Rubrique sur la mobilisation des connaissances

AMAROK, premier observatoire sur la santé des dirigeants de PME : d’un enjeu scientifique à une ambition sociétale[Record]

  • Olivier Torrès

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  • Olivier Torrès
    Professeur à l’Université de Montpellier et Montpellier Business School
    Président de l’AIREPME
    Fondateur d’AMAROK, Observatoire de la santé des dirigeants de PME

En l’état actuel de nos connaissances, il existe très peu de statistiques et de connaissances sur la santé des dirigeants de PME et TPE. Cette lacune est universelle. La santé au travail semble de nos jours éloignée du monde patronal, artisanal, entrepreneurial, c’est-à-dire du monde des employeurs et des travailleurs autonomes ou indépendants. Cela s’explique par le fait que la santé au travail s’est historiquement intéressée aux salariés, aux employés et surtout aux ouvriers, par exemple le livre fondateur que Louis René Villermé a consacré aux conditions de travail de la classe ouvrière dans un contexte d’industrialisation croissante. Son ouvrage, Le Tableau de l’état physique et moral des ouvriers employés dans les manufactures de coton, de laine et de soie, paru en 1840, est le point de départ de la première loi limitant le travail des enfants oeuvrant dans les usines. La santé des ouvriers est encore de nos jours un profond marqueur de la médecine du travail. De ce fait, la santé du dirigeant de PME est un aspect, dont on ne connaît pas grand-chose. Ma formule sous forme de boutade, « il y a plus de statistiques sur la santé des baleines bleues que sur les entrepreneurs » (Torrès, 2012), a été maintes fois reprise dans les médias et les réseaux sociaux. Pourtant, le capital-santé du dirigeant de PME est le premier actif immatériel de l’entreprise de petite taille, car la dépendance vis-à-vis du dirigeant est d’autant plus forte que la taille de l’entreprise est petite. Quand un dirigeant d’un grand groupe mondialisé meurt, il est généralement remplacé en 48 heures prouvant que l’expression américaine « too big to fail » est la règle. En revanche, si un dirigeant d’une PME meurt, c’est tout le système de gestion de l’entreprise qui est fragilisé et qui peut être totalement remis en cause. Par conséquent, il y a plus qu’un paradoxe à constater que d’une part, plus l’entreprise est petite, plus la santé du dirigeant est vitale pour l’entreprise et que d’autre part, plus la taille d’entreprise est petite, moins l’attention des chercheurs et de la société s’est portée sur la santé du dirigeant. Cette zone aveugle de la santé patronale est plus qu’une simple lacune, elle est une faute morale. L’initiative de l’Observatoire AMAROK, premier observatoire de la santé des dirigeants de PME, vise à combler cette lacune. Il serait possible de dire que le point de départ de la création de l’Observatoire AMAROK date du 15 janvier 2009, jour de publication dans le journal Le Monde de la tribune « L’inaudible souffrance patronale ». Nous venions de mettre la pointe de la plume sur une zone sensible puisque très rapidement ce sont des dizaines d’articles de presse, d’interviews radio et de reportages TV (TF1, France 2, France 3, etc.) qui traiteront ce phénomène (www.observatoire-AMAROK.net/fr/medias). Cette médiatisation n’a été que le révélateur de la réalité patronale en pleine période de crise. Depuis septembre 2008, la mise sous tutelle de Freddie Mac et Fanny Mae, puis la faillite de Lehman Brothers ont plongé le monde bancaire dans une crise systémique de très forte ampleur qui ébranle le système financier mondial. En décembre 2008 éclate l’affaire Madoff qui accélère le discrédit de la finance. Mais la tribune dans Le Monde, et les médias ensuite, ne sont que la cause immédiate, apparente. La cause réelle de la création d’AMAROK sont les travaux conduits sur les PME et les effets de proximité depuis une dizaine d’années (Torrès, 2007). Dans un article sur le licenciement dans les PME (Torrès, 2011), nous relations déjà les souffrances patronales. C’est cette souffrance patronale …

Appendices