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Introduction

Au cours des quinze dernières années, la recherche sur les écosystèmes suscite un intérêt croissant de la part des chercheurs, des décideurs politiques et des praticiens, mais celle-ci nécessite des études scientifiques supplémentaires (Cao et Shi, 2021 ; Fernandes et Ferreira, 2021 ; Jacobides, Cennamo et Gawer, 2018). Malgré son intérêt croissant et la multitude d’orientations proposées pour l’étudier, ce concept demeure sous-théorisé et critiqué (Acs, Stam, Audretsch et O’Connor, 2017 ; Spigel, 2017 ; Spigel et Harrison, 2018). Les principaux enjeux portent sur l’efficacité de l’écosystème, le manque de visibilité des acteurs et le manque de cohérence entre les dispositifs d’accompagnement (Cour des comptes, 2012 ; Theodoraki, Messeghem et Audretsch, 2020). Pour répondre à ces enjeux, plusieurs travaux s’intéressent à l’importance de la création d’écosystèmes entrepreneuriaux efficaces et durables (Cohen, 2006 ; Theodoraki, Messeghem et Rice, 2018). Il est pour cela nécessaire de comprendre la configuration, la structure et les interactions complexes de l’écosystème en s’intéressant aux rôles de certains de ses acteurs. Parmi les acteurs pivots, les universités jouent un rôle majeur de création et de transfert des connaissances et sont souvent considérées comme un moteur essentiel du développement économique (Bedő, Erdős et Pittaway, 2020 ; Hayter, Nelson, Zayed et O’Connor, 2018 ; Prokop, 2021).

Alors que la modélisation de l’écosystème entrepreneurial proposé par Isenberg (2011) suggère une représentation restreinte des institutions académiques en tant que composants de l’écosystème dans la dimension « capital humain », d’autres travaux soulignent l’importance de l’observation de l’écosystème dans le contexte universitaire (Regele et Neck, 2012 ; Rice, Fetters et Greene, 2014 ; Theodoraki, Messeghem et Rice, 2018). L’objectif des universités ne se limite en effet pas à la gestion des programmes éducatifs et à la mise à disposition d’une main-d’oeuvre qualifiée aux entreprises. Il comprend également l’accompagnement à la création de nouvelles entreprises et le développement d’un esprit entrepreneurial grâce aux compétences écosystémiques qui sont nécessaires à la construction d’une société entrepreneuriale (Audretsch, 2014 ; Loilier et Malherbe, 2012 ; Fetters, Greene et Rice, 2010).

En parallèle de leur contribution à l’écosystème entrepreneurial régional, les universités élaborent un sous- écosystème complexe de relations entre divers acteurs internes (étudiants, professeurs, chercheurs, administratifs, incubateurs académiques) et externes (politiques publiques, acteurs du développement économique, alumni, experts de divers domaines) (Regele et Neck, 2012 ; Delanoë-Gueguen et Theodoraki, 2021). Cette lecture du rôle des universités dépasse la modélisation d’Isenberg (2011) et met en évidence une approche systémique des universités. Cette approche s’inspire du modèle de N-Hélices qui décrit la création des passerelles entre l’université, l’industrie, le gouvernement et les utilisateurs finaux (Carayannis, Grigoroudis, Campbell, Meissner et Stamati, 2018). En parallèle, la littérature souligne à la fois le caractère polymorphique de l’écosystème entrepreneurial, la multitude de niveaux d’analyses et la présence de sous-écosystèmes au sein de l’écosystème entrepreneurial (Theodoraki et Messeghem, 2017 ; Toutain, Mueller et Bornard, 2019), qui sont imbriqués (« nested ») entre les réglementations nationales et territoriales (Audretsch, Belitski et Desai, 2019). Ainsi, l’écosystème entrepreneurial académique (EEA) est défini comme un sous-ensemble d’acteurs et d’institutions interconnectés qui partagent le même objectif d’accompagnement entrepreneurial au sein d’une communauté géographique locale et qui sont associés formellement ou informellement à une université (Theodoraki, Messeghem et Rice, 2018). L’objectif commun de l’ensemble des acteurs de l’EEA est de créer un environnement favorable à l’entrepreneuriat renforçant à la fois l’esprit d’entreprise, les compétences et les systèmes d’accompagnement qui contribuent, ensemble, à l’augmentation des avantages économiques et sociaux (Fetters, Greene et Rice, 2010 ; Loilier et Malherbe, 2012 ; Rice, Fetters et Greene, 2014).

Dans cet écosystème, les incubateurs académiques jouent ainsi un rôle important (Prokop, 2021). Plusieurs recherches affirment que les incubateurs occupent une place centrale dans l’EAE (Goswami, Mitchell et Bhagavatula, 2018 ; Guerrero, Urbano, Cunningham et Organ, 2014 ; Shankar et Shepherd, 2019) en créant un pont entre les entreprises accompagnées et l’environnement extérieur (Bergek et Norrman, 2008). Concrètement, leur objectif est de concevoir un environnement optimal et favorable à la création et au développement de nouvelles entreprises durant les premières étapes de leur vie (Aernoudt, 2004 ; Bergek et Norrman, 2008). Au sein de l’EAE, les incubateurs agissent en tant que coordinateurs pour promouvoir les intérêts des entrepreneurs académiques, supprimer les obstacles à leur réussite et les mettre en relation avec des dispositifs d’accompagnement entrepreneurial, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur de l’université (Hayter et al., 2018). Toutefois, les structures d’accompagnement ont des objectifs différents liés à leur positionnement stratégique et à leur efficacité inégale (Aernoudt, 2004). Par ailleurs, la littérature souligne que, dans certaines conditions, ces objectifs peuvent être conflictuels avec ceux des projets accompagnés ou des autres parties prenantes (Alsos, Hytti et Ljunggren, 2011 ; Jacquemin et Lesage, 2018). En parallèle, l’important financement public consacré aux structures d’accompagnement accroît les préoccupations concernant l’efficacité de ces structures (Bergek et Norrman, 2008 ; Cour des comptes, 2012). Par conséquent, elles doivent trouver un équilibre entre la recherche d’opportunités et la recherche d’avantages compétitifs (Shankar et Shepherd, 2019). Dans ce contexte, un nouveau champ de recherche a été situé sur le positionnement stratégique des incubateurs (Theodoraki, 2020). Ce champ s’est principalement concentré sur des stratégies individuelles de spécialisation, de diversification et de différenciation (Schwartz et Hornych, 2008, 2012 ; Vanderstraeten et Matthyssens, 2012). L’extension de ce champ appelle à l’exploration des stratégies hybrides telles que la coopération et la compétition, aussi connues sous le néologisme de coopétition (Dagnino, Le Roy et Yami, 2007 ; Yami, Castaldo, Dagnino et Le Roy, 2010). Afin de créer une stratégie écosystémique cohérente, la recherche actuelle propose d’explorer la dynamique stratégique et l’interdépendance des acteurs en privilégiant les stratégies individuelles et collectives (Theodoraki, 2020). Ainsi, la réussite de l’écosystème exige un équilibre entre la compétition et la coopération pour maintenir l’amélioration de la création de valeur (Hannah et Eisenhardt, 2018) et une cohérence des stratégies individuelles de différents acteurs (Adner, 2017). Malgré ces travaux prometteurs, la littérature naissante fournit au mieux une connaissance limitée sur la modélisation de la manière d’élaborer une stratégie écosystémique efficace, adaptée aux spécificités de la structure d’accompagnement et de l’écosystème dans lequel elle évolue.

Au croisement de ces discussions scientifiques, le gap théorique identifié a permis de formuler la question de recherche suivante : quels sont les déterminants de l’élaboration d’une stratégie écosystémique efficace au sein de l’écosystème entrepreneurial académique ? Pour répondre à cette question, une méthodologie qualitative exploratoire sur la base de 40 entretiens semi-directifs avec les principaux acteurs de l’EAE a été employée. Les incubateurs académiques offrent une perspective unique et multiniveaux pour explorer l’alignement stratégique en considérant leurs relations avec les autres acteurs de l’écosystème. Le contexte français est particulièrement adapté pour explorer les spécificités des EEA grâce aux incubateurs académiques (Attour et Lazaric, 2020 ; Bories-Azeau, Fort, Noguera et Peyroux, 2019 ; Theodoraki, Messeghem et Rice, 2018). Afin de renforcer cet écosystème, le ministère de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation (MESRI) a soutenu la création de vingt et un incubateurs académiques avec la loi Allègre de juillet 1999 (Pupion, 2012). Grâce au soutien du ministère, les incubateurs académiques se différencient des autres structures d’accompagnement (développement économique, technologique, social, privé, etc.) en bénéficiant d’un avantage compétitif, même si l’évolution des facteurs environnementaux et l’apparition de nouveaux acteurs, tels que les SATT[2] ou les PÉPITE[3], remettent en question leur place au sein de l’EAE. Grâce à cette analyse, l’étude offre un protocole d’élaboration d’une stratégie écosystémique en cinq étapes allant de l’identification du positionnement stratégique jusqu’au suivi et au contrôle.

L’article est organisé de la manière suivante. La section 1 permet de structurer le cadre théorique sur l’EAE et le rôle des incubateurs académiques. La section 2 illustre le cadre méthodologique de l’étude qualitative employée. La section 3 permet de présenter, interpréter et discuter les résultats de l’étude. Enfin, la section 4 synthétise et conclut cette étude en présentant les contributions théoriques et managériales, les implications et limites de la recherche ainsi que les perspectives de recherche futures.

1. Écosystème entrepreneurial académique : une lecture stratégique

Cette section permettra de présenter le concept de l’EAE, ses origines et ses fondements, l’analyse de sa perspective stratégique et ainsi d’élaborer une stratégie écosystémique cohérente.

1.1. Les fondements de l’écosystème entrepreneurial académique

Le concept d’écosystème a été historiquement introduit en science de gestion par Moore (1993) en utilisant l’approche biologique pour expliquer l’écosystème d’affaires par les relations stratégiques hybrides et les interconnexions complexes d’acteurs qui partagent le même destin (Gueguen et Torrès, 2004 ; Loilier et Malherbe, 2012). En s’inspirant de ces travaux, l’écosystème entrepreneurial est apparu dans le domaine de l’entrepreneuriat dans des conversations académiques et politiques en tant que métaphore (Isenberg, 2016 ; Mason et Brown, 2014). Ce concept reflète la nature dynamique et complexe de l’interaction des acteurs qui s’efforcent d’élaborer des stratégies efficaces dans le contexte entrepreneurial (Adner, 2017 ; Goswami, Mitchell et Bhagavatula, 2018). Isenberg (2011) a proposé une modélisation structurelle de l’écosystème entrepreneurial en englobant six domaines (politique, finance, culture, soutien, capital humain et marché) qui contiennent douze éléments tels que les histoires de succès (success stories), les anges financiers (business angels), l’infrastructure, les incubateurs, l’éducation, etc. (Cloutier, Cueille et Recasens, 2014). Ce premier modèle est considéré comme normatif et descriptif, car il énumère les éléments de l’écosystème sans pour autant examiner le rôle de chaque acteur dans la constitution d’un écosystème durable. Pour affiner cette modélisation, une décomposition en sous-écosystèmes permet de préciser les dynamiques stratégiques au sein de l’écosystème en s’intéressant aux rôles de certains acteurs de celui-ci (Theodoraki et Messeghem, 2017). Parmi les acteurs pivots, les universités jouent un rôle majeur de création et de transfert des connaissances et sont souvent considérées comme un moteur essentiel du développement économique (Bedő, Erdős et Pittaway, 2020 ; Hayter et al., 2018 ; Prokop, 2021).

La littérature sur l’entrepreneuriat académique a souligné l’importance du contexte universitaire sur l’activité entrepreneuriale à travers des facteurs formels curriculaires et extracurriculaires (programmes éducatifs, cours en entrepreneuriat, dispositifs d’accompagnement) et des facteurs informels culturels (esprit entrepreneurial, environnement favorable et propice à l’entrepreneuriat et à l’innovation) liés aux trois missions des universités : l’enseignement, la recherche et les activités entrepreneuriales (Guerrero et Urbano, 2012 ; Guerrero, Urbano, Cunningham et Gajón, 2018). Ces activités transversales associent une diversité des parties prenantes internes et externes à l’université, formant ainsi un système complexe de relations qui constituent l’EAE (Hayter et al., 2018). Selon Theodoraki, Messeghem et Rice (2018), l’EAE est composé de trois catégories d’attributs interconnectés : les éléments structuraux (liens, configuration, stabilité), les éléments cognitifs (objectifs et langages communs, récits partagés) et les éléments relationnels (relations de confiance, normes, obligations, identification des membres).

Plus précisément, les institutions académiques mettent en place ou s’associent étroitement avec des incubateurs académiques afin de remplir leur troisième mission autour des activités entrepreneuriales et d’agir en tant que moteurs du développement socioéconomique (Bories-Azeau et al., 2019 ; Guerrero et al., 2014 ; Prokop, 2021). Dans ce contexte, les incubateurs académiques jouent un rôle important à double finalité : i) contribuer à l’exploration, l’évaluation, l’exploitation et la transformation des idées entrepreneuriales en projets structurés d’entreprises en développant un climat favorable à l’entrepreneuriat et l’innovation, ii) créer un pont entre les projets d’entreprises et l’environnement externe à l’université (Bergek et Norrman, 2008 ; Theodoraki, Messeghem et Rice, 2018).

L’EAE est un environnement dynamique et complexe dans lequel un grand volume d’informations et de connaissances doit être maîtrisé en incitant les acteurs à l’élaboration d’une stratégie écosystémique idéale (Adner, 2017 ; Vanderstraeten et Matthyssens, 2012). En outre, la complémentarité et l’interdépendance entre les acteurs incitent à l’adoption d’une stratégie de coopétition évolutive (Bonel et Rocco, 2007 ; Theodoraki et Messeghem, 2015). Ces facteurs seront impactés par les spécificités de l’écosystème dans lequel la structure d’accompagnement évolue (par exemple les nombreux doublons d’accompagnement) et par les spécificités organisationnelles de la structure d’accompagnement (ressources et capacités à sa disposition).

Ainsi, l’efficacité de l’écosystème dépend de l’optimisation des connexions entre une variété d’acteurs et de réseaux hétérogènes (Theodoraki, Messeghem et Audretsch, 2020). Toutefois, cette hétérogénéité accroît la complexité de l’écosystème, notamment en raison de la diversité des structures d’accompagnement (Nicholls-Nixon et Valliere, 2020). Le rapport de la Cour des comptes (2012) souligne le manque d’une stratégie d’ensemble dans l’écosystème entrepreneurial ainsi que la complexité de la coordination et de l’optimisation des ressources. Pour répondre à ces enjeux, il est nécessaire d’adopter une stratégie écosystémique adaptée aux spécificités organisationnelles et environnementales de chaque structure d’accompagnement. L’exploration de la stratégie écosystémique vise par exemple à relier les caractéristiques organisationnelles internes et externes afin d’identifier les stratégies idéales pour chaque acteur (Theodoraki, 2020 ; Vanderstraeten et Matthyssens, 2012). De façon complémentaire, la littérature sur le management stratégique souligne que l’efficacité de la mise en oeuvre stratégique dépend de la capacité de l’organisation à aligner ses caractéristiques internes avec celles de l’écosystème dans lequel elle évolue (Gupta et Govindarajan, 1984) et de trouver un équilibre entre les dynamiques de coopération et de compétition (Hannah et Eisenhardt, 2018 ; Theodoraki et Messeghem, 2015).

1.2. Les stratégies écosystémiques des incubateurs académiques

Au sein de l’EAE, les incubateurs académiques jouent un rôle majeur (Prokop, 2021). Pour mettre en évidence les stratégiques écosystémiques des incubateurs académiques, cette recherche s’inspire de la théorie de l’alignement stratégique (Theodoraki, 2020). L’alignement interne est expliqué en termes de stratégies distinctes de spécialisation et de diversification, tandis que l’alignement externe est discuté en termes de stratégies de coopétition. La littérature a distingué les structures d’accompagnement en deux catégories en fonction de leurs objectifs stratégiques : celles spécialisées et celles diversifiées (Schwartz et Hornych, 2008, 2012 ; Vanderstraeten et Matthyssens, 2012). Chacune de ces stratégies dénombre des avantages : certains auteurs considèrent que la stratégie de spécialisation est privilégiée pour gagner des avantages compétitifs, sans pour autant le prouver empiriquement (Klofsten, Lundmark, Wennberg et Bank, 2020 ; Schwartz et Hornych, 2008). D’autres suggèrent que les stratégies de spécialisation et de diversification offrent des avantages compétitifs en s’alignant sur les caractéristiques organisationnelles et les services proposés (Vanderstraeten et Matthyssens, 2012).

Plus précisément, la stratégie de spécialisation se concentre sur un secteur spécifique dans le but d’offrir des services et des connaissances spécialisés qui amélioreront la satisfaction des entreprises accompagnées. Cette stratégie améliore les performances des entreprises opérant dans un environnement concurrentiel et augmente la valeur de service perçue par les entreprises accompagnées (Schwartz et Hornych, 2008). Par ailleurs, les services spécialisés axés sur une industrie ou une technologie ne peuvent pas être facilement reproduits par d’autres acteurs de l’écosystème, ce qui permet le maintien de l’avantage compétitif. En revanche, les incubateurs spécialisés sélectionnent uniquement des entreprises du secteur concerné, ce qui provoque parfois la création d’une atmosphère de travail négative, la mise en place de barrières entre les entreprises accompagnées et l’intensification de la méfiance sur le partage des informations (Schwartz et Hornych, 2008).

La stratégie de diversification élargit la portée stratégique dans tous les secteurs industriels. Elle peut également créer un avantage compétitif en suscitant la mise en place de services opérationnels et d’études spécifiques axées sur le marketing et l’internationalisation à destination des entreprises accompagnées, lesquelles sont issues d’une grande variété de secteurs industriels. Toutefois, cette expansion peut mettre l’incubateur en concurrence avec d’autres acteurs de l’écosystème ou avec des partenaires qui peuvent éventuellement devenir des concurrents (Vanderstraeten et Matthyssens, 2012). Afin de combler ces inconvénients, certains travaux soutiennent l’importance de la coexistence d’une diversité d’acteurs au sein d’un écosystème comme facteur clé de la création de valeur et de bénéfices collectifs (Jacobides, Cennamo et Gawer, 2018 ; Theodoraki, 2020).

L’alignement stratégique interne met en évidence le positionnement de spécialisation ou de diversification de l’acteur, son organisation et les services proposés. Bien que nécessaire, il n’est pas suffisant pour élaborer une stratégie écosystémique efficace. Les recherches récentes soulignent l’importance du développement d’une stratégie de coopétition entre les acteurs de l’écosystème (Theodoraki, 2020 ; Theodoraki, Messeghem et Audretsch, 2020). La stratégie de coopétition entre les acteurs de l’écosystème est plus bénéfique que les stratégies de coopération ou de compétition appliquées séparément, car les avantages des deux peuvent être récoltés simultanément (Bengtsson et Kock, 1999). Cette stratégie est définie comme un phénomène complexe impliquant des relations interorganisationnelles entre des acteurs multiples et hétérogènes, formant ainsi un système d’interactions basé sur des intérêts et des objectifs parfois divergents ou conflictuels (Dagnino, Le Roy et Yami, 2007 ; Jacquemin et Lesage, 2018).

Au sein de l’EAE, la stratégie de coopétition se manifeste de deux manières. Premièrement, les incubateurs académiques favorisent les liens collaboratifs avec différents acteurs et réseaux au sein de l’université et de la communauté (Prokop, 2021). Ces liens collaboratifs incluent les politiques publiques qui sont souvent les financeurs des structures d’accompagnement ; les institutions éducatives et scientifiques qui agissent en tant qu’acteur pivot de l’écosystème ou en tant que complémentaires et fournisseurs des ressources ; les étudiants-entrepreneurs accompagnés en tant qu’utilisateurs ; les bureaux de transfert de technologie et les autres structures d’accompagnement qui, selon leurs caractéristiques, peuvent être perçus en tant qu’acteurs complémentaires ou concurrents. À cette complexité s’ajoutent les liens compétitifs avec de nouveaux entrants, tels que les accélérateurs (Bories-Azeau et al., 2019 ; Theodoraki, 2020). Deuxièmement, les incubateurs académiques peuvent adopter une stratégie de coopétition basée sur certaines activités en distinguant celles en compétition pour l’accès au financement public et celles en coopération pour l’accès aux compétences complémentaires (Theodoraki, 2020). Cette étude exploratoire permettra d’approfondir la complexité de la dynamique stratégique de coopétition en section 3.

1.3. L’élaboration d’une stratégie écosystémique

Dans cette recherche, l’élaboration d’une stratégie efficace est examinée sous l’angle d’un processus d’alignement stratégique. La littérature identifie trois perspectives d’alignement : la formulation, la mise en oeuvre et l’intégration (Heijltjes et van Witteloostuijn, 2003 ; Vanderstraeten et Matthyssens, 2012).

La formulation correspond à l’adéquation entre l’environnement et la stratégie de l’organisation. Dans cette école de pensée s’inscrivent les travaux de Porter (1991) sur l’identification de la structure du marché grâce aux cinq forces concurrentielles[4]. Cette perspective s’inscrit dans l’alignement externe et décrit la nécessité de formuler une stratégie adéquate par rapport aux spécificités et besoins du marché ou de l’environnement dans lequel l’acteur évolue (Amezcua, Grimes, Bradley et Wiklund, 2013 ; Gupta et Govindarajan, 1984 ; Theodoraki, 2020). L’analyse externe vise à examiner l’interaction entre la stratégie et les facteurs qui composent le contexte institutionnel de l’incubateur (Vanderstraeten et Matthyssens, 2012).

La mise en oeuvre correspond à l’adéquation entre les éléments structuraux de l’organisation et de sa stratégie. Cette adéquation se concentre sur l’alignement interne, notamment sur la cohérence des ressources stratégiques dont dispose l’organisation par rapport à sa stratégie, afin d’obtenir un avantage concurrentiel. Cette perspective examine la relation entre les caractéristiques internes de l’organisation et sa stratégie. Cette approche est fondée sur les ressources organisationnelles valorisables, rares, inimitables et non substituables (VRIN) qui permettent d’obtenir un avantage compétitif (Barney, 1991). Selon Vanderstraeten, van Witteloostuijn et Matthyssens (2020), ces ressources sont incarnées par les services proposés par les incubateurs afin d’accélérer l’apprentissage, l’accès aux réseaux et la légitimité des projets accompagnés. Dans le contexte des incubateurs, la mise en oeuvre correspond aux services proposés aux projets accompagnés, au processus et à la stratégie d’incubation (la stratégie de sélection, la coopération et/ou compétition au sein de l’incubateur, la culture au sein de l’organisation, etc.) (Hackett et Dilts, 2008 ; Grimaldi et Grandi, 2005 ; Theodoraki et Messeghem, 2015).

L’intégration combine les perspectives de formulation et de mise en oeuvre sous un angle dynamique. Plus précisément, cette perspective correspond à l’alignement entre la stratégie, la structure et l’environnement de l’organisation. Elle permet de considérer de manière holistique les aspects environnementaux et structurels dans le processus d’élaboration stratégique (Vanderstraeten et Matthyssens, 2012 ; Theodoraki, 2020). Cette approche reconnaît l’alignement stratégique en tant que processus dynamique (Beer, Voelpel, Leibold et Tekie, 2005).

En alignement avec la revue de littérature, la thèse défendue dans cette recherche soutient la combinaison des stratégies afin d’élaborer une stratégie écosystémique durable et efficace (Figure 1). Cette thèse est cohérente avec le processus dynamique d’élaboration stratégique (Porter, 1991 ; Beer et al., 2005). Dans le but de mieux comprendre les mécanismes internes et externes de l’élaboration d’une stratégie écosystémique efficace, la section suivante présentera la méthodologie qualitative exploratoire employée pour étudier le cas des incubateurs académiques.

Figure 1

Cadre conceptuel de la revue de littérature

Cadre conceptuel de la revue de littérature
Source : l’auteur.

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2. Méthodologie

Cette section permettra de présenter le design de recherche qualitative exploratoire employé dans le cas des incubateurs académiques et de détailler la collecte et l’analyse des données.

2.1. Le design et protocole de recherche : le cas des incubateurs académiques

Cette recherche s’appuie sur une étude qualitative exploratoire composée de 40 entretiens semi-directifs avec les acteurs majeurs de l’EAE au sud de la France. Le périmètre de recherche a été principalement concentré sur Montpellier et étendu à ses alentours (Alès, Béziers, Carcassonne, Castelnaudary, Lozère, Lunel, Narbonne, Nîmes, Pézenas). Ce protocole de recherche est adapté à l’étude de phénomènes qui ont été sous-explorés dans la littérature antérieure (Dana et Dana, 2005 ; Yin, 2018). La nature exploratoire et processuelle de l’étude permet d’appréhender la complexité de l’écosystème et de comprendre l’évolution des stratégies élaborées en alignant les caractéristiques internes et externes, et ce, dans le but d’élaborer une stratégie écosystémique efficace (Hlady-Rispal et Jouison-Laffitte, 2015 ; Peyroux, Bories-Azeau, Fort et Noguera, 2019 ; Spigel et Harrison, 2018).

En outre, les incubateurs jouent un rôle intermédiaire clé dans l’écosystème entrepreneurial régional et permettent l’application d’une construction à plusieurs niveaux où les incubateurs agissent au niveau méso, les entreprises accompagnées sont situées au niveau micro et l’écosystème entrepreneurial régional représente le niveau macro (Goswami, Mitchell et Bhagavatula, 2018 ; Theodoraki et Messeghem, 2017). Ainsi, cette étude s’est concentrée sur le niveau interorganisationnel pour parvenir à une meilleure compréhension des stratégies écosystémiques au sein de l’EAE (Bories-Azeau et al., 2019). Plus précisément, l’incubateur académique n’agit pas en tant qu’élément isolé, mais en tant que partie intégrante de deux écosystèmes partiellement interposés et imbriqués entre les réglementations nationales et territoriales (Audretsch, 2014) : l’écosystème entrepreneurial académique et l’écosystème entrepreneurial régional (Prokop, 2021 ; Theodoraki, Messeghem et Rice, 2018). Par conséquent, l’incubateur académique contribue à la structuration de l’écosystème entrepreneurial académique (Guerrero et al., 2014 ; Delanoë-Gueguen et Theodoraki, 2021) et permet de connecter les projets accompagnés avec l’écosystème entrepreneurial régional (Bergek et Norrman, 2008).

L’étude vise à croiser les données collectées auprès de multiples acteurs de l’EAE pour augmenter la fiabilité de la recherche (Alsos, Hytti et Ljunggren, 2011 ; McAdam, Miller et McAdam, 2016). Afin d’examiner l’EAE, le croisement des perceptions de différentes parties prenantes permet de dépasser les limites de sa complexité et favorise leur multiangulation (Bories-Azeau et al., 2019 ; Hlady-Rispal, 2015 ; Peyroux et al., 2019). Pour multianguler les récits de chaque incubateur académique, différentes personnes ont été interrogées : responsables d’incubateurs, conseillers d’accompagnement, porteurs de projets, professeurs/chercheurs, responsables de valorisation de la recherche, etc. La dimension spatiale a également été respectée en menant des entretiens auprès de différents incubateurs académiques en région, incluant des incubateurs régionaux, urbains ou ruraux (Peyroux et al., 2019). Par ailleurs, la multiangulation a été complétée par la collecte des données secondaires issues des plaquettes d’information, des plans stratégiques, des rapports d’activité, d’articles de presse et de la participation à des événements organisés par les acteurs de l’EAE (tables rondes, concours entrepreneuriaux, etc.). De plus, grâce à l’accès privilégié au terrain de recherche, le chercheur a participé à trois réunions dédiées au repositionnement stratégique des structures d’accompagnement au sein de l’écosystème entrepreneurial régional. Cette observation empirique a permis la conceptualisation, l’optimisation et la modélisation du processus d’élaboration d’une stratégie écosystémique efficace.

Les entretiens ont eu lieu entre juin 2013 et novembre 2014. La durée globale est de presque 55 heures et la durée moyenne est de 84 minutes par entretien. Pour favoriser l’accumulation des connaissances qui permettent d’arriver à la saturation théorique (Hlady-Rispal, 2015), un guide d’entretien a été construit et adapté au type du répondant en respectant trois thèmes : i) les caractéristiques internes de l’acteur (service, positionnement, spécificités, accompagnement) ; ii) les caractéristiques externes (acteurs, spécificités, relations) ; iii) les mécanismes d’élaboration stratégique et d’efficacité (critère de performance, objectifs, évolution). Les entretiens ont été entièrement retranscrits et codés grâce à un encodage informatique. Enfin, pour apporter une validation externe, les résultats ont été présentés, discutés et réajustés avec des membres de l’EAE (chercheurs-experts scientifiques, praticiens de l’accompagnement entrepreneurial).

2.2. La collecte et l’analyse des données

Le recueil de données a eu lieu par échantillonnage intentionnel en respectant les critères de sélection issus de la définition de l’EAE : incubateurs académiques associés formellement ou informellement à une université dans le périmètre de recherche (Theodoraki, Messeghem et Rice, 2018). L’approche écosystémique a permis d’identifier des acteurs majeurs de l’EAE en privilégiant la méthode « boule de neige ». Au total, quarante entretiens ont été menés auprès de onze responsables d’incubateurs, neuf conseillers d’accompagnement, quatre porteurs de projets accompagnés, deux institutionnels, deux coordinateurs de réseaux, trois organismes de financement, six entités de recherche et trois experts (Tableau 1). La saturation a été atteinte lorsqu’une connaissance fine des dynamiques stratégiques opérées au sein de l’EAE a été acquise et que l’apprentissage incrémental est réduit (Hlady-Rispal et Jouison-Laffitte, 2015). Pour garantir la validité et la fiabilité des résultats, de multiples sources de données ont également été collectées (entretiens, visites sur sites, archives, sites Internet, presse) afin de multianguler les informations. Le guide d’entretien a été testé par six chercheurs-experts et deux entretiens pilotes pour garantir la fiabilité et la clarté des questions.

Tableau 1

Les différents acteurs interrogés

Les différents acteurs interrogés

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Le traitement des données a été structuré autour d’une analyse thématique utilisant le logiciel NVivo 12 (Bazeley et Jackson, 2013). Cette analyse privilégie une approche transversale qui consiste à identifier des récurrences et des régularités dans les différentes sources du corpus et un codage a posteriori, non déterminé et construit au fur et à mesure de l’analyse du corpus (Allard-Poesi, Drucker-Godard et Ehlinger, 2007). Cette approche moins directive est bien adaptée à la nature exploratoire de cette recherche. L’analyse thématique est fondée sur l’identification des concepts illustrant les idées émergées par les répondants (Figure 2a). Ensuite, la restructuration, la suppression ou le regroupement des codes permet d’aligner la voix des répondants avec celle du chercheur en formulant les thèmes (Figure 2b). Enfin, dans une démarche abductive, des allers-retours entre les données et la littérature ont été effectués afin de comparer ces thèmes avec ceux de la littérature existante, ce qui permettra leur interprétation (Dumez, 2012). Ce processus est utile pour transformer les données examinées vers des dimensions générales du processus de modélisation (Figure 2c). Cette dernière étape, présentée à la section suivante, permet de transformer la structure statique des données en une compréhension dynamique des interrelations entre les concepts.

Figure 2

La structure des données

La structure des données
Source : l’auteur.

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3. Résultats

Afin de comprendre les dynamiques stratégiques de l’EAE, cette section présentera l’alignement interne avec le fonctionnement des incubateurs académiques et l’alignement externe avec les autres acteurs de l’écosystème. Le dernier paragraphe mettra en évidence le protocole d’élaboration d’une stratégie écosystémique efficace grâce à l’alignement interne et externe.

3.1. L’alignement interne : fonctionnement et interactions des incubateurs académiques

L’analyse des résultats met en évidence le rôle et les missions des incubateurs en lien avec les universités au sein de l’EAE. Trois rôles ont été identifiés à partir des missions exercées par les incubateurs : i) des activités curriculaires dans le but de cocréer, en collaboration avec le corps professoral, des modules de formation à la création d’entreprise et de sensibilisation des étudiants ; ii) des activités extracurriculaires grâce à un réseau d’industriels et d’entreprises qui offre une approche pratique aux enseignements théoriques reçus dans les cours ; iii) des activités d’incubation pour les porteurs de projets qui souhaitent poursuivre la création d’entreprise en bénéficiant des ressources nécessaires à leur réussite. Ainsi l’alignement interne de l’EAE est décrit par les effets structuraux, relationnels et cognitifs.

Les éléments structuraux décrivent les spécificités des incubateurs académiques, les services proposés et le public visé. En parallèle des incubateurs académiques, les établissements de l’enseignement supérieur ont développé les PÉPITE afin de structurer les activités d’entrepreneuriat, d’innovation et de transfert de technologie. Ces dispositifs ont été construits sur trois axes : la formation, le transfert de technologie et le préaccompagnement. Selon le témoignage du responsable du pôle PÉPITE (#19) : « la continuité du pôle PÉPITE dans la mesure où le I de PÉPITE c’est l’innovation et le T de PÉPITE c’est le transfert de technologie, ça veut dire qu’on est dans une logique où il n’y a pas que l’entrepreneuriat, il y a l’entrepreneuriat, mais aussi l’innovation et aussi le transfert. Il y a d’autres éléments forts qui sont l’axe formation qui doit être développé avec des technologies innovantes comme les MOOC qui sont des cours en ligne, visibles par tout le monde, pas que des étudiants. […] C’est le principe du barcamp où on crée de la connaissance collective et instantanée qui est visible et partagée par tout le monde ». Grâce à ces dispositifs, une mutualisation des ressources est possible via les collaborations interinstitutions : « avec neuf établissements on va aussi créer un diplôme universitaire qui sera ouvert aux étudiants, où il aura des cours sur mesure et à la carte pour développer son projet de création ». Ce dispositif a été développé dans un contexte institutionnel favorable à l’entrepreneuriat dans le but de légitimer l’activité entrepreneuriale sous le statut d’étudiant-entrepreneur : « ce statut d’étudiant-entrepreneur est vraiment très novateur par rapport à ce qui existe déjà. Donc il y aura à la fois des actions, des formations et du préaccompagnement » (responsable du pôle PÉPITE #19).

Les éléments relationnels mettent en évidence les liens formels/informels entre les acteurs et l’interdépendance des incubateurs académiques avec l’écosystème. La création des liens entre les acteurs nécessite l’identification de leur rôle, qui dépend de la visibilité des acteurs, des relations de confiance cultivées dans le temps et de la définition d’un objectif commun à atteindre : « on a des relations très étroites avec les entreprises, les acteurs régionaux, dont l’incubateur académique régional. On a signé des chartes de partenariat et on monte des modules communs de création d’entreprise où des étudiants de toutes les spécialités viennent pour créer une entreprise. Lors de ces séances, je fais venir tout un tas d’industriels, tout un tas d’acteurs économiques, dont l’incubateur régional, dont les financeurs et les business angels. Tous les acteurs économiques viennent à la rencontre des étudiants, leur exposer les problématiques de leur travail au quotidien, et ensuite, on travaille par équipe sur un projet virtuel ou existant et ces acteurs restent pour apporter leur plus-value et leur valorisation sur ces projets » (responsable d’enseignement et de recherche #31). La nature de la relation est également décrite par l’intensité du lien et notamment la forte interdépendance des incubateurs académiques. Grâce à la proximité privilégiée avec les universités, les acteurs connaissent les activités et les profils recherchés par les incubateurs et peuvent ainsi orienter les porteurs de projets au moment opportun en optimisant le processus d’incubation « tous les projets issus de la recherche, ils nous sont envoyés par les directeurs du laboratoire, par les services de valorisation de la recherche qui nous orientent les projets. Sinon, on fait des interventions dans les laboratoires, dans les masters, pour expliquer qui on est, à quoi on sert, qu’est-ce qu’on fait pour détecter des projets, des étudiants et les jeunes docteurs surtout, des doctorants, des chercheurs pour qu’ils entendent parler de nous et qu’un jour ils viennent nous voir avec un projet » (conseiller d’incubateur académique #7).

Les éléments cognitifs se réfèrent aux objectifs, langages et valeurs partagés entre les membres de l’écosystème. Pour développer ces éléments, l’EAE agit comme un système majeur à la création d’un environnement favorable à l’entrepreneuriat et à l’innovation, et ce, en cultivant une culture entrepreneuriale et un esprit d’entreprise. Cette culture entrepreneuriale est diffusée en interne à travers l’enseignement ou les événements qui ont lieu au sein de l’université. En effet, la création d’incubateurs au sein des établissements d’enseignement supérieur devient une pratique courante pour favoriser la dynamique entrepreneuriale. Ainsi, l’université joue un rôle crucial dans la sensibilisation des étudiants à l’entrepreneuriat en multipliant les cours autour de ces thématiques, mais également à travers l’organisation d’événements, comme des concours de pitch ou de start-up week-end. « Il s’agit des initiatives en provenance des organismes d’enseignement supérieur. Leurs actions passent par de la formation ou l’organisation d’événements comme le BarCamp, les start-up week-end qui, jusqu’à présent, ont toujours eu lieu à l’École polytechnique et ce sont souvent des étudiants qui présentent des projets. » (conseiller d’incubateur académique #7) Par ailleurs, il s’agit d’un vecteur d’innovation à la fois pour les étudiants, mais également pour le corps professoral comme moteur d’innovations (techniques ou pédagogiques) au sein de l’université. « Il y a plein de spécificités autour des cultures et des thématiques de chaque établissement, qu’il y ait un réseau de partenaires autour des établissements, qu’il y ait de la recherche dans la plupart de ces établissements-là, qu’il y ait un vivier d’étudiants qu’il faut aussi sensibiliser à l’entrepreneuriat innovant. Ces écosystèmes s’y prêtent particulièrement et ça peut même être un vecteur d’innovation pédagogique avec des modes de projet qui peuvent s’enclencher aussi à partir des incubateurs avec une influence directement sur les enseignements qui sont pratiqués. » (responsable d’incubateur académique #36). Selon le coordinateur du réseau d’accompagnement régional qui regroupe les incubateurs académiques (#5) : « l’enseignement fait partie de l’écosystème entrepreneurial et va jouer un rôle important sur la culture entrepreneuriale, sur l’esprit entrepreneurial et cela prépare les générations futures ».

Tableau 2

Alignement interne des incubateurs académiques

Alignement interne des incubateurs académiques

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3.2. L’alignement externe : stratégies collectives de coopétition

L’analyse empirique révèle que les incubateurs académiques privilégient les stratégies de coopération par rapport aux stratégies concurrentielles. Les incubateurs académiques ont une forte perception de la coopération avec les autres acteurs de l’écosystème. En lien avec leurs caractéristiques organisationnelles, ils coaccompagnent presque la totalité des projets avec les autres acteurs de l’écosystème. Pour ce faire, les incubateurs académiques doivent avoir une bonne connaissance des autres acteurs et de leurs caractéristiques et doivent pouvoir créer des liens tant formels qu’informels avec eux. En intervenant avant la création de l’entreprise, pendant une période courte ou moyenne, ils accompagnent ou réorientent les projets vers l’interlocuteur adéquat dans la chaîne de l’accompagnement.

La complémentarité des acteurs au sein de l’écosystème est également considérée comme la clé de réussite de l’écosystème. Un conseiller du pôle de compétitivité (#11) témoigne qu’« on est très complémentaire au niveau de l’accompagnement des entreprises qu’on fait en bonne intelligence ». Cependant, dans un contexte d’évolution de l’écosystème, la diminution des ressources financières et l’arrivée de nouveaux entrants sont considérées comme les principaux facteurs de compétition pour les incubateurs académiques dont la survie est parfois menacée. Le responsable du pôle PÉPITE (#19) reconnaît qu’« il y a énormément de structures d’accompagnement qui sont financées pour la plupart d’entre elles par des fonds publics et sachant qu’on est dans un contexte de raréfaction de la ressource publique, chacun va devoir trouver sa place et justifier la pertinence de son existence sur le territoire ».

L’impact politique et l’image territoriale constituent également des facteurs de concurrence importants. En particulier, les incubateurs académiques témoignent avoir ressenti les effets de la concurrence des clients (porteurs de projets à fort potentiel technologique) et des techniques d’appropriation des clients par les autres incubateurs. Un conseiller d’incubateur académique (#7) confirme que « des fois, on est démarchés par des projets qui hésitent entre plusieurs régions […]. On a eu plusieurs fois des projets qui étaient en contact avec nous et qui sont allés rencontrer plusieurs pépinières. Et après, il fallait qu’ils choisissent une de ces pépinières ».

Les spécificités culturelles du territoire impactent également les acteurs de l’accompagnement. La culture entrepreneuriale du territoire est un facteur imbriqué entre le territoire et la structure d’accompagnement. Un institutionnel (#15) témoigne du leadership des acteurs économiques sur les spécificités régionales : « chaque région doit avoir ses spécificités. Tout ça c’est relativement régional et puis après il y a quand même le contact aussi national, dans un pays où la capacité de développer des entreprises est culturellement ancrée à un lieu où on va facilement créer grâce au système d’accompagnement. Par exemple, le crédit impôt recherche, le crédit impôt innovation, les allègements de charges, notamment pour le statut de jeunes entreprises innovantes, et tout ce qui fait que dans ce pays-là, c’est intéressant d’entreprendre et en particulier d’innover ». Cette culture favorable rend l’EAE attractif à de potentiels nouveaux entrants.

Tableau 3

Alignement externe des incubateurs académiques

Alignement externe des incubateurs académiques

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La figure 3 illustre la structure de l’EAE à plusieurs dimensions et niveaux d’analyse. La dimension structurelle décrit les acteurs qui composent l’EAE. Dans le centre de cet écosystème, les incubateurs académiques jouent un rôle essentiel. L’activité centrale des incubateurs académiques inclut les porteurs de projets, les accompagnateurs, les publics cibles (doctorants, chercheurs et autres effectifs universitaires) et les laboratoires et centres de recherches. La composition élargie des incubateurs académiques comprend les acteurs qui ajoutent de la valeur à l’offre proposée (fournisseurs, concurrents et complémentaires). La dimension relationnelle met en évidence les dynamiques coopétitives entre les acteurs et la nature de leurs liens. Enfin, la dimension contextuelle inclut la culture entrepreneuriale et le contexte institutionnel.

Figure 3

La structure de l’écosystème entrepreneurial académique

La structure de l’écosystème entrepreneurial académique
Source : l’auteur.

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3.3. L’élaboration d’une stratégie écosystémique efficace

Ces résultats soulignent la nécessité de l’élaboration d’une stratégie écosystémique pour optimiser l’efficacité et agir comme un stimulateur d’amélioration comme en témoigne un conseiller d’accompagnement (#14) : « je pense que nous ne pouvons pas vivre séparément de l’écosystème. Enfin, nous le pouvons, mais l’accompagnement ne sera pas de bonne qualité ». De même, la complémentarité et la synergie sont les clés du succès de l’écosystème, car elles augmentent son efficacité. Selon un conseiller du pôle de compétitivité (#11) « lorsque vous avez de meilleures relations avec votre écosystème, vous êtes nécessairement plus efficace ».

Les déterminants de la stratégie écosystémique reposent sur : la complexité environnementale, les spécificités organisationnelles et la perception individuelle, notamment du responsable d’incubateur. Le premier regroupe les facteurs qui exigent le positionnement ou le repositionnement concurrentiel des acteurs pour assurer leur place dans l’écosystème (multiplication des acteurs, diminution des fonds publics, arrivée des nouveaux entrants). Le deuxième comprend la structure organisationnelle telle que la taille ou la notoriété de l’incubateur. Le dernier concerne la perception stratégique du responsable de l’incubateur en faveur de la stratégie de coopération ou de compétition. La perception du responsable sur sa structure et sur son environnement aura un impact sur la stratégie écosystémique de l’incubateur.

Ces déterminants permettent de structurer un plan d’action pour l’élaboration et la mise en place d’une stratégie écosystémique efficace (Figure 4). Ce plan est composé de cinq étapes : i) le positionnement stratégique ; ii) l’analyse écosystémique ; iii) l’analyse stratégique collective ; iv) l’analyse stratégique individuelle ; v) le suivi et le contrôle. L’élaboration d’une stratégie écosystémique démarre par le diagnostic stratégique et le positionnement de l’incubateur (alignement interne). Cette étape est définie par l’incubateur en identifiant le public cible, l’offre de service VRIN et la différenciation par rapport aux autres acteurs de l’écosystème pour donner suite à l’analyse écosystémique (alignement externe). Un conseiller de l’incubateur académique (#7) met l’accent sur la nécessité du repositionnement stratégique et de la différenciation par rapport aux évolutions de l’écosystème et à l’apparition de nouveaux acteurs : « il y a ce nouvel acteur qui a été doté de gros moyens et nous il faut qu’on se repositionne par rapport à eux […]. Notre incubateur continue à exister et il faut maintenant qu’on arrive à travailler et se différencier les uns des autres ».

Cette deuxième étape est souvent partiellement élaborée par l’incubateur. En effet, bien que les acteurs d’accompagnement aient une bonne connaissance du tissu économique local et de ses spécificités, ils n’élaborent que très vaguement une stratégie écosystémique. Cette dernière est représentée par l’objectif collectif de contribuer au développement économique local par la création d’entreprise et d’emploi. Une fois que la stratégie écosystémique est définie, les étapes trois et quatre visent à son amélioration par l’analyse collective et individuelle. L’analyse collective permet d’ajuster la stratégie de l’incubateur selon les spécificités de son écosystème, mais également selon les interdépendances et complémentarités avec les autres acteurs de l’écosystème. À ce stade, l’incubateur peut optimiser sa position stratégique en améliorant sa posture structurelle (création, configuration et stabilité des liens avec les membres de l’écosystème), cognitive (objectifs, langages et récits partagés avec les membres de l’écosystème) et relationnelle (confiance, normes, obligations, identification des membres). Le responsable du pôle PÉPITE (#19) affirme que « forcément plus on échange plus on s’enrichit, plus on fait du benchmarking et on échange des bonnes pratiques, forcément plus on est ouverts, mieux on est, plus on est performant ».

Ensuite, l’analyse individuelle consiste à faire progresser la stratégie de l’incubateur en optimisant les objectifs individuels en alignement avec les bénéfices reçus par l’écosystème et vice versa. Ces objectifs pourront améliorer l’efficacité de l’écosystème. Enfin, l’élaboration d’un outil de contrôle et de suivi basé sur des indicateurs, tant qualitatifs que quantitatifs, est nécessaire pour maintenir l’efficacité de la stratégie écosystémique. Cette étape de contrôle et de suivi est également mise en évidence par les financeurs qui demandent un suivi systématique et minutieux de l’action de l’incubateur. Un responsable d’incubateur académique (#27) témoigne que leurs objectifs « sont de s’assurer de la bonne utilisation des fonds européens, mais un grand nombre de contrôles sont disproportionnés et extrêmement consommateurs de temps. Le temps d’instruction des dossiers, de justification, de récupération de justificatifs, c’est énorme. Je trouve que ce n’est pas un bon service pour les porteurs. […] Il y a vraisemblablement des protocoles de contrôle de mise en oeuvre qui soient plus efficaces et plus légers ».En parallèle, cette mise en garde a également été soulignée au niveau de l’accompagnement et la nécessité d’accorder le temps nécessaire aux porteurs de projets au lieu de s’occuper de l’organisation et de la planification administrative. La stratégie n’est pas une action statique élaborée à un temps t par l’incubateur, mais une situation dynamique et évolutive nécessitant un suivi et des ajustements selon les évolutions de l’incubateur et de son écosystème. Par conséquent, le protocole présenté dans la figure 4 sert de boucle pour l’optimisation de l’élaboration d’une stratégie écosystémique efficace par itération.

Figure 4

Protocole d’élaboration d’une stratégie écosystémique efficace

Protocole d’élaboration d’une stratégie écosystémique efficace
Source : l’auteur.

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4. Discussion

L’élaboration d’une stratégie écosystémique efficace permet d’optimiser les financements dédiés à l’écosystème entrepreneurial (Cour des comptes, 2012). Pour répondre à cet appel, l’article s’interroge sur les déterminants de l’élaboration d’une stratégie écosystémique efficace au sein de l’EAE en mettant l’accent sur l’incubateur académique (Bories-Azeau et al., 2019 ; Guerrero et al., 2014 ; Theodoraki, Messeghem et Rice, 2018). Cette approche a permis d’examiner les pratiques stratégiques de l’EAE en interaction avec l’écosystème entrepreneurial régional (Theodoraki, 2020 ; Prokop, 2021). En complétant la littérature existante, cette étude montre que l’alignement interne ne suffit pas pour élaborer une stratégie écosystémique efficace, qui nécessite un alignement complémentaire aux caractéristiques environnementales et culturelles (Schwartz et Hornych, 2012 ; Theodoraki, 2020 ; Vanderstraeten et Matthyssens, 2012).

En parallèle, les acteurs de l’écosystème sont à la recherche d’un équilibre entre la poursuite d’opportunités et celle d’avantages compétitifs (Shankar et Shepherd, 2019). Cette recherche d’équilibre incite à la fois des relations de coopération et de compétition. Ces relations permettent de maintenir, d’une part, l’amélioration de la création de valeur et des bénéfices individuels ou collectifs (Hannah et Eisenhardt, 2018 ; Theodoraki, 2020) et, d’autre part, un ajustement entre les stratégies individuelles des acteurs dans le but d’optimiser la cohérence de l’écosystème dans son ensemble (Adner, 2017). Malgré ces travaux prometteurs, la littérature n’offre pas de modélisation permettant d’élaborer une stratégie écosystémique efficace.

Dans l’ensemble, les résultats suggèrent que l’alignement des facteurs environnementaux et organisationnels détermine la stratégie écosystémique. Ces résultats offrent une lecture dynamique de l’EAE afin d’adopter une stratégie écosystémique cohérente (Adner, 2017 ; Beer et al., 2005). L’alignement observé induit un protocole d’optimisation de l’élaboration de celle-ci. Ce protocole se décompose en cinq étapes qui vont de l’identification du positionnement stratégique jusqu’au suivi et au contrôle. Cette étude ouvre une voie de réflexion sur la création d’un écosystème entrepreneurial durable en proposant un protocole d’élaboration d’une stratégie écosystémique (Theodoraki, Messeghem et Rice, 2018 ; Theodoraki, 2020).

L’analyse empirique a été centrée sur les stratégies employées par les incubateurs académiques en alignant les facteurs internes et les facteurs externes. Le protocole méthodologique a privilégié une analyse multiacteurs afin de comprendre la complexité, le fonctionnement et l’évolution de l’EAE (Alsos, Hytti et Ljunggren, 2011 ; McAdam, Mille et McAdam, 2016 ; Peyroux et al., 2019). De plus, l’étude a été située au niveau de la méso-analyse, ce qui a permis d’examiner l’incubateur académique en tant qu’intermédiaire connectant les projets accompagnés tant avec l’écosystème entrepreneurial académique qu’avec l’écosystème entrepreneurial régional (Bories-Azeau et al., 2019). Une recherche plus ciblée sur les écosystèmes entrepreneuriaux académiques devrait mettre en évidence les spécificités de chaque écosystème et les stratégies les plus adaptées selon le type d’écosystème (Guerrero et al., 2014). Quelques travaux alimentent cette réflexion en approfondissant la lecture de l’EAE et les impacts socioéconomiques du MIT, de Stanford ou de l’Université de Chicago (Eesley et Miller, 2018 ; Miller et Acs, 2017 ; Roberts et Eesley, 2011). Cette réflexion nécessite la prise en considération des spécificités de chaque écosystème, de leur cycle de vie et de leur maturation afin d’identifier la stratégie écosystémique la plus adaptée (Hannah et Eisenhardt, 2018 ; Servantie et Hlady-Rispal, 2019).

Les résultants montrent également que le processus d’élaboration stratégique répond à la nature dynamique et holistique de l’EAE (Theodoraki, Messeghem et Rice, 2018). L’originalité de cette étude repose sur la proposition d’un outil dynamique qui décrit la boucle d’amélioration de la stratégie écosystémique par itération (Beer et al., 2005). Cet outil pourrait être utilisé à toutes les étapes du cycle de vie de l’écosystème afin d’aligner les caractéristiques externes et internes, et ce, dans le but d’élaborer une stratégie écosystémique efficace selon les spécificités de l’organisation et de l’écosystème dans lequel elle évolue (Gupta et Govindarajan, 1984). Le concept de « bricolage » investi par la littérature néo-institutionnelle offre une lecture prometteuse afin de réussir la combinaison de stratégies individuelles et collectives en incluant les éléments culturels, normatifs et contextuels de l’écosystème. Dans une approche processuelle, il est nécessaire d’adopter un comportement souple et évolutif entre bricolage (agencement des ressources disposées pour saisir de nouvelles opportunités), effectuation (combinaison des ressources avec les acteurs de l’écosystème) ou planification (identifier, évaluer et exploiter une opportunité) selon le cycle de vie et les spécificités de l’écosystème (Servantie et Hlady-Rispal, 2019). Ainsi, ces résultats pourront être généralisés à l’aide d’études supplémentaires en appliquant ce protocole à d’autres acteurs de l’écosystème et à d’autres contextes ou régions.

Cette grille d’analyse pourra être appliquée en tant qu’outil d’aide à la décision stratégique à tous les acteurs de l’EAE et notamment aux directeurs d’institutions académiques et aux responsables de politiques publiques qui s’engagent dans une élaboration stratégique écosystémique cohérente et efficace (Adner, 2017 ; Theodoraki, 2020). Par exemple, les décideurs publics peuvent encourager les acteurs de l’écosystème à promouvoir la stratégie écosystémique pour optimiser les ressources et réduire les doublons d’accompagnement. Ils peuvent également encourager les universités à diffuser et à cultiver cette culture écosystémique collective. Ce travail apporte également une aide aux responsables d’incubateurs qui sont confrontés à une intensification du jeu concurrentiel. Ils sont amenés à repenser leur stratégie, voire leur modèle économique. Concrètement, ce protocole permet d’offrir une illustration holistique de l’EAE et un processus d’élaboration stratégique qui respecte le contexte institutionnel et les caractéristiques organisationnelles de l’incubateur. De nombreux travaux soulignent qu’il n’est pas suffisant de conseiller aux projets accompagnés l’importance de l’élaboration stratégique, mais de recommander également son application à l’incubateur (Grimaldi et Grandi, 2005). Cette prise de conscience est nécessaire pour créer une stratégie écosystémique (individuelle et collective) cohérente (Theodoraki, 2020). Cette réflexion stratégique sera utile à l’identification et à l’optimisation des objectifs à atteindre par l’incubateur, et ce, en alignement avec les objectifs collectifs de l’écosystème dans lequel il évolue. Enfin, ce protocole peut servir comme outil de communication entre les universités, les responsables d’incubateurs, les politiques publiques et d’autres acteurs de l’écosystème pour s’engager collectivement dans une stratégie territoriale cohérente.

Cette étude s’inscrit aussi dans la discussion des outils de prise de décision stratégique afin de construire un écosystème entrepreneurial durable (Cohen, 2006 ; Theodoraki, Messeghem et Rice, 2018). D’autres outils et tableaux de bord ont été étudiés dans la littérature et permettent d’accumuler et de compléter les connaissances scientifiques sur la performance des incubateurs. Le tableau de bord prospectif (balanced scorecard) identifie quatre axes pour mesurer la performance des incubateurs : finances, clients, processus internes et apprentissage (Bakkali, Messeghem et Sammut, 2014). D’autres études sont nécessaires pour déterminer l’impact de l’EAE sur les utilisateurs (étudiants et porteurs de projets) et sur la société entrepreneuriale (Fetters, Greene et Rice, 2010 ; Guerrero et al., 2018 ; Hayter et al., 2018). Ces études pourraient examiner l’impact de l’élaboration d’une stratégie écosystémique (Figure 4) en complémentarité avec les impacts des quatre axes du tableau de bord prospectif.

Ce travail exploratoire pourra inspirer la communauté scientifique à adopter le protocole d’élaboration stratégique efficace et à continuer ainsi la diffusion d’une culture entrepreneuriale écosystémique dans le but de structurer un EAE durable. Par ailleurs, la littérature sur les incubateurs a été enrichie par l’acceptation de la stratégie de coopétition au sein de l’écosystème. Cette lecture stratégique permet d’élargir les frontières des incubateurs et incite le développement d’une vision écosystémique incluant tous les acteurs de l’écosystème. Cette vision permettra l’élaboration d’une stratégie efficace pour chaque acteur, mais également pour l’écosystème dans son ensemble. Enfin, le protocole proposé adhère à l’élaboration dynamique de la stratégie écosystémique en incitant la circularité continue jusqu’à l’optimisation idéale pour l’incubateur et son écosystème.