Dans nos pays d’Afrique, les petites entreprises se multiplient, mais elles sont instables dans la durée, du point de vue de leurs activités, de leur statut institutionnel et en termes de croissance. Par ailleurs la digitalisation devient un phénomène de mode qui occupe de plus en plus au quotidien les individus, les groupes et les organisations, et nous nous sommes intéressés à la question de savoir comment ce phénomène influence l’aptitude à grandir et à durer des petites entreprises, dont nous parlons plus haut. Dans notre étude, qui s’est déroulée à Madagascar de mars 2016 à juillet 2017, nous nous concentrons sur les apports de la digitalisation pouvant affecter l’aptitude à la survie, à savoir : la capacité à accéder à l’information en temps réel, à être connecté sans contrainte de lieu, de temps ou d’équipement, à la liberté de mouvement inédite pour le travailleur, et aux opportunités procurées par de nouveaux modes de travail et de collaboration des individus. Nous avons choisi de travailler avec vingt-six entrepreneurs de petites entreprises, qui constituent les praticiens vers lesquels nous avons voulu transférer notre recherche, soit treize tenanciers de salons de beauté et de coiffure, huit gargotiers, trois revendeurs de chaussures et d’accessoires importés et deux propriétaires d’auto-école, tous désireux de comprendre comment la digitalisation qu’ils pratiquent à divers niveaux peuvent contribuer au développement de leurs entreprises. Notre travail s’est fixé pour but de partager et de creuser avec les praticiens l’idée que la digitalisation exerce une influence positive sur le maintien et sur le processus d’adaptation de la petite entreprise à son environnement, mais nous voulons également réfléchir avec eux à la question suivante : dans quelle mesure induit-elle à leur insu un nouvel état de leur organisation et un nouveau mode de l’entreprendre, qui peuvent les entraîner dans des pratiques et des normes inhabituelles ? Nous avons choisi pour l’étude de regrouper ces dernières sous l’appellation « d’entrepreneuriat de rue » en attendant une dénomination plus appropriée. L’administration fiscale malgache a prévu dans la loi des finances un centre de gestion agréé (CGA) pour faciliter la tenue de la comptabilité et accompagner les déclarations fiscales de la petite entreprise. Nous avons voulu élargir le champ d’action du centre en organisant des rencontres d’échanges autour du questionnement commun : « Comment certaines entreprises font-elles pour survivre mieux que d’autres ? » Nous avons ainsi créé une association sans but lucratif, tenant une comptabilité formelle, dénommée Maison de l’entrepreneur, qui fonctionne avec les cotisations de ses membres, avec des participations quand elle organise des événements avec des parties prenantes intéressées, et des sponsorings de la chambre de commerce, de banques ou d’opérateurs téléphoniques. Parmi les participants aux divers échanges, nous avons retenu les vingt-six entrepreneurs cités plus haut, pour réfléchir ensemble et agir sur la meilleure manière de renforcer et d’intégrer des outils de digitalisation dans leur organisation et dans leur fonctionnement. Des jeunes entrepreneurs membres du CGA, des experts comptables, des techniciens de la banque, des télécoms et du mobile money dans le cadre de leurs activités professionnelles, se sont joints à divers moments aux échanges pour parler de leur vécu, partager des bonnes pratiques et vulgariser les outils de digitalisation. Ce travail commun a duré depuis mars 2016 à juillet 2017 avec des arrivées tardives pour certains, et des réunions plutôt irrégulières au gré des disponibilités, des envies d’approfondir et des engouements partagés. Dans l’ensemble, les discussions ont montré que les praticiens s’intéressaient à trois types d’outils utilisés par les uns et les autres pour leur simplicité et leur mobilité, avec une grande diversité de niveaux et d’applications : ils …
L’entrepreneuriat de rue ou comment la petite entreprise se transforme par la digitalisation pour améliorer son aptitude à grandir et à durer[Record]
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José Yvon Raserijaona
Docteur en sciences de gestion, Fondateur de la Maison de l’entrepreneur à Antananarivo