Abstracts
Résumé
L’article analyse les difficultés et risques auxquels font face les petites et moyennes entreprises (PME) lors de la formation de coopérations interfirmes, et les rôles joués par les sociétés de capital-investissement dans leur diminution. Les PME font principalement face à une asymétrie informationnelle et une incertitude accrues en comparaison aux entreprises plus grandes. Les sociétés de capital-investissement permettent de réduire ces deux facteurs et d’instaurer une situation de confiance entre les futurs cocontractants, ce qui évite l’échec de la transaction. Une étude de cas multiples à visée infirmationniste menée sur le marché français du capital-investissement détaille ces principaux résultats.
Mots-clés :
- PME,
- Capital-investissement,
- Risques contractuels,
- Coopérations interfirmes,
- Études de cas
Abstract
This article analyses the difficulties and risks small to medium sized companies (SME) encounter while forming interfirm cooperation, and the roles private equity-firms play, reducing those risks. SME mainly face higher information asymmetries and uncertainty compared to bigger companies. Private equity-firms help reduce both factors and to establish a situation of trust between the future interfirm cooperation partners. They thereby prevail the transaction to fail. A multiple case study of explanatory design, conducted on the French private equity market, details these major results.
Keywords:
- SME,
- Private-equity,
- Contractual risks,
- Interfirms cooperations,
- Case studies
Resumen
El artículo analiza las dificultades y los riesgos a los cuales las pequeñas y medianas empresas se enfrentan durante la formación de cooperaciones inter-empresas, asi que el papel que desempeňan en cuanto a su reducción. Las pequeñas y medianas empresas se encuentran en situación de asimetría de la informacíon y de incertidumbre incrementadas en comparación con las empresas más grandes. Las empresas de capital de riesgo reducen estos dos factores y instauran une situación de confianza entre los futuros cocontratantes, lo cual ahorra el fracaso de la transacción. Un estudio de casos multiples con objetivo de infirmación, realizado sobre el mercado francés del capital de riesgo, detalla estos resultados principales.
Palabras clave:
- PyME,
- Capital de riesgo,
- Riesgos contractuales,
- Cooperaciones interempresas,
- Estudios de casos
Article body
Introduction
L’article a pour objectif d’analyser le rôle des sociétés françaises de capital-investissement (ci-après « SCI »), en tant que mécanisme permettant de réduire les risques que peuvent rencontrer les PME accompagnées dans la formation de coopérations durables. Le sujet est d’importance, car la formation de coopérations durables et, plus généralement, le réseautage des PME pourraient constituer une alternative au manque d’entreprises de taille moyenne en France.
Le terme « coopérations durables » que nous empruntons est associé au terme anglo-saxon « alliances stratégiques ». Les alliances stratégiques font l’objet de nombreux travaux, principalement dans la littérature stratégique (Teece, 1986 ; Kogut, 1988 ; Gomez, Korrine et Masclef, 2001 ; Ingham et Mothe, 2003 ; Jaouen, 2006 ; Hoffmann, 2007 ; Lavie, 2007 ; Wang et Zajac, 2007). Selon Barney (2002) et Barney et Hesterley (2006), une alliance stratégique existe à chaque fois que deux ou plus de deux organisations indépendantes coopèrent pour développer, produire ou vendre des produits ou des services[2]. Les alliances, selon Gulati (1995, p. 620-621), impliquent la contribution des partenaires sous forme de capitaux, de technologies ou d’actifs spécifiques[3]. Ainsi, nous considérons, au sein de ce travail, qu’une coopération durable ou alliance est un accord de coopération conclu entre au moins deux entreprises indépendantes, qui a pour objectif de créer un avantage mutuel. Elle permet une gestion commune d’actifs ainsi qu’une poursuite d’objectifs communs (Yin et Shanley, 2008, p. 473) tout en permettant aux entreprises de conserver leur autonomie en dehors de la relation d’alliance. La coopération est qualifiée de stratégique si elle vise à obtenir un avantage concurrentiel et à créer de la valeur à long terme (Koenig, 1996). Les entreprises associent leurs ressources et savoir-faire afin d’atteindre des objectifs qui auraient été hors de leur portée si elles avaient fait cavalier seul. Parmi les objectifs les plus cités, on retrouve l’accès à des ressources complémentaires, la création de synergies, la réalisation d’effets d’échelles ou de champ (pour les domaines tels que la R&D), le transfert ou l’apprentissage de connaissances, le partage de risques, la conquête de nouveaux marchés (géographiques ou sectoriels), l’obtention d’une taille critique. Des exemples courants d’alliances stratégiques peuvent être des relations entre entreprises permettant le développement conjoint de nouveaux produits ou services, le développement de relations client-fournisseur, le développement à l’international, la réduction de coûts, l’échange de pratiques organisationnelles, par exemple, au niveau du système de contrôle interne, de l’utilisation d’outils de gestion, de la manière de divulguer des informations (Stinchcombe, 1965, p. 149), des méthodes d’approvisionnement et de livraison, des méthodes de production, etc.
Malgré ces atouts, la formation de coopérations interfirmes n’est cependant pas exempte de risques et de difficultés pour les PME, qui peuvent mener à l’échec de la transaction. Une littérature en émergence analyse les bienfaits de la présence de SCI dans la formation d’alliances pour les PME accompagnées. La formation d’alliances pour de jeunes pousses accompagnées par capital-investissement a ainsi été observée principalement dans le domaine de la biotechnologie dans les années 80/90, années de l’essor du capital-investissement aux États-Unis. Ont fait l’objet d’études, en général, les alliances entre de jeunes pousses biotechnologiques et des grandes entreprises pharmaceutiques (Stuart, Hoang et Hybels, 1999). De telles études n’analysent cependant pas le rôle direct des SCI dans la formation de ces alliances. Les analyses portent, en général, sur l’impact de la présence d’une alliance et, en particulier, la réputation du partenaire à l’alliance, sur le succès de la sortie de la jeune pousse[4]. Il faut attendre le milieu des années 2000, pour trouver des travaux cherchant à analyser de façon plus concrète le rôle particulier des SCI dans la formation d’alliances. Les travaux privilégient deux points : (1) le rôle des SCI dans la formation d’alliances pour les entreprises qu’elles accompagnent et (2) l’impact des alliances formées sur le succès des jeunes pousses qui les forment (Burkhardt, 2015).
Ainsi, Hsu (2006) analyse dans quelle mesure les jeunes pousses accompagnées par une SCI forment des alliances commerciales, comparées à un échantillon de PME aux caractéristiques similaires (au niveau du stade de développement, de l’environnement dans lequel elles agissent), mais non accompagnées par une SCI. Il trouve que tant la présence d’une SCI que la réputation de cette dernière ont un effet positif sur la formation d’alliances pour les PME accompagnées et permettent une introduction en bourse plus fréquente. Colombo, Grilli et Piva (2006) mettent également en évidence, dans le domaine de la haute technologie, que la présence de sponsors tels que les SCI, ainsi que leur réputation, ont un effet positif sur la formation d’alliances. Lindsey (2008) avance que la probabilité de formation d’alliances pour des entreprises accompagnées par capital-risque est plus élevée lorsque les partenaires à l’alliance partagent une même SCI. De même que Gompers et Xuan (2009), elle avance l’explication que les SCI réduisent les problèmes d’asymétrie informationnelle et l’adoption de comportements non coopératifs entre les futurs partenaires à l’alliance. Wang, Wuebker, Han et Ensley (2012) expliquent que la formation d’alliances permettrait aux SCI de diminuer les risques associés à un environnement hostile pour leurs participations. Ils trouvent, de plus, qu’elles utilisent la formation d’alliances comme un substitut à l’apport en capital.
Cette littérature met en évidence l’impact positif de la présence d’une SCI sur la formation de coopérations durables pour les PME accompagnées. L’ensemble de ces études a recours à des tests statistiques et économétriques et applique les études aux marchés américain et italien. Les tests statistiques permettent de montrer une corrélation positive entre la présence de la SCI et sa réputation sur la formation d’alliances entre PME. Les liens de causalité avancés justifient le bienfait de cet investisseur pour la formation d’alliances par la voie contractuelle. Les auteurs avancent que les SCI permettent de réduire l’asymétrie informationnelle et l’incertitude auxquelles font face les PME lors de la formation d’alliances, et ainsi les risques pré et postcontractuels. Ces explications avancées ne sont cependant ni détaillées ni testées. Il s’agit là d’un gap théorique que notre étude vise à combler. Précisément, notre article propose l’analyse détaillée des risques qu’encourent les PME accompagnées par capital-investissement dans la formation de coopérations durables, et les modalités d’intervention des SCI dans la diminution des risques encourus. Afin de pouvoir mettre à l’épreuve des faits empiriques les liens de causalité avancés, nous recourons, dans une démarche hypothético-déductive, à une étude de cas multiples et encastrée à visée infirmationniste, c’est-à-dire de test d’hypothèses. Ces études de cas reposent sur des données recueillies par entretiens auprès de SCI françaises et des dirigeants des PME ayant formé les alliances. Le point fort de ce type d’étude de cas comparé aux tests économétriques est précisément de pouvoir vérifier empiriquement la plausibilité des liens de causalité avancés par l’analyse théorique (Yin, 2003).
Notre étude propose ainsi trois principaux apports. Au niveau théorique, elle permet de faire avancer les connaissances sur les risques pré et postcontractuels encourus par les PME lors de la formation d’alliances et les modalités d’intervention concrètes des SCI pour diminuer ces risques. Les résultats montrent que, comparées aux entreprises cotées, les PME font face à des risques de sélection contraire, d’aléa moral, de passager clandestin et d’extorsion (hold-up) accrus lors de la formation de coopérations durables. Ces risques pré et postcontractuels peuvent conduire à l’échec de la transaction. Les SCI françaises s’avèrent constituer de réels intermédiaires relationnels, permettant de réduire les risques encourus. En phase précontractuelle, la SCI joue le rôle d’un garant de la stabilité financière de la PME et d’un fournisseur d’informations objectives aux potentiels partenaires à la coopération quant au sérieux et au bien-fondé du savoir-faire de la PME accompagnée. En phase postcontractuelle, les SCI jouent le rôle d’un mécanisme de gouvernance disciplinaire et cognitive, permettant de diminuer les risques liés à l’adoption de comportements non coopératifs et de fluidifier les transferts de connaissances et de savoir-faire entre les PME prenant part à l’alliance. Au niveau de la méthode, notre étude est la première au sein de la littérature identifiée à avoir recours à une étude de cas à visée infirmationniste, permettant ainsi l’analyse détaillée des modalités d’intervention des SCI et de vérifier empiriquement les liens de causalité identifiés. Au niveau empirique, l’analyse est pionnière pour la mise en évidence du phénomène pour la France. Notre étude permet ainsi la généralisation du phénomène au-delà des marchés américain et italien, et analyse des coopérations durables formées entre PME agissant dans tous types de secteurs.
Le papier est organisé comme suit. Dans la première section, nous commençons par présenter les caractéristiques des coopérations interPME étudiées. Nous exposons ensuite, dans la deuxième section, la revue de la littérature sur les principaux risques qu’encourent les PME lors de la formation de coopérations interfirmes et développons les hypothèses quant aux solutions qu’apportent les SCI. Adoptant une démarche hypothético-déductive, la troisième section présente la mise à l’épreuve des faits empiriques des hypothèses posées et les résultats de l’étude. S’ensuivent une discussion et la conclusion des résultats.
1. Caractéristiques des coopérations interPME étudiées
Dans le cadre de cette étude, nous focalisons notre attention sur les coopérations interfirmes formées entre PME accompagnées par une SCI française. Le capital-investissement constitue un acteur majeur dans le soutien des entreprises non cotées en France. Il se positionne actuellement comme 2e source de financement des entreprises (AFIC, 2015)[5]. Les SCI interviennent dans le financement en fonds propres d’entreprises essentiellement non cotées, de petite ou moyenne taille, actives dans des secteurs innovants et se trouvant soit à des stades de cycle de vie primaires (amorçage, création, développement), soit souhaitant procéder à des opérations de transmission ou d’acquisition d’entreprises non cotées ou rencontrant des difficultés temporaires (« retournement ») (Bulletin de la Banque de France, 2007, p. 115 ; Desbrières 2001a, 2001b ; Pensard, 2007). Dans certains cas, elles peuvent également intervenir auprès d’entreprises souhaitant sortir de la cote (Glachant, Lorenzi et Trainar, 2008, p. 7).
Les SCI détiennent généralement des blocs de contrôle qui peuvent être significatifs et siègent au conseil d’administration (ou conseils stratégiques assimilés) des entreprises sélectionnées. De ce fait, elles sont en mesure de contraindre la latitude managériale des dirigeants et d’influer sur la nature de la stratégie poursuivie. Ce fait lie la question de recherche au domaine de la gouvernance qui selon Charreaux (1997) recouvre « l’ensemble des mécanismes qui ont pour effet de délimiter les pouvoirs et d’influencer les décisions des dirigeants, autrement dit, qui « gouvernent » leur conduite et définissent leur espace discrétionnaire ». Les SCI sont ainsi en mesure d’influer sur le potentiel de création de valeur des entreprises accompagnées.
La plupart des SCI françaises mentionnent, sur leur site Internet, jouer un rôle dans le réseautage, la formation d’alliances pour les PME qu’elles accompagnent. Cependant, généralement aucun exemple concret n’est livré. Une étude récemment menée sur le marché français du capital-investissement permet de fournir des informations publiquement accessibles sur la nature des coopérations durables formées entre PME accompagnées par ces SCI françaises (Burkhardt, 2014). L’étude relève qu’au moins près d’un tiers des SCI françaises membres de l’AFIC (Association Française des Investisseurs pour la Croissance) sont impliquées dans la formation de coopérations interPME durables, ce qui témoigne de l’importance du phénomène. Ces coopérations interPME ont pour principaux objectifs la mise en place de relations client-fournisseur durables, impliquant généralement le développement commun de nouveaux produits et services, l’échange de pratiques organisationnelles et le développement à l’international des entreprises impliquées. Ces coopérations durables restent pour la plupart non formalisées, ce qui les rend difficilement repérables, à l’exception des relations client-fournisseur qui donnent lieu à des accords commerciaux. Les coopérations sont qualifiables de stratégiques, car elles visent l’atteinte d’un avantage compétitif que les entreprises n’auraient pu atteindre en restant seules. La majeure part de ces alliances est dite de complémentarité. Il s’agit pour les partenaires de combiner des compétences et des actifs complémentaires, pour soit créer des activités nouvelles, soit améliorer la performance des activités actuelles. Ce type de coopérations durables est fréquemment formé entre entreprises non concurrentes, mais agissant sur des secteurs connexes (Lehmann-Ortega etal., 2013, p. 480). Souvent, l’une des entreprises prenant part à la coopération développe un produit ou un service qui sera commercialisé par le partenaire ou le réseau de ce dernier. L’alliance de complémentarité peut aussi donner lieu à la spécialisation d’un produit de l’une des entreprises pour être intégrée dans la production de l’autre entreprise. Pour une part moins importante, on retrouve également des coopérations durables de pseudo-concentration : les entreprises s’allient pour améliorer leur position concurrentielle via l’obtention d’une taille critique qui leur permet de concurrencer des entreprises de plus grande taille. Ce type de coopération durable permet également aux PME d’augmenter leur pouvoir de négociation, par exemple face à des fournisseurs clés.
Les SCI qui interviennent dans des PME en phase d’amorçage, de capital-risque et développement, sont principalement des SCI industrielles indépendantes, c’est-à-dire qui ne représentent ni une filiale d’une banque ni une filiale d’un groupe. L’idée des alliances peut provenir des SCI qui jouent alors un rôle de déclencheur des coopérations durables, soit des dirigeants des PME accompagnées ; le rôle des SCI étant alors une aide à la concrétisation de ce projet d’alliance (Burkhardt, 2016). Dans la présente étude, nous souhaitons étudier de plus près le rôle de ces SCI dans la réduction de risques habituellement liés aux coopérations interfirmes durables. Tel qu’évoqué lors de l’introduction, la littérature identifie que la présence d’une SCI joue un rôle positif dans la formation d’alliances entre PME accompagnées et avance comme justification l’implication des SCI dans la réduction des inefficiences liées. Aucune de ces études, cependant, n’identifie ni les risques auxquels font face les PME lors de la formation de coopérations durables ni les modalités concrètes d’intervention des SCI dans leur diminution. Il s’agit d’un gap théorique que la présente étude souhaite combler.
2. Le rôle des SCI dans la réduction des risques encourus dans les coopérations durables
Cette section présente dans un premier point les risques pré et postcontractuels auxquels font face les PME lors de la formation de coopérations durables. Ces risques se posent, quelle que soit la nature du contrat (formel ou informel). Nous analysons ensuite le rôle des SCI dans la réduction des risques identifiés et développons les hypothèses de recherche qui seront ensuite mises à l’épreuve des faits empiriques dans le cadre d’une démarche hypothético-déductive.
2.1. Les risques encourus dans les coopérations durables entre PME
Les formations de coopérations interfirmes durables posent des risques pré et postcontractuels, qui se voient renforcés en présence de PME. Les théories des coûts de transaction et de l’agence permettent principalement d’analyser ces risques contractuels. La théorie des coûts de transaction présente les alliances ou coopérations durables comme un mode hybride de gouvernance, se situant entre la hiérarchie et le marché et permettant de réduire les coûts de transaction (Williamson, 1991, p. 271). La théorie de l’agence met l’accent sur les conflits d’intérêts et les présente comme un noeud de contrats permettant le maintien de l’équilibre des intérêts des parties contractantes à un moment donné (Jensen et Meckling, 1976, p. 310-311 ; Alchian et Demsetz, 1972, p. 779). Suivant Jensen et Meckling (1976, p. 308), une relation d’agence « est un accord selon lequel, une partie, le principal, confie à une autre partie, l’agent, le soin d’accomplir une tâche en son nom ». En raison de divergences d’intérêts entre le principal et l’agent apparaissent des conflits d’agence.
Au sein des théories contractuelles, ces conflits d’intérêts peuvent être résolus via les contrats et les systèmes d’incitation. Cependant, une résolution complète et non coûteuse du problème d’agence via les contrats ne peut avoir lieu qu’en environnement certain. En présence d’incertitude et d’asymétrie informationnelle, il est trop coûteux sinon impossible de déterminer à l’avance toutes les éventualités possibles, ce qui rend les contrats incomplets. L’incomplétude des contrats rend leur formation risquée. Les agents, censés de rationalité limitée (Simon, 1947) et censés maximiser leur propre bien-être, peuvent ne pas accomplir correctement la tâche qui leur a été déléguée ou même agir de manière stratégique, voire opportuniste une fois le contrat conclu. Dans ce cas, ils peuvent tenter de profiter de la situation et des failles du contrat en exploitant l’information privée qu’ils détiennent pour poursuivre leurs propres buts. Une solution face à ce problème peut être la mise en place de mécanismes de contrôle. Mais en raison de l’asymétrie informationnelle, le contrôle du comportement de l’agent par le principal ne peut se faire sans coûts.
La relation d’agence engendre donc des coûts d’agence par rapport à une situation idéale où il n’y aurait ni asymétrie d’information ni conflit d’intérêts, c’est-à-dire en l’absence de coûts. La comparaison est faite entre la situation de référence où le dirigeant détient 100 % des droits résiduels, et la situation où le propriétaire ouvre son capital à des investisseurs externes (Jensen et Meckling, 1976, p. 312). Dans la première situation, le dirigeant, censé maximiser son utilité, subit la totalité des conséquences (pécuniaires et non pécuniaires) de ses choix. En revanche, dans la seconde situation, le dirigeant n’est plus le seul à détenir les droits résiduels dans l’entreprise. Il ne subit alors qu’une partie des coûts associés aux conséquences des décisions qu’il entreprend pour se procurer des bénéfices non pécuniaires. Les investisseurs, censés rationnels, anticipent la situation et proposent un prix inférieur à la valeur intrinsèque du titre (Wirtz, 2006 ; Jensen et Meckling, 1976, p. 313). Il en résulte une perte de valeur qui trouve sa source dans la présence de coûts d’agence, liés aux divergences d’intérêts des parties (Jensen et Meckling, 1976, p. 312 ; Jensen et Murphy, 2004, p. 21).
Les coûts d’agence peuvent être décomposés en trois types de coûts (Jensen et Meckling, 1976, p. 308 et p. 312-313) : les coûts de surveillance, les coûts de dédouanement, les coûts résiduels. Les deux premiers coûts sont des coûts explicites. Les coûts de surveillance sont engendrés par les actions du principal dans le but d’inciter l’agent à agir dans son intérêt. Il peut s’agir de la mise en place de systèmes incitatifs ou de contrôle, telles les restrictions de budget, la mise en place de règles opérationnelles ou de politiques de rémunération. Les coûts de dédouanement sont liés à l’autodiscipline des agents. Ce sont les coûts supportés par l’agent dans le but de montrer au principal que si ses actions vont à l’encontre de ses intérêts, ce dernier sera dédommagé. Les coûts résiduels sont des coûts d’opportunité qui surviennent du fait qu’une protection totale des intérêts du principal, telle qu’elle est garantie dans une situation idéale, donc une situation en absence de conflits d’agence, ne peut être assurée (Jensen et Meckling, 1976, p. 309). Ils peuvent être limités, mais non entièrement supprimés (Jensen et Meckling, 1976, p. 312).
L’asymétrie informationnelle existant tant avant qu’après le contrat, on distingue les risques pré et postcontractuels. Dans le premier cas, le risque précontractuel peut empêcher la formation du contrat pourtant avantageux pour les deux parties ou aboutir à une sélection contraire (Akerlof, 1970). La sélection contraire est liée au fait qu’un des cocontractants détient une information privée, dont il peut tirer avantage en raison de l’asymétrie d’information. Ces risques ne font que s’amplifier en présence de PME non cotées, en raison de l’asymétrie et de l’opacité informationnelles (Godbillon-Camus et Godlewski, 2005 ; Levratto, 2002a, 2002b) qu’elles présentent. En raison de l’asymétrie et de l’opacité informationnelle, il est possible qu’une des parties détienne une information privée sur l’objet de la transaction et cherche à en tirer profit au détriment de l’autre partie contractante. La possibilité d’un tel comportement suffit pour engendrer une méfiance à l’égard du futur partenaire (Brousseau, 1993, p. 13-15). La relation entre deux entreprises formant une coopération durable pouvant être considérée comme dyadique, ce risque de sélection contraire se pose simultanément pour les deux parties (Teece, 1986). Outre ces conflits potentiels, étant donné que certaines des entreprises financées par capital-investissement se trouvent dans des stades précaires de leur cycle de vie, interviennent dans des secteurs à forte incertitude, et n’ont souvent pas encore de performances historiques à présenter, des partenaires potentiels peuvent renoncer à s’allier en raison, premièrement, de doutes sur leur qualité. Deuxièmement, il est possible que des partenaires potentiels refusent de coopérer avec elles, par crainte d’une éventuelle instabilité financière (Banerjee, Dasgupta et Kim, 2008).
L’asymétrie informationnelle étant à l’origine des conflits potentiels, il est nécessaire de la réduire afin d’éviter l’échec de la transaction. Une solution classique face à ce problème est de s’assurer contre ce risque de manière contractuelle (Alchian, Crawford et Klein, 1978, p. 302-307). Selon la conception du contrat (par exemple les garanties exigées), les parties contractantes peuvent être amenées à révéler de l’information. Les entreprises peuvent être conduites à émettre des signaux permettant de crédibiliser leurs engagements. Ces signaux ne sont crédibles que s’ils ne peuvent être imités sans supporter des coûts élevés. Dans le cas des coopérations décrites supra, les investissements des deux parties liées à la transaction peuvent être principalement des investissements en actifs humains. Des garanties permettant de crédibiliser les engagements des parties peuvent être, par exemple, des brevets concernant le savoir-faire ou des diplômes garantissant les qualifications des effectifs (Akerlof, 1970, p. 494). La demande de garanties et l’émission de signaux par les parties contractantes engendrent des coûts d’agence, respectivement de surveillance et de dédouanement.
Cependant, cette solution suppose l’existence d’informations suffisamment formalisées. Or, les connaissances de ces entreprises sont généralement tacites et les informations peu formalisées. Ce contexte complique la situation, étant donné que des engagements qui ne reposent pas sur des documents écrits rendent difficile l’exécution des contrats devant des tribunaux. Ainsi, ils ne permettent pas de crédibiliser les engagements. La formalisation des informations peut alors être trop coûteuse sinon impossible pour ces entreprises face aux gains potentiels liés à la coopération, ce qui peut entraîner l’échec de la transaction.
En présence de contrats informels, la solution passe alors par des mécanismes facilitant l’autoexécution des contrats et diminuant ainsi les coûts d’agence. Un exemple de tels mécanismes est constitué par la confiance (Akerlof, 1970). Celle-ci facilite l’investissement en capital humain spécifique notamment en réduisant les risques de sélection contraire. Ce mécanisme est important d’autant plus, que les investissements communs en actifs humains engendrent des flux de connaissances importants ce qui augmente le risque de perte de savoir-faire propre des entreprises (Alchian, Crawford et Klein, 1978, p. 313-319).
Cependant, la confiance est un mécanisme à caractère bilatéral (Charreaux, 1990). La confiance ne peut s’établir que par l’interaction de deux agents, ce qui nécessite soit un certain temps pour qu’elle se développe, soit une garantie ex ante, donc préalable. Si les futurs contractants ne se connaissent pas préalablement à la transaction, un mécanisme permettant d’établir une situation de confiance en phase précontractuelle peut être constitué par la réputation. Cette dernière est un mécanisme complémentaire et nécessaire au bon fonctionnement du mécanisme de la confiance (Charreaux, 1990). Or, la réputation elle-même n’est un mécanisme efficace que si la probabilité de détection des comportements non coopératifs est élevée et si l’information relative à ces derniers est diffusée rapidement et auprès d’un large public. La réputation comprend donc une dimension partagée entre plusieurs acteurs. Cependant, les entreprises étant jeunes et non cotées, leur réputation peut être supposée faible. Les efforts entrepris ex ante par ces entreprises pour montrer à leur environnement qu’elles sont fiables engendrent des coûts de dédouanement qui peuvent excéder les gains anticipés de la relation. Le problème précontractuel reste donc posé.
En phase postcontractuelle peut se poser le problème du risque moral (Arrow, 1963, 1968), c’est-à-dire que les agents peuvent ne pas respecter leurs engagements. Cette situation peut conduire au problème de passager clandestin (Alchian et Demsetz, 1972). Enfin, et plus précisémment dans le cadre d’alliances de complémentarité, peut se poser le problème d’extorsion (hold-up) : si l’un des partenaires fait des investissements idiosyncratiques, tels que c’est le cas des relations client-fournisseur spécifiques, le partenaire peut tirer profit de la situation et augmenter les prix par la suite. Ces situations mènent d’une part à une sous-exploitation des synergies possibles et engendrent d’autre part des coûts liés à la coordination, au contrôle, aux discussions nécessaires permettant la compréhension mutuelle des partenaires à l’alliance pour le transfert des savoir-faire, ainsi que liés à la négociation (Lehmann-Ortega et al., 2013).
Dans les sections suivantes, nous analysons le rôle des SCI dans la réduction de ces risques pré et postcontractuels. Les hypothèses auxquelles aboutissent ces développements seront ensuite mises à l’épreuve empirique des faits à l’aide d’une étude de cas à visée infirmationniste, c’est-à-dire de tests d’hypothèses. La démarche de l’étude est hypothético-déductive.
2.2. Le rôle des SCI dans la réduction des risques précontractuels
Pour que la transaction n’échoue pas, il est nécessaire de mettre en place ex ante, des mécanismes permettant de réduire l’asymétrie informationnelle et des garanties ou des solutions assurant la crédibilité des engagements et établissant une situation de confiance. Ex post, les contrats nécessitent un mécanisme flexible, permettant une adaptation des contrats (Williamson, 1979, p. 242). En raison de l’incomplétude des contrats, on a alors davantage recours à une gouvernance trilatérale, c’est-à-dire à un troisième acteur jouant le rôle d’arbitre (Kreps, 1998, p. 133). Il permet d’apaiser les conflits potentiels et s’avère plus efficace que la mise en place de contrats détaillés. Les SCI permettent-elles de diminuer les coûts de transaction ex ante pouvant empêcher la formation d’une alliance ? Ex post, peuvent-elles assurer le rôle d’un arbitre, le rôle d’un mécanisme de gouvernance disciplinaire ?
Concernant la crainte d’une instabilité financière, la SCI, par sa simple présence, peut jouer le rôle de « garant » et « certifier » la stabilité financière des PME qu’elle accompagne[6]. Si ces dernières font face à des problèmes de liquidité, les SCI sont en mesure de les soutenir financièrement. Leur simple présence ainsi que leur statut de société d’investissement permettent d’apaiser la méfiance de futurs partenaires, voire d’établir une confiance, comparativement à la situation d’absence de SCI. Ce rôle semble d’autant plus important, que la SCI est réputée sur les marchés.
Concernant la méfiance d’entreprises externes à l’égard de la qualité d’une PME accompagnée par capital-investissement, les SCI peuvent jouer un rôle de certification à l’instar d’agences de notation. Les SCI, afin de sélectionner les candidats qu’elles accompagnent, vont déjà entreprendre une analyse minutieuse et évaluer, entre autres, les connaissances, compétences et ressources spécifiques des entreprises. Elles sont en mesure de repérer, d’évaluer le savoir-faire des PME, étant donné qu’elles se sont spécialisées dans ces domaines et apportent les compétences nécessaires. Les SCI permettent alors de renforcer la crédibilité des engagements de ces PME à l’égard de futurs partenaires à la coopération.
De ce fait, les SCI vont jouer le rôle de mécanisme permettant d’établir la confiance nécessaire pour crédibiliser les engagements à long terme des entreprises. Les SCI ayant longuement étudié et interagi avec les entreprises qu’elles accompagnent, ce processus permet l’établissement d’une relation de confiance entre les PME et la SCI. Cette relation de confiance peut, à son tour, faciliter l’établissement d’une confiance entre les deux PME ex ante à la formation d’une coopération interfirmes (Akerlof, 1970, p. 497 ; Kreps, 1998, p. 133). De plus, les SCI étant cotées et en lien avec un large public, elles ont aussi potentiellement une réputation à perdre. Ce dernier mécanisme renforce les liens de confiance évoqués.
Dans la littérature plus proche de notre sujet, certains auteurs argumentent (Megginson et Weiss, 1991 ; Stuart, Hoang et Hybels, 1999, p. 315 ; Hsu, 2004, p. 1805-1806 et Nahata, 2008, p. 127) que lorsque la qualité d’un acteur est difficilement observable, l’appréciation de sa « qualité », c’est-à-dire que la PME est sérieuse et dispose d’un savoir-faire réel, se fait sur la base de la notoriété des agents interagissant avec cet acteur. La SCI ayant plus de visibilité et de notoriété que la PME accompagnée, pourrait alors constituer un tel acteur (Hsu, 2006, 2004).
Ces développements nous conduisent à poser l’hypothèse que la réputation des SCI permet de renforcer la confiance, ce qui permet de réduire les risques précontractuels, notamment celui de la sélection contraire, et a ainsi un impact positif sur la formation de coopérations interfirmes.
Hypothèse 1 : « Toutes choses égales par ailleurs, la réputation des SCI permet de réduire le risque de sélection contraire et de ce fait a un impact positif sur la formation de coopérations interPME ».
En prolongeant l’argumentation, une SCI n’est en mesure de certifier de la qualité de la PME accompagnée que si elle est dotée d’une bonne réputation. Cette dernière se développe et dépend, notamment, des performances passées (Hsu, 2004, p. 1807 ; Shapiro, 1983). En ce sens, une SCI en cours d’établissement sur le marché du capital-investissement est censée disposer d’une réputation plus faible que des SCI établies. Si cette jeune SCI ne peut pas elle-même jouer le rôle de certification, elle peut alors mettre en relation les PME accompagnées avec des acteurs réputés sur les marchés, notamment, dans le cadre de coopérations interfirmes. Une telle mise en relation avec des partenaires réputés peut constituer un mécanisme soit complémentaire (Ozmel, Robinson et Stuart, 2013 ; Chang, 2004) (si la SCI possède une réputation, mais qu’elle est faible), soit substituable (si la SCI ne possède pas encore de réputation) au rôle de certification joué par des SCI établies sur les marchés. Ces développements mènent à l’hypothèse suivante :
Hypothèse 2 : « Toutes choses égales par ailleurs, une SCI à faible réputation met les PME accompagnées en relation avec des partenaires réputés dans le cadre de coopérations interfirmes durables ».
2.3. Le rôle des SCI dans la réduction des risques postcontractuels
De futurs partenaires à la relation interfirmes peuvent également renoncer à la formation de la coopération par crainte d’adoption de comportements non coopératifs du partenaire une fois la coopération formée. Comme énoncé plus haut, en phase postcontractuelle se posent d’une part les risques liés à l’aléa moral et le risque d’extorsion. Il s’agit de risques liés au caractère opportuniste potentiel des partenaires aux coopérations durables. La présence de la SCI va permettre de jouer le rôle d’un arbitre, et donc d’assurer le rôle d’un mécanisme de gouvernance « disciplinaire » permettant de limiter ces risques. D’autre part, il se pose le risque d’une incompréhension mutuelle entre partenaires à la coopération, ce qui peut être coûteux lors du processus d’échange de compétences et de connaissances, et compliquer le processus d’apprentissage. Les SCI pourraient dans ce dernier cas jouer le rôle d’un mécanisme de gouvernance « cognitive » permettant de faciliter les échanges de connaissances et de réduire les coûts liés. Ces deux rôles sont explicités un à un.
2.3.1. Les SCI en tant que mécanisme de gouvernance disciplinaire
Les SCI siégeant au conseil d’administration des entreprises accompagnées (Sahlman, 1990) sont en mesure de gouverner leur contribution, de contrôler le comportement des partenaires à la coopération interfirmes et de les discipliner en cas d’adoption de comportements non coopératifs. Ce fait réduit ex ante la méfiance des futurs partenaires à la transaction et, de ce fait, a un impact positif sur la formation de la coopération. Les SCI pouvant détenir une participation soit minoritaire, soit majoritaire dans les entreprises accompagnées, nous supposons que ce rôle disciplinaire des SCI est plus important lorsqu’elles détiennent une participation majoritaire. Dans un tel cas, la SCI représente l’arbitre « type » décrit par Alchian et Demsetz (1972). Cet arbitre permet de réduire les problèmes de passager clandestin liés à une production de groupe.
Selon Alchian et Demsetz (1972, p. 783), un tel arbitre réunit l’ensemble des droits suivants : (1) le droit d’être le créancier résiduel ; (2) le droit d’observer la contribution (l’input) des acteurs ; (3) le droit d’être l’intermédiaire central, commun à tous les acteurs ; (4) le droit d’élire ou d’évincer les parties ; (5) le droit d’aliéner ces droits. La SCI est un créancier résiduel ; elle détient une participation pouvant être majoritaire dans les entreprises formant la coopération (1). Via sa présence au sein de conseils stratégiques et sa proximité avec les dirigeants, elle est en mesure d’observer la contribution des acteurs (2). Elle constitue le point de contact entre les autres partenaires de l’alliance et ce, d’autant plus, qu’elle est à l’origine de l’idée de la coopération (3). Elle a la possibilité d’élire le CEO et les principaux cadres des entreprises prenant part à la coopération (4). La SCI est également en mesure de déterminer le mode de rémunération des parties. Ainsi, elle peut avoir un rôle disciplinaire à l’égard des détenteurs de connaissances spécifiques en ayant la possibilité de lier, par exemple, leur rémunération à la rentabilité de la coopération (Hansmann, 1988, p. 282-283). Enfin, elle est en mesure de procéder à une expropriation directe en revendant ses parts (Lindsey, 2008, p. 1138) et de s’approprier les gains de la cession (5). Ces développements nous conduisent à poser l’hypothèse suivante :
Hypothèse 3 : « Toutes choses égales par ailleurs, les SCI, en tant que mécanisme de gouvernance disciplinaire, a un impact positif sur la formation de coopérations interfirmes pour les entreprises qu’elle accompagne. Ce rôle est plus important dans le cadre de la prise de participation majoritaire ».
2.3.2. Les SCI en tant que mécanisme de gouvernance cognitif
Une coopération interfirmes durable, en particulier si elle est dite de complémentarité, implique le transfert de ressources, de compétences et de savoir-faire entre entreprises (Teece, 1986 ; Kogut, 1988). Cet échange peut s’avérer plus ou moins coûteux selon la « distance cognitive » (Wuyts, Colombo, Dutta et Nooteboom, 2005 ; Colombo, Grilla et Piva, 2006, p. 1171) des partenaires à la coopération (Kogut et Zander, 1992, p. 388-389 ; Nooteboom, 1993). Selon Langlois (1992, p. 113), le transfert de compétences repose sur l’échange d’informations et de connaissances et peut engendrer des coûts de conviction, de négociation, de coordination et de formation en termes d’apprentissage. Dans ce contexte, la « coordination » peut être qualifiée de « cognitive », dans le sens où il s’agit de s’assurer que les agents impliqués soient « sur une même longueur d’onde » (Langlois, 1992, p. 120-121). Il ne s’agit pas de réduire au maximum les divergences et les coûts cognitifs liés, mais de gérer au mieux ces divergences. Ceci se justifie par le fait que c’est précisément cette diversité entre schémas cognitifs des agents qui est à la base de la génération de nouvelles connaissances, et source d’innovation (Langlois, 1992, p. 121-122 ; Brunninge, Nordqvist et Wiklund, 2007). Charreaux (2002) propose par analogie aux coûts d’agence « traditionnels », qui se déclinent en coûts de surveillance ou de monitoring, en coûts de dédouanement et en coûts d’agence résiduels, de définir les coûts cognitifs. Ceux-ci comprennent alors les coûts de mentorat, les coûts de conviction et les coûts cognitifs résiduels (Wirtz, 2006) :
Les coûts de mentoring : ce sont les coûts engagés pour permettre le transfert de connaissances entre acteurs (Foss, 1996, p. 18). Ainsi, le traitement de certaines informations nécessite des compétences spécifiques que tout acteur ne possède pas nécessairement au préalable. Le « mentor » agit en tant que conseiller et tente de réduire les incompréhensions. Wirtz (2006) cite en exemple : « Le capital-risqueur qui aide une jeune pousse de haute technologie à se conformer aux usages de la communication avec la communauté financière, afin de faciliter la levée de capitaux ».
Les coûts de conviction : il s’agit du temps consacré par un acteur à persuader l’autre partie de prendre en compte une nouvelle opportunité.
Les coûts cognitifs résiduels : ces coûts sont des coûts d’opportunité. Les coûts cognitifs ne peuvent pas être réduits à zéro comparativement à une situation sans coûts cognitifs, c’est-à-dire où tous les acteurs possèderaient les mêmes schémas mentaux. Une partie d’incompréhension entre acteurs possédant des schémas cognitifs différents subsiste.
Le mécanisme de coordination cognitive peut, en principe, être assuré par les SCI (Chung, Singh et Lee, 2000, p. 7). La SCI a l’habitude de travailler avec les dirigeants des PME formant la coopération. Elle connaît leurs comportements et les problèmes auxquels ils font face (Wuyts et al., 2006). De plus, en tant qu’acteur commun, la SCI bénéficie d’une position d’intermédiaire entre les partenaires à l’alliance. Ce rôle semble prendre de l’importance dans le cas où l’idée du partenaire à l’alliance émane de la SCI. On peut alors penser que les entreprises ne se connaissent généralement pas au préalable. Dans ce cas, la SCI est censée jouer le rôle de « leader cognitif » dans le sens où elle va consacrer du temps à persuader les partenaires de l’opportunité qui s’offre à eux, ce qui engendre des coûts de conviction. Dans une seconde phase, l’intervention de la SCI va engendrer des coûts de mentorat, afin d’apaiser les difficultés de coordination qui peuvent survenir entre les partenaires de l’alliance (Foss, 1996, p. 18). Les coûts de mentorat, engendrés en raison de divergences cognitives entre les partenaires, semblent plus importants lorsqu’il s’agit de contrôler conjointement des activités ou des actifs intangibles (par exemple, des transferts de connaissances) que lors d’une exploitation et d’un contrôle conjoint d’actifs (sous-entendu tangibles) (Wirtz, 2006).
Les SCI semblent donc pouvoir assurer ce rôle de coordination cognitive. Néanmoins, ce rôle est censé être plus important lors des premières rencontres entre futurs partenaires à l’alliance, et diminuer au cours du temps, suivant la fréquence et l’intensité des échanges entre les partenaires à l’alliance. Une incompréhension mutuelle lors des premières rencontres et négociations entre partenaires potentiels pourrait avoir pour conséquence l’échec de la transaction. Au cours du temps, les partenaires apprennent à se connaître, le rôle de coordination cognitive des SCI, qui vise à atténuer les divergences cognitives des partenaires de l’alliance, semble s’atténuer. Les coûts cognitifs diminuent donc au fil du temps, et de ce fait, il en va de même pour le rôle de coordination cognitive des SCI.
Ces développements nous mènent à poser l’hypothèse suivante :
Hypothèse 4 : « Toutes choses égales par ailleurs, la SCI, en tant que mécanisme de gouvernance cognitive, a un impact positif sur la formation de coopérations interfirmes pour les PME qu’elle accompagne ».
3. Mise à l’épreuve empirique
L’étude suit une démarche hypothético-déductive. Après avoir développé les hypothèses de recherche en nous servant de la théorie, il s’agit à présent de les mettre à l’épreuve des faits empiriques. Pour ce faire, il est soit possible d’avoir recours à des tests économétriques qui permettent de détecter des corrélations entre variables et de procéder à une généralisation par inférence statistique, soit, on peut avoir recours aux études de cas à visée infirmationniste (Koenig, 2009a, 2009b), c’est-à-dire dans l’objectif de tester les hypothèses de recherche. L’avantage des études de cas à visée infirmationniste par rapport aux tests économétriques, est qu’elles sont particulièrement adaptées à l’étude des questions du « pourquoi » un phénomène est observé et du « comment » agissent les mécanismes en jeu (David, 2005 ; Miles et Huberman, 2003 ; Yin, 2003, p. 175). Les études de cas permettent précisément d’aller au-delà de la détection de corrélations entre variables, c’est-à-dire de « vérifier » également la plausibilité du lien de causalité avancé en théorie (Yin, 2003, p. 175 ; Miles et Huberman, 2003, p. 83). La généralisation est de ce fait dite analytique, elle se fait « envers une théorie ».
3.1. Méthode
L’étude de cas est dite « multiple », car elle comprend plus d’un cas (huit en tout), et « encastrée », car elle combine plusieurs niveaux d’analyse : le niveau des entreprises formant les coopérations interfirmes et le niveau de la SCI. La prise en compte de différents points de vue permet une triangulation des données (Gibbert et Ruigrok, 2010, p. 712-713 ; Graebner et Eisenhardt, 2007, p. 28). La confrontation de plusieurs cas semblables donne lieu à une réplication littérale, ce qui augmente la robustesse des résultats. Dans notre étude, on appellera « terrain d’étude » les SCI au sein desquelles sont formées les coopérations, et « cas » une coopération interfirmes formée entre deux PME en présence d’une SCI. Les cas et terrains d’étude sont sélectionnés de façon intentionnelle, guidés par la théorie retenue (David, 2005 ; Miles et Huberman, 2003 ; Scapens, 1990 ; Yin, 2003).
Comme précisé, nous avons ainsi sélectionné quatre SCI au sein desquelles nous étudions, à chaque fois, deux cas de formation de coopérations interPME afin de pouvoir procéder à une réplication littérale non seulement au travers de l’étude en général, mais également pour chaque terrain. Ceci aboutit en tout à huit études de cas. La question même du nombre de cas n’a pas grande importance (contrairement aux études statistiques et économétriques où la taille de l’échantillon de l’étude est déterminante pour la significativité), même si, de façon générale, plus il y a de cas pour réplication, plus on augmente le degré de certitude des résultats observés. Néanmoins, en raison notamment du temps considérable que peut prendre l’analyse d’une étude de cas, il y a un arbitrage à faire entre le temps que demande l’étude et le gain lié à l’analyse du cas en question (Baxter et Jack, 2008, p. 546-547). D’après Yin (2003, p. 58), si on souhaite un degré de certitude élevé, une étude de cas multiples comprenant cinq à six cas pour réplication est considérée comme pouvant offrir un bon degré de confiance dans les résultats obtenus.
Concrètement, les « terrains » pour les études de cas, c’est-à-dire les SCI, sont choisis de manière à ce que les variables explicatives du rôle des SCI dans la formation de coopérations interfirmes, qui découlent de nos hypothèses de recherche, soient représentées. Dans l’idéal, les terrains sont choisis de façon à se distinguer, les uns des autres, en fonction d’un ou plusieurs des critères en lien avec les variables de recherche tout en étant comparables en dehors de ces critères. Ceci permet alors de s’assurer que les résultats observés ne soient pas bruités par les effets de la présence d’autres variables susceptibles d’avoir un impact sur le phénomène étudié. Il faut être conscient que le raisonnement « toutes choses égales par ailleurs » ne s’obtient pas, dans la conduite d’une étude de cas, de la même manière que lors de la conduite d’une étude économétrique. Il s’obtient via la sélection intentionnelle des cas, le jeu des réplications littérales, et en veillant à ce que chaque variable explicative soit représentée ainsi que son contraire. Il n’y a pas introduction de variables de contrôle de la même manière que dans une étude économétrique (Yin, 2003). Ainsi, tous les critères portant sur les SCI découlant de nos hypothèses sont représentés avec leurs différentes modalités. Cela signifie que, par exemple, pour le critère « prise de participation majoritaire », nous avons sélectionné au moins une SCI prenant des participations majoritaires et au moins une SCI prenant des participations minoritaires. De plus, chaque critère est représenté deux fois afin de permettre une réplication littérale. Toujours pour la variable « prise de participation majoritaire », cela implique qu’il nous faut deux exemples de coopérations interfirmes où les SCI qui accompagnent les entreprises prennent des participations majoritaires. Le tableau 1 donne un aperçu des critères que les quatre terrains d’analyse/SCI satisfont en lien avec nos variables de recherche. Nous nous sommes néanmoins assuré de la prise en compte de trois « variables de contrôle » (par assimilation aux tests économétriques) : la spécialisation des investissements de la SCI suivant le stade de financement (amorçage, risque, développement, retournement, etc.), l’expérience du directeur d’investissement qui accompagne les PME formant les coopérations interfirmes ; le nombre de partenaires en syndication avec la SCI.
La variable « réputation » est un construit prenant en compte l’âge de la SCI, le nombre d’investissements ultérieurs, le nombre de sorties par acquisition (ou entrées en Bourse, plus rares pour la France), le montant total des investissements comparé aux autres SCI françaises. Nous avons pris en compte trois catégories de SCI : une SCI à faible réputation est une SCI qui vient de s’établir sur le marché du capital-investissement, et dont l’historique est faible. Une SCI à réputation élevée est une SCI établie depuis longue date sur le marché du capital-investissement et ayant un historique fort comparé aux autres SCI. Les SCI « intermédiaires » entre ces deux extrêmes sont classées à réputation « moyenne ». La variable « participation » distingue les prises de participations majoritaires, minoritaires et les SCI pouvant prendre des participations majoritaires et minoritaires (major/mino). Ces prises de participations sont liées à la spécialisation du métier des SCI. Les informations quant à leurs prises de participations (majoritaires, minoritaires ou les deux) sont publiquement accessibles.
Au sein des quatre SCI sélectionnées, nous étudions, à chaque fois, deux cas de formation de coopérations interfirmes afin de pouvoir procéder à une réplication littérale non seulement au travers de l’étude en général, mais également pour chaque terrain. Cela mène en tout à huit cas. Les contacts ont été établis par l’envoi de courriels et par plusieurs appels téléphoniques. Les cas sont choisis de façon à ce qu’ils représentent le cas typique des coopérations interfirmes durables formées par la SCI sélectionnée. Cette sélection a lieu dès l’entretien préparatoire qui, tel que décrit plus amplement ci-après, consiste en un entretien semi- directif lors duquel nous laissons librement parler la SCI de son activité de formation de coopérations durables sans que celle-ci n’ait des informations plus concrètes sur la recherche menée. Si la SCI est sélectionnée, une telle démarche nous permet, lors du second entretien visant à tester les hypothèses de recherche, de s’assurer que les SCI ne nous sélectionnent pas des cas qu’elles souhaitent nous proposer pour se présenter d’une manière qui leur est favorable. Étant donné que les variables explicatives concernent les SCI et non les coopérations durables, il n’y a pas besoin d’être plus sélectif au niveau des cas étudiés que de s’assurer à ce qu’il s’agisse bien de coopérations durables permettant un avantage concurrentiel et qu’ils soient représentatifs des coopérations durables formées au sein de la SCI.
La première SCI est généraliste, investissant dans tous les secteurs, à tous les stades de développement et est d’envergure tant nationale qu’internationale avec une structure par région, permettant d’accompagner ses participations sur un plan régional. La SCI est basée dans la région lyonnaise. Il s’agit d’une des premières SCI françaises sur le marché français du capital-investissement. Depuis sa création, elle a effectué plus de 700 investissements pour un montant total de plus d’un milliard d’euros. Elle possède en conséquence une réputation élevée. Par ailleurs, elle a été la première SCI à mettre en place un club de rencontres pour ses participations. Elle prend principalement des participations de « gros minoritaires »[7] et gère plus de 240 entreprises. Elle nous permet l’analyse de deux coopérations interfirmes durables dans le domaine de l’e-commerce. Il s’agit de partenariats entre entreprises non concurrentes qui coopèrent à plus long terme afin de proposer conjointement de nouvelles offres commerciales en ligne. Les PME impliquées se trouvent en phase de démarrage ou de développement et sont toutes situées dans la région lyonnaise. Il s’agit d’un cas de coopération durable de complémentarité présenté au début de l’article. Les coopérations impliquent l’échange de compétences et de savoir-faire clés qui permettent aux entreprises d’améliorer leurs offres de produits et de services afin d’être plus compétitives sur le marché.
La seconde SCI est une SCI sectorielle qui prend des participations minoritaires ou de gros minoritaires au capital d’entreprises généralement non cotées pour assurer leur développement. Il s’agit d’une SCI établie sur le marché du capital-investissement depuis de nombreuses années et possédant une réputation élevée. La SCI nous permet l’analyse de deux coopérations interPME prenant la forme de relations client-fournisseur durables et nécessitant une longue phase de développement commune des produits fournis par le fournisseur. Ce dernier procède ainsi à des investissements fortement idiosyncratiques à la relation avec le client. Tout comme dans le cas précédent, il s’agit d’une coopération durable de complémentarité. L’objectif stratégique est de développer et d’élargir la gamme de produits des entreprises. Les PME impliquées se trouvent en phase de développement d’activité.
La troisième SCI est sise à Paris, établie sur le marché du capital-investissement et spécialisée dans la consolidation sectorielle. Elle prend exclusivement des participations majoritaires dans les entreprises accompagnées. Depuis sa création, elle a réalisé une quinzaine de consolidations, et trente investissements de complément dans tous les types de secteurs. La SCI nous donne accès à l’analyse de coopérations de long terme qui se produisent entre les PME d’un regroupement sectoriel effectué en matière de restauration collective. Il s’agit ici d’un cas de coopération durable de pseudo-concentration, tel qu’explicité en début d’article. La coopération est dite stratégique, car elle vise l’obtention d’une taille critique permettant aux PME de rivaliser avec des concurrents de plus grande taille. Les entreprises restent autonomes juridiquement et opérationnellement, mais s’allient en réseau pour bénéficier de synergies et tirer avantage d’un effet de taille critique qu’elles n’auraient pu obtenir en restant seules. Par exemple, obtenir un pouvoir de négociation accru avec des fournisseurs clés, pouvoir répondre à des appels d’offres importants et qui leur permettent de concurrencer avec les grands groupes du secteur, ce qu’elles ne pourraient faire seules. Les PME impliquées se trouvent en phase de développement d’activité.
La quatrième SCI est une SCI régionale et sectorielle, qui se positionne comme spécialiste du capital-risque industriel. Sise en région lorraine, elle prend des participations minoritaires dans les entreprises accompagnées. Il s’agit d’une SCI encore jeune, récemment créée, en cours d’établissement sur le marché du capital-investissement français. Contrairement au trois autres SCI de l’étude qui prennent la forme de fonds (FCPR), elle est à statut juridique de SCR. Pratiquement toutes les PME accompagnées par cette SCI ont noué des coopérations interfirmes par le biais de la SCI. Cette dernière nous donne accès à l’étude de deux coopérations visant le développement commun de produits impliquant une longue phase de recherche et développement commune afin de combiner leurs savoir-faire et proposer ainsi conjointement des produits et services innovants. Il s’agit également d’un cas de coopération dite de complémentarité. L’ensemble de ces PME sont accompagnées par capital-risque et se trouvent en phase de démarrage d’activité.
3.2. Les données et leur traitement
Les données sont essentiellement qualitatives, recueillies par des entretiens. Nos sources de données sont donc des sources de données primaires. L’accès à des sources de données secondaires telles que, par exemple, des documents écrits (comme des rapports, des articles de presse, des contrats d’alliances) ne nous a pas été possible. De même, les bases de données contiennent rarement les informations dont nous avions besoin. Ceci est principalement lié à deux facteurs. Le premier est que nous étudions des coopérations durables entre entreprises essentiellement non cotées qui publient relativement peu d’informations et encore moins des informations de nature stratégique. Le second facteur est que les coopérations durables entre des entreprises accompagnées par des SCI françaises sont, pour la grande majorité, non formalisées.
Deux vagues d’entretiens ont été menées. La première est la vague « préparatoire », dont l’objectif était de s’assurer de la pertinence, pour notre étude, de la SCI et des coopérations interfirmes qu’elle peut nous proposer. Les entretiens menés à ce stade ont été semi-directifs. Cette première phase visait à mieux cerner le sujet et à laisser les personnes interrogées s’exprimer librement et en leurs propres termes à propos de la question de recherche « le rôle des SCI dans la réduction des risques liés à la formation de coopérations interPME durables » et ce, en fonction de leurs propres expériences. Le guide d’entretien servait uniquement au chercheur à pouvoir relancer la discussion lorsque l’interviewé finissait son discours. Ces entretiens liminaires ont été pour la plupart des cas menés en parallèle à l’émergence du cadre théorique de façon à préparer dans les meilleures conditions la phase de mise à l’épreuve empirique des hypothèses issues des cadres théoriques mobilisés.
La seconde et principale vague était à visée infirmationniste. L’objectif était de tester nos hypothèses de recherche. Elle consistait en des entretiens directifs. La discussion avec les interlocuteurs a été orientée de manière à ce que le répondant s’exprime en relation avec les hypothèses de recherche tout en ayant la possibilité de s’exprimer librement, c’est-à-dire sans que nous influencions involontairement les réponses du répondant de manière à ce qu’elles supportent nécessairement les hypothèses. Ainsi, les questions que comprend le guide d’entretien ont été formulées en essayant d’amener les répondants à se positionner en lien avec les hypothèses, et ce afin de pallier le risque qu’ils ne comprennent pas la question (si elle est posée sous un angle trop universitaire) ou ne souhaitent pas y répondre clairement (si cela les gêne). Suivant la formulation des différentes hypothèses, certaines ont été reposées directement sous forme de question. Pour d’autres hypothèses, des formulations ayant recours à un vocabulaire moins scientifique et plus pratique ont été mises en avant. Lors de l’entretien, la discussion est restée libre dans la mesure où les questions ont été adressées et ajustées par le chercheur en fonction des réponses et des informations livrées par le répondant.
Les entretiens ont duré entre 30 minutes et 1 h 30. Les guides d’entretien ont été préalablement soumis pour jugement à des chercheurs expérimentés afin qu’ils puissent émettre un avis, tel que le suggère, par exemple, Yin (2003, p. 62). Les conversations ont été enregistrées avec l’accord des participants et entièrement retranscrites.
Le traitement des données collectées suit les recommandations des auteurs de base concernant les études de cas à visée infirmationniste (Yin, 2003 ; Miles et Huberman, 2003). Afin de pouvoir tenir compte de la nature encastrée de l’étude de cas, nous avons procédé en deux niveaux d’analyse des données (Graebner et Eisenhardt, 2007). Le premier niveau a consisté en une analyse intraterrains. Terrain par terrain, les points de vue des SCI et des PME formant les coopérations interfirmes ont été confrontés. Ces analyses ont été résumées sous la forme de tableaux. Ce premier niveau d’analyse est ensuite incrusté dans le second qui consiste en une analyse interterrains. Il a consisté à rapprocher le résumé obtenu pour chaque terrain face à celui des autres. Cette procédure permet une analyse détaillée et un test rigoureux des hypothèses. Ces dernières ne sont validées ou infirmées que si la totalité des SCI et des PME participant à l’étude, au travers des divers niveaux d’analyse et des confrontations de points de vue, converge vers une même réponse.
Concrètement, le premier niveau consiste à synthétiser par hypothèse, les différents points de vue des SCI et des PME formant la coopération interPME et à les opposer. Ceci aboutit, par terrain d’analyse, donc par SCI, à un tableau confrontant le point de vue de la SCI à celui des PME interrogées pour voir s’ils se recoupent. Une fois que cela est fait pour chacun des quatre terrains d’analyse par hypothèse, nous passons au second niveau. Ce dernier ne différencie alors plus les points de vue des SCI et des PME formant les coopérations durables. Il reprend les synthèses intraterrains et oppose leurs résultats à ceux obtenus pour les autres terrains. L’hypothèse à tester est confirmée ou infirmée si l’ensemble des terrains d’analyse (incluant les premiers niveaux d’analyse qui confrontent terrain par terrain les points de vue des PME formant les coopérations durables et les points de vue des SCI) aboutissent à une réponse similaire.
À titre illustratif, le premier niveau de l’analyse donne lieu au tableau 2 qui suit. Il y a donc quatre tableaux par hypothèse correspondant aux quatre terrains pour le premier niveau d’analyse. Pour chaque hypothèse, nous commençons par (a) le terrain d’analyse SCI 1, poursuivons ensuite par celui de (b) SCI 2, puis par celui de (c) SCI 3 pour finir par celui de (d) SCI 4.
Prenons comme exemple l’hypothèse n° 1 : « La réputation des SCI a un impact positif sur la formation de coopérations interPME durables ». La variable explicative à analyser est la réputation de la SCI et nous étudions son impact sur la variable expliquée « la formation de coopérations interPME durables ». Nous commençons alors l’analyse par le premier terrain, SCI 1. Pour ce faire, nous recensons dans le tableau les points de vue de la SCI et des PME formant les coopérations interPME via les retranscriptions des entretiens menés. Nous commençons par recenser l’avis général de la SCI et des PME quant à la réputation de la SCI. Ensuite, nous opposons leurs points de vue sur le lien entre la réputation de la SCI et la formation des coopérations durables pour ses participations. Dans le cas où les points de vue divergent, nous en analysons la raison. Est-ce dû au contexte ou y a-t-il une réelle divergence ? Ces discussions peuvent être assez détaillées et prendre plusieurs pages. Ceci est fait successivement pour les quatre terrains. Au bout de ces quatre analyses au niveau premier, nous passons au second niveau d’analyse.
Dans le second niveau de l’analyse, les quatre tableaux intraterrains du niveau 1 sont à leur tour synthétisés dans un tableau final (Tableau 3) qui confronte la synthèse du point de vue global pour chaque terrain à celui des autres terrains. Ainsi, il nous est possible de voir si l’ensemble des terrains conforte ou non l’hypothèse, et, surtout confirme (ou non) le mécanisme de causalité présumé en théorie.
Le tableau 3 reprend la variable qui est mise à l’épreuve. Dans la première ligne ne se trouvent plus la SCI et les PME formant les coopérations afin de confronter leurs points de vue, mais bien les quatre terrains avec, sur la deuxième ligne, le résumé global du niveau 1 d’analyse pour savoir si le terrain en question supporte ou non l’hypothèse. Dans la troisième ligne, enfin, se trouve la synthèse de l’étude du mécanisme de causalité présumé par les différentes personnes interrogées en niveau 1. Au final, l’hypothèse est confortée ou infirmée si l’ensemble des terrains conduisent à une même conclusion. Si ce n’est pas le cas, il s’ensuit une discussion pour en comprendre la raison. L’absence de convergence des différents points de vue est-elle due au contexte spécifique du terrain d’analyse ? Ou l’hypothèse est-elle invalide dans certains contextes spécifiques ? Enfin, même si la variable explicative qui est mise à l’épreuve est bien détectée comme pouvant expliquer le phénomène étudié, il reste à voir si le mécanisme de causalité présumé est conforté ou non.
Les synthèses des points de vue et leur regroupement par tableaux ont été établis de façon analytique sur la base des entretiens, dont le lecteur peut retrouver le détail dans les annexes (Burkhardt, 2014). Il s’agit d’une forme de « codage analytique » bien qu’aucun recours à un codage via un logiciel ou à une analyse lexicale n’ait été réalisé, car ces méthodes ne sont pas pertinentes dans le cadre précis de notre recherche. Dans le cas où le chercheur a accès à différentes sources d’informations (au-delà des entretiens, par exemple, à des rapports ou/et des articles de presse), une étude lexicale des différents documents peut s’avérer utile pour faire ressortir les thèmes abordés dans ces textes en rapport avec les variables de recherche. Cependant, dans le cadre précis de notre recherche, nous disposons uniquement d’informations issues des entretiens menés. Étant donné le caractère directif des discussions, les répondants ont été directement amenés à répondre à des questions en lien avec les hypothèses de recherche. Les informations superflues sont en conséquence mineures ou peuvent être éliminées directement par le chercheur sans que cela nécessite de recourir à un logiciel de codage. Une autre utilité de ce type d’analyse consiste, notamment, à compter le nombre de fois où certains mots ou thèmes reviennent afin de faire ressortir des items pour appréhender un concept théorique difficilement évaluable. Dans le cadre de notre recherche, seul le concept de réputation est concerné, et une question précise lui est associée dans les entretiens. Il nous a donc suffi de nous référer à la réponse et de la synthétiser.
3.3. Les résultats de l’étude
En raison du nombre très élevé de pages que nécessite le processus d’analyse des données, nous présentons uniquement dans ce qui suit l’extrait des résultats agrégés des analyses interterrains, c’est-à-dire du second niveau d’analyse (le niveau final). L’analyse détaillée peut cependant être consultée sur demande (Burkhardt, 2014).
Nous commençons par la présentation des résultats des hypothèses visant à tester le rôle des SCI dans la réduction des risques précontractuels à la formation de coopérations interfirmes. Nous poursuivons avec leur rôle dans la réduction des risques postcontractuels.
3.3.1. Le rôle des SCI dans la réduction des risques précontractuels
Deux hypothèses ont été posées concernant le rôle des SCI dans la réduction des risques précontractuels à la formation de collaborations durables entre PME.
Notre première hypothèse prédisait un lien positif entre la réputation de la SCI et la formation de coopérations interfirmes pour les entreprises accompagnées. Les SCI sont en mesure d’instaurer une situation de confiance entre les cocontractants. Elles peuvent jouer un rôle dans la certification de la qualité, témoignant que la PME dispose d’un réel savoir-faire et qu’elle est sérieuse, ainsi que de la stabilité financière des entreprises qu’elles accompagnent, ce qui réduit le risque de sélection contraire et ainsi la méfiance des partenaires potentiels à la coopération. Ce rôle devrait être d’autant plus important que la SCI est réputée sur les marchés. Les résultats du test de l’hypothèse sont synthétisés dans le tableau 4.
Au travers des quatre terrains d’analyse, on peut conclure à un lien positif entre la réputation de la SCI et la formation de coopérations pour les participations. Pour un partenaire futur à une coopération interfirmes durable, la présence d’une SCI est un gage de confiance, de « sérieux », la SCI joue « un rôle de caution », d’un « label de qualitéde l’entreprise ou de son business model » et « sa présence permet de rassurer certains tiers, notamment de futurs partenaires à des coopérations interfirmes en donnant une image de qualité niveau savoir-faire, de sérieux d’une part, et en rassurant au niveau de la stabilité financière de l’entreprise d’autre part » témoignent les dirigeants des PME interrogés.
Cela se justifie par le fait que l’entreprise sait qu’une SCI, avant d’investir dans une PME, établit des diagnostics sur les aspects financiers, sur le plan de développement et sur la stratégie de l’entreprise. La confiance s’acquiert avec le temps, mais la présence d’une SCI peut renforcer cette confiance. Ceci est d’autant plus important que l’entreprise accompagnée est jeune, car la confiance est alors plus difficile à acquérir par un tiers étant donné que l’entreprise n’a pas beaucoup d’antériorité ou de résultats antérieurs. Cela permet en quelque sorte de témoigner de la qualité de l’entreprise car, « … dans l’approche schématique, sur une centaine de dossiers qui nous sont adressés, on ne va en étudier qu’une vingtaine et en financer qu’une dizaine. Cela veut dire que les entreprises pour lesquelles on est au capital, il y a eu un filtre relativement important ». Quant à l’instabilité financière, « elle est inhérente aux PME. La présence d’une SCI peut permettre de rassurer sur la stabilité financière » témoignent les SCI interrogées.
Une SCI décrit : « Déjà avant d’entrer dans le capital d’une entreprise, nous regardons systématiquement avec qui dans le portefeuille elle pourrait travailler. Nous en discutons alors avec les entreprises cibles lors du premier rendez-vous, lorsque nous présentons les entreprises du portefeuille. Cela fait partie du marketing. Ensuite, cela peut aboutir à une rencontre des entreprises soit intuitu personae, soit lors du salon qui a lieu une fois par an, soit au SCI, par exemple. Ensuite nous jouons deux rôles. Le premier est le plus important. C’est celui d’établissement d’une confiance. Étant un fonds pérenne, nouspouvons remettre de l’argent dans les entreprises en situation fragile. »
Il en ressort cependant, que la réputation des SCI comprend deux composantes : (1) la réputation d’une SCI en général ; (2) la réputation de la SCI spécifiquement comparée à ses consoeurs. La composante qui joue toujours est la première. Suivant les acteurs sur lesquels elle agit, elle peut être positive ou négative. Dans le premier cas, les acteurs associent à une SCI un agent qui établit des analyses minutieuses et détaillées avant de décider d’accompagner un prospect. De plus, il y a une sélection qui est souvent assez grande. Ceci peut aider dans l’établissement d’une confiance en l’entreprise accompagnée par capital- investissement de la part des partenaires potentiels à une coopération interfirmes. Dans le second cas, certains acteurs associent un effet négatif à la présence d’une SCI. Il s’agit alors souvent de clients qui dans une relation client-fournisseur avec une entreprise accompagnée par capital- investissement (et jouant le rôle du fournisseur) peuvent craindre une intervention trop intrusive de la SCI. Cette dernière pourrait, comme le pensent les acteurs, augmenter brutalement les prix. En général, du moins selon les cas analysés dans cette étude, bien que les deux effets soient présents, le premier l’emporte pour la formation de coopérations interfirmes.
Concernant la seconde composante de la réputation (la réputation spécifique d’une SCI face à ses consoeurs), elle est surtout perçue par les SCI entre elles. Les dirigeants d’entreprises ne peuvent souvent pas en juger à moins de déjà connaître la SCI en question. Ainsi, une SCI précise : « Je pense que les fonds, s’ils ont une réputation, elle est plus connue entre les sociétés et les fonds de capital-investissement. Mais pas par les futures participations. » L’interlocuteur ajoute : « Ce qui joue, c’est notre image en tant que fonds d’investissement. Cela rassure forcément. »
En somme, pour trois des quatre terrains d’analyse, l’ensemble des personnes interrogées voit un lien positif entre la réputation de la SCI et la formation de coopérations interfirmes. La présence de la SCI permet une instauration plus rapide de la confiance entre les futurs partenaires à une coopération interfirmes. Elle permet de rassurer sur la stabilité financière et la qualité de l’entreprise accompagnée. Dans le cas de la SCI 3, le lien entre la réputation de la SCI et la formation de coopérations est indirect. La réputation joue principalement dans l’attraction de cibles potentielles qui, à un moment ultérieur, sont sources d’idées pour constituer des partenaires potentiels à des coopérations interfirmes. Dans l’ensemble, le mécanisme de causalité présumé est supporté.
La deuxième hypothèse de recherche posée, présume qu’une SCI à faible réputation présente une tendance à allier les PME accompagnées avec des partenaires réputés au sein de coopérations interfirmes. Les résultats du test de l’hypothèse peuvent être visualisés dans le tableau 5.
Sur les quatre terrains d’analyse, trois SCI peuvent être considérées comme étant déjà établies et réputées sur les marchés. Un terrain d’analyse comprend une jeune SCI, en cours d’établissement sur le marché et de construction de sa réputation. Les trois premières SCI répondent alors du point de vue historique, lorsqu’elles étaient encore jeunes. Aucun des participants à l’étude, sans exception, ne soutient l’hypothèse. SCI et dirigeants des PME accompagnées s’accordent entièrement. Les SCI n’ont, à aucun moment, tenté de mettre en relation spécifiquement leurs participations avec des partenaires à des coopérations interfirmes réputées sur les marchés pour combler leur propre manque de réputation ou de visibilité face à des SCI plus établies sur le marché du capital-investissement français. L’hypothèse 2 est ainsi rejetée à l’unanimité et se voit donc infirmée.
3.3.2. Le rôle des SCI dans la réduction des risques postcontractuels
Deux hypothèses (3 et 4) ont été posées quant aux rôles des SCI dans la réduction des risques postcontractuels à la formation de collaborations durables entre PME.
La troisième hypothèse suggère que les SCI peuvent jouer le rôle d’un mécanisme disciplinaire, permettant de réduire les risques d’aléas moral, de passager clandestin, et d’extorsion (hold-up). Les SCI, siégeant au conseil d’administration (ou dans des conseils stratégiques assimilés) des PME accompagnées, sont en mesure de réguler le comportement des partenaires à la relation interfirmes et de les discipliner en cas d’adoption de comportements non coopératifs. Ceci peut réduire ex ante la méfiance des futurs partenaires à la transaction et, de ce fait, avoir un impact positif sur la formation des coopérations. Cet impact est présumé plus important lorsque les SCI détiennent des participations majoritaires. Les résultats du test de l’hypothèse sont résumés dans le tableau 6.
L’ensemble des terrains d’analyse supporte le fait qu’une prise de participation majoritaire a une incidence positive sur la formation de coopérations interfirmes et conforte ainsi l’hypothèse. Dans le cas d’une prise de participation minoritaire, les SCI ne peuvent intervenir qu’en suggérant l’adoption de certains comportements, contrairement au cas de la prise de participation majoritaire où elles peuvent s’assurer que leurs suggestions sont réellement suivies d’effet.
Une SCI explique : « En cas de problème, nous pouvons alors intervenir pour “arrondir les angles”. Par exemple, si une partie essaie d’augmenter les prix, avant de rompre le contrat, nous essayons de leur parler pour remettre de l’ordre... ». Une autre SCI s’exprime : « Enfin, par exemple, dans une relation client-fournisseur, cela évolue au fil de l’eau et il y a forcément des moments où il faut venir mettre de l’huile dans les rouages. ... c’est clair que l’on n’intervient pas dans la rédaction des contrats, parce que c’est de la gestion de fait. Donc légalement, c’est interdit. Après, souvent on sert juste de… chacun apporte ses arguments, on les écoute et on dit “voilà, il faudrait faire un effort là-dessus”. On fait le go between, l’intermédiaire qui va faciliter les choses… on sert que quand cela se passe mal. Si ça se passe bien, il n’y a pas de raison que l’on intervienne… quand cela ne se passe pas forcément bien, quand la négociation n’arrive pas à aboutir, ils peuvent passer par nous. Après, nous, on ne va pas dire “vous faites comme cela”, parce que l’on ne décide pas pour eux, mais on fait le “go between”, on fait l’arbitre. Comme ça, ça leur permet d’avoir une voix parallèle. On est le négociateur en frontal. Donc ils ont la voix via l’actionnaire qui permet de faciliter les choses. On ne va pas forcer les choses, mais on peut éviter que cela se passe mal, s’ils n’arrivent pas à faire leur business, qu’il y a des conflits. » Une autre SCI ajoute : « ils sont même demandeurs, c’est-à-dire que nos participations nous sollicitent en cas de conflits afin qu’on intervienne ».
Les SCI peuvent donc clairement jouer le rôle d’un mécanisme de gouvernance disciplinaire permettant d’intervenir en cas de conflit. Elles concluent cependant que dans le cas de la prise de participations minoritaires, elles ne peuvent s’assurer que leurs idées, bien qu’écoutées, soient suivies d’effet. Leur possibilité d’intervention en tant que mécanisme de gouvernance disciplinaire est donc réduite par rapport à la situation où elles détiennent des participations majoritaires.
Une SCI prenant des participations minoritaires s’exprime en disant : « On intervient, on suggère. Mais si les dirigeants ne veulent pas, on n’a pas beaucoup de leviers d’action. » Une autre SCI précise : « Il y a même des sociétés dans lesquelles on ne détient que 5 %, mais on fait le même travail de mise en relation, etc. que pour les autres. » ; « Après, est-ce que c’est suivi d’effet, effectivement, le fait que l’on détienne 95 % ou 5 %, cela va changer. C’est vrai que lorsqu’on est petit minoritaire, c’est moins suivi d’effet. »
Une SCI prenant des participations majoritaires indique : « il est clair que si vous êtes majoritaire, vous pouvez vous assurer que c’est suivi d’effet. En tant que minoritaire, vous ne pouvez que suggérer. La marge de manoeuvre n’est pas la même ».
Le rôle de mécanisme de gouvernance des SCI est donc plus efficace dans le cas où elles prennent des participations majoritaires. Cela conforte la plausibité de l’hypothèse 3 avancée.
La quatrième hypothèse suggère que les SCI jouent également le rôle d’un mécanisme de gouvernance cognitive. Elles peuvent faciliter les échanges de compétences et de connaissances entre partenaires à la coopération durable et ainsi réduire les risques d’incompréhension mutuelle. Les résultats du test de l’hypothèse sont détaillés dans le tableau 7.
L’ensemble des participants à l’étude s’accordent sur le fait que les SCI facilitent les échanges au début de la relation et jouent le rôle d’une coordination cognitive. Cette coordination cognitive est importante en début de la relation et diminue ensuite au cours du temps. La SCI établit les contacts, introduit les « bonnes personnes » et est souvent présente lors des premiers échanges, facilite les premières rencontres. Elle informe au préalable les futurs partenaires aux coopérations sur l’activité des entreprises impliquées et peut dans certains cas encadrer les premiers échanges en établissant un langage commun, permettant une meilleure communication et compréhension des futurs partenaires.
Les SCI expliquent : « on fait de la mise en relation. Cela a facilité, forcément, étant représentant des différentes participations, c’est vrai que c’était très facilité… on connaît la culture des dirigeants ». « Il est quand même légitime que le partenaire ait une information juste, une information fournie, transparente. Donc ça, c’est un principe de base. Et c’est un principe de base qui n’est pas forcément intégré par les dirigeants lorsqu’ils ne connaissent pas ce type de projets. Donc là aussi, il y a de la pédagogie à faire auprès des dirigeants, donc leur expliquer qu’il est légitime de donner de l’information, de la partager et de ne pas se couper des réflexions, des relations qui peuvent avoir des effets utiles. Et ça a été aussi un de mes rôles. Les sujets que l’on pouvait avoir, on ne les réglait pas dans notre coin, mais, à un certain moment, il fallait qu’on arrive à être transparent, à expliquer les éventuelles difficultés que l’on avait, expliquer comment on pensait qu’on allait les résoudre, et puis introduire une discussion ouverte… si vous avez le même outil de communication, cela vous permet d’avoir le même langage ».
Les SCI s’accordent de façon générale pour dire que ce rôle est plus important lors des premières rencontres entre les dirigeants formant les coopérations durables. Les dirigeants de PME formant les coopérations partagent le point de vue des SCI. Un des dirigeants impliqués indique : « La SCI a alors organisé un groupe de discussion et on s’est réuni ensemble… ». Un autre indique : « La SCI m’a donné aussi comme information, en fait, pour que j’aie un état des lieux sur ses autres participations, quel système d’information ils avaient mis en place pour que cela m’aide à m’orienter un peu. Cela nous a éclairés. » Un autre poursuit : « La démarche de la SCI, c’est de nous mettre en contact. À partir du moment où on est rentré (dans le portefeuille de la SCI), ça a facilité les choses. En fait, les relations avec notre partenaire à l’alliance sont plus simples du fait que nous sommes sur le même partenaire avec la même entreprise de capital-risque. Ça facilite forcément aussi la communication… grâce à ça, la meilleure communication a fait que nous nous soyons quand même mieux entendus sur la nécessité des produits et donc l’échange technique et l’échange commercial sont beaucoup plus fluides. C’est vrai que celui qui fait à chaque fois l’introduction auprès de tous c’est la SCI qui nous met en relation de manière vraiment directe. Dans tous les cas, cela permet de parler avec eux, de voir chacun et la tendance de son secteur d’activité, et d’essayer de trouver les moyens entre nous d’augmenter nos, comment dire, nos possibilités d’agrandir nos affaires en commun, de faire du négoce en commun. » ; « C’est une histoire de tempérament et des histoires d’hommes. Moi, je suis quelqu’un qui est extrêmement transparent, on échangeait régulièrement, on phosphorait ensemble, avec la SCI qui ne faisait pas s’immiscer dans le quotidien, mais me faisait part de ses réflexions, de ses points de vue. Charge à moi de les prendre ou de ne pas les prendre, vous voyez. Mais ça reste un mode de fonctionnement intéressant aussi, parce que ça rompt aussi l’isolement. C’est-à-dire que, un certain moment, on peut avoir besoin de partager certaines réflexions pas qu’avec les personnes impliquées dans la relation au quotidien. Et dans le cas du projet de l’alliance, c’était aussi intéressant d’avoir ces échanges-là, des échanges informels, donc pas forcément des échanges très – comment dire – très formalisés et très structurés, parce que ça nourrit. Ça nourrit le projet, ça nourrit les idées que l’on peut avoir et aide à les structurer, les communiquer. Et, ensuite, dans tous les cas, on est, en quelque sorte, plus riche pour partager ces idées-là avec les autres dirigeants. »
4. Discussion et conclusion
Notre article propose l’analyse détaillée des risques qu’encourent les PME accompagnées par capital-investissement dans la formation de coopérations durables, et leurs modalités d’intervention dans la diminution des risques encourus. Pour ce faire, nous nous basons sur une étude de cas multiples et encastrée, dont les données sont issues d’entretiens menés auprès des acteurs impliqués. L’étude comble ainsi un gap théorique, car des études préalables identifient la présence de SCI dans la formation d’alliances entre PME sans pour autant recourir à une analyse détaillée de leurs rôles. La compréhension des enjeux et du rôle des acteurs impliqués entraîne des implications managériales quant aux choix des types d’investisseurs pour le développement stratégique des PME. L’étude présentée est, à notre connaissance, la première à étudier le rôle des SCI françaises dans la formation de coopération durable, pour les PME généralement non cotées qu’elles accompagnent. Étant donné le manque d’entreprises de taille intermédiaire en France, les formations de coopérations durables entre PME prennent toute leur importance pour leur développement stratégique.
L’article est centré sur des coopérations durables typiquement formées entre PME accompagnées par des SCI françaises membres de l’AFIC. Il s’agit principalement de deux types de coopérations stratégiques. D’une part, les PME nouent des alliances dites de complémentarité. Ces alliances sont généralement formées entre PME non directement concurrentes qui combinent leurs connaissances et compétences pour développer de nouveaux produits/ services ou pour améliorer la performance des produits/services existants. L’alliance vise alors le transfert des compétences, connaissances et du savoir-faire des entreprises et donne lieu à une élaboration commune des produits/services. À l’issue de la coopération, les relations se concrétisent dans des relations de client-fournisseur liées par des contrats commerciaux. D’autre part, sont formées des alliances qualifiées de pseudo-concentrations. Des entreprises concurrentes ou potentiellement concurrentes s’allient pour obtenir une taille critique, leur permettant de rivaliser avec des compétiteurs de plus grande taille. L’issue de la coopération peut donner lieu à une concentration. Les PME formant ce type de coopération sont généralement accompagnées par des SCI dans les stades de démarrage ou de développement d’activité. Les SCI impliquées sont, quant à elles, des sociétés industrielles et indépendantes, c’est-à-dire non filiales d’une banque ou d’une entreprise.
Nos résultats sont les premiers à montrer que les SCI françaises jouent clairement un rôle dans la réduction des risques que peuvent encourir les PME lors de la formation de coopérations durables. En phase précontractuelle, elles permettent de réduire le risque de sélection contraire en jouant, d’une part, un rôle de garant de la stabilité financière de l’entreprise et, d’autre part, un rôle de fournisseur d’informations objectives aux partenaires potentiels, quant au sérieux et au bien-fondé du savoir-faire des PME. En phase postcontractuelle, lors de la vie des collaborations durables, les SCI interviennent comme mécanismes de gouvernance disciplinaire et cognitive. Leur rôle de gouvernance disciplinaire permet d’apaiser les conflits d’intérêts entre les cocontractants et de réduire les risques liés à la possibilité de l’adoption de comportements opportunistes (risques d’aléa moral, de passager clandestin et d’extorsion ou hold-up). Les SCI permettent ainsi d’instaurer une situation de confiance favorisant l’autoexécution des contrats. Leur rôle en tant que mécanisme de gouvernance cognitive consiste à faciliter, principalement lors des premières rencontres, les échanges de connaissances, de compétences et de savoir-faire entre les entreprises formant les coopérations. Elles réduisent ainsi le risque d’une incompréhension mutuelle.
Nos résultats complètent la littérature identifiant que la présence d’une SCI (Lindsey, 2008, 2008 ; Gompers et Xuan, 2009), et sa réputation (Colombo, Grilli et Piva, 2006 ; Hsu, 2006), ont un impact positif sur la formation d’alliances entre les entreprises accompagnées. Non seulement ils montrent que ce phénomène est également observable en France, mais ils permettent d’identifier les risques encourus par les PME lors de la formation d’alliances et les modalités d’intervention des SCI. Autrement dit, nos résultats sont les premiers à prouver qu’au-delà d’une corrélation entre « SCI » et « formation d’alliances », un réel lien de causalité peut être avancé et que les SCI permettent de réduire les risques encourus par les PME lors de la formation d’alliances. Ces risques et les modalités d’intervention des SCI ont été détaillés. L’étude met, par ailleurs, en avant l’intermédiation des SCI dans « l’accouplement » des PME et le rôle explicatif des théories contractuelles, en particulier de la théorie positive de l’agence.
Dans le cadre précis de l’étude de la réputation de la SCI dans la formation d’alliances, le recours à l’étude de cas comme méthode empirique permet une mise en perspective des résultats de la littérature (Hsu, 2006 ; Colombo, Grilli et Piva, 2006). Comme discuté dans la section précédente, l’étude qualitative menée montre que la réputation a deux composantes : la réputation de la SCI en tant qu’investisseur en général, et la réputation spécifique d’une SCI par rapport à ses consoeurs. Il s’avère que dans le cadre de la formation de coopérations interfirmes durables, la composante perçue par les dirigeants des PME formant l’alliance est la réputation d’une SCI en tant qu’investisseur. La réputation spécifique des SCI est non identifiable par ces acteurs. Il s’agit d’un résultat intéressant, mettant en perspective la conclusion des études préalables indiquant que les SCI les plus réputées permettent principalement de jouer un rôle positif dans la formation d’alliances. Nos résultats laissent, au contraire, conclure que même une jeune SCI peut jouer un rôle dans la formation d’alliances, car c’est la réputation en tant que SCI (et non la réputation en comparaison à ses consoeurs) qui joue un rôle déterminant.
Notre étude montre également l’intérêt du recours aux études de cas à visée infirmationniste, c’est-à-dire de tests d’hypothèses. Bien que nous ayons veillé à une mise en oeuvre particulièrement robuste de l’étude de cas (étude de cas multiples et comprenant plusieurs niveaux d’analyse et de triangulation des données), nos conclusions ne peuvent aboutir qu’à une généralisation analytique (et non statistique) des résultats obtenus. C’est alors par la combinaison de nos résultats avec ceux de la littérature que nous pourrons conclure à une généralisation des rôles des SCI dans la formation de coopérations interfirmes, au-delà du contexte spécifique du secteur français du capital-investissement et des SCI industrielles, indépendantes. Il faut ainsi être prudent avant de transposer ces résultats aux autres SCI, car leur contexte et la relation qu’elles entretiennent avec leurs participations peuvent être différents. Il s’agit là de la limite principale de notre contribution. Trois voies de recherche nous semblent particulièrement intéressantes. Premièrement, on peut se demander si les SCI filiales d’une banque ou d’une entreprise interviennent de la même manière que les SCI indépendantes dans la formation de coopérations durables pour les PME qu’elles accompagnent. Cette question semble a priori légitime, car dans ce contexte spécifique, la SCI a un intérêt particulier à agir avant tout dans l’intérêt de la banque ou de l’entreprise à laquelle elle appartient. Ces intérêts vont-ils à l’encontre de la PME accompagnée ? Quel en est l’impact sur l’inclinaison de la SCI à soutenir le développement durable de la PME accompagnée ? Deuxièmement, on peut mener une étude statistique complémentaire à notre étude pour prétendre à une généralisation statistique pour le marché français du capital-investissement. Troisièmement, il peut être intéressant de se demander si les SCI, en tant qu’intermédiaires relationnels, peuvent intervenir dans la formation d’alliances pour les PME accompagnées par d’autres voies que par la réduction des risques encourus (Burkhardt, 2015). Une telle investigation nécessite la mobilisation de courants théoriques autres que les approches contractuelles. Une première piste dans cette direction est proposée par l’analyse menée par Burkhardt (2016).
Les résultats de notre étude donnent lieu à des implications managériales pour les dirigeants des PME quant au choix stratégique des investisseurs pour assurer le développement de leur entreprise. Les SCI ne constituent pas seulement des apporteurs de fonds propres et d’une assistance managériale, mais constituent de réels intermédiaires relationnels pouvant permettre aux PME accompagnées un développement stratégique tout en gérant les risques liés.
Appendices
Note biographique
Kirsten Burkhardt dirige l’axe de recherche « Entrepreneuriat/PME » ainsi qu’un groupe de lecture en épistémologie en sciences de gestion et est responsable pédagogique de l’International Master in Business Studies. Ses publications portent sur les stratégies de croissance des PME.
Notes
-
[1]
L’auteure remercie vivement les membres du FARGO (CREGO) pour leurs retours critiques et constructifs et les rapporteurs anonymes sur les premières versions de l’article, ainsi que le Pr M. Filser (CREGO), Marion Lorrain et Aurélien François pour leurs relectures de forme.
-
[2]
Selon Barney et Hesterley (2006, p. 278), « A strategic alliance exists whenever two or more independent organizations cooperate in the development, manufacture, or sale of products or services ».
-
[3]
Dans la littérature française, de façon plus restrictive, certains auteurs précisent que seules sont des alliances, les coopérations entre entreprises concurrentes ou potentiellement concurrentes (Mayrhofer, 2007, p. 126 ; Koenig, 2004 ; Ingham et Mothe, 2003, p. 4), par opposition aux partenariats qui concernent les accords entre entreprises non concurrentes, c’est-à-dire relevant de secteurs différents. Lehmann-Ortega, Leroy, Garrette, Dussauge et Durand (2013, p. 470), précisent cependant que cette condition (que des entreprises soient concurrentes ou potentiellement concurrentes) est « non nécessaire mais fréquemment vérifiée ». Les mêmes auteurs soulignent que les alliances sont souvent formalisées. Elles peuvent donner lieu, par exemple, à des participations croisées, à des accords commerciaux (ce qui est souvent le cas lors de relations client-fournisseur), à des contrats de licence, à la création d’une entité commune aux entreprises prenant part à l’alliance (on parle alors de joint-venture), à des contrats d’alliance (contrat librement rédigé entre les parties définissant les termes de l’alliance). Bien que cela semble moins courant au sein de la littérature, une alliance stratégique n’exclut cependant pas le cas où la coopération est informelle (Elmuti et Kathawala, 2001, p. 205 ; Hellman, Hovi et Nieminen 1992 ; Lewis, 1990), ce qui est fréquent lorsque l’objet de l’alliance consiste en l’échange de pratiques organisationnelles. Afin de ne pas restreindre nos développements aux « alliances » par opposition aux « partenariats », nous utiliserons le terme « coopérations durables » pour englober les deux termes. Ceci fait sens, car la littérature portant sur les alliances entre PME précise que les alliances sont plutôt de type informel et elles se justifient plus souvent et, en premier lieu, par le manque de ressources internes (Jaouen, 2006, p. 5 ; Puthod, 1996). La condition de concurrence ou de potentielle concurrence entre les partenaires de l’alliance, semble ne pas être systématiquement satisfaite dans le cadre d’alliances entre PME. Ainsi, Puthod (1996, p. 1) définit l’alliance entre PME comme « un moyen de partager des ressources rendues nécessaires pour le développement de la PME » sans faire allusion à la condition de concurrence. Jaouen (2006, p. 1) précise que l’alliance diffère d’une simple coopération interfirmes par son caractère stratégique. Il semble donc, en particulier pour les PME, que la concurrence ne soit pas une condition nécessaire pour qu’on puisse qualifier une coopération interfirmes d’alliance stratégique. Autrement dit, la notion d’alliance stratégique ne semble pas indissociable de la notion de « coopétition ». En outre, dans le cadre de PME, la formalisation des alliances reste rare et les modes de communication informels sont souvent privilégiés (Jaouen, 2006, p. 2).
-
[4]
Le succès est alors mesuré, en général, par la rapidité de sortie des sociétés de capital-investissement du capital des entreprises accompagnées ainsi que par le type de sortie.
-
[5]
www.afic.asso.fr (données de 2015).
-
[6]
Il est à noter que les termes « garant » et « certifier » ont été mis entre guillemets. Il ne s’agit pas pour les SCI de garantir ou de certifier formellement la stabilité financière des entreprises qu’elles accompagnent. Plutôt, leur simple présence au capital des PME permet de jouer ce rôle de manière informelle.
-
[7]
Le terme « gros minoritaire » revenant plusieurs fois par la suite, il est nécessaire de le définir. Les SCI peuvent prendre des participations minoritaires ou majoritaires dans les PME accompagnées. La participation majoritaire permet à la SCI de détenir le contrôle de la PME. Les professionnels distinguent parmi les participations minoritaires les participations « minoritaires » des « gros minoritaires ». Les premières représentent en général 5 %-10 % du capital et n’excèdent pas 15 %-20 %. Les participations de « gros minoritaires » ne permettent pas de détenir la majorité, mais confèrent néanmoins à la SCI un poids plus conséquent dans les prises de décision que lors de la prise de participations minoritaires.
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