Abstracts
Résumé
Selon Schumpeter (1935), la fonction entrepreneuriale est par essence, le véhicule d’une transformation continuelle de l’économie. L’entrepreneur responsable n’est-il pas cet acteur, capable d’engager la révolution économique nécessaire pour qu’advienne un monde plus équitable et plus soutenable ? Comment cet entrepreneur parvient-il à combiner sa liberté d’entreprendre et sa créativité au bénéfice d’autrui ? Dans cette contribution, nous partons à la recherche de cet entrepreneur responsable. Il s’agit de mettre en évidence les capacités éthiques nécessaires à son action et de questionner la façon, dont elle se traduit au regard des quatre paradigmes de l’entrepreneuriat mis en exergue par Verstraete et Fayolle (2005) : à savoir la création de valeur, les opportunités d’affaires, l’innovation et la création d’organisation(s). Deux principales figures émergent de ces investigations : l’entrepreneur économique en DD et l’entrepreneur responsable en DD. Concernant ce dernier, un cadre conceptuel synthétique et intégrateur est proposé pour caractériser son action, les fondements de cette action et l’ensemble des capacités qu’il doit mobiliser.
Mots-clés:
- Entrepreneur,
- Responsabilité sociétale de l’entreprise,
- Capacités éthiques
Abstract
According to Schumpeter (1935), the entrepreneurial function is, in essence, the vehicle of a perpetual transformation of the economy. Is not the responsible entrepreneur this actor capable of starting the necessary economic revolution to make the world more fair and more sustainable ? How can this entrepreneur combine his freedom of enterprise with his creativity in the service of others ? In this paper, we engage in a quest for this responsible entrepreneur. We try to highlight the ethical capacities which are necessary to his action and we wonder about the way it translates with regard to the four paradigms of entrepreneurship put forward by Verstraete and Fayolle (2005) : namely, the creation of value, business opportunities, innovation and the creation of organisation(s). Two main figures emerge from our investigations: the economic entrepreneur in sustainable development (SD) and the SD responsible entrepreneur. As regards the latter, we propose a synthetic and integrative conceptual framework to characterise his action and the foundations thereof, and the set of capacities he has to harness.
Keywords:
- Entrepreneur,
- Corporate social responsibility,
- Ethical capabilities
Resumen
Según Schumpeter (1935) la función emprendedora es, de hecho, el motor de una transformación continua de la economía. ¿ No es el emprendedor responsable este actor capaz de emprender la revolución económica necesaria para que consigamos un mundo más justo y sostenible ? ¿ Cómo consigue este emprendedor combinar su libertad de emprender y su creatividad para que beneficie a los demás ? En esta investigación, vamos en busca de este emprendedor responsable. Nuestra meta es evidenciar las capacidades éticas imprescindibles para su acción y cuestionar como se traduce a partir de los cuatro paradigmas de la iniciativa emprendedora subrayados por Verstraete y Fayolle (2005) : o sea la creación de valor, las oportunidades de negocios, la innovación y la creación de organizaciones. Salen de estas investigaciones dos figuras principales : el emprendedor económico en desarrollo sostenible y el emprendedor responsable en desarrollo sostenible. Acerca de este último proponemos un marco conceptual sintético e integrador para caracterizar su acción, las bases necesarias y el conjunto de las capacidades que tiene que manejar.
Palabras clave:
- Emprendedor,
- Responsabilidad social corporativa,
- Habilidades éticas
Article body
Introduction
Depuis 30 ans, les inégalités économiques dans le monde n’ont eu de cesse de s’accroître (Piketty, 2013) ; les effets du réchauffement climatique se sont accélérés ces dernières années (GIEC, 2014). Cependant, les enjeux de la responsabilité des entreprises envers la société (RSE) et la question de leur contribution au développement durable (DD) de la planète sont à présent dotés d’un cadre institutionnel international relativement étoffé[1]. Force est de constater que la logique institutionnelle montre ici ses limites, illustrant la conformation symbolique et les stratégies de découplage mises en évidence par les théories néo-institutionnelles (Meyer et Rowan, 1979 ; Di Maggio et Powell, 1983 ; Oliver, 1991). À l’évidence, les motivations extrinsèques que ces pressions suscitent ne garantissent pas la prise en compte des enjeux du DD. Quels ressorts d’action peuvent alors soutenir un engagement en RSE effectif et non symbolique du monde économique ?
Selon Schumpeter (1935), la fonction entrepreneuriale est par essence, le véhicule d’une transformation continuelle de l’économie. L’entrepreneur responsable n’est-il pas cet acteur, capable d’engager la révolution économique nécessaire pour qu’advienne un monde plus soutenable ? Pourquoi et comment cet entrepreneur soumis comme ses homologues aux forces du marché mobilise sa liberté d’entreprendre et sa créativité au bénéfice d’autrui ? Il s’agit ici de conceptualiser l’action de l’entrepreneur responsable évoluant dans la sphère marchande[2]. Deux perspectives abordées successivement permettent de proposer un cadre conceptuel explicitant ses actes, leur fondement et leur finalité ainsi que les capacités qui lui sont nécessaires.
Dans une première perspective (1.), la réflexion est conduite à partir du modèle de Verstraete et Fayolle (2005), modèle mettant en évidence les paradigmes[3] conjoints qui singularisent l’entrepreneuriat. Chacun de ces paradigmes est revisité à partir d’une revue de la littérature consacrée à l’entrepreneur en développement durable (désormais EDD). Elle questionne ainsi leur traduction quand l’entrepreneur intègre les enjeux économiques, sociaux et environnementaux du DD. Cette perspective conduit à une première conceptualisation de celui que nous qualifions d’entrepreneur responsable en DD. Ses capacités entrepreneuriales et managériales sont mises en évidence à cette occasion.
Dans une deuxième partie, une perspective éthique est retenue. Elle pose la question du comportement de l’entrepreneur responsable dans le contexte d’institutionnalisation de la RSE et du DD. La conformation de l’entrepreneur à l’éthique sociétale permet-elle un engagement responsable tel que conceptualisé en partie 1 ? En abordant les limites de cette logique de conformation, nous proposons d’investiguer une approche individuelle de l’éthique entrepreneuriale, dont nous montrons, tant au plan téléologique que déontologique, qu’elle soutient un entrepreneuriat responsable en DD. Cette seconde perspective s’appuie notamment sur une littérature qui reconnaît les capacités créatives de l’entrepreneur au plan éthique. Elle permet de finaliser le cadre conceptuel proposé (2.) en explicitant d’une part, le fondement de cet entrepreneuriat au plan éthique et d’autre part, les capacités éthiques nécessaires à son action.
La troisième partie réunit une discussion et la conclusion. La discussion revient sur le modèle de la valeur qui émerge de la conceptualisation proposée. Elle en dresse les points saillants et les confronte à des formes d’engagement connexes, principalement, l’entrepreneuriat social et l’engagement responsable du dirigeant-propriétaire de PME. La conclusion met en évidence les apports de cette contribution, ses implications, ses limites et les perspectives de recherche qu’elle suscite.
1. L’entrepreneur responsable revisité à travers les paradigmes de l’entrepreneuriat
Verstraete et Fayolle (2005) distinguent quatre paradigmes permettant l’examen des spécificités de l’action entrepreneuriale dans la sphère marchande : les paradigmes de la création de valeur, des opportunités d’affaires, de l’innovation et de la création d’organisation(s). Ils considèrent ces paradigmes conjointement en soulignant leurs interdépendances : la création de valeur découle de la saisie et/ou de la construction et de l’exploitation d’une opportunité d’affaires, laquelle nécessite (souvent) une démarche d’innovation et la création d’une organisation (au sens d’un résultat, mais aussi d’un processus). Nous appréhendons ces quatre dimensions dans le contexte contemporain d’un objectif de DD en posant les termes du débat et en identifiant les éléments de réponse que la littérature examinée apporte ou suscite.
1.1. Le paradigme de la création de valeur
En entrepreneuriat, la valeur, dont il est question, renvoie conventionnellement à sa dimension économique. L’entrepreneur est envisagé comme un acteur essentiel pour alimenter la croissance économique, et ce faisant contribuer au progrès social. Cependant, les externalités négatives de cette croissance (élément central de la problématique du DD) démontrent que la création de valeur économique n’est pas suffisante pour garantir le progrès social. Le contexte du DD implique donc une relecture de ce paradigme, un élargissement de la notion de valeur ou encore un nouveau modèle de valeur (Schmitt, Ndjambou et Husson, 2014).
Dans une perspective stratégique, Verstraete et Fayolle (2005) notent que toute création de valeur nécessite la mobilisation de ressources tangibles et intangibles. Il est alors nécessaire que le projet entrepreneurial rencontre l’adhésion des apporteurs de ressources. En ce sens, la création de valeur économique est subordonnée à une création de valeur partenariale, rétribution indispensable des apporteurs de ressource. Si la valeur partenariale reflète une conceptualisation enrichie de la valeur, elle est synonyme d’un mieux-être pour les parties prenantes (désormais PP) stratégiques, et non pour la société dans son ensemble. Rien ne garantit que la réponse aux attentes des PP permette de satisfaire les objectifs du DD, et ce d’autant plus que les PP ne sont pas forcément en capacité d’évaluer les externalités de l’entreprise. L’élargissement opéré ne saurait donc suffire pour appréhender la valeur créée à l’aune de ces objectifs. Comment les travaux portant sur l’entrepreneur en DD abordent alors la question de la valeur à créer ?
Dans son acception la plus large, l’EDD contribue selon O’Neill, Hershauer et Golden (2009) à la transformation du système économique, du système social et du système environnemental. Il est en mesure de provoquer une évolution, voire une révolution des normes, des valeurs et des opinions (Schaltegger et Wagner, 2011), et plus largement des institutions (Pacheco, Dean et Payne, 2010). L’ensemble des travaux portant sur l’EDD lui reconnaissent la création d’une valeur à la fois économique, sociale et environnementale pour autrui, c’est-à-dire la création d’une valeur sociétale. Ici, la responsabilité de l’entrepreneur est évaluée à l’aune des conséquences de son action pour autrui. Cependant, il est permis de distinguer deux principales approches qui conceptualisent fort différemment le statut relatif que l’entrepreneur accorde à la création de valeur économique et à la création de valeur sociétale.
1re approche. La subordination de la création de valeur sociétale à la valeur économique
Dans cette approche issue de l’économie stratégique, la création de valeur sociétale est subordonnée à la création de valeur économique, que l’entrepreneur soit mû par son opportunisme (Cohen et Winn, 2007 ; Dean et McMullen, 2007) ou par des objectifs à la fois économiques et sociétaux (Hockerts et Wüstenhagen, 2010 ; York et Venkataraman, 2010). L’EDD renouvelle alors le lien entre croissance économique et progrès social et renoue avec la figure de l’entrepreneur, acteur majeur d’une croissance économique désormais soutenable. Cette approche constitue une illustration du business case où l’entrepreneur exploite des gisements nouveaux de création d’une valeur partagée entre l’entreprise et la société (Porter et Kramer, 2006, 2011)[4].
2e approche. L’intégration de la création de valeur sociétale et économique
Selon cette seconde approche, l’entrepreneur crée un ensemble de valeurs monétaires et non monétaires se répartissant entre les trois dimensions du DD (O’Neill, Hershauer et Golden, 2009). La valeur créée réunit des gains à la fois économiques et non économiques, des gains individuels et collectifs (Patzelt et Shepherd, 2011). La création de valeur est ici envisagée de façon holiste et intégrée. Il ne s’agit plus seulement de penser les modèles d’affaires en termes de business case, mais d’intégrer les perspectives sociales et environnementales sans qu’elles ne soient subordonnées à la création de valeur économique. Au plan stratégique, Martinet et Payaud (2007) parlent ainsi de « RSE intégrée » lorsque la RSE est au coeur de la stratégie de l’entreprise. Poussant le raisonnement, Coupet et Dormagen (2016) n’hésitent pas à introduire la notion d’« entreprise progressiste » afin de caractériser l’émergence d’un nouveau paradigme marqué par la dualité de la mission, à la fois économique et sociétale. Dans le même ordre d’idée, Tilley et Young (2009) distinguent les concepts de social case et de natural case, qu’il convient, selon eux, de considérer tout autant que le business case. Ainsi, l’entrepreneur responsable en DD vise simultanément l’efficience et l’efficacité sociale et écologique. Alors que l’efficience reflète la capacité à optimiser les impacts à l’échelle de l’unité productive considérée, l’objectif d’efficacité est apprécié à l’aune des impacts globaux de l’activité économique. En ce sens, l’efficience, qu’elle soit sociale ou écologique n’est pas une garantie d’efficacité, laquelle reste le critère ultime de contribution effective aux objectifs du DD[5].
Ces deux approches n’impliquent pas la même contribution de l’entrepreneur au DD, ni le même défi à relever sur le plan de sa complexité. Dans la première approche, l’entrepreneur, conditionnant la création de valeur sociétale à la valeur économique créée, pourra in fine privilégier des opportunités économiques non durables, mais plus rentables. Il ne s’engage pas dans un processus perpétuel de création de valeur sociétale. Cette création de valeur peut n’être qu’incidente et ponctuelle. Cet entrepreneur ne se distingue pas fondamentalement de l’entrepreneur classique, hormis par sa capacité à repérer des opportunités d’affaires en phase avec les objectifs du DD. Dans la seconde approche, la finalité multiple et intégrée de l’entrepreneur inscrit son action dans la génération d’une valeur sociétale renouvelée. Cette approche invite l’entrepreneur à penser l’articulation des dimensions multiples de la finalité entrepreneuriale, à résoudre les dilemmes qui se posent tant ces dimensions peuvent diverger, voire s’opposer. L’EDD est alors celui qui équilibre son effort entre ces dimensions multiples (Tilley et Young, 2009 ; Berger-Douce, 2014). L’entrepreneur doit plus largement mobiliser des capacités à gérer la complexité ; dans un tel modèle, la valeur est considérée comme « le résultat jamais achevé d’un processus d’interactions entre les dimensions du DD » (Schmitt, Ndjambou et Husson, 2014).
De cette question de la valeur à créer, découle une seconde interrogation : pour chacune des approches identifiées, quelles motivations animent plus précisément l’entrepreneur créateur de valeur pour la société ? Les motivations économiques sont largement évoquées et constituent le fondement même de l’approche business case. D’autres motivations sont avancées, identifiées dans l’une ou l’autre approche : un idéalisme associé au désir de changer le monde (Hockerts et Wüstenhagen, 2010), la volonté de résoudre des problèmes sociaux ou environnementaux (Shaltegger et Wagner, 2011) ou de dénoncer des pratiques irresponsables (York et Venkataraman, 2010), des valeurs orientées DD (Shepherd, Kuskova et Patzelt, 2009), une conscience sociale et environnementale (Choi et Gray, 2008) ou encore la perception d’une menace pour soi ou pour les autres (Patzelt et Shepherd, 2011). L’ensemble de ces motivations comporte un dénominateur commun : la valeur que l’entrepreneur accorde aux gains présents et futurs pour autrui. Ainsi, nous proposons que le degré de détermination de l’entrepreneur à agir en accord avec les objectifs du DD réside dans le rapport de la valeur qu’il accorde aux gains sociaux, environnementaux et économiques nets (sous-entendu nets des coûts idoines) que son activité peut procurer à autrui relativement aux gains économiques nets qu’il peut en retirer pour lui-même et son organisation. Deux figures types d’entrepreneurs émergent de cette conceptualisation : 1/ l’entrepreneur n’accorde aucune valeur aux gains pour autrui : il s’engage en DD sur la base des seuls gains économiques qu’il pense pouvoir en retirer (figure de l’entrepreneur économique en DD), 2/ la valeur que l’entrepreneur accorde aux gains économiques correspond strictement à la valeur nécessaire pour pérenniser son activité. Dans ce cas, il s’engage en DD à hauteur de la valeur qu’il accorde aux gains pour autrui (figure de l’entrepreneur responsable en DD) en s’assurant simplement que son activité soit viable économiquement. Ainsi, tout entrepreneur engagé en DD peut être situé sur ce continuum au regard de sa motivation à agir. L’action de l’entrepreneur économique en DD relève de la première approche identifiée (une création de valeur sociétale subordonnée à la création de valeur économique), alors que l’entrepreneur responsable en DD présente nécessairement une approche intégrée de la création de valeur économique et sociétale.
1.2. Le paradigme de l’opportunité d’affaires
La façon, dont Shane et Ventakataram (2000) définissent l’entrepreneuriat illustre en partie ce paradigme : un processus de découverte, d’exploration et d’exploitation d’une opportunité donnant lieu à la création d’une activité. Une opportunité se présente ici comme une occasion de gain économique inexploité. Ce concept est donc directement relié au paradigme de création d’une valeur économique. La structuration de la littérature autour de la création de valeur (1.1.) trouve son pendant dans le traitement du paradigme de l’opportunité. Ainsi, deux principales approches émergent.
1re approche : l’opportunité en DD à visée économique
Dans cette approche relevant principalement de l’économie stratégique, l’entrepreneur en DD découvre, saisit et exploite des opportunités économiques découlant de défaillances de marché à l’origine d’externalités négatives (Cohen et Winn, 2007 ; Dean et McMullen, 2007 ; Pacheco, Dean et Payne, 2010). Alors que sur un marché défaillant, les acteurs économiques adoptent des comportements irresponsables pour préserver leur compétitivité (conceptualisé par un dilemme du prisonnier), l’entrepreneur en DD crée les conditions lui permettant d’échapper à ce dilemme (Pacheco, Dean et Payne, 2010). L’entrepreneur est présenté comme un régulateur efficace de marché qui oeuvre au bénéfice du DD tout en poursuivant des objectifs classiques. Ses leviers d’action sont envisagés dans un sens élargi, combinant des stratégies économiques, institutionnelles et politiques[6]. Le champ des opportunités disponibles est un sous-ensemble du champ possible des opportunités économiques. L’EDD ne se différencie pas fondamentalement de l’entrepreneur classique. Il s’en distingue néanmoins quand l’entrepreneuriat classique génère certaines pertes sociétales que l’EDD s’efforce justement d’éliminer.
2e approche : l’opportunité responsable en DD
En retenant une finalité intégrée (et non plus seulement économique), l’entrepreneur découvre ou crée des opportunités de création de valeur certes pour lui, mais aussi pour les autres. Il ne s’agit plus seulement de saisir une occasion de gain économique inexploité en générant des gains pour la société, mais de saisir une occasion de gain sociétal inexploité, tout en assurant la pérennité économique de l’entreprise support. Cette approche est exprimée dans cette définition de l’opportunité en DD : « An opportunity that sustain the natural and/or communal environment as well as provide development gains for others » (Patzelt et Shepherd, 2011). L’entrepreneur qui saisit ou crée de telles opportunités est susceptible d’exploiter des opportunités moins rentables au plan économique, mais plus attractives au plan sociétal (Kuckertz et Wagner, 2010). Par exemple, le choix de créer les conditions d’un commerce équitable avec ses fournisseurs peut conduire l’entrepreneur à concéder une part de la performance économique attendue d’une situation de marché classique.
De fait, cette seconde approche (une opportunité responsable en DD) modifie le champ des possibles. Il n’est plus un sous-ensemble du champ des opportunités économiques, mais un ensemble distinct (des occasions de gains pour la société) présentant avec lui d’éventuelles zones de recoupement. Par exemple, l’exploitation d’opportunités associées à une démarche de commerce équitable engendre des gains sociétaux nombreux (pour les fournisseurs, un prix garanti, donc des conditions commerciales sécurisantes et des capacités d’investissement accrues, pour leur famille, de meilleures conditions de vie, et pour leur communauté d’implantation, un soutien à son développement socioéconomique…). Or, ces opportunités de gains pour la société ne constituent pas forcément pour l’entrepreneur des opportunités économiques. L’entrepreneur responsable en DD exploite ces opportunités davantage au regard des gains sociétaux espérés que des bénéfices qu’il peut attendre de leur exploitation.
Par ailleurs, dans cette perspective intégrée de la création de valeur, nous soulignons que l’entrepreneur exploitant une opportunité verte (Linnanen, 2002 ; Walley et Taylor, 2002) comme l’entrepreneur exploitant une opportunité sociale (l’entrepreneur social au sens de Prahalad, 2006) assument une responsabilité partielle s’ils ne considèrent pas les autres dimensions du DD : « They (sous-entendu, l’entrepreneur classique, l’entrepreneur vert et l’entrepreneur social) are not on their own and in aggregate going to lead to sustainability » (Tilley et Young, 2009). En effet, l’exploitation d’une opportunité verte suggère la génération de gains environnementaux, mais peut impliquer des pertes sociales ou sociétales quand l’entrepreneur néglige ces dernières dimensions. Sa contribution au DD est alors nécessairement partielle ; elle peut se révéler globalement négative si les pertes sociétales induites excèdent les gains réalisés pour autrui. Le même raisonnement vaut pour une opportunité sociale : à titre d’exemple, alors que le commerce équitable offre une opportunité génératrice de gains socioéconomiques pour les fournisseurs et leur communauté, il convient également que l’entrepreneur veille à promouvoir des activités respectueuses de l’environnement, en soutenant par exemple une production écologique de ses fournisseurs. Dans une perspective dynamique, l’entrepreneur social et l’entrepreneur vert rejoignent la figure conceptuelle de l’entrepreneur responsable en DD quand chacun parcourt le chemin qui le conduit à prendre en compte des dimensions étendues de la soutenabilité.
Enfin, l’approche retenue n’implique pas exactement les mêmes modalités d’émergence des opportunités (découvertes versus construites) et la même rationalité décisionnelle de l’entrepreneur (rationalité causale versus effectuale : Sarasvathy, 2001).
Dans la première approche, l’opportunité d’affaires (une opportunité économique en DD) est envisagée par plusieurs auteurs (notamment en économie stratégique : Cohen et Winn, 2007 ; Dean et McMullen, 2007) principalement sous l’angle de sa découverte, donc implicitement selon une rationalité causale ou prédictive (et non effectuale). Cela étant, il n’est pas exclu que cet entrepreneur mobilise également une rationalité effectuale (Sarasvathy, 2001) ; cette possibilité est d’ailleurs évoquée brièvement par York et Venkataraman (2010).
Pour l’entrepreneur responsable en DD (seconde approche), nous proposons que la mobilisation d’une rationalité effectuale est incontournable, en considérant avant tout cet entrepreneur comme un constructeur d’opportunités, car 1/ compte tenu de la complexité inhérente à la prise en compte des enjeux multiples du DD, l’entrepreneur aux premiers stades de son projet n’est pas en mesure d’en déterminer précisément les objectifs ; ils seront précisés au fil des partenaires et des ressources qu’il parviendra à mobiliser, 2/ l’entrepreneur engagé dans un tel défi valorise les gains pour autrui tel qu’il est porté à coconstruire le modèle de la valeur en définissant les gains visés et leur partage avec les parties prenantes intégrées au cours de son projet. Ainsi, une prise en compte holiste et intégrée des enjeux du DD appelle une construction collective (O’Neill, Hershauer et Golden, 2009 ; Schmitt, Ndjambou et Husson, 2014 ; Obrecht et Rahetlah, 2014), même si l’entrepreneur reste celui qui impulse le processus engagé et réalise les arbitrages nécessaires.
1.3. Le paradigme de l’innovation
Pour créer une valeur nouvelle significative, pour découvrir, construire ou exploiter des opportunités d’affaires, il est souvent nécessaire d’innover. L’innovation, entendue par Schumpeter (1935) comme une combinaison nouvelle de facteurs de production, est envisagée comme le principal moteur de l’entrepreneuriat et de la croissance économique. Cet ancrage schumpetérien est largement revendiqué par la communauté académique de l’entrepreneuriat (Drucker, 1985 ; Julien et Marchesnay, 2011). Dans la littérature que nous avons examinée, la dimension de l’innovation est bien représentée. C’est en innovant que l’entrepreneur peut saisir des opportunités favorables aux objectifs du DD (York et Venkataraman, 2010), puis les exploiter (Kuckertz et Wagner, 2010). De fait, la capacité à innover de l’entrepreneur constitue une dimension incontournable (Thiétart et Xuereb, 2009).
Pour certains auteurs, l’innovation, de préférence radicale ou de rupture, est jugée nécessaire pour transformer profondément la société. En effet, face aux enjeux évolutifs du DD et aux fortes incertitudes qui l’accompagnent[7], les innovations incrémentales ne suffisent pas pour engager un véritable processus de destruction des activités économiques néfastes au profit d’une création responsable (O’Neill, Hershauer et Golden, 2009 ; Hockerts et Wüstenhagen, 2010). L’EDD rejoint ici la figure de l’entrepreneur schumpetérien lequel en créant, opère une révolution comparable au saut paradigmatique qui caractérise la progression des sciences (Schumpeter, 1935).
La littérature en management stratégique investiguant également le paradigme de l’innovation, conduit à des conclusions proches. Plusieurs auteurs se sont ainsi intéressés aux processus générateurs d’innovation durable qu’ils décomposent en mobilisant le courant des capacités dynamiques (Castiaux, 2012 ; Van der Yeught, 2014). Ces dernières ont été définies par Teece, Pisano et Shuen (1997, p. 516) comme « l’aptitude à intégrer, construire et reconfigurer les compétences internes et externes pour faire face aux changements rapides de l’environnement ». Différents niveaux de capacités dynamiques peuvent être distingués en fonction des modifications qu’elles entraînent sur la base de ressources et de compétences (Eisenhardt et Martin, 2000 ; Winter, 2003 ; Ambrosini, Bowman et Collier, 2009 ; Castiaux, 2012 ; Van der Yeught, 2014). Maintenir la compétitivité de l’entreprise tout en assurant une réelle création de valeur sociétale suppose d’importantes capacités de reconfiguration des ressources tangibles et intangibles (Teece, 2007a). À ce sujet, Castiaux (2012) montre que des capacités incrémentales sont insuffisantes lorsque le DD est au coeur de la stratégie entrepreneuriale. Des capacités dynamiques de renouvellement des ressources et des compétences sont requises, voire des capacités régénératives impliquant des apprentissages en double boucle et des changements dans les modes de résolution des problèmes. Elles agissent alors de façon indirecte sur la base de ressources et de compétences (Ambrosini, Bowman et Collier, 2009).
Si l’engagement en DD relève d’une approche intégrée de la création de valeur sociétale (1.1.), la capacité d’innovation est exercée en pensant les dimensions multiples du DD. Ce n’est qu’à ce titre que les innovations qui en résultent peuvent être qualifiées de responsables (Ingham, 2011 ; Berger-Douce, 2014). Comme l’illustre l’analyse longitudinale du cas Pocheco (une PME du nord de la France) par Berger-Douce, la mobilisation de capacités dynamiques d’innovation responsable engendre alors des innovations multiformes et combinées, qu’il s’agisse d’innovations de produit (ou de service), de procédé, de commercialisation et d’organisation[8]. Par exemple, lançant une marque de pochettes d’emballages personnalisables, emballages composés de matériaux entièrement recyclables, Pocheco fait appel à des personnes en projet de réinsertion professionnelle pour assurer le façonnage manuel de ces enveloppes. Dans cet exemple, ces formes d’innovations (innovation commerciale, de produit et organisationnelle) se combinent et ce faisant, répondent aux enjeux environnementaux, sociaux et sociétaux du DD.
Ainsi, le défi est double pour l’entrepreneur : il doit tout à la fois développer des capacités assurant la compétitivité de l’entreprise (ou a minima sa pérennité économique), et des capacités à construire des opportunités responsables en DD (et pas seulement des capacités à saisir les opportunités en DD à visée économique). Cet objectif revêt un degré de complexité dans sa gestation et sa mise en oeuvre qui appelle encore plus sûrement des capacités dynamiques d’innovation. De plus, la construction et l’activation de réseaux de relations internes et externes permettent de soutenir le développement de ces capacités organisationnelles (Jenkins, 2009). La créativité entrepreneuriale à l’origine de l’innovation responsable se nourrit donc des relations que l’entrepreneur entretient avec ses partenaires. Pour l’entrepreneur, il ne s’agit pas tant de développer un capital social[9] avec des partenaires proches, capacité régulièrement identifiée par les travaux en responsabilité sociétale des PME (Murillo et Lozano, 2006 ; Fuller et Tian, 2006 ; Russo et Perrini, 2010). Il s’agit également de développer une proximité relationnelle et cognitive avec des personnes plus lointaines, donc pour l’entrepreneur de se nourrir autant des liens faibles que des liens forts pour favoriser l’innovation. Cette double disposition rejoint ce qu’Obrecht et Rahetlah (2014) désignent sous le terme de « capacité de proximalité[10] ».
En revanche, pour l’entrepreneur qui subordonne la création de valeur sociétale à la création de valeur économique (1.1.), les innovations en DD sont pensées et formées par le prisme d’enjeux sociétaux restreints par le primat accordé à la valeur économique créée. À ce titre, des innovations en DD à visée strictement économique ne constituent qu’un cas particulier, et donc réducteur, de l’innovation responsable. En outre, cet entrepreneur ne mesure pas forcément la nécessité de développer un réseau de partenaires pour alimenter sa réflexion et son action, même si face au contexte évolutif du DD, il pourra mobiliser des capacités de haut niveau.
1.4. Le paradigme de la création d’organisation(s) à travers sa dimension managériale
Une nouvelle combinaison de facteurs de production (une innovation) comme l’exploitation ou la construction d’une opportunité appelle une organisation nouvelle (Verstraete et Fayolle, 2005), organisation envisagée à la fois comme un résultat et comme un processus (Gartner, 1995). L’entrepreneur ne saurait être réduit à son seul rôle d’intervenant de marché. Ce paradigme invite ainsi à une relecture de l’entrepreneuriat dans sa fonction managériale. Cette fonction peu évoquée en entrepreneuriat (relativement aux autres dimensions) n’en est pas moins nécessaire à l’entrepreneur. Elle apparaît d’ailleurs en filigrane des travaux d’auteurs classiques. Schumpeter (1935) évoque la fonction de chef (non au sens hiérarchique, mais au sens notamment de sa faculté à agir sur autrui) et considère qu’elle est fondamentalement reliée à la fonction d’entrepreneur. Selon Verstraete et Fayolle (2005), l’organisation qu’il impulse doit sa pérennité à la capacité de l’entrepreneur à gérer correctement les relations avec ses parties prenantes (entendues comme apporteurs de ressources tangibles et intangibles), donc à organiser son activité de façon à satisfaire leurs attentes dans une perspective instrumentale.
Dans quelle mesure et comment les travaux portant sur l’EDD intègrent-ils ces dimensions reliées que sont la création d’organisation(s) et la dimension managériale de l’entrepreneuriat ?
Dans les premiers travaux issus de l’économie stratégique consacrés à l’EDD (Cohen et Winn, 2007 ; Dean et McMullen, 2007), pas plus la création d’organisation(s) que les enjeux managériaux se posant à l’entrepreneur ne sont explicités. Les travaux plus récents émanant de ce champ (Hockerts et Wüstenhagen, 2010 ; York et Vankataraman, 2010) mettent en scène des organisations typiques (la petite entreprise innovante versus la grande entreprise, ou le créateur d’entreprise versus l’entreprise existante) en soulignant leur complémentarité sans pour autant introduire la question d’un management responsable. Moore et Manring (2009) explicitent la dimension de l’organisation en proposant une définition de l’EDD à partir du concept d’entreprise résiliente. L’EDD est alors celui qui réalise l’équilibre entre résilience organisationnelle[11] et croissance. Néanmoins, cette contribution n’aborde pas les enjeux d’un management responsable. Il est à souligner que l’ensemble des travaux cités relèvent d’une approche de la création de valeur sociétale subordonnée à la valeur économique ; en majorité issus de l’économique stratégique, ils portent ainsi leur attention principalement sur la façon, dont cette subordination peut advenir dans un contexte de marché.
Quant aux travaux relevant d’une approche intégrée de la création de valeur sociétale (O’Neill, Hershauer et Golden, 2009 ; Tilley et Young, 2009), ils se focalisent sur les objectifs de l’EDD, ses motivations et les conséquences de son action (la valeur créée). Il s’agit principalement pour leurs auteurs de démontrer un positionnement inédit face à une approche entrepreneuriale soluble dans une vision économique classique de l’entreprise marchande. La dimension organisationnelle et managériale de l’EDD est négligée. Or, il s’avère indispensable de comprendre comment cet entrepreneur assume sa fonction managériale. Nous avançons trois raisons principales.
En premier lieu, nous avons relevé l’importance des capacités dynamiques pour innover en DD quand l’entrepreneur vise une contribution globale positive au DD. Or, comme le souligne Teece (2007b), les capacités dynamiques relèvent tout autant de l’entrepreneuriat que du management organisationnel. Précisément, la capacité à mobiliser et à recombiner des ressources externes et internes introduit de facto les dimensions de l’organisation et de son management.
En second lieu, il convient d’examiner la façon, dont l’entrepreneur mobilise et recombine ces ressources et par conséquent, la façon, dont il traite les parties qui contribuent à la genèse et à l’exploitation du projet entrepreneurial. La prise en compte des besoins/attentes de ces parties est en effet constitutive (même partiellement) de l’exercice d’une responsabilité sociétale (Lee, 2011). Plus largement, la volonté de créer une valeur sociétale renouvelée doit imprégner les actions de management et d’organisation, sans quoi la contribution positive de l’entreprise au développement durable pourra ne pas être assurée. Par exemple, la mise en place d’une organisation du travail délétère pour les salariés et les pertes sociales et sociétales qu’elle occasionne sont susceptibles d’absorber l’ensemble des gains issus de démarches intéressant d’autres enjeux du DD.
En dernier lieu, nous avons mentionné la dimension collective de la construction des opportunités responsables en DD. Actrices du projet entrepreneurial, les parties prenantes sont susceptibles d’alimenter la cognition de l’entrepreneur quand il s’agit d’évaluer les opportunités en DD au regard des gains sociétaux potentiels, même si ce dernier reste l’initiateur du processus engagé et le décideur ultime. À ce titre, la façon, dont l’entrepreneur organise ses relations avec ces acteurs nécessite d’être considérée.
La recherche qualitative multicas menée par Parrish (2010) apporte quelques éclairages sur ces considérations. L’auteur analyse le design organisationnel d’entreprises engagées en DD en mettant en évidence les logiques d’action qui animent le management de l’entrepreneur. Cette analyse révèle cinq logiques innovantes au plan organisationnel qui ne relèvent pas d’un management conventionnel, management que nous qualifions d’hétérodoxe : 1/ l’entrepreneur soucieux de mettre en oeuvre le DD, considère l’entreprise comme un moyen pour perpétuer et développer qualitativement ses ressources humaines et naturelles ; 2/ l’entrepreneur responsable balaye l’ensemble des avantages que ses décisions peuvent impliquer pour lui et ses PP et vise à dégager autant que possible des avantages mutuels en exploitant les synergies organisationnelles ; 3/ l’évaluation des décisions sur le plan de leurs conséquences (pour lui et pour autrui) repose principalement sur des critères qualitatifs ; 4/ quand l’optimisation décisionnelle n’est pas réalisable, qu’aucun consensus ne peut se dégager, il adopte une stratégie consistant à rechercher un niveau minimum de satisfaction pour chacun des objectifs retenus ; 5/ en créant son activité économique, il associe des parties (humaines et non humaines) méritant à son sens, d’en partager les fruits (par exemple, des personnes issues des populations défavorisées).
Dans cette perspective, l’entrepreneur responsable en DD accorde aux attentes des PP une valeur intrinsèque qui n’est pas sans rappeler la posture des théories éthiques des PP (Freeman, 1994 ; Donaldson et Preston, 1995 ; Quinn et Jones, 1995 ; Werhane et Freeman, 1999). Les PP (humaines et non humaines) sont à la fois considérées comme des fins et comme des moyens, révélant une combinaison subtile entre les motivations éthiques et instrumentales de l’entrepreneur. Cet entrepreneur est aussi capable d’intégrer dans son modèle de la valeur des PP que l’entrepreneuriat classique tend à ignorer ; il rejoint ici l’entrepreneur social impliquant dans son projet entrepreneurial des PP généralement exclues des activités économiques (Defourny, 2004 ; Boncler et Hlady Rispal, 2004) ou l’entrepreneur vert (Linnanen, 2002, Walley et Taylor, 2002), lequel oriente son action sur des enjeux fréquemment objets d’externalités négatives. À ce titre, l’entrepreneur responsable en DD partage avec ces entrepreneurs, un management que nous qualifions d’inclusif ; ce management intègre la finalité sociétale au coeur même du fonctionnement de l’organisation. La recherche de Parrish (2010) met aussi en exergue les capacités cognitives que l’entrepreneur responsable en DD mobilise : une capacité d’arbitrage entre les enjeux multiples du DD et une capacité de traitement informationnel permettant à la fois d’intégrer des critères de décision qualitatifs et d’identifier des synergies possibles.
Au vu des objectifs portés par l’entrepreneur responsable en DD, d’autres capacités cognitives sont à considérer. Ainsi, Schmitt, Ndjambou et Husson (2014) citent les capacités de traduction (au sens de la sociologie de la traduction [Callon, 2006 ; Callon et Latour, 2006 ; Latour, 2006]) que l’entrepreneur doit activer pour parvenir à mobiliser ses partenaires autour d’un modèle élargi de la valeur. De plus, la création d’organisation(s) situe l’action de l’entrepreneur dans un contexte territorial porteur d’enjeux de responsabilité spécifiques. L’encastrement social et territorial de cet entrepreneur implique qu’il soit en capacité de mobiliser les ressources de son contexte local (entendu comme des fins et des moyens) et d’intégrer dans son projet les enjeux associés à son territoire. C’est aussi par ce biais qu’il exerce sa responsabilité sociétale, une responsabilité enracinée selon Frimousse (2013).
Pour conclure, les paradigmes de l’entrepreneuriat sont ainsi adaptés et réunis pour parvenir à une définition de l’entrepreneur responsable en DD : cet entrepreneur s’engage dans un processus renouvelé de création de valeur sociétale, principalement par la construction d’opportunités responsables en DD (et pas seulement économiques en DD), laquelle nécessite la mobilisation de capacités dynamiques d’innovation et la mise en place d’un management hétérodoxe et inclusif adapté à cette approche élargie et intégrée de la création de valeur.
Dans une seconde partie, il s’agit d’interroger l’action de l’entrepreneur responsable selon une perspective éthique. Renouant avec les fondements éthiques de la responsabilité sociétale (Bowen, 1953), cet examen permet de compléter et d’achever notre conceptualisation de l’entrepreneur responsable en DD, en mettant en évidence son positionnement éthique au plan téléologique et les principes d’action qu’il mobilise (sa déontologie) pour opérationnaliser son modèle de la valeur.
2. L’entrepreneur responsable : une perspective éthique
La genèse du concept de RSE, en particulier son institutionnalisation invite l’entrepreneur à agir selon les règles d’une éthique sociétale définissant la façon, dont il convient d’agir et le sens de l’action à engager. Cette approche est présentée et discutée en 2.1. : l’entrepreneur doit-il se contenter de se conformer aux attentes portées par la société pour assumer pleinement sa responsabilité envers elle ? Nous montrons les limites d’un tel impératif et son incapacité à appréhender véritablement la dimension éthique de l’entrepreneuriat responsable. Nous explorons ainsi une seconde approche (2.2.) en retenant une perspective individuelle de l’éthique et en considérant avec Courrent (2003) que l’éthique est « avant tout une affaire de conscience individuelle, fondée sur des règles d’action tenant compte de l’intérêt d’autrui ». En complément de ce propos, J.-M. Courrent distingue deux conceptions de l’éthique : une conception téléologique mettant l’accent sur la recherche directe de l’intérêt d’autrui et une conception déontologique accordant la primauté au respect de règles d’action dans l’intérêt d’autrui (une prise en compte indirecte de l’intérêt d’autrui). Nous questionnons chacune de ces conceptions dans la perspective d’un entrepreneuriat responsable : sont ainsi examinés les fondements de cet entrepreneuriat lesquels déterminent la finalité de l’engagement puis les capacités éthiques nécessaires à l’entrepreneur pour concevoir et activer des règles d’action au bénéfice d’autrui. Nous montrons enfin (2.3.) comment ces dernières capacités permettent à l’entrepreneur responsable en DD d’opérationnaliser le modèle de la valeur mis en évidence en première partie.
2.1. La perspective institutionnelle de l’éthique entrepreneuriale en question
Le point de vue éthique de l’économie et du commerce n’est pas récent puisqu’il remonte à Aristote qui, dans La Politique, distinguait déjà l’économie « naturelle », répondant au besoin en approvisionnement de la cité, de la « chrématistique », évoquant la cupidité insatiable de commerçants avides d’accumuler des richesses vues comme des fins et non comme des moyens. Selon Amartya Sen (1993), la rupture entre l’économie et l’éthique s’est effectuée entre les deux publications principales d’Adam Smith : La Théorie des sentiments moraux (1759), puis Les Recherches sur la nature et les causes de la richesse des nations (1776). Considérée comme un ouvrage fondateur de l’économie classique et une référence majeure du capitalisme, cette seconde publication a affaibli la place de l’éthique dans l’économie moderne, souvent présentée comme amorale. Il faut attendre le début du xxe siècle avec l’émergence de la grande entreprise à actionnariat dispersé et les interrogations qu’elle suscite sur ses responsabilités sociétales pour que s’amorce le débat qui donnera naissance au concept de corporate social responsibility (responsabilité sociale des entreprises) dans les États-Unis des années cinquante (Acquier et Aggeri, 2007). Face aux risques que les entreprises capitalistes font peser sur la société, les églises protestantes américaines proposent, dès le début du xxe siècle, un cadre éthique régulateur et financent les recherches de l’économiste H.R. Bowen considéré aujourd’hui comme l’un des fondateurs des questions relatives à la RSE. Dans un ouvrage publié en 1953, Social responsibility of the businessman, H.R. Bowen énonce les obligations qui incombent à l’homme d’affaires lequel doit décider et agir dans le sens des objectifs et des valeurs de la société (Férone, D’Arcimoles, Bello et Sassenou, 2001 ; Acquier et Aggeri, 2007). Les fondements de la RSE dans le contexte américain des années cinquante confèrent donc à la RSE les racines d’une éthique religieuse « qui sied mal aux cultures européennes » (Acquier et Aggeri, 2007, p. 148), ce qui en ralentit la diffusion en Europe. C’est grâce à la popularisation du concept de DD, dans le sillage du Rapport Brundtland (CMED, 1987) et du Sommet de la Terre de Rio (en 1992), que la RSE se diffuse auprès des dirigeants européens (Acquier et Aggeri, 2007). Le concept de DD, macroéconomique à l’origine, devient alors l’une des thématiques majeures de la RSE (Pasquero, 2007). Désormais, l’exercice de la responsabilité sociétale de l’entreprise est institutionnellement adossé aux objectifs et enjeux du DD. En témoigne de façon emblématique la publication en 2010 de la première norme internationale en RSO, ISO 26000[12].
Émancipée de toute connotation religieuse, la RSE n’en reste pas moins imprégnée d’une dimension éthique couvrant l’ensemble des attentes morales de la société vis-à-vis de l’entreprise, y compris quand elles ne sont inscrites ni dans les lois ni dans les réglementations (une responsabilité éthique au sens de Carroll, 1979, 1991). Dans ce contexte institutionnel contemporain, la Commission européenne (2004) définit le comportement attendu de l’entrepreneur responsable comme suit : « un entrepreneur responsable traite ses clients, ses partenaires commerciaux et ses concurrents en toute équité et honnêteté ; se préoccupe de la santé, de la sécurité et du bien-être général des salariés et des consommateurs ; motive son personnel en lui offrant des possibilités de formation et de développement ; agit comme un bon citoyen au sein de la communauté locale ; respecte les ressources naturelles et l’environnement ». Cette définition recoupe les recommandations adressées plus globalement aux organisations en matière de RSO. Nous retrouvons l’énoncé des principaux enjeux de responsabilité mis en évidence en particulier par la norme internationale ISO 26000[13]. Cette perspective exprime un impératif externe incombant à l’entrepreneur individuel et s’inscrit dans une approche institutionnelle de la responsabilité entrepreneuriale : les moyens et les fins associés à l’action d’entreprendre sont implicitement évalués et légitimés par la société à l’aune d’impératifs situés culturellement et historiquement (Anderson et Smith, 2007). Cependant, cette définition ne prend pas en compte les caractéristiques cardinales attachées à la figure de l’entrepreneur (son audace, sa créativité, son imagination, sa passion), caractéristiques qu’il pourrait mobiliser au service de sa prise de responsabilité (Brenkert, 2009). Elle promeut des principes éthiques (équité, honnêteté, respect) et des comportements, dont la traduction opérationnelle face à la complexité du DD et à sa multidimensionnalité n’est pas évidente. Se pose ici la question des dispositions éthiques permettant à l’entrepreneur d’interpréter ces principes dans le contexte de son activité (Buchholz et Rosenthal, 2005) et d’arbitrer face à des attentes divergentes, voire contradictoires.
Enfin, dans une conception institutionnelle de la responsabilité de l’entrepreneur, ses actes sont évalués au plan éthique sur la base de critères qu’il n’a pas définis. Une telle conception cristallise les principes éthiques qu’elle défend et renvoie à la mise en oeuvre d’une éthique conventionnelle. Elle ignore ainsi la capacité qu’a l’entrepreneur de faire évoluer non seulement les modèles économiques, mais également l’éthique au bénéfice d’une société plus florissante (Brenkert, 2009). Elle ne permet pas d’envisager la mise en oeuvre d’une éthique de responsabilité endogène de l’entrepreneur en prenant acte de sa liberté d’entreprendre et de sa capacité à utiliser cette liberté au service d’autrui. Or, cette dernière approche dote l’entrepreneur responsable en DD d’une métaresponsabilité : celle de définir la finalité éthique de son action (une conception téléologique) et de construire les principes qui la guideront (une conception déontologique). Nous développons cette approche plus loin.
2.2. Une perspective endogène de l’éthique entrepreneuriale
La dimension éthique de la responsabilité entrepreneuriale est abordée ici non pas du point de vue de la société, mais du point de vue de l’entrepreneur selon deux conceptions (téléologique et déontologique), dont la complémentarité est discutée en conclusion de ce point.
2.2.1. La conception téléologique de l’éthique entrepreneuriale en question
Explorer une conception téléologique de l’éthique implique d’identifier la motivation entrepreneuriale qui anime la recherche d’un bénéfice direct pour autrui. Des considérations purement pragmatiques peuvent être mobilisées : l’entrepreneur s’empare de cet objectif, car il entrevoit la possibilité d’en tirer des avantages pour lui-même et pour son organisation. Ici, la création de bénéfices pour autrui ne constitue pas une finalité, mais un moyen, dont l’entrepreneur use, si tant est qu’il en perçoive les avantages. Elle est donc subordonnée à une perception instrumentale des autres et est susceptible d’évoluer au gré des rapports de pouvoir économiques et du jeu des forces institutionnelles en présence. L’entrepreneur économique en DD (1.) inscrit son action dans cette perspective. Or, pour assurer une création de valeur sociétale selon un processus perpétuel (1.1.), il est nécessaire que la création de bénéfices pour autrui constitue une finalité entrepreneuriale à part entière ; cela signifiant que l’entrepreneur accorde de la valeur aux gains pour autrui (1.). En ce sens, cette représentation de la valeur constitue le moteur d’engagement de l’entrepreneur responsable en DD et en même temps, celui qui nourrit sa conception téléologique de l’éthique.
Ce fondement valoriel est décisif dans la mesure où il soutient l’engagement de l’entrepreneur responsable en DD tel que nous l’avons caractérisé en partie 1. Non seulement la valeur accordée aux gains pour autrui motive la création d’une valeur sociétale renouvelée (1.1.), mais elle stimule une confrontation de l’entrepreneur avec son environnement ; elle favorise alors l’impulsion par ce dernier d’un processus collectif de construction d’opportunités responsables en DD (1.2.). Elle encourage l’entrepreneur à considérer les incidences multiples de ses actions innovantes et à rechercher un impact optimal pour autrui (c’est-à-dire une innovation responsable au sens de Berger-Douce, 2014, 1.3.). Enfin, cette représentation de valeur vectorise l’entrepreneur vers un management hétérodoxe et inclusif indispensable pour créer une organisation responsable (1.4.). La valeur accordée aux gains pour autrui sous-tend en effet le management non conventionnel relaté par Parrish (2010) : rechercher systématiquement des avantages mutuels, intégrer des critères qualitatifs pour prendre toute la mesure d’un management au bénéfice d’autrui et impliquer des PP humaines et non humaines souvent ignorées par l’économie de marché.
La valeur que l’entrepreneur accorde à autrui réalise ainsi l’intégration des quatre dimensions d’un entrepreneuriat responsable ; elle en constitue le fondement et en dessine la finalité.
2.2.2. La conception déontologique de l’éthique entrepreneuriale en question
Il ne s’agit pas ici de discuter des règles d’action que la société soumet à l’entrepreneur dans le contexte d’une RSE institutionnalisée, mais d’envisager les règles éthiques que l’entrepreneur invente et construit dans l’exercice de sa responsabilité, même si ses actes et leurs conséquences ne manqueront pas d’être évalués par la société. Ainsi, la responsabilité de l’entrepreneur est appréhendée en interrogeant ses dispositions créatives en matière d’éthique. Sont mobilisées des recherches qui introduisent cette dimension avec trois concepts clés : la capacité de jugement réflexif (Clarke et Holt, 2010), la sensibilité et l’imagination morales (Buchholz et Rosenthal, 2005 ; McVea et Schulze, 2009). Ces travaux définissent les capacités éthiques de l’entrepreneur.
C’est au philosophe Kant que Clarke et Holt (2010) empruntent le concept de jugement réflexif (ou réfléchissant). L’entrepreneur, à partir de situations concrètes et particulières, est en mesure de dégager des principes éthiques généraux qui deviendront force de loi pour lui. En recourant à sa raison et à son imagination, il soumet son action aux principes éthiques qu’il a construits au fil de son expérience. Il a en particulier recours à cette disposition pour arbitrer quant aux différentes configurations de valeurs qu’il peut envisager. Ce concept s’appuie sur trois maximes kantiennes : 1/ l’entrepreneur est en capacité de penser par lui-même (une pensée autonome), 2/ il est capable de penser à la place d’autrui, donc d’intégrer dans sa prise de décision le point de vue des parties affectées par l’activité entrepreneuriale (une pensée élargie) ; 3/ il pense en accord avec lui-même, guidé par les principes qu’il a élaborés et en cohérence avec ses valeurs (une pensée éthique).
Tout comme Clarke et Holt (2010), Buchholz et Rosenthal (2005) envisagent la prise de décision éthique comme un processus créatif et expérientiel. Il nécessite selon ces auteurs la mobilisation d’une sensibilité et d’une imagination morales. La sensibilité morale désigne d’une part, la capacité de l’entrepreneur à percevoir et à traiter les préoccupations d’autrui et d’autre part, sa capacité à identifier les dimensions éthiques d’une situation. L’imagination est nécessaire à l’entrepreneur pour développer cette sensibilité ; c’est ainsi que l’imagination et la sensibilité morales sont considérées par ces auteurs comme les deux faces d’une même pièce. L’imagination morale permet également à l’entrepreneur d’élaborer des solutions pour résoudre les dilemmes éthiques. L’étude menée par McVea et Schulze (2009) traduit concrètement l’exercice de ces capacités éthiques. Cette étude expérimentale met en évidence le rôle joué par l’expérience entrepreneuriale en matière de prise de décision face à des cas d’affaires complexes dans un contexte de forte incertitude éthique. Relativement à un groupe référent d’étudiants en gestion sans aucune expérience professionnelle, il s’avère que face au scénario qui leur est soumis, les entrepreneurs présentent une propension plus forte à retenir le point de vue de PP multiples (PP directes et indirectes), une capacité supérieure à remettre en question les cas proposés de façon à réduire la tension perçue entre ces PP, et une capacité de résistance à la pression et à la pensée d’un groupe dominant. Ces dispositions rejoignent les maximes kantiennes à l’origine du concept de jugement réflexif (une pensée éthique, élargie et autonome).
La prise en compte des dispositions créatives de l’entrepreneur au plan éthique ouvre ainsi une piste de réflexion nouvelle pour spécifier son action responsable. Nous montrons au point suivant, comment ces dispositions soutiennent les capacités mobilisées par l’entrepreneur responsable en DD. Il est à souligner que cette conception déontologique de l’éthique n’implique pas l’abandon par l’entrepreneur d’une conception téléologique, bien au contraire. La finalité retenue par l’entrepreneur constitue la toile de fond permettant à celui-ci de construire les règles d’action à partir desquelles il pourra décider et ainsi opérationnaliser son modèle de la valeur. La recherche expérimentale de McVea et Schulze (2009) montre à ce titre que les valeurs portées par les entrepreneurs jouent un rôle décisif dans le développement de leurs capacités éthiques. Ainsi, la valeur accordée aux gains pour autrui constitue un fondement indispensable au déploiement des dimensions téléologiques, mais aussi déontologiques de l’éthique entrepreneuriale.
2.3. L’entrepreneur responsable en DD : le rôle transcendant de ses capacités éthiques
La littérature exposée en partie 1 a révélé sept capacités nécessaires à l’entrepreneur responsable : des capacités dynamiques d’innovation, des capacités de traitement d’informations qualitatives, de traduction et d’arbitrage et des capacités de proximalité et de mobilisation des ressources du territoire. Nous proposons que l’ensemble de ces capacités à la fois entrepreneuriales et managériales ne puissent se déployer dans le sens d’un engagement responsable sans les capacités éthiques que sont le jugement réflexif (c’est-à-dire une pensée éthique, élargie et autonome), la sensibilité et l’imagination morales (2.1.). Le tableau 5 résume les liens que nous explicitons ensuite. Quelques exemples issus de recherches qualitatives illustrent certains liens présumés.
En tout premier lieu, l’entrepreneur doit être disposé à aligner ses actes et sa représentation de la valeur (voir la définition d’une pensée éthique, 2.1.), sans quoi ses capacités managériales et entrepreneuriales, quelles qu’elles soient, ne seront que de peu d’utilité.
a/ La capacité d’arbitrage
Une pensée élargie (capacité à intégrer de nombreux points de vue) et une sensibilité morale de l’entrepreneur (capacité à percevoir et à traiter les besoins d’autrui) favorisent un arbitrage intégrant toutes les dimensions du DD dans le contexte du projet entrepreneurial. Une pensée autonome est nécessaire afin que cet arbitrage ne soit pas dévoyé au profit des PP les plus puissantes, les plus menaçantes ou les plus influentes. L’imagination morale soutient cet arbitrage face aux objectifs souvent divergents du DD et aux dilemmes qui en découlent.
b/ La capacité de traduction
Elle requiert a minima la perception et la compréhension par l’entrepreneur des schémas mentaux des partenaires potentiels du projet entrepreneurial. La perception et la compréhension de ces schémas mentaux se nourrissent d’une pensée élargie (prendre en compte les points de vue de parties multiples) et d’une sensibilité morale (capacité à les percevoir et à les traiter). Quant à l’imagination morale, elle permet à l’entrepreneur d’inventer les traductions les mieux à même de rencontrer l’adhésion des parties qu’il souhaite associer à son projet.
c/ La proximalité
Cette capacité à développer des liens forts et des liens faibles dans le contexte du projet entrepreneurial nécessite une pensée autonome. C’est en effet à cette condition que l’entrepreneur peut s’émanciper du carcan cognitif des seuls liens forts, percevoir et prendre en compte les signaux faibles de son environnement, capacité favorisant la créativité et l’innovation. De plus, sa sensibilité morale et sa capacité à intégrer le point de vue d’une grande diversité de PP, directes ou indirectes, humaines ou non humaines (c’est-à-dire une pensée élargie), favorisent la perception de signaux faibles en particulier si ces signaux émanent de PP éloignées (géographiquement, cognitivement, sur le plan des valeurs). Enfin, l’entrepreneur doté d’une imagination morale est mieux outillé pour inventer les solutions permettant de lever ou de gérer les contradictions ou les divergences inhérentes à une collecte d’informations auprès de multiples acteurs.
d/ La prise en compte et le traitement d’informations qualitatives (et pas seulement quantitatives)
Celle-ci nécessite une pensée élargie pour pouvoir intégrer des informations multisources. Une pensée autonome permet à l’entrepreneur d’incorporer l’information dans son processus de décision indépendamment des capacités d’influence relatives des différents émetteurs.
e/ Les capacités dynamiques d’innovation
Pour réaliser la recombinaison des ressources internes et externes et les apprentissages en double boucle nécessaires à la dynamique d’innovation (Jenkins, 2009 ; Berger-Douce, 2014), une pensée autonome est requise. Elle permet en effet la remise en question régulière du modèle d’affaires retenu, sans que l’entrepreneur soit prisonnier d’un cheminement passé. Une pensée éthique (en phase avec la valeur accordée aux gains pour autrui) garantit, quant à elle, que la recombinaison opérée emprunte la voie d’une contribution globale positive au DD, car la dynamique d’innovation implique aussi des phases de destruction (destruction de liens sociaux notamment), dont les effets négatifs pour les parties affectées doivent être appréhendés, gérés et minimisés. Les capacités dynamiques d’innovation requièrent également la sensibilité et l’imagination morales de l’entrepreneur pour identifier les dilemmes se posant quand l’innovation vise les dimensions multiples du DD (une innovation responsable) et pour élaborer les solutions permettant de les résoudre.
f/ La capacité de mobilisation des ressources du territoire
L’entrepreneur inscrit son action dans un territoire. Il doit donc être capable de percevoir, de comprendre et de prendre en considération les besoins de ce territoire. En effet, le territoire d’implantation de l’entreprise constitue bien souvent le lieu recélant les potentialités d’influence positive et les risques d’impacts négatifs les plus forts sur le plan des enjeux du DD. À ce titre, la RSE telle qu’elle s’institutionnalise à un supra niveau (national, international) ou au niveau d’un secteur d’activité ne saurait être transposée sur tous les territoires de façon identique (Pigé, 2015). Ainsi, l’autonomie de pensée de l’entrepreneur joue ici un rôle, car elle le guide vers la construction d’un modèle d’affaires renouvelant la RSE en principes et en pratique, en tenant compte des spécificités du territoire. Il en résulte des engagements responsables qui ne relèvent ni d’une conformation symbolique au dogme de la RSE, ni d’un transfert inadapté de bonnes pratiques issues d’autres contextes.
En synthèse, l’entrepreneur responsable en DD, vectorisé par sa représentation de la valeur (une valeur accordée aux gains pour autrui) et doté des capacités éthiques de jugement réflexif, de sensibilité et d’imagination morales est en mesure d’activer les capacités entrepreneuriales et managériales nécessaires au déploiement de son engagement en RSE. Et cet engagement trouve sa traduction dans chacun des paradigmes de l’entrepreneuriat. La figure 1 résume l’action de cet entrepreneur responsable en DD et les fondements de son action.
3. Discussion et conclusion
Dans cette dernière partie, nous revenons sur cet entrepreneur responsable en DD pour parachever son portrait en le confrontant à d’autres acteurs économiques engagés en DD (3.1.). Puis les apports, les implications, les limites et les perspectives de cette recherche sont exposés (3.2.).
3.1. L’entrepreneur responsable en DD : les traits saillants d’un nouveau modèle de la valeur
Notre recherche met en évidence trois éléments déterminants pour identifier l’entrepreneur responsable en DD : l’objectif qu’il poursuit, sa motivation à agir et enfin, son comportement vis-à-vis d’autrui.
3.1.1. L’objectif de l’entrepreneur responsable en DD
Pour l’entrepreneur responsable, la valeur économique créée ne constitue pas une fin en soi, mais davantage une condition de pérennité organisationnelle ou un moyen pour accomplir son projet. Son rapport à la création de valeur économique comme la construction d’opportunités au service d’autrui le rapproche de l’entrepreneur social (Bacq et Janssen, 2008). Il rejoint également l’entrepreneur portant un projet écologique sur la base de valeurs proenvironnementales.
Le fondement valoriel de cet entrepreneuriat responsable introduit une finalité non lucrative autour de la construction d’un projet au bénéfice d’autrui. Il fait écho aux nombreuses recherches de terrain qui rendent compte, y compris au sein d’organisations marchandes, de finalités sociales, environnementales, éthiques, relationnelles d’organisations entrepreneuriales (par exemple, St-Pierre et Cadieu, 2011). Cette économie responsable contraste avec le dogme d’une finalité strictement lucrative de l’entreprise qui envisage l’entrepreneur comme un acteur privé poursuivant uniquement des intérêts particuliers. Cette perspective participe au contraire d’une approche où l’entreprise, bien que sujet privé, peut contribuer à la production de communs, c’est-à-dire d’actions, dont les résultats (biens, connaissances, valeurs, culture…) sont partagés avec la société (Levillain, Segrestin et Hatchuel, 2014).
En cohérence avec ses objectifs singuliers, l’entrepreneur responsable en DD développe un modèle de la valeur où le rapport au profit et à la croissance change de nature. Cet entrepreneur recherche un niveau de profit qu’il juge satisfaisant pour lui et en même temps suffisant pour permettre un partage de la valeur créée conforme à celle qu’il accorde aux gains pour autrui. Animé par une logique de progrès social, il ne mène pas une course effrénée à la croissance économique, génératrice de changements brutaux parfois dévastateurs au plan sociétal. Il choisit la voie d’une croissance organisationnelle raisonnée de façon à maintenir la taille optimale permettant de satisfaire ses objectifs (Choi et Gray, 2008 ; Parrish, 2010). Ces caractéristiques (une croissance raisonnée et/ou l’optimisation du profit en lieu et place de sa maximisation) trouvent une traduction concrète sur le terrain de certaines recherches qualitatives consacrées à des PME engagées en RSE (Fassin, Van Rossem et Buelens, 2011 ; Bon et Taccola-Lapierre, 2015).
3.1.2. Sa motivation à agir au bénéfice d’autrui
L’entrepreneur responsable en DD ne situe pas son action dans une logique de réponse aux pressions émanant d’une institutionnalisation de la RSE ; il exerce une responsabilité éthique endogène. Puisqu’il s’appuie sur ses valeurs et sur ses capacités éthiques, il active une motivation intrinsèque d’engagement. Au contraire d’une motivation extrinsèque, elle inscrit l’action de cet entrepreneur dans un temps long et une constance propice à la réalisation d’apprentissages en double boucle, au tissage du capital social nécessaire à la dynamique d’innovation et à la création d’une valeur sociétale renouvelée. L’entrepreneur responsable entretient ainsi un rapport au temps singulier contrastant avec l’accélération des flux financiers, matériels et humains qui caractérisent nos sociétés contemporaines. Cette motivation intrinsèque anime également le comportement de bon nombre de dirigeants-propriétaires de PME investis en RSE (Jenkins, 2006 ; Baden, Harwood et Woodward, 2009). Plusieurs recherches qualitatives menées auprès de dirigeants-propriétaires de PME mettent également en évidence des comportements traduisant, comme l’entrepreneur responsable en DD, une conception endogène de leur responsabilité : 1/ une participation très active à l’élaboration de normes institutionnelles pour que leur propre loi devienne la norme (Berger-Douce et Schmitt, 2013 ; Bon et Van der Yeught, 2016) ; 2/ le rejet de normes jugées illégitimes au regard de leurs propres convictions (croyances, principes, valeurs) ; par exemple, l’un des dirigeants interrogés par Bon et Taccola-Lapierre (2015) pointe du doigt le principe de parité hommes-femmes : « Je le trouve stupide à partir du moment où on fait des recrutements et des évolutions professionnelles indépendantes du sexe. » Plus largement, ces acteurs considèrent qu’il leur revient de déterminer les responsabilités qu’ils doivent endosser (Lahdesmaki, 2012). A fortiori, les considérations éthiques de l’entrepreneur responsable (la recherche directe et/ou indirecte de bénéfices pour autrui) font écho aux motivations idoines révélées par de nombreuses recherches inscrites dans le champ de la RS-PME (Murillo et Lozano, 2006 ; Vives, 2006 ; Spence, 2007 ; Jenkins, 2009). Ces motivations imprègnent à la fois la finalité entrepreneuriale (conception téléologique) et les principes présidant au management des PP (conception déontologique) (Bon et Van der Yeught, 2016).
3.1.3. Un rapport singulier à autrui à travers son comportement
L’entrepreneur responsable ne se comporte pas comme un créateur solitaire. Il envisage son organisation à travers les relations sociales qu’il cultive avec les autres (une identité relationnelle dirait Brickson, 2007). S’il présente de ce point de vue une communauté de comportements avec le dirigeant-propriétaire de PME engagé en RSE, il est capable néanmoins de dépasser la myopie organisationnelle qui caractérise souvent ce dernier (un intérêt porté aux PP les plus proches aux dépens des autres : Vives, 2006 ; Jenkins, 2004 ; Sen et Cowley, 2013 ; Nagypàl, 2014). L’expression de ses capacités de proximalité comme la construction d’opportunités responsables en DD et l’innovation responsable nécessitent en effet une pensée élargie. De plus, il n’est pas asservi aux intérêts et aux désirs de ses PP puisqu’il est capable d’une pensée autonome. Son engagement n’implique pas la satisfaction conjointe de leurs intérêts respectifs, mais la prise en compte de leurs intérêts (une pensée élargie) dans la perspective plus large d’accomplissement d’une finalité entrepreneuriale au bénéfice d’autrui. Ses capacités d’arbitrage soutiennent cette volonté. Confronté à des situations complexes et incertaines, il ne se réfugie pas dans un mimétisme déontologique, mais mobilise sa réflexivité (au sens de Clarke et Holt, 2010). Il se différencie ici du dirigeant-propriétaire de petite entreprise, dont Courrent et Gundolf (2009) montrent à partir d’une recherche empirique qu’il tend à adopter un comportement mimétique répondant en premier lieu à des considérations instrumentales[14].
Enfin, l’entrepreneur responsable considère son organisation comme une entité qui, en collaborant avec d’autres acteurs et d’autres organisations, peut embrasser un dessein sociétal (une identité communautaire selon Brickson, 2007). Bon et Taccola-Lapierre (2015) repèrent cette identité chez certains dirigeants-propriétaires de PME engagés en RSE : ces derniers envisagent le pouvoir de leurs PP comme un pouvoir de collaboration au service d’une finalité sociétale, et non comme un pouvoir de contrôle sur leurs actions ou sur leurs ressources. L’entrepreneur responsable inscrit donc son action dans le champ du collectif et ce faisant, contribue à effacer les frontières organisationnelles au profit du traitement des enjeux globaux du DD. La collaboration avec des organisations partageant cette identité (par exemple, des acteurs de l’ESS ou des ONG) est facilitée et peut nourrir à son tour la construction d’opportunités responsables en DD. Ses capacités de traduction contribuent également à créer un pont avec des acteurs en marge de la sphère marchande (acteurs associatifs ou publics).
À l’issue de cette discussion, il apparaît que la conceptualisation de l’entrepreneur responsable en DD trouve plusieurs traductions concrètes auprès de dirigeants-propriétaires de PME engagés en RSE. Cela n’a rien d’étonnant dans la mesure où le dirigeant-propriétaire de PME, non assujetti à un actionnariat financier et aux pressions institutionnelles auxquelles la grande entreprise est confrontée (Jenkins, 2004), dispose d’une latitude qu’il peut exploiter pour mettre en oeuvre ses convictions éthiques (Quinn, 1997), donc sa représentation de la valeur et ses principes d’action. A contrario, il est permis de s’interroger quant à la réalité et aux conditions de déploiement d’un entrepreneuriat (ou d’un intrapreneuriat) responsable au sein de grandes entreprises quand elles sont dominées par un actionnariat financier. Enfin, à plusieurs égards, l’entrepreneur responsable en DD partage des caractéristiques communes avec l’entrepreneur social. Cette proximité transcende les statuts juridiques ; elle contraste avec la figure de l’entrepreneur économique en DD, dont la contribution au DD comporte le risque de l’inconstance. Il reste néanmoins à examiner dans quelle mesure et comment les entrepreneurs issus du secteur non marchand de l’économie sociale parviennent à mobiliser leur capacité au bénéfice d’autrui dans un contexte qui leur est spécifique (des actions et un accès aux ressources fortement orientés par les pouvoirs publics et politiques).
3.2. Les apports, les implications, les limites et les perspectives de recherche
Notre contribution clarifie la littérature traitant de l’entrepreneur en DD en mettant en évidence deux principales approches déclinées dans chacune des dimensions de l’entrepreneuriat telles qu’évoquées par Verstraete et Fayolle (2005). Deux grandes figures apparaissent : l’entrepreneur économique en DD et l’entrepreneur responsable en DD. La réflexion conduite permet de caractériser l’action de ce dernier : cet entrepreneur s’engage dans un processus renouvelé de création de valeur sociétale, principalement par la construction d’opportunités responsables en DD (et pas seulement économiques en DD), laquelle nécessite la mobilisation de capacités dynamiques d’innovation et la mise en place d’un management hétérodoxe et inclusif adapté à cette approche élargie et intégrée de la création de valeur. De plus, face à la complexité inhérente au défi qu’il relève, des capacités éthiques (jugement réflexif, sensibilité et imagination morale) lui sont nécessaires afin qu’il puisse activer d’autres capacités tout aussi décisives (arbitrage, traduction, proximalité, etc.). Alors que les travaux consacrés à l’EDD mobilisent rarement la dimension éthique de la RSE, elle nous semble incontournable au vu de ses fondements. Cette contribution renoue ainsi avec les racines de la RSE, tout en considérant que sa dimension éthique n’est pas figée dans un carcan institutionnel, mais se renouvelle au rythme et au coeur de l’action créative de l’entrepreneur. L’introduction de cette cinquième dimension transverse aux quatre précédentes apporte ainsi les éléments de compréhension manquants pour constituer un cadre conceptuel cohérent permettant de caractériser l’entrepreneur responsable à travers les fondements de son engagement, la finalité de ses actions et les capacités entrepreneuriales, managériales et éthiques, dont il doit se doter pour mettre en oeuvre son modèle de la valeur. Enfin, en explicitant les capacités nécessaires à cette forme d’entrepreneuriat, même si celles-ci méritent d’être examinées dans une perspective opérationnelle, nous ouvrons des pistes de réflexion susceptibles d’intéresser l’entrepreneur porteur d’un projet à finalité sociétale et les acteurs de formations dédiées à la mise en oeuvre du DD en entreprise.
Par ailleurs, le modèle de valeur évoqué retient une perspective qui rejoint les débats en cours sur les finalités de l’entreprise (Levillain, Segrestin et Hatchuel, 2014). En effet, la finalité non lucrative de cet entrepreneuriat (finalité non exclusive), déployée néanmoins dans la sphère marchande, interpelle. Ne devient-il pas nécessaire de réviser les fondements économiques à partir desquels les sciences de gestion se sont construites en reconnaissant l’effectivité de cette finalité également dans le contexte marchand ? Une telle reconnaissance appelle certaines adaptations que les juristes ont d’ores et déjà amorcées avec la création de nouveaux statuts de société, par exemple le statut californien de La Flexible Purpose Corporation (Levillain, Segrestin et Hatchuel, 2014). Ces « entreprises à mission » sont ainsi dotées de mécanismes de gouvernance susceptibles d’accueillir et de favoriser un entrepreneuriat ou un intrapreneuriat responsable en DD[15]. Enfin, l’action de cet entrepreneur, génératrice de bénéfices pour autrui, acquiert par là même une dimension politique. Cette considération invite à expliciter son rôle au coeur des régulations de l’activité économique. L’entrepreneur responsable fournit une matière d’avant-garde (biens, connaissances et valeurs nouvelles…) que les régulateurs ont tout intérêt d’examiner pour ne pas s’abîmer dans le piège du dogmatisme. Reconnaître ce rôle, c’est imaginer les dispositifs institutionnels qui encouragent la génération d’une telle matière[16], c’est aussi imaginer les dispositifs qui permettent de la révéler et de la valoriser pour favoriser sa diffusion[17].
Au-delà de ces implications, notre contribution ouvre des perspectives de recherche complémentaires. D’une part, au plan théorique, comme évoqué en discussion, le cadre conceptuel auquel nous aboutissons pourrait être réexaminé en intégrant d’autres types d’organisations (par exemple, les organisations non marchandes de l’ESS). D’autre part, le regard transverse porté en particulier sur les recherches qualitatives explorées invite à poursuivre la réflexion sur les capacités mobilisées par l’entrepreneur responsable en DD. Ces recherches n’ont très probablement pas épuisé la question. Il s’agirait de questionner la réalité des capacités identifiées dans des contextes jusqu’ici non explorés, de mettre en évidence la façon, dont elles s’articulent ou se complètent, et d’identifier selon une approche inductive d’autres capacités non encore découvertes. Par ailleurs, nous avons présumé le rôle que jouent les capacités éthiques pour activer d’autres capacités. Au-delà des quelques illustrations proposées, les liens envisagés doivent être soumis à l’épreuve du terrain ; se pose alors la question des méthodes d’identification et d’évaluation de l’ensemble de ces capacités et de leurs relations mutuelles, question d’autant plus épineuse que les capacités éthiques présentent un niveau d’abstraction relativement marqué. À ce stade, des études qualitatives longitudinales seraient à privilégier afin d’atteindre la profondeur d’analyse nécessaire à un tel projet. Enfin, l’activation de ces capacités est opérante dans le sens du DD (une création de valeur sociétale renouvelée, non subordonnée) si et seulement si l’entrepreneur accorde une valeur aux gains pour autrui. De fait, toute recherche visant à comprendre l’engagement responsable de l’entrepreneur doit investiguer dans une première étape la représentation de la valeur à créer portée par l’entrepreneur.
Plus largement, les travaux portant sur l’entrepreneuriat responsable s’avèrent décisifs pour la recherche en RSE, car ils permettent de dépasser une approche instrumentale soluble dans une vision purement économique de l’entreprise. Dans les mains de l’entrepreneur responsable, la RSE est un concept vivant en perpétuel renouvellement, y compris dans sa dimension éthique.
Appendices
Notes biographiques
Véronique Bon exerce la fonction de maître de conférences habilitée à diriger les recherches en sciences de gestion à l’institut d’administration des entreprises (IAE) de Toulon. Elle est membre du centre d’étude et de recherche d’Aix-Marseille (CERGAM, EA 4225). Elle assure la responsabilité du master management de l’IAE de Toulon et dans le cadre de cette formation, elle dédie ses enseignements à la responsabilité sociétale des organisations. Ses travaux de recherche portent principalement sur l’engagement responsable des PME indépendantes.
Corinne Van Der Yeught est maître de conférences habilitée à diriger des recherches en sciences de gestion à l’IAE de Toulon et membre du centre d’étude et de recherche d’Aix-Marseille (CERGAM, EA 4225). Ses enseignements portent principalement sur le management stratégique et durable des organisations et sur le management environnemental et sociétal. Elle est responsable du master 2 management et du parcours « qualité et développement durable », elle est directrice de l’IAE de Toulon. Dans le cadre de ses recherches, elle étudie différentes modalités d’implémentation du développement durable au niveau organisationnel (capacités dynamiques d’innovation responsable, compétences, chaîne de valeur durable, gouvernance). Elle est également membre du conseil scientifique du Parc national de Port-Cros (Provence, France).
Notes
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[1]
Différents accords internationaux, normes et principes renvoient à ce cadre institutionnel mondial, tels que la norme ISO 26000 publiée en 2010 (« Lignes directrices relatives à la responsabilité sociétale des organisations »), les principes directeurs de l’OCDE en 2011, ou encore en 2015, les dix-sept objectifs du développement durable de l’ONU établis dans le cadre de son nouvel Agenda 2030.
-
[2]
Bien que l’entrepreneuriat responsable puisse se déployer sous d’autres formes organisationnelles (organisations publiques, associations), le marqueur de ces organisations, à savoir un but non lucratif, nécessite une analyse spécifique ; ce point est abordé à l’occasion de la discussion.
-
[3]
Le concept de paradigme est entendu par Verstraete et Fayolle (2005) comme « une construction théorique (par exemple, un concept) faisant l’objet d’une adhésion d’une partie suffisamment significative des chercheurs qui, au sein de la communauté ainsi constituée, partagent le point de vue proposé par le paradigme ».
-
[4]
Le concept de valeur partagée désigne la création conjointe de valeur économique et sociétale qui permet selon Porter et Kramer (2011) de générer une valeur globale supérieure. Il s’agit, pour ces auteurs, de repenser un nouveau capitalisme qui inscrit son action dans un cercle vertueux de création de valeur économique tout en répondant aux besoins de la société.
-
[5]
Par exemple, si la réduction des déchets par unité produite traduit une plus grande efficience écologique, une forte croissance de l’activité peut absorber l’ensemble de ces gains, engendrant une perte d’efficacité écologique.
-
[6]
Les stratégies engagées se traduisent par exemple par la privatisation des ressources environnementales pour en assurer la préservation, par la réduction des coûts de transaction visant à réduire les externalités négatives, par un activisme politique réorientant la régulation publique au bénéfice d’activités durables ou encore par une production d’informations orientant le consommateur vers des activités bénéfiques à la société.
-
[7]
Hockerts et Wüstenhagen (2010) relatent trois sources d’incertitudes : la nature et l’ampleur des impacts de l’activité entrepreneuriale, les techniques et les solutions disponibles pour limiter les impacts négatifs, la viabilité économique des innovations proposées.
-
[8]
La distinction évoquée ici correspond notamment à la classification proposée par l’OCDE en 2012.
-
[9]
Le concept de capital social fait référence ici aux relations entre les individus, dont découlent le développement de la confiance, des normes de réciprocité et la constitution de réseaux sociaux.
-
[10]
La proximalité est précisément définie par ces auteurs comme « la capacité d’une personne à percevoir des structures encastrantes – lointaines – comme si elles étaient proches et d’agir en conséquence ».
-
[11]
La résilience de l’entreprise soutenable est définie comme « la capacité d’une entreprise de survivre, s’adapter et croître face aux turbulences de l’environnement tout en assurant la progression de la valeur actionnariale sans accroître d’autant les matériaux nécessaires ».
-
[12]
La contribution de l’organisation au développement durable est ainsi intégrée à part entière dans la définition de la RSO selon ISO 26000 : « la capacité d’une organisation à prendre en compte les impacts de ses décisions et de ses activités sur la société et sur l’environnement, se traduisant par un comportement éthique et transparent qui : contribue au DD, à la santé et au bien-être de la société ; prend en compte les attentes des parties prenantes ; respecte les lois en vigueur ; est intégré dans l’ensemble de l’organisation et mis en oeuvre dans ses relations au sein de sa sphère d’influence » (AFNOR, 2010). Le développement durable selon la norme « vise à combiner les objectifs d’une haute qualité de vie, de santé et de prospérité avec ceux de la justice sociale tout en maintenant la capacité de la Terre à supporter la vie dans toute sa diversité ».
-
[13]
Ainsi, la norme aborde six grands enjeux thématiques de responsabilité parmi lesquels : « les relations et conditions de travail », « l’environnement », « les bonnes pratiques des affaires », « les questions relatives aux consommateurs » et « les communautés et le développement local ».
-
[14]
La majorité des dirigeants étudiés par Courrent et Gundolf (2009) adopte une approche déontologique par mimétisme qui relève moins d’une adhésion effective aux principes d’action concernés que de la nécessité de maintenir une légitimité ou d’améliorer l’image de l’entreprise (une perspective instrumentale).
-
[15]
Par exemple, dans le cas de la Flexible Purpose Corporation (statut défini dans le California Corporations Code), les sociétés commerciales peuvent intégrer dans leur statut deux objectifs : un objectif classique et un objectif spécifique, lequel peut être soit caritatif ou d’intérêt général, soit de minimisation des impacts négatifs ou de maximisation des impacts positifs de l’entreprise sur les salariés, fournisseurs, clients et créanciers, sur l’environnement, sur la communauté ou la société au sens large.
-
[16]
Le soutien des pouvoirs publics à des dispositifs d’expérimentation en RSE peut être une voie possible. C’est ainsi que les dirigeants-associés de l’entreprise Terre d’Oc (auparavant citée) ont choisi d’expérimenter une démarche de socioconception avec le concours de partenaires institutionnels.
-
[17]
Nous pensons notamment aux prix RSE/DD organisés par des acteurs institutionnels, lesquels permettent de mettre en lumière les actions innovantes d’entrepreneurs responsables. La région Provence-Alpes-Côte d’Azur (France) soutient par exemple une initiative de ce type avec les Trophées RSE-PACA.
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