Abstracts
Résumé
L’importance relative des différents déterminants traditionnels de l’internationalisation demeure imparfaitement connue. Si pendant longtemps la taille de la firme est apparue comme le déterminant majeur, des analyses empiriques ont révélé que d’autres facteurs tels le milieu internationalisant et le dirigeant influencent significativement le développement international. Une approche centrée sur les principaux vecteurs de la compétitivité des firmes et s’appuyant directement sur les qualités intrinsèques des PME permet d’offrir un angle d’analyse différent.
L’objectif de cette étude est de démontrer que le processus d’internationalisation suit un développement non linéaire déterministe, conditionné par les caractéristiques idiosyncratiques de la PME. Nos recherches s’inscrivent dans la cadre de l’internationalisation des petites et moyennes entreprises. Nous chercherons à préciser les déterminants de cette internationalisation des PME françaises en observant leurs performances à l’export.
Les résultats montrent un impact positif entre une série de facteurs microéconomiques et sectoriels, et les exportations de 253 entreprises. Plus précisément, ils révèlent qu’une combinaison de facteurs comprenant l’organisation, l’innovation, les TIC, le dirigeant et la maîtrise de langues étrangères fait fortement varier les exportations dans tous les secteurs.
Mots-clés :
- Internationalisation,
- Entrepreneuriat ,
- PME ,
- Exportation
Abstract
The relative importance of traditional determinants for internationalization remains mainly unknown. Although the size of a company has appeared as the major determinant for a long time, our empirical analysis have suggested that other factors such as the internationalizing context and the leader have a significant influence on the international development. An approach centered on the main vectors of firm competitiveness and focused on intrinsic properties of SMEs allows offering a different perspective on that issue.
The ambition of this research is to show that the internationalization process goes along a non-linear and deterministic path that is conditioned by idiosyncratic characteristics of SMEs. We aim to find the determinants of internationalization within French SMEs by observing their export performance.
Results show a positive impact of microeconomic factors on export activities for 253 companies. More precisely, a combination of factors such as organization, innovation, ICT and the manager has a significant relationship with export sales in all industries.
Resumen
La importancia relativa de los diferentes determinantes tradicionales de la internacionalización sigue siendo imperfectamente conocida. Si durante largo tiempo el tamaño de la empresa ha aparecido como el determinante mayor, mediante análisis empíricos se ha determinado que otros factores tales como el entorno internacionalizante y el dirigente influyen significativamente en la expansión internacional. Una aproximación centrada en los principales vectores de la competitividad de las empresas y basada directamente en las cualidades intrínsecas de las PyMEs nos brinda un ángulo de análisis diferente.
El propósito del presente estudio es demostrar que el proceso de internacionalización sigue un desarrollo no lineal determinista condicionado por las características idiosincráticas de la PyME. Nuestras investigaciones se enmarcan en la internacionalización de las pequeñas y medianas empresas. Trataremos de precisar los determinantes de esta internacionalización de las PyMEs francesas observando sus alcances en materia de exportación.
Los resultados muestran un impacto positivo entre una serie de factores microeconómicos y sectoriales y las exportaciones de 253 empresas. Concretamente, se revela que la combinación de factores como la organización, la innovación, las tecnologías de la información y de la comunicación, el dirigente y el dominio de idiomas hace que varíen fuertemente las exportaciones en todos los sectores.
Article body
Introduction
Le phénomène de globalisation économique est la cible des critiques cherchant une explication externe à des difficultés d’origine endogène. Selon Cohen (2004), la principale difficulté de la mondialisation est qu’elle a davantage modifié les attentes des peuples qu’accru leurs capacités d’agir. Pour certains, la mondialisation crée majoritairement des opportunités alors que pour d’autres elle est le vecteur d’une concurrence déloyale envers les PME. Ces idées sont largement mises à mal par les performances de nos voisins européens (Allemagne), qui prouvent qu’en maintenant des efforts stratégiques et technologiques, petites et grandes remportent massivement des succès sur les marchés mondiaux. Les stratégies de compétitivité-prix adaptées aux grandes firmes ne sont pas les seules gagnantes, la compétitivité hors prix permet des positionnements à succès sur les marchés mondiaux (Malsot et Passeron, 1996).
Les enjeux de l’intégration de nos petits acteurs au sein de la mondialisation sont de taille. Brender (2004) souligne le défi que doit relever l’économie française pour assurer une intégration optimale aux échanges mondiaux. Les PME assurent la diversité des tissus économiques mis en péril par les grands acteurs industriels (Chavagneux, 2004). Le rôle vital des PME au sein de nos économies est largement reconnu. En France, les PME représentent 80 % des entreprises, 60 % des actifs occupés et 53 % de la valeur ajoutée ; elles n’apportent cependant que 15 % des exportations en valeur et ne réalisent que 8 % de leur chiffre d’affaires grâce à l’exportation. La proportion d’exportateurs au sein des PME françaises est d’environ 4 % (CGPME et Observatoire des PME 2008). Pourquoi une si faible participation aux échanges mondiaux alors que cette même proportion d’exportateurs au sein de leurs consoeurs allemandes est nettement supérieure (11 %) avec 14 % de leur chiffre d’affaires tiré de l’export ?
D’un point de vue critique des théories récentes, de nombreux leviers semblent toujours ignorés. Aussi est-il intéressant d’amorcer l’argumentation par un élargissement des facteurs ayant une influence potentielle sur la présence de la PME à l’international et sa capacité à étendre son activité géographiquement. Grâce à l’exploitation de matériau empirique et de sources de données originales, les comportements et positionnements actuels des PME françaises peuvent être appréciés. Cette recherche s’inscrit dans le cadre des explications du développement international de la PME et ouvre de nouvelles perspectives en matière d’entrepreneuriat et d’organisation en tant que facteurs clés du développement mondial.
Alors que la plupart des modèles économiques visent à fournir des déterminants communs à l’ensemble des exportations, une approche plus centrée sur les qualités intrinsèques des PME permet d’envisager une pluralité de déterminants. Les déterminants redeviennent alors multiples et plus précis.
En s’appuyant sur une analyse des recherches antérieures ainsi que sur trois enquêtes, a été mis en évidence un ensemble de 18 facteurs potentiellement moteurs de l’intégration des PME à la mondialisation (détails des facteurs présentés dans le tableau 2). Des facteurs microéconomiques : liés aux qualités intrinsèques de la firme (âge, taille, localisation géographique), à ses finances (chiffre d’affaires, rentabilité, valeur ajoutée), à ses moyens techniques (recherche et développement, commerce électronique, personnalisation des services clients virtuels, mise à jour des données Internet), à son organisation (spécificités liées à l’international) et aux ressources humaines (dynamisme social, ouverture vers l’international, expérience à l’étranger, formation du dirigeant ; mais aussi, niveau de qualification des employés, nombre de langues parlées dans l’entreprise).
Ces facteurs sont testés sur un échantillon de 253 entreprises. La recherche est un exercice difficile sur la PME, du fait d’une grande hétérogénéité des problématiques rencontrées, ce qui a rebuté les avancées dans les travaux quantitatifs durant longtemps. La diversité des petites entreprises présente un obstacle majeur à l’expression et l’analyse de tendances communes. La construction de la base de données devra faire l’objet d’une méthodologie rigoureuse afin d’éviter les biais liés à une trop grande disparité des entreprises. Nous verrons, en observant les résultats des tests économétriques, que certaines problématiques demeurent parfaitement similaires.
Quels sont les moyens de combler les écarts entre la France et ses voisins européens en matière d’exportation ? Ces derniers sont-ils liés à une taille moyenne supérieure des PME d’outre-Rhin ? Nous tâcherons, dans ces travaux, de mettre en lumière les déterminants de l’intégration de la PME aux marchés mondiaux. Une taille critique pour l’exportation est-elle indispensable ? Si oui, quelle est cette taille ? Le milieu internationalisant est-il un déterminant de l’internationalisation ?
Pour apporter des réponses à ces questions, nous montrerons l’importance relative des facteurs cités précédemment sur les performances à l’exportation des PME. Les déterminants mis en exergue par les résultats de la modélisation sont : l’organisation propre à l’international, l’innovation, la vente en ligne, le dynamisme social du dirigeant, l’ouverture vers l’international, les langues parlées dans l’entreprise et, enfin, l’existence d’un site Internet mis à jour lors de la dernière année d’activité.
1. L’étude de l’intégration des PME dans la mondialisation : cadre théorique
L’intérêt porté par les économistes à l’internationalisation des firmes date des années 1960, tandis que les premières multinationales remontent au début du xixe siècle. La modélisation théorique de l’internationalisation est très concentrée sur les déterminants et les modalités des choix. Les approches vont tenter de répondre à deux questions : pourquoi et comment ?
En 1994, une enquête réalisée auprès des dirigeants des plus grandes firmes françaises démontrait que l’internationalisation est le plus grand changement au sein des entreprises au cours des deux dernières décennies (Tarondeau, Jolibert et Choffray, 1994). La connaissance de ces déterminants représente des enjeux de développement majeurs. La grande majorité des travaux concernant l’internationalisation se concentre sur l’étude des grandes entreprises (plus de 250 employés), voire des très grandes firmes multinationales (Stopford et Wells, 1972 ; Porter, 1986 ; Bartlett et Ghoshal, 2002 entre autres). La taille de l’entreprise apparaît comme incontournable lors des explications de l’internationalisation (Kalika, 1995 ; Dunning, 1985 ; Chandler, 1986 ; Doz, Santos et Williamson, 2001). Joffre (1994), dans son ouvrage Comprendre la mondialisation, reprend le vieil adage selon lequel la PME, faiblement internationalisée, est en opposition avec les grands groupes mondiaux. À la fin des années 1980, la recherche était toujours empreinte de cette distinction entre les grandes firmes et leurs horizons d’affaires mondiaux, et les PME aux activités plus locales. Les économies d’échelle liées à une taille critique suffisante sont présentées comme des facteurs déterminants de la compétitivité des entreprises par Bartlett et Ghoshal (2002). L’élargissement géographique de la firme apparaît comme une fonction croissante de sa taille selon Mahone (1994) et Wagner (1995).
L’ensemble des travaux des dernières décennies relatifs aux explications de l’internationalisation découle de ceux de l’école suédoise d’Uppsala (Johanson et Vahlne, 1977) qui établit que le processus d’internationalisation suit un cheminement lent et séquentiel. Ce qui induit le caractère déterminant du temps et donc de l’âge de la firme dans son internationalisation. Ces auteurs font une analyse de l’internationalisation en la présentant comme un processus d’apprentissage progressif, le modèle mettant l’expérience acquise progressivement comme la clé de cette internationalisation. En intégrant les connaissances tirées de cette expérience sur les marchés étrangers, la société alimente son processus de prise de décision. L’internationalisation devient alors le résultat d’une série de décisions supplémentaires. Un processus séquentiel composé de quatre étapes est suivi :
Activités des irréguliers et des exportations opportunistes ;
Exportation via un agent indépendant ;
Établissement de filiales de vente ;
Production dans le pays étranger.
La seconde contribution de ce modèle porte sur la distance psychologique. Johanson et Vahlne (1977) présentent ce concept afin d’expliquer que le cumul de l’expérience internationale réduit la distance psychologique qui sépare les PME de nouveaux territoires. Cette diminution de la distance psychologique favorise une plus grande progression et une utilisation complète des possibilités offertes par les différents pays connus.
1.1. Le renouveau des années 1990
L’observation de la réalité des entreprises et de leurs évolutions a naturellement poussé les chercheurs vers des pistes différentes. Dès le début des années 1990, Hermann (1992, 1998) met en évidence l’existence de PME mondialisées. Le rôle de l’entrepreneur est alors avancé comme un facteur fondamental de l’internationalisation par Marchesnay (1993) avec le concept d’« entrepreneur globaliste ».
Alors que l’ancienneté de la firme jouait un rôle fondamental dans les analyses des années 1970, ce facteur va être relativisé par des études comme celle de McMullan (1994) qui dénombre de plus en plus de petites entreprises qui exportent dans de nombreux pays l’année même de leur création. On va donc se tourner vers d’autres explications de l’internationalisation. L’influence des réseaux d’affaires est alors décrite comme favorable à l’élargissement géographique de l’activité des PME (Choy, 1995). Pour Reich (1993), la petite firme doit adopter une position de « courtier-stratège », où le développement d’une technologie particulière et la stratégie jouent des rôles fondamentaux.
Rouquette (1993) et Johannisson (1994) mettent en avant l’influence du milieu au sein duquel se trouve la firme. Si ce dernier est « internationalisant », l’entreprise sera prédisposée à exporter. D’autres facteurs ont été développés, tels que l’importance des ambitions du dirigeant, autonomie, croissance et pérennité pour Marchesnay (Julien, 1993), et celle des performances de l’entreprise. L’internationalisation est encouragée par un ROI (Return on Investment) élevé et des parts de marché dominantes selon les travaux de McDougall et Oviatt (1996).
1.2. Performances des PME françaises à l’exportation : amorce de l’étude
La littérature sur le sujet est abondante et relativement hétérogène. Nous nous proposons ici de hiérarchiser ses principaux résultats afin de déterminer leur degré d’influence. Il conviendra également d’ajouter à ces facteurs issus de la recherche ceux déduits de deux études terrain, menées auprès des PME.
Afin de réunir les informations nécessaires à la modélisation, une base de données a été construite en exploitant différentes techniques. La base de données a été compilée dans Excel, afin d’être exploitable par le logiciel STATA. Une partie des données a été recueillie dans des bases existantes mises à jour chaque semestre. La conception globale et la mise en oeuvre de l’échantillonnage ont été réalisées en étroite collaboration avec le personnel de la Chambre de commerce et d’industrie de Paris. Il s’agit des bases ASTREE et DIANE. La base Astree procure les données suivantes (Coface-Bureau Van Dijk) : âge, code postal, secteur, site Internet, effectif, encadrement international. La base Diane procure les indicateurs suivants : chiffre d’affaires, chiffre d’affaires export, valeur ajoutée, rentabilité, salaires et traitements.
En complément, deux enquêtes en IAO (interview assistée par ordinateur) ont été réalisées auprès de l’ensemble des PME de la base de données dans le but d’obtenir des informations complémentaires précises. La première enquête porte sur le dirigeant de la PME et son influence directe ou indirecte sur l’internationalisation de l’entreprise ; elle consiste en un entretien approfondi de 30 minutes avec le dirigeant de l’entreprise et le taux de réponse de notre échantillon est de 29,7 %. Cette enquête par téléphone en IAO procure les données suivantes : pratique d’une langue étrangère, dynamisme, niveau d’étude, expérience internationale et ouverture du dirigeant. Cette dernière se situe dans le prolongement des travaux de Marchesnay (1993) qui positionne l’entrepreneur au coeur du processus d’internationalisation. La seconde enquête vise à évaluer le niveau technologique global de la PME. Les capacités technologiques renvoient à « l’aptitude actuelle et future d’une entreprise à appliquer sa technologie propre pour résoudre des problèmes techniques et/ou améliorer le fonctionnement technique de son procédé de production et/ou ses produits finis » (Nicholls-Nixon et Woo, 2003). Alors que la technologie est une composante importante de la concurrence, on doit s’attendre à ce que les capacités technologiques jouent un rôle important dans l’exportation de nos PME. Kohn (1997) soutient que les petits exportateurs sont capables de rivaliser sur les marchés étrangers grâce à leurs capacités technologiques, à l’inverse, Sriram, Logcher, Groleau et Cherneff(1989) font état d’une relation négative entre la technologie et les exportations, et Reid (1981) n’observe aucune relation entre ces deux variables. Cette question nécessite une étude plus poussée. Une étude détaillée des sites Internet afin de déterminer l’accès personnalisé aux sites et l’offre de vente en ligne a préalablement été réalisée sur l’ensemble des PME de l’échantillon. Les travaux de recherche ont été menés à partir de données résultantes d’une grande enquête téléphonique sur 8000 entreprises (ENSR, 2003) complétée par notre enquête originale sur le terrain regroupant 253 PME (couvrant environ 0,36 % de l’ensemble des 68 956 PME nationales correspondant aux secteurs étudiés). Le nombre d’entreprises présentes dans la base permet le rapprochement d’une distribution « normale » de l’échantillon. La base de notre échantillon a été constituée selon la méthode des quotas (aléatoire stratifié). L’échantillon est contrôlé par les strates, en fonction des caractéristiques étudiées par le modèle. Les catégories retenues pour la détermination des quotas sont pertinentes quant à l’objet de l’étude. La taille et le secteur sont avancés comme deux éléments déterminants en ce qui concerne l’internationalisation de la PME. Afin de structurer la base de données, ont été retenus le critère de l’effectif, représentatif de la taille de la firme, et le code NAF, représentatif du secteur d’activité. Ils permettent de grouper des entreprises ayant des problématiques similaires ou rapprochées. L’échantillon est composé de PME indépendantes dont le capital est détenu à moins de 25 % par un groupe.
Les microentreprises sont incluses dans la base de données, car elles présentent des problématiques similaires aux PE en termes d’internationalisation. Le test du facteur « taille de l’entreprise » n’a pas révélé ce facteur comme déterminant de l’internationalisation. La procédure de segmentation produit un échantillon de 55 % de microentreprises, 24 % de petites entreprises et 21 % d’entreprises moyennes, fidèle à la répartition de la base totale de la Chambre de commerce et d’industrie de Paris (comportant environ 70 000 PME). Le nombre de microentreprises dépasse les deux autres groupes ; dans la réalité, le phénomène est encore plus accentué, mais il convient de l’atténuer afin d’obtenir des conclusions valables pour les trois groupes étudiés.
2. Cadre conceptuel
2.1. Variable expliquée – intensité d’internationalisation
Dans notre étude, le chiffre d’affaires export (CAX en valeur) sert de valeur test (expliquée) ; il est l’élément de mesure du niveau d’internationalisation de l’entreprise (annexe I). Selon une étude empirique de Salomon et Shaver menée en 2005, l’exportation est la stratégie d’expansion internationale la plus répandue dans le monde. La valeur ajoutée aurait également pu servir de valeur test. Cette dernière n’a pas été retenue, car nous cherchons avant tout à mesurer le volume d’activité de la firme à l’international et non la rentabilité des activités d’exportation. La variable du chiffre d’affaires export est exploitée sous forme de ratio relativement au chiffre d’affaires total afin de neutraliser la taille de l’entreprise dans le test empirique.
2.2. Variables explicatives – ressources internes et internationalisation
Les variables financières, technologiques, de compétences, structurelles sont issues des bases de données ASTREE et DIANE. Les données primaires entrepreneuriales et organisationnelles développées ci-dessous proviennent de l’enquête originale effectuée sur 253 PME françaises.
2.2.1. Variables structurelles et intensité d’exportation
La variable de l’âge (basée sur le premier dépôt de statut réalisé par l’entreprise) mesure l’effet d’apprentissage facilitant l’exportation. L’âge moyen des entreprises de la base est de 18 ans (de 2 à 110 ans d’existence). Un modèle prédominant du processus d’internationalisation proposé par les économistes est la théorie des étapes, selon laquelle l’internationalisation se déroule par étapes progressives, par paliers, en évoluant d’un engagement/risque faible à un engagement/ risque élevé. Johanson et Vahlne (1990) sont parmi les premiers auteurs de la théorie des étapes : l’internationalisation reflète une acquisition graduelle, une intégration et une utilisation des connaissances sur les marchés étrangers. Le raisonnement qui sous-tend ce modèle est qu’une stratégie progressive minimise les risques et les coûts d’investissement requis. Les entreprises commencent par exporter, lorsqu’elles ont acquis une certaine expérience, elles développent des infrastructures productives ou commerciales à l’étranger (IDE). En cumulant les années d’existence, l’organisation accroît son niveau d’expertise dans son secteur et de maîtrise de son environnement (Nonaka, Takeuchi, Ingham et Koenig, 1997). Son organisation risque l’obsolescence avec le temps, mais elle a acquis un savoir-faire et développé les bons réflexes pour un renouvellement permanent afin de poursuivre un projet sans mettre en péril son activité. Les entreprises parvenues à maturité peuvent avoir accumulé des stocks de connaissances considérables (Baldwin et Rafiquzzaman, 1998) et avoir mis en place de solides capacités qui leur permettent de mieux pénétrer les marchés étrangers.
H1a : L’ancienneté de la structure entraîne un effet d’apprentissage facilitant l’exportation. Selon une étude menée par Baldegger et Schueffel (2009), l’âge de la structure affecte la durée des étapes d’internationalisation.
Existe-t-il une « taille requise » pour l’internationalisation ? La problématique de la taille critique développée par Kalika (1995) s’applique-t-elle aux activités d’exportation ? L’effectif des PME de la base de données oscille entre 5 et 250 employés avec comme moyenne 34 collaborateurs. Selon une étude ACCOMEX (2005) « […], la taille moyenne des PME françaises est sensiblement plus petite. Or, dans le processus d’internationalisation, une taille plus petite peut se révéler problématique. Les performances à l’export du secteur des PME allemandes, où la taille moyenne des entreprises est plus élevée, sont d’ailleurs bien meilleures que celles des PME françaises. » L’observation des effectifs doit permettre de répondre à cette interrogation. L’accès aux marchés mondiaux des groupes est systématique tandis que les PME se montrent beaucoup plus réticentes.
H1b : L’existence d’une taille critique de la structure facilite l’internationalisation.
Le milieu internationalisant occupe le devant de la scène de la recherche (Fourcade, 2002 ; Fourcade et Torrès, 2001) ; les travaux se multiplient sur ce facteur, bien souvent couplé à celui de l’intégration territoriale en réseaux (Maillat, 1996). Pour être exploitable dans le modèle, une répartition des firmes a été établie par le biais du département dans lequel la PME se trouve implantée. Les départements frontaliers, ou encore comprenant de grandes agglomérations telles que Paris et sa région, Lyon, ou Lille, sont considérés comme favorables à l’internationalisation. Selon l’enquête Entreprises 2003 de l’ENSR, il s’agit du second motif évoqué comme difficulté liée à l’internationalisation. Le milieu peut apporter à l’entreprise les connaissances et savoir-faire de l’internationalisation qui lui font défaut.
H1c : Afin de compenser certaines difficultés liées à sa taille, la PME peut tisser des réseaux avec ses voisines pour accroître son influence et développer des pôles de compétences lui offrant des opportunités d’exportation supplémentaires.
2.2.2. Export et moyens financiers
La crise financière internationale a tendance à durcir les contraintes financières qui pèsent, même dans les périodes moins agitées, sur les PME. À partir d’un échantillon d’entreprises de seize pays industrialisés ou émergents, une étude montre que les contraintes financières constituent un obstacle à la croissance des PME (Aghion, Fally et Scarpetta, 2007).
La faible capacité financière est l’une des premières explications avancées par les entrepreneurs dans l’enquête entreprise de l’Observatoire des PME afin de présenter le retard d’internationalisation. La grande majorité des aides accordées aux PME par les organismes régionaux, nationaux ou internationaux est financière. Lors d’une enquête menée par l’ENSR (2003), les dirigeants des PME ont massivement désigné le financement comme l’un des principaux obstacles à l’internationalisation de leur entreprise.
L’étude du chiffre d’affaires (CA net hors taxe) a pour objectif de déterminer à quel point le lien entre performances financières de la PME et internationalisation est important. Cette variable a une influence directe (capacité d’investissement) sur l’export, mais aussi indirecte ; en effet, dans le cadre d’emprunt, la banque tiendra compte du chiffre d’affaires afin de garantir la récupération de la somme prêtée.
H2a : Le chiffre d’affaires est l’un des éléments clés conditionnant une forte capacité de financement interne des projets d’internationalisation.
La valeur ajoutée[1] est un indicateur de gestion de la PME. Au sein de la base, les PME produisent, en moyenne, 1 965 000 € de valeur ajoutée annuelle.
H2b : La création de valeur offre un socle à l’intensification de l’internationalisation.
La rentabilité nette[2] est l’indicateur test pour un besoin de rentabilité précis afin d’assurer des activités internationales. Il convient néanmoins d’émettre quelques réserves quant à cette variable ; en effet, la rentabilité n’occupe pas, au sein de la PME, une place aussi primordiale que dans la grande entreprise. Ce n’est pas l’objectif essentiel. La PME fait souvent l’objet d’une gestion familiale, elle dispose d’un capital faible et, enfin, les intérêts liés à la fiscalité personnelle des dirigeants peuvent parfois biaiser les indicateurs financiers utilisés pour calculer la rentabilité.
H2c : Une PME rentable a fait ses preuves en termes d’exploitation et de maîtrise de son activité sur le territoire national. Une forte rentabilité offre également à la firme une capacité d’investissement plus élevée. Ces éléments constituent des facteurs favorables aux activités d’internationalisation.
2.2.3. Export et technologie
L’exploration du niveau de recherche et développement général de l’entreprise permet de mesurer l’efficacité en matière d’innovation, de qualification des employés et de modernisation de l’outil productif dans le cadre de l’internationalisation. Cette technologie est, par ailleurs, au coeur du phénomène de globalisation, étant à l’origine de l’accélération brutale de son développement (Lafay, 1996 ; Lantner, 1999). Selon les résultats de Perrault et St-Pierre (2008), la technologie assure à l’entreprise une capacité de s’adapter à l’environnement turbulent qui caractérise les marchés mondialisés. Plusieurs études montrent que l’innovation stimule la croissance grâce à la possession d’un produit ou d’un avantage distinctif (Julien, 2001).
H3a : La mondialisation a entraîné une accélération de la diffusion des innovations. Le cycle de vie des technologies de plus en plus court représente un facteur de compétitivité essentiel. Cette compétitivité joue un rôle majeur dans le processus d’internationalisation.
La variable du site Internet permet de mesurer le niveau de développement des moyens d’information et de communication de l’entreprise. Elle évalue le degré de perméabilité de la PME aux données, socle de la prise de décisions opérationnelles et stratégiques quotidiennes. L’information est mise en avant par un grand nombre de travaux de recherche (Guilhon et Levet, 2003) et l’on ne conteste plus son rôle primordial. Un article de Sharon Loane (2005) présente Internet comme un moteur d’internationalisation.
H3b : La propagation des technologies de l’information et de la communication a contribué à alléger les difficultés engendrées par la distance géographique. La connaissance de son environnement permet à l’entreprise d’adopter des mesures adaptées afin de saisir les opportunités qui se présentent et d’éviter les menaces qui mettent en péril son développement, et ce, dans le cadre élargi des marchés internationaux.
Le commerce électronique rend possible une présence mondiale virtuelle des produits de la PME. Arenius, Sasi et Gabrielsson (2005) ont démontré, à l’aide d’un modèle empirique, la possibilité des firmes d’accélérer leur internationalisation par le développement d’un canal de distribution sur Internet. Le réseau virtuel apporte, entre autres, un moyen de compenser les difficultés liées à la distance géographique et aux ressources limitées.
H3c : La distribution des produits sur Internet permet une intensification des exportations.
La personnalisation de l’accès au site Internet par le biais de comptes clients assure un suivi client personnalisé à l’échelle mondiale. La tendance est au « sur-mesure ». Les consommateurs recherchent des produits adaptés à leurs besoins et réclament un suivi plus individualisé (Rigby et Vishwanath, 2006). Au détriment du consommateur global, qui achète les mêmes biens, une prise de conscience se développe au profit d’un consommateur individuel qui a des goûts différenciés et qui est rattaché à un mode de consommation individuel. La PME dispose d’un atout majeur : elle entretient un relationnel de proximité avec ses clients. Cette relation privilégiée peut être très poussée ; on pense par exemple aux PME qui s’internationalisent afin de suivre un de leurs clients.
H3d : L’éloignement géographique implique des efforts de la part de la firme afin de conserver une relation de proximité avec ses clients. Dans le cadre de l’internationalisation, l’accès personnalisé à un compte client individualisé en ligne offre un terrain propice au développement de la relation commerciale.
2.2.4. Impact d’une organisation spécifique sur l’internationalisation
L’allocation d’une ressource spécialisée dans l’international au sein de la structure permet de définir la relation entre organisation spécifique de la firme et intégration aux marchés mondiaux. L’organisation conditionne la proactivité de la firme ainsi que sa capacité à mobiliser des ressources dans un contexte globalisé. Le principe de base de cette approche est l’intention stratégique, par opposition à l’adaptation à l’environnement. L’intention stratégique suppose une conception volontariste de la stratégie d’entreprise : selon Metais (2004), pour réussir, une entreprise doit non pas s’adapter à son environnement, mais chercher à le transformer en modifiant les facteurs clés de succès à son profit à partir d’un management particulier de ses ressources.
H4a : L’intention stratégique s’impose comme un facteur majeur de la démarche d’internationalisation au sein de la PME.
2.2.5. Export et moyens humains
Le dirigeant et la recherche de l’entrepreneur global
De nombreux travaux placent le dirigeant de la PME à l’origine de l’ensemble des évolutions stratégiques de l’entreprise. Au sein des petites structures, un pouvoir centralisé donne bien souvent au dirigeant seul la décision, mais aussi la réflexion en termes de stratégie. La recherche a démontré que les caractéristiques du manager contribuent à la décision d’internationalisation (Bilkey, 1978 ; Reid, 1981). En termes de stratégie, les dirigeants jouent un rôle fondamental dans l’engagement d’une politique internationale (Harveston, Kedia et Davis, 2000). Le dirigeant, moteur du développement de la PME (Baret, Huault et Picq, 2006), impose sa personnalité et son dynamisme comme des facteurs déterminants de l’internationalisation. Cette variable est renseignée par l’appartenance ou non du dirigeant de la PME à des activités sociales ou sociétales (club sportif, d’entrepreneurs, d’exportateurs, de manageurs, associations, démarche de mise en place de charte éthique : développement durable, diversité, etc.). Le dynamisme social est conditionné par une ouverture et il a une capacité d’insertion dans des groupes par le biais de l’interaction. Selon Durand (2006), l’entreprise transforme des ressources en profit à travers certaines compétences telles que les attitudes ou le savoir-être. Nous cherchons à préciser ces qualités et à mesurer leur influence sur l’intégration au sein des réseaux internationaux. Il y a quelques années déjà, Coviello et Munro (1995) ont mis en lumière l’importance des réseaux dans le développement international des marchés.
H5a : La connaissance, l’esprit d’initiative, mais aussi la capacité à nouer des contacts sont des éléments inhérents aux projets de développement vers des marchés étrangers.
L’émergence d’une ouverture à l’international du dirigeant est rarement spontanée ; elle se développe dans le cadre d’habitudes d’échanges du chef d’entreprise avec l’étranger. La fréquence des déplacements internationaux non professionnels du dirigeant de l’entreprise est donc évaluée. Ce facteur évoque une approche consacrée aux interférences de la sphère privée des dirigeants sur le processus d’internationalisation. Le manager donne l’impulsion stratégique ; la fréquence des déplacements internationaux (hors déplacements professionnels) permet notamment de tisser un réseau relationnel.
H5b : L’échange transnational en tant que standard permet une intégration aux macrostructures (Cohendet, Ilerena, Stahn et Umbhauer, 1998) formant des réseaux d’opportunités.
Historiquement, les écrits de Penrose (1959) marquent les origines de la notion de compétences. Dès 1977, Johanson et Valhne mettent en évidence le lien entre le développement de la connaissance et l’accroissement de l’intérêt porté aux marchés étrangers. Les individus disposant de connaissances suffisantes sur les marchés internationaux peuvent franchir les étapes intermédiaires de l’internationalisation (Gankema, Snuif et Zwart, 2000).
H5c : Le niveau d’études du dirigeant détermine l’influence de la formation, en tant que processus cumulatif de compétences sur l’internationalisation.
Selon Bigler et Nyffeler (2006), l’expérience internationale permet de limiter, voire d’éliminer, un certain nombre de risques liés à l’international. En bénéficiant d’une expérience professionnelle à l’étranger, le dirigeant a pris conscience des possibilités offertes par les marchés internationaux.
H5d : La PME tire profit de l’effet d’expérience de son dirigeant dans le cadre de son processus d’internationalisation.
2.2.6. Les compétences de la main-d’oeuvre
On émet l’hypothèse que plus le niveau de salaires et traitements est élevé, plus le niveau général des qualifications des employés est élevé. Becker (1964) estime le retour positif de l’éducation ; on considère qu’en moyenne 60 % du salaire d’un individu est expliqué par ses diplômes et son expérience. La masse salariale moyenne des PME de la base de données est de 1 024 000 €. Afin d’être représentatif d’un niveau moyen de salaire, un ratio est exploité dans le modèle[3]. Des travaux de recherches sur les PME ont déterminé que le manque de qualifications de la main-d’oeuvre est l’un des freins majeurs à leur internationalisation. Selon l’enquête ENSR de 2003, 47 % des PME ont dénoncé la pénurie de main-d’oeuvre qualifiée comme un obstacle majeur à leur développement. Il est pertinent quant à l’objet de l’étude de confronter ce critère à d’autres afin de mesurer son degré d’influence.
H6a : Le processus d’internationalisation nécessite la mobilisation de ressources et compétences (Ahokangras, 1999, cité dans Ruzzier, Hisrich et Antoncic, 2006 ; Pantin, 2006) liées à l’ensemble des composantes de la société, qu’elles soient internes ou dirigées vers son environnement.
D’un point de vue macroéconomique, les théories de la localisation géographique des échanges internationaux mettent en avant l’aspect linguistique (Williamson, 1989). La barrière des langues rend la communication plus coûteuse, et l’absence d’une langue commune entre deux partenaires commerciaux potentiels accroît la distance économique entre ces deux pays. Les pays partageant une même langue, même plus éloignés géographiquement, ont tendance à échanger plus. Selon Cyr (2006), le niveau de compétence linguistique de la firme tend à réduire le risque objectif et subjectif. La connaissance de la langue du marché permet à la firme de comprendre ses caractéristiques, sa dynamique, ses facteurs de risque, mais aussi d’accéder directement à la connaissance, sans devoir passer par un intermédiaire.
H6b : La maîtrise de la dimension linguistique par le dirigeant de la PME ou l’un de ses collaborateurs se présente comme une condition favorable au développement à l’étranger.
3. Méthode de recherche
L’étude est réalisée sur les PME françaises. La classification de la Commission européenne en vigueur dans le cadre des politiques de soutien au développement économique des PME est un support de vérification de la stratification de notre base de données. En reprenant cette classification, les résultats de la modélisation sont exploitables afin d’optimiser ou de développer des politiques en cohérence avec les institutions.
Pour assurer l’homogénéité des problématiques des entreprises présentes dans la base, toutes ont un effectif compris entre 5 et 250 employés. La segmentation de l’Union européenne a permis de réaliser la répartition en trois groupes, microentreprises, petites et moyennes entreprises afin de construire un échantillon représentatif de la population réelle des PME françaises. La base présentée dans cet article exclut les entreprises du type « petit commerce de proximité », leur internationalisation étant trop rare pour être intégrée et analysée au sein d’un modèle. Des exceptions telles que Jean-Louis David dans la coiffure ou encore Paul dans la boulangerie existent, mais les mesures ne font pas état d’une tendance significative. Les tests du modèle montrent un résidu homoscédastique ; les problématiques des firmes de la base quant au sujet de recherche présentent donc bien une homogénéité.
Dans le cadre des tests empiriques, nous estimons des modèles proches de ceux Probit, par la technique du maximum de vraisemblance. Comme certaines variables sont non linéaires, les techniques de régression par moindres carrés ou leurs dérivées ne peuvent s’appliquer. Les modèles à variables qualitatives ou modèles de choix discret sont largement utilisés dans la littérature empirique. Après un test des deux modèles avec les variables, le logit sera écarté dans la mesure où les statistiques de significativité et d’ajustement présentent des résultats plus probants pour le probit (pseudo R2 de MacFadden supérieur). Le modèle utilisé diffère légèrement du probit classique dans la mesure où la performance à l’export (variable expliquée) est une variable continue ; néanmoins, l’estimation par maximum de vraisemblance reste valide puisqu’elle offre des estimateurs convergents. On émet l’hypothèse que l’espérance de la variable expliquée (performance à l’export) conditionnellement aux variables explicatives admet une forme fonctionnelle logistique. Les paramètres estimés sont ceux qui maximisent la vraisemblance conditionnelle de l’échantillon compte tenu de cette hypothèse. On estime un modèle dérivé du modèle probit dans lequel l’espérance conditionnelle de la variable expliquée est la fonction de répartition de la loi normale centrée réduite.
Les exportations d’une firme vont dépendre d’un ensemble de facteurs (macroéconomiques, microéconomiques et sectoriels). Seuls les deux derniers facteurs sont analysés ici. Les liens existants entre la performance à l’export et les variables explicatives (annexe I) sont alors testés par l’intermédiaire de la relation suivante :
E (CAX = caxi/Xi = xi) = exp (x’ ib0)/[1+ exp (x’ ib0)]
Où caxi est la performance à l’export de la PME prise au point i, X est le vecteur des variables explicatives prises au point xi, b0 est le vecteur des coefficients à estimer.
Soit formellement :
E(CAX = caxi/X = xi) = Φ(x’ ib0)
Où Φ est la fonction de répartition de la loi normale centrée réduite. On fait remarquer que les densités des deux modèles précédents sont toujours comprises entre 0 et 1. Cette restriction, qui n’est pas nécessaire à priori, provient du fait que l’estimation des modèles probit usuels nécessite l’estimation de probabilités (variable dépendante modélisée comme une variable aléatoire discrète) et non de densités (variable dépendante modélisée comme une variable aléatoire continue) comme c’est le cas dans notre modèle. Cette caractéristique n’a aucune incidence négative. Une série de tests est effectuée en exploitant les différentes variables indiquées précédemment à l’aide du logiciel STATA, les procédures y étant préprogrammées.
4. Les leviers de l’exportation : proposition de hiérarchisation des facteurs
Cette partie nous procure des réponses relatives aux questions posées dans le cadre de ces travaux : Quels sont les principaux leviers de l’exportation ? Quels sont leurs degrés d’influence respectifs ? Selon les secteurs d’activité, ces facteurs présentent-ils une importance variable ? Dans cette quatrième partie, nous hiérarchiserons les principaux leviers de l’internationalisation.
Les résultats de la figure 1 confirment qu’une structure tournée vers l’export, un dynamisme en matière d’innovation et une stratégie Internet ont un impact positif sur le niveau d’exportation tout secteur confondu.
Plus précisément, la structure organisationnelle s’est révélée être le principal déterminant de l’internationalisation des entreprises de la base. Les résultats empiriques nous apprennent que près de 60 % des PME internationalisées ne disposent pas d’organisation spécialisée dans l’international (pourcentages extraits de la base de données exploitée pour la modélisation). La compétence en interne est la plupart du temps disponible, cependant, elle n’est pas clairement identifiée. Le rôle de l’organisation de la PME sur son internationalisation a fait l’objet de rares travaux de recherches et présente ici un potentiel intéressant. La PME n’est pas divisée en services cloisonnés. Les structures sont faiblement formalisées. Des acteurs polyvalents accomplissent des tâches de natures très variées dans un espace de travail de proximité.
L’innovation est le second facteur le plus déterminant du niveau d’internationalisation. Ces résultats rejoignent ceux d’Arvantis et Hollenstein (2006), une étude empirique sur 2424 PME suisses mettant en lumière une internationalisation poussée des PMI riches en intensité technologique. Parmi les PME de la base, à peine 30 % des firmes réalisant 20 % ou plus de leurs ventes à l’étranger ont un dynamisme technologique significatif. Les PME sont souvent reconnaissables à un métier particulier ou à un savoir-faire central qui conditionne les stratégies possibles. Leurs activités sont donc généralement peu diversifiées. Leur spécialisation les conduit néanmoins à nouer des liens avec d’autres entreprises pour mener à bien leurs projets de développement. Cependant, comme innover revient à redéfinir les savoir-faire de l’entreprise, une démarche d’innovation peut bouleverser une entreprise monométier. Les PME innovent moins que les grandes entreprises. Seulement 39 % d’entre elles s’y risquent alors que le pourcentage est de 90 % dans les grandes organisations (Thouvenin, 2002).
Le troisième facteur est celui du commerce électronique. Ces résultats rejoignent ceux d’Ibbotson et Fahy (2011), soit que le commerce électronique offre un potentiel de transformations fondamentales dans la conduite des affaires à travers le monde. Les firmes travaillant à l’international ne disposent pas systématiquement de la vente en ligne ; ainsi, 79 % des entreprises de notre base qui travaillent à l’international n’ont pas développé cette fonction dans leur site Internet. Les TIC constituent une véritable opportunité pour les PME françaises ; elles permettent de réaliser d’importantes synergies facilitant le développement des marchés des entreprises à l’intérieur comme à l’extérieur des frontières. Producteur de TIC ou utilisateur, les PME bénéficient d’accroissement de productivité, d’une communication en temps réel et d’un accès à de nouveaux clients grâce aux outils commerce électronique et e-marketing. À titre d’exemple, basée en Chine, la plateforme alibaba.com est l’un des principaux marchés « b to b » international. Alibaba international fournit un accès privilégié aux échanges internationaux. Plusieurs millions de PME sont enregistrées dans plus de 200 pays bénéficiant de 300 000 visiteurs quotidiens. Plus de six millions d’utilisateurs paient une inscription annuelle les autorisant à poster leurs offres sur le site. Ce réseau offre aux PME des opportunités considérables en matière de vente, mais aussi d’achat.
Les quatrième et cinquième facteurs moteurs de l’international sont liés aux dirigeants de la firme. Le dynamisme ainsi que l’ouverture à l’international des dirigeants occupent des places primordiales au sein du processus d’internationalisation. Ce résultat rejoint ceux de Lowe et Ziedonis (2006) qui mettent en lumière une corrélation entre l’optimisme des dirigeants et les performances de la firme. Ces corrélations significatives illustrent l’existence d’un lien fort entre l’intensité d’exportation de la PME et le portrait des manageurs comme « entrepreneurs mondialisés ». L’entrepreneur joue le rôle d’un catalyseur d’ouverture vers les marchés étrangers qui ne correspond pas à un mode de fonctionnement préétabli, mais à une recherche de conquête permanente de nouveaux territoires. Ces facteurs nous rapprochent du courant d’études relevant des explications comportementalistes de l’internationalisation des PME (Sommer, 2010). Pourtant, au sein de la base de données, 68 % des PME internationalisées ont un dirigeant ne faisant pas preuve de « dynamisme » social. À peine la moitié des PME internationalisées de l’échantillon sont dotées d’un dirigeant ouvert à l’international.
Les derniers facteurs mis en lumière sont ceux de l’existence d’un site Internet mis à jour et des compétences linguistiques au sein de la firme. Seules 32 % des PME de la base ont un site Internet performant. Ce dernier renvoie à l’ouverture de l’entreprise à l’information, les TIC optimisant la communication entre la firme et son environnement. Quant aux entreprises internationalisées, à peine la moitié d’entre elles disposent d’un site Internet mis à jour. L’internationalisation n’est pas un déclencheur systématique d’ouverture à l’information, mais cette ouverture influence positivement l’internationalisation des firmes. La pratique de langues étrangères au sein de la PME facilite la proximité internationale. Moins de la moitié des PME internationalisées de notre échantillon sont dotées de manageur parlant couramment au moins une langue étrangère.
4.1. Les facteurs secondaires
Les résultats obtenus montrent que l’ancienneté, le niveau de qualification général, le milieu internationalisant, la personnalisation des services aux clients, la formation du dirigeant et son expérience à l’international ont une influence directe non significative sur le succès des PME de notre échantillon à l’international (annexe II). Il en est de même pour le secteur, la taille critique et les critères financiers (volume d’affaires, valeur ajoutée, rentabilité) qui ne se présentent pas comme des facteurs déterminants pour les 253 firmes de notre étude.
Les résultats d’une étude réalisée en 2006 par Ayele remettent en question l’impact des aides financières sur la création de PME. Selon cette étude menée en Égypte, il n’existe pas de corrélation entre la mise en place d’un programme de financement et le développement des petites et moyennes entreprises. Pour l’auteur, les vecteurs de croissance sont autres. Ces résultats coïncident avec ceux présentés par notre modèle.
5. Analyse et implications managériales sectorielles
5.1. Innovation, organisation et commerce électronique : les clés de l’internationalisation de l’industrie
L’ensemble des déterminants testés empiriquement auprès des deux secteurs offre des corrélations positives avec les activités d’exportation. La hiérarchisation de ces facteurs est cependant très différente.
Selon nos travaux, les trois principaux facteurs moteurs de l’internationalisation des PMI sont : l’innovation, l’organisation spécifique et le commerce électronique. À la lecture de nos résultats, seules 39 % des PME du secteur secondaire de notre base présentent une innovation dynamique. Il s’agit du déterminant le plus moteur en matière d’internationalisation pour les sociétés de ce secteur. Le deuxième facteur moteur de l’internationalisation insuffisamment représenté parmi les PMI est la présence d’une ressource organisationnelle spécialisée dans l’international. À peine 41 % des PMI de notre échantillon disposent d’au minimum un agent économique dont l’activité est consacrée à temps complet ou partiel à l’international. Le troisième facteur présentant l’écart le plus critique en matière de développement international est la vente en ligne. Moins de 20 % des PMI interrogées au sein de notre échantillon disposent d’un accès mondial à leurs produits par l’intermédiaire de la vente en ligne. En matière d’exploitation performante des technologies de l’information, dernier facteur moteur dont la dotation s’impose comme critique avec moins de 20 % des PME de notre échantillon qui sont équipées.
Les facteurs liés aux compétences linguistiques des manageurs, à l’ouverture, à l’international et au dynamisme social du dirigeant sont faiblement représentés au sein des PME de l’échantillon étudié, car entre 42 % et 45 % des PME internationalisées en sont dotées.
La validation des hypothèses 3a-c, 4a et 6b permet de conseiller aux manageurs qui ont la volonté de s’internationaliser rapidement de se préoccuper du développement technologique, organisationnel et linguistique de leur structure. Ces éléments impliquent la recherche de rentabilité à moyen ou long terme en matière d’investissements au détriment de la création de valeur immédiate.
5.2. Entrepreneuriat et technologies de l’information, facteurs clés de succès des services
Pour les PME du secteur tertiaire, les variables entrepreneuriales et la technologie liée à l’information se révèlent être des éléments moteurs de l’exportation. Malgré l’internationalisation intensive du secteur tertiaire, les PME de ce dernier ont fait l’objet d’études plus rares que celles de l’industrie (Coviello et McAuley, 1999). L’ouverture à l’international et le dynamisme social du dirigeant sont respectivement les premier et second facteurs d’intensification de l’internationalisation. Avec, respectivement, 43 % et 41 % des PME de notre échantillon qui en sont dotées, les entreprises françaises présentent des axes de progression à développer dans ces deux domaines. La performance du site Internet, bien qu’essentielle au développement international des entreprises, est largement sous-représentée au sein de notre échantillon : seules 23 % des PME de notre base de données disposent d’un site Internet mis à jour lors de la dernière année d’activité et plus de 20 % des PME de notre base ne disposent d’aucun site Internet. Il s’agit du troisième facteur en matière d’intensification d’internationalisation des PME du secteur tertiaire. Les PME françaises des services accusent un retard critique en matière de technologies de l’information qui pèse lourdement sur leur essor international.
Les variables liées à l’innovation, aux compétences linguistiques et à l’organisation spécifique à l’exportation, dans l’ordre précédemment cité, sont des éléments moteurs de l’internationalisation du secteur. Les dotations des PME de services françaises demeurent insuffisantes dans l’ensemble de ces domaines, avec respectivement 19 %, 44 % et 42 % des PME internationalisées qui en sont dotées.
Les hypothèses 3a-b, 4a, 5a-b et 6b sont validées par nos résultats. Ces validations nous permettent de conseiller aux manageurs de concentrer en priorité leurs efforts sur les dimensions entrepreneuriales internationales de leurs profils. Monopolisées par les éléments courants de l’activité économique, les compétences des dirigeants doivent être redéployées vers le développement de réflexes stratégiques à une échelle globale. L’orientation vers les investissements de long terme s’impose également comme une nécessité tant en matière de technologies et de compétences que de mise en place organisationnelle au sein de la PME.
5.3. Limites du modèle
L’extrême décentralisation de l’information au sein des PME rend le recueil de données long et complexe. Plusieurs interlocuteurs peuvent être nécessaires afin d’obtenir des renseignements complets et sûrs.
La diversité des modes d’internationalisation des PME présente un obstacle majeur à l’expression et à l’analyse de tendances communes. Les constructions de bases de données doivent faire l’objet de méthodologies rigoureuses afin d’éviter les biais liés à une trop grande disparité des activités internationales des firmes. La mesure de l’internationalisation pose certaines difficultés au sein des structures à taille humaine. Ce type de développement est trop rarement formalisé ou encore centralisé ; il est donc délicat à quantifier et à observer. Au cours de ces recherches, nous concentrons nos analyses sur l’intensité des exportations. Bien que plus difficilement mesurable, l’internationalisation pourrait être appréciée en termes d’implications humaines, techniques, commerciales et financières de la PME dans le cadre de projets élargis de développement et d’investissement à l’étranger. Par ailleurs, le rôle des achats internationaux communs aux stratégies d’internationalisation de l’entreprise et de développement global du processus de production mériterait également d’être approfondi. Un prolongement de nos travaux par une étude de l’articulation entre les leviers mis en lumière et les implications internationales des PME sous d’autres formes que l’exportation apporterait des précisions quant aux modalités d’intégration des PME aux marchés mondiaux.
Dans leur globalité, l’ensemble des résultats inhérents aux déterminants comportementaux (ouverture et dynamisme du dirigeant), organisationnels, technologiques (commerce électronique et site Internet) et linguistique sont largement soutenus par les vérifications empiriques. Les normes subjectives, comportementalistes et attitudes sont analysées dans un cadre empirique robuste, mais ne nous révèlent pas la nature exacte de leurs interrelations avec les activités internationales. L’existence d’une organisation de ressources dédiées à l’internationalisation s’est révélée fortement corrélée avec les activités d’exportation selon nos résultats ; néanmoins, la nature de ces ressources et leur rôle dans le processus d’internationalisation reste à préciser. Si les insuffisances de la dotation des PME françaises en matière de facteurs moteurs de l’internationalisation sont mises en lumière, les sources de l’insuffisance de ces éléments restent à préciser.
Conclusions et pistes de recherches futures
D’une manière générale, l’étude économétrique menée sur les petites et moyennes entreprises françaises confirme l’existence d’impacts positifs entre moyens organisationnels, technologie performante, exploitation de l’outil Internet et internationalisation. Les résultats montrent pour la première fois, sur ce type de données, l’importance relative de cette combinaison de facteurs d’ordre organisationnel, telle la capacité à développer une structure tournée vers l’international, de facteurs humains, tels le dynamisme social du dirigeant et son ouverture vers l’étranger qui font également figure de déterminants de l’internationalisation, et, enfin, des facteurs techniques, telle la maîtrise d’un niveau technologique élevé permettant une innovation accrue et la banalisation de l’utilisation des technologies de l’information.
Ces conclusions se distancient des travaux positionnant le milieu internationalisant et la taille de la firme comme des piliers de l’exportation. Elles relativisent certaines idées reçues quant aux difficultés des firmes liées à une faible capacité financière et à des lacunes de qualifications de la main-d’oeuvre. Nos résultats rejoignent ceux des études relevant de l’entrepreneuriat et de la technologie en soulignant l’importance de ces recherches dans le cadre des exportations. Une voie relative à la relation entre l’internationalisation et l’organisation de la PME est ouverte. À la lecture de ces résultats, nous encourageons de futures recherches afin que soient précisés les liens entre structure organisationnelle et intensité d’exportation. De plus, pour compléter leur caractère analytique, nous suggérons que les explications de l’internationalisation des PME soient approfondies par des recherches comportant une approche holistique permettant d’agréger les résultats. De ce point de vue, l’originalité théorique et empirique nécessite un développement.
Les soutiens publics peuvent faciliter cette intégration. Les aides au financement accordés aux PME par les organismes nationaux ou internationaux facilitent-elles efficacement leur participation au commerce mondial ? Elles ne sont obtenues que lorsque la firme a déjà décidé d’amorcer le processus d’internationalisation et ne sensibilisent pas les 60 % d’entrepreneurs européens qui n’ont jamais pensé à l’international. Ces dispositifs publics n’orientent pas non plus les dirigeants de PME vers une organisation plus efficace, une formation professionnelle adaptée et des possibilités de développement des techniques exploitées dans l’entreprise. L’impulsion donnée par le chef d’entreprise est la clé de voûte du développement international. Son intégration à des associations et clubs, et son ouverture vers l’international peuvent être encouragés par des campagnes de sensibilisation. Seules des structures régionales, suffisamment proches des PME, peuvent mettre en place un soutien adapté à ces dernières en visant le coeur des problématiques auxquelles doivent faire face ces structures à taille humaine. Les PME françaises ne figurent pas parmi les « grandes gagnantes » européennes de l’internationalisation. Au vu des résultats du test empirique, une petite taille n’est pas un frein à l’internationalisation, les raisons de ce faible développement sont donc à chercher ailleurs. L’accroissement de la complexité de l’environnement des entreprises les oblige à toujours plus d’anticipation… ce qui n’est guère le point fort des dirigeants de PME, souvent contraints de gérer l’urgence et retranchés dans un mode de décisions réactif. Soixante pour cent des chefs d’entreprises interrogés lors d’une enquête portant sur 8 000 PME européennes ont déclaré « n’avoir jamais pensé à l’internationalisation » (ENSR, 2003).
Appendices
Note biographique
Marjorie-Annick Lecerf est chercheure au laboratoire Humanis et professeure d’économie et de stratégie d’entreprise à l’École de management de Strasbourg (Université de Strasbourg). Détentrice d’un doctorat en économie politique de l’Université de Paris I Panthéon-Sorbonne, elle possède six ans d’expérience comme chercheure et consultante dans le domaine de la stratégie d’internationalisation auprès de PME. Ses recherches se focalisent sur les stratégies d’internationalisation et, en particulier, sur les leviers internes et externes de l’exportation des petites et moyennes entreprises. Adresse : EM Strasbourg, 61, avenue de la Forêt Noire, 67085 Strasbourg cedex, France, tél. : +33 (0) 6 723 816 83.
Notes
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