Chronique sur le métier de chercheurLe chercheur en gestion : un constructeur, pas un découvreur[Record]

  • Pierre Cossette

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  • Pierre Cossette
    ESG UQAM

Cette chronique d’introduction est la première de cette nouvelle rubrique portant sur différentes facettes du métier de chercheur et dont j’ai le privilège d’être responsable. Je rédigerai certaines de ces chroniques, mais je ferai aussi appel à des chercheurs qui possèdent une expertise sur un aspect particulier de notre passionnant, mais exigeant métier de chercheur. Parmi les thèmes probables des chroniques à venir, il y a la contribution théorique attendue d’une recherche, la richesse et les difficultés de la recherche en équipe, l’utilité de nos recherches pour les gestionnaires et autres intervenants, l’importance de publier en français, les caractéristiques d’un bon rapport d’évaluation, les questions à se poser en lien avec la citation et l’autocitation, la qualité de l’écriture d’un texte soumis en vue d’une publication dans une revue savante, les principaux défis que le jeune chercheur doit affronter… N’hésitez pas à m’en suggérer d’autres. Toutes ces chroniques sur le métier de chercheur n’engageront que leurs auteurs. Les idées qu’elles contiendront ne seront donc pas nécessairement celles du comité de rédaction de la RIPME. Elles reflèteront des points de vue qui, souhaitons-le, ne seront pas partagés de tous, mais qui amèneront chacun à réfléchir et à se positionner. Il ne s’agira pas d’analyses mettant en évidence l’ensemble des points de vue sur un thème donné. Une chronique présentera plutôt une réflexion ou une vision personnelle montrant tout de même que l’auteur est bien conscient de l’existence d’autres façons de voir. Elle pourra même mettre en relief une prise de position très ferme et contestable, mais toujours bien étoffée. De façon générale, l’objectif de ces chroniques sera de faire réfléchir en vue d’aider les chercheurs francophones et francophiles à mieux comprendre leur métier et, conséquemment, à faire plus et à faire mieux. Dans cette première chronique, je présente ma propre conception du métier de chercheur en gestion. L’idée principale est que, dans notre domaine, le chercheur serait un constructeur de connaissances et non un découvreur de vérités cachées. Je soutiens également que, à proprement parler, une recherche ne peut désigner qu’un travail empirique. Et qu’elle ne peut être considérée comme « savante » ou « scientifique » que si elle apporte une contribution d’ordre théorique. En gestion, le métier de chercheur fait partie des métiers de la construction. Sauf qu’il est impossible de prédire la forme que prendra l’édifice des connaissances produites, ni sa solidité, encore moins sa pérennité. C’est un édifice qui se construit et se reconstruit au fil des recherches de chacun, sans plan ni devis et sans vraiment de concertation entre ses principaux acteurs que sont les chercheurs. Cet édifice constitue en quelque sorte une sculpture collective à laquelle travaillent anarchiquement de nombreux chercheurs ; sans but commun, sinon celui de satisfaire leur intérêt personnel – ce qui est tout à fait légitime –, ils sont généralement insensibles à l’allure globale du produit collectif qu’ils contribuent à façonner et qui est de toute manière condamné à être à tout jamais inachevé. La construction des connaissances en gestion, comme celle des organisations d’ailleurs, est donc sociale et se fait de façon essentiellement désordonnée, en s’appuyant sur les intérêts particuliers de chacun. Il n’y a rien à découvrir en gestion, pas de mystères à percer, pas de lois de la nature auxquelles la réalité organisationnelle obéirait et qui seraient là, devant nous, attendant d’être mises au jour. Un chercheur en gestion ne « trouve » rien, parce qu’il n’y a rien à trouver. Ce n’est donc pas un prospecteur ou un explorateur en quête de grandes vérités immuables – donc éternelles et universelles – sur les organisations, leur fonctionnement ou …

Appendices