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Thomas Loilier nous propose une balade réflexive sur notre monde en nous offrant un « manuel de survie » (p. 11). Cet ouvrage s’adresse à tous les curieux qui s’interrogent sur le sens de leur quotidien et souhaitent en donner un à leur avenir, en apportant une vision politico-économique très personnelle et très citoyenne. Cet exercice de compréhension de notre monde économique complète, sans toutefois en constituer une suite, la thèse développée dans un précédent ouvrage coécrit, en 2001, avec Albéric Tellier, intitulé Nouvelle économie, net organisations. Il serait dommage de fournir au lecteur un résumé détaillé de l’ouvrage par crainte de nuire au cheminement de ce dernier. Nous allons donc nous attacher à transmettre un aperçu du contenu sans en dévoiler tous les ingrédients.
L’ouvrage est organisé autour de deux séries de dix questions relatives à notre économie puis au capitalisme digital, complété d’une postface rédigée suite au premier confinement. L’introduction repose sur la fracture phygitale, à la fois géographique et digitale, qui définit pour certains un nouveau monde et pour l’auteur « une période de changements très intenses » (p. 14), telle « la tectonique des plaques » (p. 15) qui génère modifications, adaptations et évolutions.
Le premier chapitre, « L’économie dans laquelle nous vivons », reprend les notions de capitalisme, d’économie de marché au choix politique, en y insérant un clin d’oeil anecdotique à la voiture de Steve McQueen dans Bullitt, en nous exposant ses imperfections et en focalisant sur l’État comme principal régulateur. De Fernand Braudel aux fumeurs de cigares, le lecteur découvre alors la grande entreprise du xixe siècle et ses trois formes de capitalisme (familial, managérial et actionnarial) qui s’inscrivent dans un monde de capitalisme digital reposant sur des technologies numériques. Ce dernier se compose de quatre éléments constituants : une région, une économie de plateformes, de l’information, des entreprises, tous précisément décrits. L’enchaînement des trois révolutions industrielles est commenté pour mieux comprendre les caractéristiques de la période actuelle où « start-up » et hyperconnexion sont sources d’innovation, mais génèrent également de profondes mutations au niveau des relations employeurs-employés. Cinq scénarios pour 2050 sont alors esquissés, permettant une synthèse justifiant que « nous vivons tous et toutes dans une économie de la connaissance » (p. 64).
Le deuxième chapitre, « Que faire dans le capitalisme digital ? », commence par définir la disruption et discute de son objectivité tout en faisant un parallèle avec Jeanne d’Arc, considérée comme la première disruptrice, pour conclure qu’il s’agit « donc souvent d’une affaire d’intelligence et de logique, mais aussi de coeur et de motivations irrationnelles » (p. 71). L’innovation constitue alors le fil rouge des deux questions suivantes pour mieux comprendre la dynamique du concept étudié. Les GAFA, les cinq business models, la « start-up nation », l’ubérisation et les nouvelles formes d’entreprise, sont ainsi présentés comme les composants principaux de ce capitalisme digital dans lequel nous évoluons.
L’auteur rédige sa conclusion en formulant des propositions simples et concrètes pour un monde meilleur : mieux répartir la richesse créée dans les entreprises, renforcer les corps intermédiaires et investir dans la connaissance au niveau européen. Sur un ton tout aussi enlevé, aux couleurs de son ouvrage, il conclut ce dernier par une postface, « Propos conclusifs d’un ex-confiné (10 juin 2020) », où il nous livre ses enseignements de la pandémie de Covid-19. Sa conviction que nous nous dirigeons vers un Nouveau Monde, mais que nous n’y sommes pas encore, n’est que renforcée.
J’ai dégusté ce livre comme une sucrerie et vous le conseille vivement.