « Nous avons reçu des conseils pour améliorer encore l’efficience de notre prévention. Après une évaluation réussie, en novembre, de l’application correcte de ces mesures de sécurité, nous avons reçu en décembre, le label Covid-19 Safe Zone pour un premier site. » (PME 8, site Internet) Ce label signifie que le management de l’entreprise s’engage à réduire au maximum les risques liés à la Covid-19 et que ces mesures sont contrôlées régulièrement, ce que l’entreprise est fière d’afficher sur plusieurs RSN (LinkedIn, Twitter et Instagram).
3. Les enseignements à tirer en matière de communication de crise des PME
Quel que soit leur taille, leur secteur d’activité ou leur pays d’origine, les PME sont lourdement touchées par la pandémie de Covid-19. L’étude exploratoire réalisée dans le cadre de cette recherche permet de tirer plusieurs enseignements de la communication de crise mise en place par les PME belges.
Étant donné l’importance de la crise économique et sanitaire, il peut paraître surprenant que seulement quinze PME (sur les soixante-quatorze entreprises initialement identifiées) aient choisi de communiquer des informations spécifiques liées à la pandémie sur leur site Internet et que les RSN sont peu utilisés par ces entreprises. S’agit-il d’une stratégie de déni afin de dégager les entreprises de toute responsabilité liée à la crise, comme le suggèrent les travaux de Sturges (1994) et Coombs (2015) ? Cette absence relative de communication digitale peut présenter des risques dans la mesure où les sites Internet et les RSN constituent depuis plusieurs années des vitrines importantes pour les entreprises. On peut ainsi s’interroger si l’absence de communication peut être assimilée à un manque d’actions entreprises par les PME dans le contexte de la crise sanitaire. L’absence de communication, qui peut s’expliquer par les ressources limitées des PME (Mejri et Ramadan, 2016), pourrait être perçue de manière négative par leurs parties prenantes (Ogrizek et Guillery, 2000 ; Roux-Dufort, 2003).
3.1. Les PME privilégient des mesures orientées vers la continuité de l’activité
Les investigations menées dans le cadre de notre recherche révèlent que la plupart des mesures annoncées sur les sites des PME concernent la continuité des activités et sont orientées vers les clients. Compte tenu de la vulnérabilité des PME internationalisées dans un contexte de pandémie, ces entreprises cherchent à communiquer sur la poursuite de leurs activités auprès de leurs clients afin d’atténuer les conséquences négatives de la crise (Capelli, Legrand et Sabadie, 2012).
Les analyses concernant les RSN montrent que la communication à travers ces médias est principalement orientée vers les clients. Comme suggéré par Dufty (2012), les entreprises utilisent ces outils pour soutenir leur communauté et pour réduire les effets de la crise sur leurs affaires. Elles partagent également des renseignements tels que les mises à jour des horaires d’ouverture, des explications sur la production ou l’adaptation de l’activité en période de pandémie. Cheng (2018) précise que les sites Internet, qui sont souvent relativement figés, présentent principalement des informations relatives aux produits et services de l’entreprise tandis que les RSN sont utilisés pour partager des informations de manière instantanée. Les résultats de notre recherche indiquent ainsi que les PME utilisent assez peu fréquemment les RSN pour communiquer sur les mesures prises pendant la crise et que plusieurs plateformes sont peu utilisées.
Notre travail enrichit les connaissances sur la communication digitale des PME en mettant en relief leur faible utilisation des RSN en période de crise, malgré l’importance prise par cette forme de communication ces dernières années. En ce sens, notre recherche contredit les travaux de Cheng (2018) et Kulkarni (2019) qui mettent en relief un recours plus important aux RSN dans la communication de crise. Les PME internationalisées semblent ainsi afficher un comportement différent en matière d’utilisation des RSN, du moins dans un contexte de pandémie.
3.2. Les PME accordent une attention particulière à la sécurité de leurs salariés
Nos investigations montrent que les PME étudiées accordent une attention particulière à la sécurité de leurs salariés en prenant des mesures pour les protéger. Cette stratégie de communication s’inscrit dans une perspective de reconstruction qui consiste à mettre en place des actions pour limiter les risques de contamination (Capelli, Legrand et Sabadie, 2012). Dans cette perspective, on peut rappeler que les PME arrivent souvent à mieux fidéliser leurs salariés que les grands groupes, même si elles affichent des difficultés pour attirer les meilleurs talents (Gessler, 2019). Les actions entreprises pourraient ainsi contribuer à renforcer l’attractivité des PME comme employeurs.
Nos résultats montrent que les mesures de sécurité orientées vers les salariés sont uniquement annoncées sur le site Internet des entreprises étudiées. Ce choix peut paraître surprenant dans la mesure où les RSN peuvent aussi être un moyen pour valoriser les valeurs humaines de l’entreprise, par exemple sous forme d’images et de vidéos (Kulkarni, 2019). Il s’agit d’une contribution originale de notre recherche, qui montre que les PME internationalisées affichent des comportements inattendus en matière de communication de crise et ont tendance à négliger les RSN au profit de leur site Internet. Ce choix pourrait être lié aux faibles moyens dédiés à la communication digitale (Pellegrin-Romeggio, 2016), mais aussi à un manque d’expertise dans la gestion des RSN (Moss, Ashford et Shani, 2003). En effet, dans les entreprises de petite taille, la communication de crise est souvent assurée par le dirigeant, qui peut manquer de temps pour préparer des posts et pour répondre aux réactions des membres des différents RSN utilisés. En contexte de pandémie, les dirigeants de PME semblent privilégier la gestion des urgences opérationnelles afin d’assurer la survie de leur entreprise par rapport à l’élaboration et la mise en oeuvre d’une stratégie de communication.
3.3. La pandémie, une opportunité pour certaines PME ?
Plusieurs PME semblent saisir de nouvelles opportunités durant la crise sanitaire en développant de nouveaux produits ou services et en mettant en valeur les actions entreprises. Ce type de communication peut être assimilé à une stratégie de renforcement – au sens de Sturges (1994) et Coombs (2015) – qui vise à mettre en avant des informations positives sur la gestion de crise, permettant aux dirigeants de rappeler les bonnes conduites de l’entreprise. Ces mesures innovantes pourraient permettre aux PME concernées de maintenir, voire de renforcer, leurs activités malgré un contexte économique difficile. Elles devraient contribuer à améliorer leur image et leur réputation (Compin, 2016), qui constituent des actifs essentiels dans le contexte actuel marqué par une crise exogène et mondiale et sur laquelle l’entreprise n’a aucune responsabilité. On peut remarquer que les PME qui annoncent des mesures innovantes liées à la pandémie ont tendance à utiliser conjointement leur site Internet et les RSN. Ces entreprises semblent engagées dans une communication digitale visant à influencer positivement les perceptions de leurs parties prenantes (Coombs et Holladay, 2009) et peuvent ainsi réagir « publiquement » aux messages positifs annoncés par les PME (McGuire et al., 2020).
Conclusion
Cette recherche s’intéresse à la communication de crise mise en place par les PME, qui est peu étudiée dans la littérature académique et qui constitue un sujet d’actualité dans un contexte de pandémie. Nos investigations portent sur les PME internationalisées, qui sont très vulnérables dans cette crise économique et sanitaire mondiale. L’analyse systématique des sites Internet et des RSN de quinze PME belges, qui réalisent plus de 50 % de leur chiffre d’affaires à l’export, révèle que les stratégies de communication de crise sont variées. Ces PME communiquent principalement sur la continuité de leurs activités et la sécurité de leurs salariés et plusieurs d’entre elles annoncent des actions d’innovation liées à la pandémie.
Les résultats de notre recherche permettent de formuler plusieurs recommandations à destination des PME qui souhaitent améliorer leur communication de crise. Compte tenu de l’importance prise par la communication digitale, il serait souhaitable d’actualiser régulièrement les informations sur le site Internet de l’entreprise et les RSN. Les annonces de mesures de continuité orientées vers les clients et de mesures de sécurité orientées vers les salariés sont particulièrement utiles pour les PME exportatrices qui ont moins d’occasions d’interagir avec leurs clients internationaux en raison des restrictions de mobilité qui caractérisent la période actuelle. Les PME devraient annoncer de manière plus systématique les mesures prises pendant la crise afin de rassurer leurs parties prenantes. En effet, l’absence de communication peut être perçue de manière négative et détériorer l’image et la réputation de l’entreprise (Ogrizek et Guillery, 2000 ; Roux-Dufort, 2003). Les RSN constituent des outils clés d’information durant cette crise sanitaire inédite (Cheng, 2018 ; Kulkarni, 2019 ; Lee, 2020) et les PME pourraient les utiliser davantage pour communiquer et échanger des informations (Bennett et Iyengar, 2008). Elles pourraient également enrichir les contenus des messages publiés dans l’objectif de mettre en exergue leurs valeurs humaines. Étant donné l’ampleur de la pandémie, on peut cependant remarquer que les parties prenantes affichent sans doute un certain niveau de tolérance qui est susceptible d’atténuer les effets négatifs liés à la faible communication des PME durant cette crise mondiale inédite.
Notre recherche présente plusieurs limites qui peuvent constituer des pistes de recherche intéressantes. De nature exploratoire, nos investigations se focalisent sur l’utilisation des sites Internet et des RSN par les PME durant une période assez courte et elles n’ont pas permis de prendre en considération l’évolution des comportements et la fréquence de mise à jour des informations dans le temps, aussi pour les entreprises ayant fait le choix de ne pas communiquer au départ. Par ailleurs, en raison du recours à des données secondaires, nous n’avons pas pu évaluer le degré d’expertise et les ressources disponibles chez les PME étudiées pour structurer leur politique de communication. Des recherches futures devraient également considérer d’autres outils de communication tels que les envois par courriel qui permettent d’interagir de manière plus ciblée avec les clients, les fournisseurs et les salariés durant une période de crise. L’étude empirique menée porte sur les PME internationalisées et il conviendrait de comparer leur communication de crise à celle des PME opérant dans un cadre national ou régional. Enfin, il paraît nécessaire d’élargir l’étude à d’autres pays afin de déterminer s’il existe des spécificités en matière de communication qui pourraient être liées au contexte culturel, économique et institutionnel belge.
Appendices
Notes biographiques
Élodie Deprince est enseignante-chercheure dans le département marketing et communication à l’Université de Mons. Affiliée au centre de recherches humanOrg, ses recherches portent sur l’utilisation des réseaux sociaux numériques dans le processus d’internationalisation des petites et moyennes entreprises.
Ulrike Mayrhofer est professeure des universités à l’IAE Nice et directrice du laboratoire GRM (groupe de recherche en management), Université Côte d’Azur. Ses recherches portent sur les stratégies d’internationalisation des entreprises.
Aline Pereira Pündrich est enseignante-chercheure à l’EM Strasbourg Business School. Elle est responsable du master MAE cycle étudiants et membre du laboratoire HuManiS. Sa recherche porte sur la gestion et la communication de crise, la RSE et le développement durable.
Note
-
[1]
Entreprises employant moins de 250 personnes et dont le chiffre d’affaires n’excède pas 50 millions d’euros.
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