Chronique sur le métier de chercheur

Pourquoi je préfère la recherche quantitative/Pourquoi je préfère la recherche qualitative[Record]

  • Yvonne Giordano and
  • Alain Jolibert

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  • Yvonne Giordano
    Université de Nice Sophia-Antipolis

  • Alain Jolibert
    INSEEC Business School

Avant d’exprimer nos préférences, il est utile d’éclaircir quelques éléments de vocabulaire. En effet, sous des intitulés divers, la terminologie de « recherche(s) quantitative(s) » et « recherche(s) qualitative(s) » n’évoque peut-être pas les mêmes acceptions pour tous les chercheurs. C’est plus particulièrement le cas des secondes qui ont été longtemps mises au ban de la critique et pour lesquelles la justification est plus exigeante. Rappelons qu’en 1979 – autant dire une éternité pour les jeunes chercheurs – la revue Administration Science Quarterly (Van Maanen, 1979) évoquait déjà les « confusions et fausses querelles » sur ce qu’était une recherche qualitative. Qu’il se lance dans l’une ou l’autre option, le chercheur doit avoir une conscience claire de la nature du processus de recherche ainsi que des forces et des limites des connaissances qu’il produit. Chaque recherche décline et lie un certain nombre d’étapes qui peuvent être itératives (Thiétart, 2014) et qui sont associées principalement à la finalité de la recherche, à son orientation et à son cadre méthodologique. Des confusions sont nées à partir d’amalgames entre certaines de ces étapes. Ainsi, en ce qui a trait à la finalité du projet, s’agit-il d’une recherche visant à comprendre, à expliquer ou à prédire ? Par ailleurs, la recherche est-elle orientée vers la découverte (par exemple, explorer un phénomène mal connu) ou vers la mise à l’épreuve d’hypothèses ou de théories ? Quant au cadre méthodologique – appelé aussi design ou plan de la recherche – il précise l’ensemble des opérations ou moyens déployés pour réaliser la recherche. Au sein de ce cadre, le chercheur décide notamment à quelles techniques de collecte et d’analyse de données (ou de matériaux) il aura recours. La terminologie employée – quantitatif vs qualitatif – peut désigner plusieurs choses, en particulier des données ou encore des techniques de collecte et de traitement de ces données. Par exemple, dans l’étude de cas, les données recueillies sont majoritairement qualitatives (discours, textes, vidéos, photos), mais elles peuvent aussi être quantitatives (fréquences de mots, mesures). Les modes de collecte de ces matériaux sont diversifiés : entretiens/entrevues semi ou non directifs, conversations ordinaires, observation, étude de documents écrits ou visuels, etc. Le questionnaire est parfois employé lors d’une étude de cas, mais il n’occupe alors qu’une place très secondaire. Inversement, en marketing, les enquêtes par questionnaires – papier, téléphone, Internet – ont permis au domaine du comportement du consommateur de se développer en s’appuyant sur des techniques de traitement multivariées de plus en plus sophistiquées. Si certaines des données récoltées sont qualitatives, elles seront alors transformées en variables nominales, donc exploitées à l’aide de techniques quantitatives appropriées (par exemple, l’analyse factorielle des correspondances) ; en somme, la recherche quantitative renvoie à des travaux, dont les données sont statistiquement analysables. Enfin, pour la plupart des chercheurs, parler de recherche quantitative signifie étudier de gros échantillons dûment sélectionnés, alors que les recherches qualitatives ne portent habituellement que sur quelques cas, voire un seul (Yin, 1991). Une dernière précision s’impose. Le travail qualitatif a fréquemment été assimilé à une phase antérieure (exploratoire) d’une recherche quantitative (Evrard, Pras et Roux, 1997). Dans cet échange, nous parlerons de recherche qualitative en tant que stratégie en soi et non en tant que prélude à une approche confirmatoire ultérieure. Ces quelques prémisses exposées, voyons maintenant ce que l’un et l’autre de nous deux préfèrent et pourquoi. La recherche quantitative a été et est encore dominante dans de nombreux pans des sciences sociales : marketing, psychologie cognitive ou sociale, sociologie, économie, médecine. Pendant longtemps, il était difficile de publier les résultats de recherches qualitatives sauf, peut-être, quand elles étaient l’oeuvre …

Appendices