Abstracts
Résumé
Alors que l’intégration des nouvelles recrues constitue un enjeu particulièrement important pour les petites entreprises, les pratiques de socialisation qu’elles mettent en oeuvre restent mal connues. Cette recherche étudie la diversité des modes de socialisation des petites entreprises françaises en mobilisant le cadre de la théorie des configurations organisationnelles, et plus précisément celle des configurations des petites entreprises (Bentabet, Michun et Trouvé, 1999). Une étude de cas multiple identifie des pratiques de socialisation singulières à chacune de ces configurations. Ces pratiques apparaissent cohérentes entre elles et avec le système des variables caractéristique de la configuration donnée. Ainsi, les modes de socialisation des petites entreprises à configuration « entrepreneuriale » reflètent la volonté de profiter de la présence d’un nouvel entrant pour innover. Celles des petites entreprises à configuration « indépendante traditionnelle » sont orientées par une idéologie de la tradition et prennent la forme d’inculcations normatives. Les pratiques de socialisation des petites entreprises « managériales » renvoient quant à elles à un haut niveau de formalisation, d’organisation, d’outillage gestionnaire et de rationalisation de l’intégration des nouvelles recrues.
Mots-clés :
- Socialisation,
- Petite entreprise,
- Configuration organisationnelle,
- Étude de cas
Abstract
While the integration of newcomers is a key issue for small businesses, socialization practices they implement remain poorly understood. This research examines the diversity of organizational socialization practices of small French companies in mobilizing the framework of organizational configurations theory, and more precisely the SMEs’ configurations theory (Bentabet, Michun et Trouvé, 1999). A multiple case study identifies socialization practices unique in each of these configurations. These practices appear consistent with each other and with the system of variables characteristic of a given SME’s configuration. Thus, the socialization practices of « entrepreneurial » SMEs reflect a desire to enjoy the presence of a newcomer to innovate. Those of « independent traditional » SMEs are guided by an ideology of tradition and take the form of normative inculcations. Socialization practices of « managerial » SMEs refer a high level of formalization, of organization and rationalization of the integration of new recruits.
Keywords:
- Socialization,
- Small firms,
- Organizational configuration,
- Multiple case study
Resumen
Mientras que la integracion de nuevos miembros constituye un desafio particularmente importante para las pequenas empresas, las practicas de socializacion que éstas aplican, quedan mal conocidas. Esta investigacion estudia la diversidad de los modos de socializacion de las pequenas empresas francesas, movilizando el marco teorico de las configuraciones organizacionales, y de manera mas precisa el marco propio a las pequenas empresas (Bentabet, Michun et Trouvé, 1999). Un estudio de caso multiple identifica las practicas de socializacion corresponidentes a cada una de estas configuraciones. Estas practicas aparecen en coerencia con si mismas y con el sistema de variables caracteristico de cada configuracion. Asi, los modos de socializacion de las pequenas empresas cuya configuracion es de tipo « empresarial » reflejan la voluntad de aprovechar de la presencia de un nuevo miembro ingresado para innovar. Los modos propios a las pequenas empresas cuya configuracion es de tipo « independiente-tradicional » estan orientadas por una ideologia de la tradicion y toman la forma de inculcaciones normativas. En cuanto a las practicas de socializacion de las pequenas empresas « manageriales », ellas remiten a une alto nivel de formalizacion, organizacion, instrumentacion gestionaria y racionalizacion en la integracion de nuevos miembros.
Palabras clave:
- Socializacion,
- Pequenas empresas,
- Configuraciones organizacionales,
- Estudio de caso multiple
Article body
Introduction
Dans un contexte de mobilité inter-organisationnelle accrue des individus (Bauer et al., 2007), les directeurs des ressources humaines et dirigeants s’interrogent régulièrement sur l’intégration des nouvelles recrues (Perrot, 2008). Si cette mobilité est souvent souhaitée par les grandes entreprises du fait de leur besoin de flexibilité du personnel, elle est parfois contrainte et subie dans de nombreuses PME françaises qui jouent un rôle de tremplin des jeunes sur le marché du travail, accueillant une majorité de jeunes sortants de formation initiale[1] mais éprouvent des difficultés à les maintenir[2]. Dès lors, la question de l’intégration des nouvelles recrues apparaît encore plus sensible dans les petites structures où les dirigeants évoquent souvent leurs difficultés à construire les liens qui engagent sur la durée leurs nouveaux salariés (Perrot, 2008). Au-delà de ces faits, des éléments théoriques peuvent également justifier l’importance de l’intégration des nouvelles recrues dans les PME. La petite taille des entreprises implique en effet un « effet de grossissement » qui leur est caractéristique, car le poids de chaque individu est plus grand et sa place proportionnellement élevée dans une petite structure (Mahé de Boislandelle, 1996 ; Torrès, 2003). En conséquence, le caractère stratégique de l’arrivée d’un nouveau membre apparaît encore plus marqué dans les structures de petite taille.
Pour toutes ces raisons, l’examen de l’intégration des nouvelles recrues dans les petites entreprises (PE) - entendues comme les structures de moins de 50 salariés - représente un enjeu pratique et théorique fort. Dans cette perspective, la socialisation organisationnelle apparaît comme un concept important, car elle offre une clé de compréhension de la relation entre l’individu et l’organisation (Chanlat, 1990). Elle est définie comme le processus qui conduit un individu à acquérir les croyances, les valeurs, les comportements, les compétences nécessaires pour exercer pleinement son rôle et sa fonction dans l’organisation (Fisher, 1986 ; Van Maanen et Schein, 1979). Les pratiques de socialisation des entreprises affectent en premier lieu le succès de l’ajustement et de l’adaptation des nouveaux entrants (Saks et Ashforth, 1997). Ces pratiques ont été abordées de plusieurs manières dans la littérature. Van Maanen et Schein (1979) dressent une typologie des tactiques de socialisation. De nombreux travaux testent l’effet de ces tactiques sur le déroulement et les résultats de la socialisation des nouvelles recrues (notamment Jones, 1986 ; Allen et Meyer, 1990 ; Ashforth et Saks, 1996 ; King et Sethi, 1998 ; Cooper-Thomas, Van Vianen et Anderson, 2004 ; Cable et Parsons, 2001 ; Kim, Cable et Kim, 2005 ; Perrot, 2009). Par ailleurs, une série de recherches s’intéresse à quelques outils, situations et/ou pratiques de socialisation fréquemment observés dans les organisations (comme les stages à l’extérieur de l’entreprise [Louis, Posner et Powell, 1983], le tutorat [Louis et al., 1983 ; Iseke, 2010 ; Singh, Bains, Vinnicombe, 2002]).
L’ensemble de ces travaux investigue le champ des grandes entreprises ; la connaissance des tactiques, outils et pratiques de socialisation est donc essentiellement basée sur des données collectées dans cet univers. Le champ des PE n’apparaît que très récemment dans le domaine de la socialisation organisationnelle où Bargues (2010) l’identifie comme particulièrement adapté à l’exploration, les pratiques de socialisation peu ou non formalisées. Ses résultats qui contribuent à enrichir les connaissances des pratiques de socialisation organisationnelle mettent en évidence la grande diversité de leurs formes dans les PE.
Dans cette recherche exploratoire, nous proposons d’étudier la diversité des pratiques de socialisation des PE en mobilisant le cadre théorique des configurations organisationnelles. En effet, ce cadre offre une grille d’analyse qui réduit l’extrême hétérogénéité du monde des PE en distinguant des formes idéales typiques de PE caractérisées par des pratiques de gestion et de management distinctives. Nous supposons que chaque configuration de PE présente des spécificités en matière de socialisation. Cette recherche vise à les identifier et à les comprendre. Sur le plan méthodologique, six PE représentatives des configurations de Bentabet et al. (1999) font l’objet d’une étude de cas comparative. L’approche est longitudinale afin de tenir compte de la dynamique du processus de socialisation.
Notre contribution s’est organisée en quatre parties : 1) une revue de littérature qui articule les travaux sur les pratiques de socialisation, sur les configurations organisationnelles, et sur les PME, 2) la description de notre méthodologie de recherche, 3) la présentation des résultats, 4) et enfin la discussion de ces résultats et de leurs implications.
1. Cadre conceptuel
Le cadre conceptuel de cette recherche articule les travaux sur les pratiques de socialisation des nouvelles recrues avec les théories des configurations organisationnelles, et plus précisément, celles inscrites dans les champs des PE.
1.1. Les pratiques de socialisation des organisations : une revue de littérature
Van Maanen et Schein (1979) proposent une typologie de six tactiques de socialisation organisationnelle, définies comme les manières par lesquelles les expériences d’un individu en transition d’un rôle à un autre sont structurées pour lui par les autres membres de l’organisation (Van Maanen, 1978) ; expériences qui vont déboucher sur une inscription durable de l’individu dans son contexte de travail (Jones, 1986 ; Ashforth et Saks, 1996). Chaque type de tactique est caractérisé par un couple représentant les extrêmes d’un continuum.
1 - Les tactiques d’investiture versus de désinvestiture renvoient à la construction identitaire du nouvel entrant. La tactique de désinvestiture peut prendre différentes formes pratiques, comme le fait d’effacer les symboles de l’identité, de limiter ou d’isoler la recrue de ses contacts extérieurs, de déprécier son statut, ses connaissances, ses capacités ; de lui imposer de nouveaux symboles ; de prescrire et proscrire de manière rigide les comportements, de punir les infractions, et de récompenser l’apparition d’une nouvelle identité (Fisher, 1986 ; Goffman, 1961 ; Van Maanen, 1976, 1978). À l’inverse, les tactiques d’investiture font référence à l’ensemble des témoignages de confiance.
2 - S’agissant des tactiques formelles versus informelles, les premières consistent à concevoir des expériences de travail de formation ou encore à produire des signes (uniformes, badges) qui singularisent les recrues des autres membres de l’organisation. À l’inverse, les tactiques informelles consistent à faire vivre aux recrues des expériences identiques à celles des membres en place.
3 - Les tactiques séquentielles versus aléatoires renvoient à la socialisation des individus durant leur carrière au sein de l’organisation. Pour transiter vers certains rôles, le processus de socialisation peut recouvrir un large spectre de missions et d’expériences qui nécessitent parfois plusieurs années de préparation. Avec les tactiques séquentielles, l’organisation connaît ces différentes étapes et les communique aux nouveaux entrants, avec les tactiques aléatoires, la progression est plus ambiguë et non indiquée à la recrue.
4 - Dans le cadre des tactiques fixes, les étapes du processus de socialisation sont associées à un calendrier fixe communiqué à la recrue, alors qu’avec les tactiques variables, ce calendrier est inexistant. Il s’agit, là encore, de tactiques qui renvoient à la socialisation au cours de la carrière d’un individu dans une organisation.
5 - Les tactiques collectives versus individuelles renvoient au fait que les nouveaux entrants vivent ensemble une série d’expériences communes, ou au contraire, sont isolés et vivent des expériences uniques, indépendamment d’autres recrues.
6 - Les tactiques en série versus disjointes renvoient au fait que les nouveaux entrants soient accompagnés ou non par un membre plus expérimenté qui assume des positions relativement similaires dans l’organisation et qui endosse un rôle de modèle. Dans le cadre des tactiques disjointes, les recrues ne disposent pas de modèle de rôle. Selon Van Maanen et Schein (1979), les tactiques sont sélectionnées consciemment ou inconsciemment par le management de l’organisation. Elles ne sont pas mutuellement exclusives, mais peuvent être simultanées et combinées (Van Maanen et Schein, 1979).
Plusieurs travaux s’extraient du cadre de Van Maanen et Schein (1979) et s’intéressent à un ou à quelques-uns des outils, pratiques et situations de socialisation : le tutorat formalisé et non formalisé (Singh et al., 2002), les programmes de formation (Feldman 1976, 1977, 1983, 1989 ; Wesson et Gogus, 2005 ; Klein et Weaver, 2000 ; Garvey, 2001 ; Louis et al., 1983 ; Delobbe et Vandenberg, 2001), distingués en fonction de leur orientation sociale (orientation program trainingsocial-based) ou assistés par ordinateur (orientation program training computer-based) (Wesson et Gogus, 2005), ou d’autres activités ou situations socialisantes comme les loisirs à l’extérieur de l’entreprise (sports, sorties, etc.), la présentation officielle du nouvel entrant, les pots d’accueil, les tours d’entreprise, les voyages d’affaires avec des collègues, les pauses-déjeuner ou les pauses-café, la collaboration dans un groupe de travail (Louis et al., 1983 ; Perrot et Roussel, 2009).
Wesson et Gogus (2005) catégorisent les activités de socialisation en deux grands types, celles basées sur l’information et celles basées sur le social. Les premières consistent purement à transmettre des informations, les secondes à interagir avec les nouveaux entrants. Ils montrent que c’est essentiellement au contact des autres et en observant les autres que s’opère la construction des relations sociales des nouvelles recrues ; leurs adaptations aux caractéristiques politiques de l’organisation, et leurs adaptations aux buts et aux valeurs de l’organisation. Sur d’autres domaines de socialisation, l’adaptation passe essentiellement par l’information et rend l’interaction sociale moins nécessaire (c’est le cas de l’apprentissage de l’histoire de l’organisation et de beaucoup de dimension du langage [acronymes, jargon, argot de l’organisation]) (Wesson et Gogus, 2005).
Cooper-Thomas, Anderson et Cash (2012) s’intéressent aux pratiques de socialisation qui consistent à faciliter et à s’adapter aux stratégies de socialisation des nouvelles recrues ; par exemple, l’explicitation des stratégies de socialisation acceptables, l’offre d’opportunités de socialisation informelle à travers des événements sociaux et le « networking », et enfin, la structuration de l’environnement de travail pour maximiser la recherche d’informations des recrues et leurs différentes stratégies d’apprentissage.
Bargues (2010) s’intéresse aux pratiques des petites entreprises françaises dont elle recense et décrit le contenu. Ses travaux mettent en évidence d’autres pratiques peu formalisées et souvent informelles, c’est-à-dire, non délibérément mises en oeuvre dans un objectif de socialisation :
la manière de structurer l’activité confiée à la recrue (confier une activité productive identique à celles de ses pairs expérimentés ou adaptée au besoin d’ajustement ; confier une activité d’apprentissage (via la formation continue, l’observation d’un pair), ou encore, ne confier aucune activité à la recrue) ;
le fait d’adapter le rôle organisationnel et/ou la mission confiée à la recrue pour faciliter son adaptation ;
la structuration de l’accès à l’information (centralisation des documents, positionnement spatial de la recrue, attitudes et comportements face à sa recherche d’informations).
Ses travaux montrent également la grande diversité des pratiques de socialisation des PE. Dans cette recherche exploratoire, nous proposons de comprendre cette diversité en mobilisant le cadre théorique des configurations organisationnelles. Nous présentons maintenant ce cadre et nous justifions de son intérêt pour répondre à l’objectif de notre contribution.
1.2. Approche configurationnelle : un cadre théorique propice à l’étude de la diversité des pratiques de socialisation des PE
Après avoir positionné les théories des configurations organisationnelles, nous montrons comment la recherche s’est saisie de ce cadre pour comprendre le monde hétérogène des PE.
1.2.1. La théorie des configurations organisationnelles : un cadre conceptuel transversal à de multiples champs de recherche
La théorie des configurations organisationnelles a été initialement développée dans le domaine de la théorie des organisations, en prolongement de la théorie de la contingence, elle-même positionnée en controverse de la théorie universaliste. Dans le postulat de la contingence, plusieurs structures peuvent exister et conduire à une performance optimale s’il y a ajustement entre structure et contexte environnemental (Drazin et Van de Ven, 1985). Cette approche est limitée par son positionnement déterministe qui implique que les organisations doivent impérativement s’adapter à des facteurs de contingence (Astley et Van de Ven, 1983). Son positionnement est également critiqué pour sa simplification excessive (Dess, Newport et Rasheed, 1993).
La théorie des configurations organisationnelles contribue à remédier à ces lacunes en proposant une approche plus riche et plus complexe qui réside dans une vision systémique de l’organisation (Meyer, Tsui et Hinings, 1993). Celle-ci est considérée comme un construit composé de variables qui s’agencent de manière cohérente et qui s’influencent mutuellement. Le concept de configuration d’organisation renvoie à celui d’idéal type, c’est-à-dire à l’abstraction théorique d’une organisation dans laquelle plusieurs facteurs s’agencent de manière cohérente pour atteindre un niveau de performance optimal (Doty, Glick et Huber, 1993). Les idéaux types correspondent à des formes pures d’organisation qui sont difficiles à observer dans la réalité. Les organisations tendent à s’en rapprocher, et plus elles en sont proches, plus leur niveau de performance est optimal (Doty et Glick, 1994).
L’approche configurationnelle renvoie également au concept d’ajustement, c’est-à-dire d’une part, à la cohérence interne de l’ensemble des variables d’un même domaine, et d’autre part, à la cohérence externe de groupes de variables issus de domaines distincts (Doty et al., 1993). Les organisations les plus performantes sont celles qui ont le niveau de cohérence entre variables et groupes de variables le plus fort.
Cette richesse conceptuelle de l’approche configurationnelle a permis d’expliquer des phénomènes dans d’autres champs de recherche que l’organisation comme la GRH (Huselid, 1995 ; Wright et McMahan, 1992 ; Pichault et Nizet, 2000), le marketing (Kabadayi, Eyuboglu et Thomas, 2007), mais également la PME et plus particulièrement la PE (Bentabet et al., 1999).
1.2.2. L’approche configurationnelle en réponse aux limites des approches universaliste et contingente des PME
Les travaux sur l’« effet taille » (Pugh et al., 1968 ; Pugh, Hickson et Hinings, 1969 ; Blau et Schoenherr, 1971 ; Child et Mansfield, 1972 ; Mintzberg, 1982) fournissent les fondements de la recherche en PME. Ils sont parcourus par une opposition entre les partisans de l’approche universelle et les adeptes de la contingence qui va elle-même donner naissance à deux courants de recherche en PME : le courant de la spécificité et celui de la diversité (Torrès, 1998). Le premier courant se fixe l’objectif de mettre en évidence les traits caractéristiques des entreprises de petite taille et de proposer une théorie spécifique de l’organisation PME. Torrès (1998) note qu’en général, dans ce courant, les chercheurs se contentent de constituer un échantillon d’entreprises de petite taille pour pouvoir faire référence au corpus théorique de la recherche en PME. Ils commettent alors une erreur de première espèce qui consiste à accepter à tort l’hypothèse de la spécificité de la PME auprès d’entreprises qui malgré leur petite taille, ne le sont pas. Ils commettent aussi une erreur de seconde espèce qui consiste à rejeter à tort le cadre de validité du concept-PME pour certaines entreprises, sous prétexte qu’elles sont de grande taille (Torrès, 1998).
La thèse de la spécificité s’accommode donc mal de l’extrême hétérogénéité qui caractérise le monde des PME (Candau, 1981). L’étude de la diversité des formes devient alors un enjeu et le courant de la diversité établit des typologies pour ordonner et classer les PME. Ce courant identifie l’ensemble des facteurs de contingence qui exercent un effet sur la nature de l’organisation. Torrès (1998) dénonce les excès de l’approche contingente qui, poussée à son extrême, tend à considérer chaque PME comme un cas unique. Dans le sillage des apports et des limites de ces cadres, d’autres approches se sont développées pour étudier les PME. En effet, à partir des années 1980, les recherches tentent de concilier ces deux courants et de rendre compte tout à la fois de la singularité et de la diversité des objets particuliers que sont les PME. Ainsi, dans le modèle de l’hypofirme (Julien et Marchesnay, 1988), l’organisation de la PE et son style de management apparaissent comme fonction des buts et de la personnalité du dirigeant, de son environnement (plus il est instable, plus la structure sera flexible et adaptable), de la nature de l’activité (processus technologique, relation avec les partenaires extérieurs).
Julien (1994) proposera une typologie de PME à partir de différents continuums (continuum de dimension [en effectifs, actifs, chiffres d’affaires ou de ventes], continuum de secteur, continuum de marché, de contrôle et d’organisation, continuum de stratégie, de technologie). Les travaux de Bentabet et al. (1999) s’inscrivent plus explicitement dans le cadre de la théorie des configurations organisationnelles. À partir de la combinaison de variables qui font système (voir Tableau 2), Bentabet et al. (1999) mettent en évidence trois configurations « pures », trois formes majeures de PE françaises : la PE « indépendante traditionnelle », la PE « managériale » et la PE « entrepreneuriale ». Ils soulignent que des formes hybrides peuvent également être observées dans la réalité. Cette approche configurationnelle des PE fait émerger une nouvelle forme de combinaison productive « managériale », alors que les travaux dans le champ des PME ne font référence qu’à une simple opposition entre un « patronat propriétaire » et un « patronat entrepreneurial » (Julien et Marchesnay, 1988), le « patronat managérial » étant considéré comme spécifique à la grande entreprise. Leur modèle sera validé par des recherches quantitatives (Letowski et Trouvé, 2004).
Configuration des PE « indépendantes-traditionnelles » d’après Bentabet et al. (1999)
Les PE « indépendantes-traditionnelles » sont les plus nombreuses et constituent la forme générique des PE françaises. La forme sociale est familialiste, patrimoniale, voire domestique. Ces PE se caractérisent par une proximité immédiate avec les clients, fournisseurs, employés. La qualité est garantie quasi « naturellement » par la tradition dans les modes de production et les « recettes » qui ont fait leurs preuves. La gestion est une activité non prioritaire et il y a souvent peu de formation et de conseils en gestion. Le recrutement se caractérise par l’utilisation du réseau familial et local. La main-d’oeuvre est peu qualifiée et polyvalente. Le dirigeant recherche des qualités comportementales des salariés et décide de les embaucher sur un « coup de coeur ». Le dirigeant est soit autodidacte, entré très tôt dans le métier, soit héritier de son entreprise par transmission patrimoniale (aussi bien sur le plan psychologique que matériel).
Configuration des PE « managériale » d’après Bentabet et al. (1999)
Au sein de la configuration « managériale », il faut distinguer les PE managériales « insérées » et les PE managériales « modernisées ». Les premières correspondent aux « petits établissements insérés dans un groupe ou réseau sous forme de filiales, de succursales ou d’unités franchisées » (Letowski et Trouvé, 2004), « après une période de formation de ses dirigeants » (Bentabet, Michun et Trouvé, 1999). Les secondes correspondent à des petites entreprises modernisées via le « développement endogène de nouvelles conduites managériales de la part d’un petit patron initialement entrepreneurial ou (moins souvent) patrimonial » (Letowski et Trouvé, 2004). Les PE managériales modernisées sont très souvent des entreprises sous-traitantes que les donneurs d’ordres poussent à une certaine « rationalisation » et à adopter des normes de gestion par diffusion de modèles. Ce sont aussi des structures où les évolutions vers la rationalisation sont véhiculées par de nouveaux dirigeants eux-mêmes issus de la grande entreprise. La gestion est donc rationalisée, fortement instrumentée, objectivée. Les modes de production sont standardisés. Les dirigeants attribuent plus volontiers leur réussite à leur parcours de formation qu’à des dispositions innées.
La configuration « entrepreneuriale » des PE d’après Bentabet et al. (1999)
Elles constituent un modèle intermédiaire et non stabilisé des deux configurations précédentes : hybridation dans la construction des compétences (coexistence de nouvelles pratiques de formations professionnelles continues et persistance de formations immergées dans l’activité), hybridation des méthodes et filières de recrutement, hybridation du profil du personnel (diplôme et adaptabilité). Les PE entrepreneuriales « se définissent d’abord par le projet et la trajectoire du dirigeant qui sont avant tout d’ordre économique, impliquant la plupart du temps un risque financier élevé et un positionnement intuitif ou réfléchi dans un marché concurrentiel accepté » (Letowski et Trouvé, 2004). Le dirigeant se perçoit comme un véritable chef d’entreprise, sa trajectoire biographique ou professionnelle se caractérise par une rupture. Ces PE ont un besoin permanent d’innovation et de rupture dans les produits, les « process », dans les types de clientèles et dans l’organisation. On trouve ces entreprises dans les secteurs émergents, mais elles peuvent également occuper des niches de marché dans les secteurs traditionnels où elles pratiquent une stratégie de différenciation ou de focalisation.
Bien que la socialisation des nouvelles recrues constitue une question importante dans les PE, elle est très peu traitée dans la littérature. Seule la diversité de leurs formes a été observée (Bargues, 2010). En nous appuyant sur l’approche configurationnelle des PE, nous supposons qu’au-delà de cette diversité, il existe des récurrences et des spécificités dans les modes de socialisation des PE. Nous supposons que chaque configuration de PE présente des spécificités en matière de socialisation des nouvelles recrues. Notre démarche empirique vise à identifier et comprendre ces spécificités.
2. Méthode
Cette recherche exploratoire s’appuie sur une étude de cas multiple. Ce type de « design » de recherche repose sur un échantillonnage théorique (Hlady-Rispal, 2003) où les cas présentent les propriétés qui répondent à ce que nous souhaitons tester, à savoir des différences marquées des modes de socialisation selon la configuration des PE. Nous avons retenu six PE appartenant à des secteurs d’activité différents. Canabois et Velay sont deux PE à configuration « indépendante-traditionnelle », Foca et Sol sont deux PE à configuration « entrepreneuriale », Clim’chauff et Express sont deux PE à configuration « managériale » (voir Tableau 3). Les six cas ont donc été sélectionnés de manière à ce qu’ils produisent, deux par deux, des résultats similaires dans un objectif de réplication littérale (Yin, 1994) et afin qu’ils produisent avec les autres cas des résultats contrastés dans un objectif de réplication théorique (Yin, 1994).
La configuration de chacune de ces PE a été identifiée précédemment à cette recherche dans le cadre d’études réalisées dans ces entreprises[3]. La méthodologie est longitudinale, avec triangulation des données et croisement de différents outils d’investigation. L’enquête terrain a été menée de manière concomitante avec les phases de socialisation des nouveaux entrants. En effet, deux périodes d’investigation se sont succédées dans le temps, une première pendant la phase de socialisation dite de « confrontation initiale » des nouvelles recrues (Feldman, 1976), moins d’un mois après leur entrée, et une seconde pendant la phase dite d’« acceptation mutuelle » (Feldman, 1976). Au total 53 entretiens semi-directifs ont été réalisés avec les nouveaux entrants, les dirigeants, et dans certains cas un collègue proche de la nouvelle recrue. Des données secondaires ont été collectées (divers documents distribués ou consultés par les recrues comme les plaquettes de présentation d’entreprise, les cartes de visite, les échanges par courriels, les sites internet, les livrets d’accueil). Enfin, des observations directes ont été réalisées le premier jour de la recrue et/ou au cours des moments collectifs (pauses-café, pauses-déjeuner).
Pour comprendre comment les entreprises socialisent leurs nouveaux entrants, nous avons construit les guides d’entretien et une grille d’observation des pratiques en mobilisant les travaux de la littérature qui décrivent les activités, les outils, les pratiques, les tactiques et les situations de socialisation (notamment Van Maanen et Schein, 1979 ; Wesson et Gogus, 2005 ; Iseke, 2010 ; Louis et al., 1983). Nous avons également intégré les travaux qui s’intéressent au rôle actif des nouvelles recrues (notamment Nicholson, 1984 ; Saks et Ashforth, 1997 ; Nelson et Quick, 1991) afin d’observer les pratiques qui consistent à répondre aux stratégies de socialisation des nouveaux entrants (Cooper-Thomas et al. 2012).
Une analyse intra-cas et une analyse comparative ont été menées. L’objectif de l’analyse des données était double, d’abord identifier le contenu des pratiques de socialisation organisationnelle en comparant systématiquement les matériaux issus d’acteurs différents, des observations directes et des données secondaires. Il s’agissait ensuite de comparer le contenu des pratiques d’un cas à l’autre afin de dégager les similitudes dans les entreprises à même configuration. Il s’agissait également de dégager les différences dans les entreprises présentant des configurations différentes.
Le cas Foca : une intégration dans une PE entrepreneuriale
Foca est une PE de trois membres créée en 2004 par son actuel dirigeant qui a d’abord travaillé seul pendant trois ans. En créant son entreprise, le dirigeant a créé l’activité qu’il rêvait d’exercer. Foca a connu une forte croissance avec l’arrivée d’un apprenti devenu ensuite salarié, puis d’un second salarié à temps plein. Cinq mois après notre période d’enquête, l’effectif s’accroît encore avec l’arrivée de deux nouveaux apprentis en BTS « gestion et exploitation forestière ». Son chiffre d’affaires atteint 120 000 euros. L’entreprise exerce une activité de gestion forestière et de travaux forestiers et sylvicoles. Elle réalise un service de conseil à l’entretien et à l’exploitation des forêts, et un service de débroussaillage, de plantation et de bûcheronnage. Les membres de cette PE sont tous des « techniciens gestionnaires forestiers », métier créé par le dirigeant de Foca, non référencé par la filière bois. Ce dernier considère que ce métier est un métier composite entre celui d’ouvrier forestier et celui d’expert forestier, et constitue le maillon manquant pour dynamiser la gestion et l’exploitation de la forêt privée en Auvergne[4]. L’entreprise souhaite profiter du contexte de développement de la demande de bois pour sensibiliser les propriétaires et diversifier ses clients au-delà des parcs privés, des collectivités locales et des municipalités. À Foca, l’innovation apparaît donc centrale. Elle concerne le métier, les clients, les marchés, l’organisation ou encore les outils. Cette caractéristique associée au parcours de rupture du dirigeant (en créant son entreprise, il crée un métier et l’activité qu’il rêve d’exercer), permettent d’identifier Foca comme une PE entrepreneuriale. La nouvelle recrue que nous suivons est embauchée en CDI en tant que « technicien gestionnaire forestier ». Ce jeune homme âgé de 23 ans, a suivi une formation en BTSA « gestion et protection de la nature » sans obtenir son diplôme. Il rencontre le dirigeant de Foca dans le cadre d’un emploi de bûcheron qu’il occupe au sein d’une entreprise sous-traitante de Foca. Il sympathise rapidement avec lui et lui soumettra rapidement sa candidature spontanée.
Le cas SOL : une intégration dans une PE entrepreneuriale
SOL est une entreprise de 49 salariés qui a une activité de bureau d’études géotechniques, géologiques et géophysiques dans le secteur du BTP. La société propose des prestations d’études, mais assure aussi la conception, le développement et la distribution de procédés géotechniques et de matériels de contrôle dans ce domaine. Elle a été créée en 1992 par son actuel dirigeant qui souhaitait développer et commercialiser les résultats techniques des recherches qu’il menait dans le cadre de son activité de professeur d’université. Sol atteint un chiffre d’affaires de 4,5 millions d’euros et connaît une croissance régulière de 10 % en moyenne depuis sa création.
L’entreprise a une activité importante de recherche et de développement (10 % de son chiffre d’affaires), ce qui lui permet continuellement de diversifier ses compétences en conseils ainsi que les procédés commercialisés. Le service RetD compte, selon les périodes, 6 à 8 personnes et représente 13 à 20 % de l’effectif. Il est alimenté en continu par des doctorants en CIFRE qui, une fois docteurs, sont intégrés dans un autre service de l’entreprise où ils mettront en oeuvre les applications pratiques de leurs recherches. La place centrale de l’innovation, la dynamique de développement de l’entreprise et le parcours de rupture du dirigeant permettent d’identifier SOL comme une PE entrepreneuriale. La nouvelle recrue que nous suivons a été recrutée en CDI sur un poste de chargé d’affaires géotechniques et géosynthétiques, à la suite de son doctorat en CIFRE. Il avait précédemment réalisé son stage de dernière année d’école d’ingénieur chez SOL.
Le cas Velay : une intégration dans une PE indépendante-traditionnelle
Velay a été créée en 1952 par M. Velay, garagiste, puis reprise par ses enfants qui en sont les actionnaires exclusifs et qui poursuivent la trajectoire initiée par leur père. À l’origine, l’activité était la vente et la réparation des véhicules automobiles de tourisme et de poids lourds. Dans les années 1980, l’entreprise s’informatise et se spécialise progressivement dans le montage d’équipements et la transformation de véhicules poids lourds. En 1994, elle rachète une société de mécanique et se diversifie alors vers la conception et la fabrication de bras hydrauliques. Velay compte désormais 49 salariés et atteint un chiffre d’affaires de près de trois millions d’euros. La PE est implantée en zone rurale et les salariés se connaissent tous très bien, certains étaient sur les mêmes bancs d’école. Ils entretiennent des relations d’ordre domestique avec la famille dirigeante qui valorise les compétences morales et la confiance. « Ici, c’est quand même très familial, avec des idées… pas bloquées, mais… bien ancrées… » (Nouvel entrant à Velay). La solidarité de chacun envers la famille Velay est plus importante que celle existant entre les salariés. Bien que l’entreprise ait engagé une démarche de diversification et de développement de son activité, l’innovation n’est pas centrale. L’activité de RetD est faible et concentrée sur un seul produit. Les innovations sont de faible ampleur. Le montage d’équipements poids lourds n’est ni original, ni unique, d’ailleurs des concurrents sont leaders sur ce marché. Autrement dit, la stratégie de Velay est plutôt imposée par le suivi d’acteurs plus dominants sur son marché. Ainsi, le parcours des dirigeants, les caractéristiques des relations sociales, l’origine stratégique et l’orientation stratégique de Velay permettent de l’identifier comme une PE « indépendante-traditionnelle ». Le nouvel entrant dont nous suivons l’intégration est embauché en CDI sur un emploi de technico-commercial. Il est spécialisé dans la commercialisation de compresseurs. C’est un homme de 35 ans, titulaire d’un BTS « commerce du bois ». Chômeur, c’est en s’inscrivant dans une agence d’intérim qu’il prend connaissance d’une offre d’emploi de technico-commercial à Velay. Il dispose d’une expérience de commercial et de vendeur en porte-à-porte dans différentes entreprises.
Le cas Canabois : une intégration dans une PE indépendante-traditionnelle
La famille Canabois dirige l’entreprise depuis cinq générations. Son activité était à l’origine la menuiserie-charpente. À partir de 1981, l’actuel dirigeant diversifie timidement l’activité de Canabois vers la construction de maisons et d’ossatures en bois. À la fin des années 2000, Canabois fait face à une forte augmentation de la demande de construction de maisons et d’ossatures en bois. Elle se concentre alors exclusivement sur cette activité ; mais son adaptation est lente et pendant de nombreux mois, l’entreprise devra refuser un grand nombre de chantiers étant donné les limites de ses moyens matériels et humains. Le fils Canabois rejoint la direction en 2006, après avoir obtenu un BTS « construction bois ». Au moment de notre enquête, l’entreprise compte 14 salariés. La production est encore réalisée dans un atelier ancien avec des machines relativement vétustes, mais un nouvel atelier est en construction. En outre, Canabois attend alors la livraison d’un parc de machines à commandes numériques. Par ailleurs, elle souhaite recruter et intégrer deux menuisiers-charpentiers capables de piloter ces nouvelles machines, mais elle attire et maintient très difficilement les candidats. Si Canabois se développe en renouvelant son parc de machines et innove dans la technologie, c’est exclusivement en réponse aux contraintes externes fortes. Autrement dit, l’innovation n’est pas valorisée en tant que telle dans cette PE. En outre, ses produits et services ne sont ni originaux, ni uniques, d’ailleurs plusieurs concurrents directs sur le marché de la construction bois sont présents sur son territoire. Les relations sociales sont d’ordre domestique, la famille Canabois valorise les compétences morales de ses salariés et la confiance réciproque qu’elle entretient avec eux. Sur le plan du management, Canabois s’inscrit dans la poursuite de traditions familiales : « Moi je vais former un apprenti que je vais faire à “ma façon” et mon fils fera pareil. » (Dirigeant-père).
Ainsi, le parcours des dirigeants ancré dans la continuité familiale, le métier central focalisé sur la production, l’origine de la stratégie imposée par la pression externe, et les caractéristiques des relations sociales et du « management » permettent d’identifier Canabois comme une PE à configuration « indépendante-traditionnelle ».
Le nouvel entrant dont nous suivons l’intégration est recruté en contrat aidé sur un poste de menuisier-charpentier d’atelier. Il est âgé de 22 ans, titulaire d’un CAP « marqueterie bois et techniques des métiers d’art » et d’un CAP « ébénisterie ». Son expérience professionnelle se limite à ses expériences riches et variées en tant qu’apprenti.
Le cas Clim’chauff : une intégration dans une PE managériale
Clim’chauff est un établissement dont l’activité est l’étude et l’installation de systèmes électriques et thermiques. Il est intégré à POP un grand groupe français du BTP, et plus précisément intégré à sa filiale « électricité et chauffage ». Clim’chauff a été créé en 1984 et rachetée en 2002 par ce groupe au moment du départ en retraite de son dirigeant créateur. Avec 35 salariés, il est le plus petit établissement intégré à POP. L’actuel directeur d’établissement a été désigné par POP. Cet homme initialement responsable d’affaires à Clim’chauff, a suivi une formation initiatique à l’esprit du groupe. La stratégie de l’établissement s’aligne sur celle conçue par la filiale « électricité et chauffage » de POP, centrée sur la conquête de nouveaux marchés et de nouvelles parts de marché. Pour ce faire, elle doit par exemple impérativement accéder à la certification ISO 14001. Ses caractéristiques permettent d’identifier Clim’chauff comme une PE à configuration managériale. La nouvelle recrue dont nous suivons l’intégration est recrutée en CDI en tant que responsable d’affaires. C’est une jeune femme âgée de 29 ans, ingénieure en génie thermique. Elle dispose d’une expérience de 8 ans au sein d’un autre établissement de POP puis au sein d’un établissement intégré à un groupe concurrent.
Le cas Express : intégrations dans une PE managériale
Express est un établissement créé en 2000, inséré dans la filiale Express France d’un groupe international de la restauration rapide. L’établissement qui compte 34 salariés est dirigé par un directeur en poste depuis trois ans au moment de notre enquête. Son parcours jusqu’à ce poste est conforme à la politique de recrutement et de gestion de carrière du groupe. En effet, tout salarié des unités franchisées entre en tant qu’employé de cuisine et/ou de service. Les « plus méritants » auront l’opportunité d’évoluer sur un poste de « manager » puis de directeur de restaurant après avoir suivi une formation continue interne et une formation sur le tas de longue durée. Cette formation, associée à un système de contrôle et d’incitation important, assure l’inculcation des standards de gestion et de management conçus par le groupe. L’établissement doit mettre en oeuvre la stratégie définie par le groupe, centrée sur la conquête de nouvelles parts de marché et la réduction des coûts. Les caractéristiques d’Express permettent de l’identifier comme une PE à configuration managériale. La nouvelle entrante est une femme âgée de 21 ans, recrutée en CDI en tant qu’employée de cuisine. Il s’agit d’une étudiante qui a décidé de s’insérer sur le marché du travail après avoir dépassé l’échéance de son inscription en BTS MUC. Nous suivons également parallèlement la socialisation d’une femme de 25 ans qui passe des fonctions d’employée de cuisine à celles de « manager » d’équipe dans le même restaurant. Les deux jeunes femmes sont diplômées d’un bac général.
3. Résultats
3.1. Pratiques de socialisation des PE « indépendantes-traditionnelles »
Dans les deux PE indépendantes-traditionnelles (Velay et Canabois), des pratiques de socialisation consistent à contrôler ou surveiller les recrues, et plus précisément à contrôler l’adéquation de leurs comportements avec les normes et les règles non formalisées de l’entreprise. « Et c’est toujours pareil, avec tout le monde, il faut tirer les brides et puis garder ça en main comme il faut. […] Je jette toujours un coup d’oeil par la fenêtre pour voir un peu comment ça se passe. […] ce n’est pas de l’espionnage, mais il faut des fois prendre les gens sur le fait ou les observer un petit peu pour voir réellement comment ils sont. » (Dirigeant de Canabois). Dans ces deux PE, quelques membres font partie du cercle rapproché de la direction et ont un rôle privilégié dans cette surveillance de proximité. À Velay, il s’agit de la secrétaire de direction très proche de la famille Velay (Mme Velay dit d’elle qu’« elle est dans le secret des Dieux »), à Canabois, c’est le chef d’atelier, ancien camarade de classe de M. Canabois-fils.
Dans les deux PE « indépendantes-traditionnelles », des pratiques consistent à décourager les idées nouvelles des recrues, soit en les dénigrant, soit en les « étouffant » dès leur apparition. Ainsi, à Canabois, le nouvel entrant habitué à une grande polyvalence au travail, suggère au dirigeant d’intégrer par intermittence l’équipe des menuisiers-charpentiers de chantier, c’est-à-dire, de ne plus endosser uniquement une activité de production, mais également de pose de structures en bois. Cette proposition déroge à l’organisation du travail de l’entreprise, car les équipes d’atelier et de chantier sont fixes, spécialisées, et leurs membres non interchangeables. Les dirigeants de Canabois n’accordent aucune considération à sa suggestion et n’envisageront jamais sa mise en pratique. À Velay, le nouvel entrant utilise une méthode de travail différente de celle des autres technico-commerciaux. En effet, pour les membres de l’entreprise « un commercial doit être immédiatement sur le terrain ». Or, au cours des premières semaines, il décide d’étudier les produits et le marché sans quitter son bureau. Plus tard, il adopte des techniques de prospection nouvelles, car il prospecte sans prendre systématiquement de rendez-vous préalables avec ses clients. Ces différences ne sont pas bien accueillies et génèrent des comportements de défiance, des évaluations négatives et des injonctions pour le contraindre à suivre la norme.
Une pratique de socialisation observée uniquement à Canabois consiste en une verbalisation autoritaire par le dirigeant concernant le décalage entre les comportements de la recrue et les règles tacites qui contraignent fortement les activités et les comportements des membres de la PE. « Un jour est arrivé un type qui faisait deux pauses le matin, deux pauses l’après-midi. […] Le chef d’atelier est venu me voir. J’ai dit : “attends, il faut qu’on le prenne sur le fait”. On a attendu pas bien longtemps […] J’ai dit : “Ici, c’est : tu travailles, tu fais une pause, tu retravailles. Mais tu ne fais pas : des pauses, un peu de travail, des pauses, un peu de travail”. Donc le mec on lui a donné le choix […] il a pris ses affaires et il est parti sur-le-champ. ». (Dirigeant de Canabois).
Ces pratiques de socialisation des deux PE indépendantes-familiales présentent une cohérence entre elles et avec les variables caractéristiques de ce type de configuration de PE et tout particulièrement avec l’idéologie de la tradition qui les soutient de manière transversale. Les recrues doivent s’intégrer sans remettre en question l’organisation et les normes établies. Dans cette configuration de PE, l’entrée d’un nouveau membre constitue un véritable risque pour le maintien de la tradition et les pratiques de socialisation sont orientées pour minimiser ce risque.
3.2. Pratiques de socialisation des PE « managériales »
Dans les deux PE managériales (Express et Clim’chauff), une pratique consiste à communiquer des règles formalisées aux recrues. À Clim’chauff, cela prend la forme d’un discours d’accueil énoncé par un représentant de la direction du groupe POP dans lequel est inséré le petit établissement. À Express, le discours d’accueil de la direction d’Express France est inclus exclusivement dans le programme de socialisation des « managers » et non dans celui des employés de cuisine.
Dans les deux PE managériales, la communication de règles formalisées se fait également par transmission de documents produits spécifiquement pour les nouveaux entrants (un livret d’accueil à Express et Clim’chauff ; une charte de déontologie à Clim’chauff). Ces documents sont conçus au niveau des services RH des sièges des groupes POP et Express.
Dans les deux PE managériales, les échanges informels des recrues et leurs relations sociales sont structurés par les groupes dans lesquels sont insérés ces établissements : une journée d’intégration et un séminaire d’intégration d’une semaine à Clim’chauff. À Express, cette journée d’intégration n’est pas proposée à la nouvelle manager qui l’avait toutefois suivi au moment de son entrée dans le restaurant en tant qu’employée de cuisine.
La socialisation renvoie également à un programme de formation interne à Express. Le nouvel entrant-manager suivra un processus d’inculcation des standards de management qui s’appuie d’une part, sur une formation continue conçue et dispensée au niveau du groupe, et d’autre part, sur une longue formation interne en situation de travail prescrite par le groupe. Celle-ci s’appuie sur des exercices écrits, corrigés par le directeur de restaurant, et sur des bilans réguliers avec le directeur qui se concentrent sur les erreurs et les défauts du nouveau « manager ». Cette formation interne en situation de travail est adossée à un puissant système de contrôle (par le directeur de restaurant, par les « managers » expérimentés, par le directeur des marchés et des clients mystères) et de sanction (suppression de la prime qui complète le salaire perçu par le nouveau « manager » dès écart des standards de management). Le nouvel entrant employé de cuisine suivra un processus d’inculcation des standards de production via une formation interne en situation de travail plus légère (sans exercices écrits et sans bilans réguliers) adossée au puissant système de contrôle et de surveillance conçu par le groupe. À Clim’chauff, la nouvelle recrue ne suit aucune formation interne au cours de ses premiers mois dans l’établissement.
Ces pratiques de socialisation observées dans les deux PE à configuration managériale sont cohérentes entre elles et entrent en cohérence avec la combinaison des variables caractéristiques de cette configuration. En effet, la rationalisation et l’adoption de normes de gestion de la socialisation par diffusion de modèles de gestion issus de la grande entreprise se retrouvent dans les processus de socialisation de ces deux PE.
3.3. Pratiques de socialisation des PE « entrepreneuriales »
Dans les deux PE entrepreneuriales (Foca et SOL), les pratiques de socialisation consistent d’abord à accorder une grande écoute et une considération aux idées et comportements novateurs (ou tout simplement décalés par rapport aux normes de l’entreprise) des recrues, et ensuite à les adopter et/ou les adapter. Ainsi, à Foca, le nouvel entrant vit un conflit identitaire lié à l’incompatibilité entre ses valeurs écologiques personnelles très fortes et l’activité qu’il exerce dans la PE. « C’est toujours difficile de me dire que la forêt est source d’argent. […] On est à fond avec les débroussailleuses, à tout couper : les orchidées et tout… Les boules quoi ! » (Nouvel entrant à Foca). Pour tenter de minimiser son malaise, il propose au dirigeant de réaliser les travaux de dégagements forestiers en dehors des périodes de nidification et de reproduction des espèces concernées, et/ou d’utiliser des combustibles écologiques. Ses idées « écologistes » novatrices font, systématiquement l’objet d’une grande écoute et d’une discussion entre tous les membres de l’entreprise : « [La recrue] nous a appris des petites choses sur une espèce qui logeait dans des genêts par exemple. […] il faut essayer de faire plus attention à la faune. […] C’est vrai qu’il y a un échange maintenant qui se fait là-dessus et c’est bien. » (Technicien forestier à Foca).
Finalement, certaines de ses idées sont adoptées comme l’utilisation des huiles biologiques.
À SOL, le nouvel entrant développe spontanément des outils et des solutions informatiques pour répondre aux problèmes qu’il observe dans la mise en oeuvre du travail de certains de ses collègues. Ces derniers accueillent très favorablement ses initiatives et adoptent ses solutions. « J’avais pris conscience que leurs problématiques dans leur vie de tous les jours correspondaient à ce sur quoi je travaillais. Donc des fois je disais : “Écoute j’ai développé un outil informatique qui peut peut-être t’aider. - Ah et bien oui, ça m’intéresse bien !” » (Nouvelle recrue SOL). Par ailleurs, la nouvelle recrue chez SOL remet en question et critique de manière argumentée une procédure de travail existante. Sa critique sera entendue, discutée et on lui confiera la mise en oeuvre de solutions adaptées pour la transformer.
Une autre pratique consiste à adapter la mission et le rôle de la recrue pour faciliter ses adaptations. Ainsi, à Foca, le dirigeant propose au nouvel entrant de développer une activité d’animation en forêt afin de l’écarter partiellement des travaux d’exploitation forestière qui entrent en conflit avec ses valeurs écologiques. Autrement dit, une nouvelle activité est envisagée dans l’entreprise en réponse à la problématique d’intégration de la nouvelle recrue. « Il est vraiment “gestion et protection de la nature”, donc je pense qu’il aimerait pouvoir travailler sur ces aspects-là. […] ce qui me plairait, c’est qu’il fasse de l’animation là-dessus. C’est prévu quoi. […] Ce pourrait être intéressant d’aller prospecter des écoles par exemple. » (Dirigeant de Foca). Le dirigeant considère donc les différences de la nouvelle recrue comme une opportunité pour innover et, en l’occurrence, pour élargir les activités de son entreprise, ses marchés et ses clients. La structuration du rôle du nouvel entrant dans l’entreprise n’est donc pas figée. Si ce rôle est en partie prédéfini, il est flexible en fonction des capacités et des difficultés d’intégration du nouvel entrant. D’ailleurs, à SOL, le nouvel entrant a dû construire lui-même sa mission et son activité dans la PE en identifiant un sujet de recherche appliqué intéressant pour l’entreprise au cours de son stage de 3e année d’ingénieur. Ce sujet deviendra un sujet de thèse qu’il mènera au sein du service RetD de l’entreprise. Son travail débouchera sur la création d’une nouvelle activité d’étude pour l’entreprise. « Concrètement, on m’a dit : “si vous trouvez des choses où il y a matière à creuser, nous on va démarrer une thèse. On va la prendre avec vous vu que vous avez démarré le sujet.” […] à l’issue de la recherche, ils n’allaient pas s’embêter à aller prendre quelqu’un d’autre et le reformer de A à Z alors que j’ai 3 ans et demi de spécialité dans le domaine. » […] Souvent, le stage ou le doctorat sert à ça. Il a fallu que j’aide à proposer un poste et que je montre mon intérêt à construire tout ça. Donc il y a une grosse démarche personnelle derrière. » (Nouvelle recrue SOL). La structuration de son rôle et de son statut dans l’entreprise n’étant pas prédéfinie, la nouvelle recrue doit elle-même agir pour la mettre en oeuvre et interagir avec les membres en place afin de la faire connaître et accepter. « Concrètement dans le boulot, le seul moyen de faire comprendre ce que vous faites c’est d’aller voir les gens à la pause-café ou entre midi et deux. Il faut que vous soyez capable de discuter et surtout de répondre à l’intérêt. […] Vous devez prendre sur vous, accepter la casquette, difficile à porter, du chercheur ou de l’innovateur, de vous mettre à sa portée et de dire : “non, mais regarde, je travaille sur ça, ça peut te servir”. Il faut utiliser son langage. Il y a un travail de vulgarisation. » (Nouvelle recrue à SOL).
Ces pratiques de socialisation observées dans les deux PE « entrepreneuriales » sont cohérentes entre elles et s’inscrivent en parfait accord avec le besoin permanent d’innovation, de rupture et de prise de risque qui caractérise de manière centrale cette configuration de PE.
Les individus entrent dans ces petites structures avec des caractéristiques distinctives et un oeil neuf que le dirigeant met à profit pour innover. En d’autres termes, l’arrivée d’une nouvelle recrue n’est pas considérée comme un risque potentiel, mais plutôt comme une source d’innovation. La recrue est acceptée telle qu’elle est ; le dirigeant cherche à identifier ce qui la différencie du reste de l’entreprise pour éventuellement la valoriser dans sa PE.
3. 4. Synthèse des résultats
4. Discussion
Si la socialisation des nouvelles recrues est enjeu pour toutes les entreprises, il est encore plus important dans les petites structures où le poids de chaque individu est plus grand et sa place proportionnellement élevée (Mahé de BoisLandelle, 1996 ; Torrès, 2003). Le but de cette recherche est donc d’étudier la diversité des pratiques de socialisation des PE françaises (Bargues, 2010) et plus précisément de vérifier et de comprendre l’existence de spécificités dans chacune des configurations de PE identifiées par Bentabet et al. (1999). Pour répondre à notre objectif, nous avons élaboré une étude de cas multiple. Les comparaisons inter-cas et intra-cas ont permis de dégager des ensembles de pratiques qui singularisent les modes de socialisation de chaque configuration de PE, qui apparaissent cohérentes entre elles et avec le système des variables caractéristiques de la configuration, conformément au concept d’ajustement associé à l’approche configurationnelle (Doty et al., 1993).
Ainsi, les pratiques de socialisation intégrées à la configuration des PE « entrepreneuriales » reflètent une volonté de l’entreprise de profiter de la présence d’un « étranger » pour innover, pour se transformer. Autrement dit, dans ces PE, la socialisation organisationnelle est considérée comme une opportunité d’innovation. À l’opposé, les pratiques intégrées dans la configuration « indépendante-traditionnelle » reflètent plutôt une volonté de l’organisation de refuser toute innovation impulsée par la présence d’un nouveau collaborateur. L’arrivée d’un nouvel entrant représente un risque pour le maintien de la tradition, et les membres de l’entreprise se perçoivent comme des agents socialisants garants de ce maintien. La socialisation y prend davantage la forme d’une inculcation. La réussite de l’intégration dépendra de la capacité du nouvel entrant à se conformer au cadre qui lui est imposé et à accepter sa moindre interaction sur son environnement professionnel. En résumé, les pratiques de socialisation des PE entrepreneuriales apparaissent orientées vers l’idéologie de l’innovation, alors que celles des PE indépendantes-traditionnelles sont orientées vers l’idéologie de la tradition.
Dans ces deux configurations de PE et contrairement à la configuration managériale, il n’existe pas de service RH pour formaliser et structurer un programme et des outils de socialisation. L’intégration des nouveaux collaborateurs est donc un processus plus émergent et moins formalisé. Les activités de socialisation sont plus relationnelles qu’informationnelles, en référence à la distinction de Wesson et Gogus (2005). En d’autres termes, dans les PE indépendantes-traditionnelles et dans les PE entrepreneuriales, l’adaptation des nouveaux entrants passe davantage par l’interaction avec les personnes et l’observation des « insiders » que par la présentation des règles, des buts et des valeurs de l’entreprise. Nos résultats montrent qu’au contraire, dans les PE managériales, une part importante de l’activité de socialisation est informationnelle.
Les pratiques de socialisation intégrées à la configuration des PE managériales renvoient à la volonté du groupe auquel est intégré le petit établissement de formaliser, d’organiser et de rationnaliser l’intégration des nouvelles recrues. L’enjeu est non seulement une rationalisation économique du processus, mais aussi d’assurer une certaine homogénéité entre les différents établissements. En effet, dans cette configuration de PE, la socialisation constitue un vecteur important de l’homogénéité des établissements du point de vue des règles et de la culture insufflées par le groupe.
Notre recherche permet d’identifier la socialisation comme une variable supplémentaire du système des variables qui caractérise la configuration des PE. L’approche par les configurations permet d’étudier et de comprendre la variabilité des pratiques de socialisation dans les PE en mettant en évidence son interaction avec des éléments d’ordre stratégique, sociologique, managérial, économique et organisationnel.
Par ailleurs, notre recherche montre que la valorisation de l’autonomie et des pratiques participatives ne sont pas présentes dans toutes les PE. Ces résultats vont à l’encontre de ceux d’autres travaux sur les PME. En effet, des recherches anglo-saxonnes montrent que certaines formes de valorisation de l’autonomie sont plus fréquentes dans le contexte de la PE que dans celui de la grande entreprise : les salariés bénéficient d’une plus grande autonomie (Arnold et al., 2002), les pratiques participatives s’y développent (Crandall et Parnell, 2003) et les possibilités d’accomplir des tâches diversifiées sont plus fréquentes (Kalleberg et Van Buren, 1996). D’autres travaux montrent également qu’un management de type participatif se développe aujourd’hui dans les PME françaises qui apparaissent comme un lieu de pouvoir décentralisé et de coopération (Igalens, 1997 ; Jaouen et Tessier, 2008). La divergence de nos résultats s’explique par le cadrage théorique des configurations organisationnelles. En effet, ce cadre permet d’étudier des questions dans les PE en construisant un échantillon qui garantit la prise en compte de la variété du champ. Autrement dit, il permet d’étudier une question comme celle de la socialisation des nouvelles recrues, en garantissant la prise en compte de petites structures qui restent à l’écart d’un mouvement de modernisation du management, soit par tradition, soit par transposition de formes managériales issues de la grande entreprise.
Pour finir cette discussion, nous présentons les points de différenciation des pratiques de socialisation au sein de chaque configuration de PE, points qui invitent à affiner notre modèle dans des recherches ultérieures. Premièrement, les pratiques de socialisation des deux entreprises indépendantes traditionnelles se différencient sur un point. En effet, la communication verbale et autoritaire par le dirigeant des règles non formalisées est uniquement présente à Canabois. Il semble que la taille des deux structures (respectivement 14 et 49 salariés) explique le rôle différent du dirigeant dans l’inculcation des règles. En effet, avec l’augmentation des effectifs, celle-ci est déléguée à d’autres membres de l’entreprise qui n’ont pas la légitimité suffisante pour adopter un comportement autoritaire. L’autoritarisme reste associé à la figure du dirigeant.
Deuxièmement, les pratiques de socialisation des PE managériales se différencient sur plusieurs aspects. D’abord, le discours d’accueil par la direction du groupe s’adresse à la nouvelle recrue ingénieure à Clim’chauff et à la recrue-manager d’Express. Il ne s’adresse pas à la recrue employée de cuisine d’Express. Ensuite, à Express, le programme de formation interne est plus long, plus outillé pour la « manager » que pour l’employée de cuisine (formation continue au siège d’Express France, bilans réguliers avec le directeur de restaurant, exercices écrits corrigés par le directeur de restaurant). Ces observations conduisent à émettre l’hypothèse d’une variation des pratiques de socialisation des PE managériales en fonction de la catégorie socioprofessionnelle des nouveaux entrants. Cette caractéristique entre en cohérence avec la rationalisation de la gestion qui caractérise ce type de configuration. Cette hypothèse devra être testée dans la poursuite de cette recherche où il conviendra de vérifier si des différences de pratiques de socialisation en fonction des catégories socioprofessionnelles des recrues se retrouvent dans les autres configurations de PE.
Une autre différence est notable dans les pratiques de socialisation des deux PE managériales. En effet, contrairement au « manager » d’Express, la nouvelle recrue-cadre de Clim’chauff ne suit pas de formation continue. L’importance de son expérience du métier et de son expérience au sein du groupe POP semble expliquer cette différence. L’expérience des nouveaux entrants apparaît donc comme une variable explicative de la diversité des pratiques de socialisation des PE.
Enfin, Express se démarque de Clim’chauff par le système de contrôle et de surveillance qui garantit l’inculcation des standards de production et de management dans ce petit établissement de restauration rapide. Cette pratique de socialisation est liée au fort degré de standardisation qui marque l’organisation d’Express. La comparaison des deux PE managériales permet de supposer que l’interaction des nouveaux entrants sur leur environnement professionnel dépend du type d’organisation et plus particulièrement du degré de standardisation. Dans un petit établissement intégré à une entreprise ayant un faible degré de standardisation, le processus de socialisation se rapprochera de celui des PE entrepreneuriales, le nouvel entrant pouvant adopter plus facilement un rôle actif et interagir avec son environnement. Dans un petit établissement intégré à une entreprise fortement standardisée, le processus de socialisation se rapprochera de celui des PE indépendantes- traditionnelles dans le sens où le nouvel entrant devra se plier aux normes, aux règles et aux standards identifiés et formalisés.
Troisièmement, il existe également une différence notable des processus de socialisation des deux PE entrepreneuriales. En effet, contrairement à SOL, le dirigeant de Foca initie des transformations de l’activité de l’entreprise, des types de marchés et de clients pour faciliter l’intégration du nouvel entrant. Il semblerait que cette différence soit liée au caractère plus ou moins diffus de l’innovation dans la PE entrepreneuriale. À Foca, l’innovation est pour l’instant centralisée au niveau du jeune dirigeant créateur. Autrement dit, dans cette structure, le dirigeant personnifie le caractère entrepreneurial de la PE. À SOL, l’entrepreneuriat est plus diffus entre ses membres et l’innovation peut être initiée en de multiples lieux.
Ces remarques révèlent le caractère simpliste du modèle proposé dans cet article et invitent à développer un modèle multi variable plus sophistiqué qui tiendrait compte, notamment de la catégorie socioprofessionnelle des nouvelles recrues, de leur degré d’expérience, et du degré de standardisation du travail.
Conclusion
Cette étude exploratoire répond à la problématique de l’intégration des nouvelles recrues qui constitue aujourd’hui un enjeu particulièrement important pour les petites entreprises. Elle étudie la diversité des pratiques de socialisation des PE françaises à travers le cadre de la théorie des configurations organisationnelles. Les résultats obtenus bien que limités par le nombre de cas étudiés et l’influence probable de variables non contrôlées tels que l’expérience et le niveau de qualification des nouvelles recrues, ou leur catégorie socioprofessionnelle, ont le mérite d’étayer l’hypothèse d’une spécificité des pratiques de socialisation dans trois configurations de PE françaises et de fournir des pistes intéressantes quant aux améliorations à apporter au modèle proposé. La socialisation apparaît comme une variable supplémentaire, intégrée au système des variables qui caractérisent les configurations de PE. Au-delà de la confirmation du modèle des configurations de PE de Bentabet et al. (1999), notre recherche contribue donc à l’enrichir.
Les implications de notre étude pour les praticiens sont significatives dans la mesure où elles montrent que certaines pratiques sont plus adaptées que d’autres pour socialiser les recrues en fonction du type de PE. Ces pratiques n’étant qu’imparfaitement encadrées par les dirigeants de PE ou par d’autres « dans les PE », il apparaît critique de mieux les comprendre et les prendre en charge : notre étude, bien que sommaire, fournit à cet effet plusieurs indications intéressantes.
La méthodologie multicas employée s’est révélée bien adaptée à notre objectif de départ, fournissant des éléments de confirmation de notre hypothèse, la mise en évidence du contenu des pratiques, ainsi que des indications pour améliorer le modèle. Les conditions sont proches pour entreprendre une enquête mobilisant un plus grand nombre de PE, testant les propositions de notre modèle par l’intermédiaire d’un questionnaire fermé et susceptible de produire des résultats statistiquement validés.
Appendices
Note biographique
Emilie Bargues est docteure en sciences de gestion. Elle enseigne le management des ressources humaines à FBS Campus Clermont. Elle dirige depuis septembre 2011 le Centre régional associé au Céreq de Clermont-Ferrand, dont les travaux d’études et de recherches concernent la relation formation-emploi-travail. Elle est membre permanente du CRCGM (CNRS - EA 3849) depuis 2010 et chercheuse associée au LEST (CNRS - UMR 6123) depuis 2010. Ses recherches portent sur la socialisation organisationnelle et l’intégration des nouvelles recrues. Elle participe actuellement à des recherches sur la socialisation dans les organisations à gouvernance démocratique et dans les organisations innovantes.
Notes
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[1]
D’après les résultats de l’enquête Génération 98 du Céreq, 57 % des primo sortants en 1998 occupent leur 1er emploi dans une entreprise de moins de 50 salariés.
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[2]
Bruand (1991) montre, par exemple, que les départs volontaires des jeunes de leur 1re entreprise, correspond à 26 % des cas de départ des très petites entreprises (TPE), contre seulement 10 % des grandes entreprises. Le taux de stabilité dans l’emploi était en 1991 de 17 % pour les TPE contre 47 % pour les GE. Cette enquête révèle également que la motivation des jeunes à quitter volontairement leur emploi n’est pas liée à la volonté de quitter un secteur d’activité, mais plutôt liée à la volonté de quitter un petit employeur (Bruand, 1991).
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Ces études ont donné lieu à deux publications : Courault B., Bourlier-Bargues E., Trouvé P. (2004), Les seniors et les transferts de connaissances dans les TPE et PME d’Auvergne : un état des lieux, Rapport de recherche du Centre d’étude de l’emploi, 14 septembre, 140 p. Bargues E., Mefflet D. (2008), Anticipation des besoins de compétences de la filière bois en Auvergne, Rapport d’étude pour Auvergne Promobois et le Conseil régional Auvergne, Rapport d’étude du Groupe ESC Clermont, 115 p.
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Bargues E., Mefflet D. (2008), Anticipation des besoins de compétences de la filière bois en Auvergne, Rapport d’étude pour Auvergne Promobois et le Conseil régional Auvergne, Rapport d’étude du Groupe ESC Clermont, 115 p.
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