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Introduction

En 2005, l’article d’Oviatt et McDougall (1994), intitulé « Toward a theory of international new ventures » et publié dans le Journal of International Business Studies, leur a valu le prix « 1994 JIBS Award ». Par ce geste, l’Academy of International Business affirmait que cet article représentait l’un des articles (si ce n’est l’article) fondateurs de la recherche en « entrepreneuriat international » (Autio, 2005 ; Zahra, 2005). La publication de ce texte théorique a ouvert la voie à de nombreux développements conceptuels (Rialp, Rialp et Knight, 2005 ; Gamboa et Brouthers, 2008 ; Keupp et Gassmann, 2009, pour des revues de littérature récentes), mais surtout à d’importants travaux empiriques dont les conclusions sont nécessaires pour donner une réelle postérité à ces propositions théoriques. En effet, pour reprendre l’argument de Williamson (2000), ce sont les travaux empiriques qui confèrent (ou non) une validité scientifique à un modèle théorique, qui font que certains deviennent des « success stories ». Ils contribuent également, dans de nombreux cas, à corriger les intuitions originales avec le retour d’information que constitue l’expérimentation.

De ce point de vue, 15 ans après la parution de l’article d’Oviatt et McDougall (1994), nous disposons d’un certain recul pour évaluer dans quelle mesure les travaux empiriques ont pu faire évoluer (ou non) la compréhension de l’« entreprise à internationalisation rapide et précoce » (EIRP), selon la terminologie proposée par Servantie (2007)[1], dans le champ de recherche de l’entrepreneuriat international. Grâce à ces travaux empiriques, nous avons une définition beaucoup plus précise de l’EIRP du fait d’un relatif éclaircissement des dimensions critiques liées à l’âge, au degré d’implication internationale et à la nature de l’avantage concurrentiel. En revanche, il reste encore incertain pour nous si l’émergence des EIRP signifie une remise en cause du modèle d’Uppsala d’internationalisation par étapes, comme cela est proclamé par les auteurs (Oviatt et McDougall, 1994 ; Johanson et Valhne, 2009).

Après avoir rappelé dans la section suivante les trois caractéristiques clés qui distinguent l’EIRP d’autres formes d’entreprises, nous décrivons la méthodologie adoptée pour la sélection des articles de référence dans notre travail. Sur chacune de ces caractéristiques, nous étudions ensuite les principales conclusions apportées par les travaux empiriques ainsi que l’écart par rapport au modèle d’Uppsala.

2. Les attributs distinctifs de l’entreprise à internationalisation rapide et précoce

Dans cette section, nous commençons par retracer l’émergence du phénomène de l’EIRP avant de le décomposer selon trois critères clés.

2.1. L’émergence du phénomène de l’EIRP

Selon McDougall, Oviatt et Brush (1991), la recherche dans le domaine des affaires internationales s’est surtout centrée sur les grandes entreprises multinationales, résultant pour la plupart d’organisations nationales matures (Chandler, 1986, cité dans Oviatt et McDougall, 1994). Ces grandes organisations ont attiré l’attention des chercheurs principalement par l’important pouvoir économique qu’elles représentaient, surtout après la Seconde Guerre mondiale (Buckley et Casson, 1976 ; Dunning, 1981 ; Hennart, 1982). Par ailleurs, les chercheurs en entrepreneuriat n’ont, pour leur part, abordé qu’un nombre limité de questions internationales, telles que, par exemple, l’impact des politiques publiques sur l’exportation des PME (Rossman, 1984) et des comparaisons entre petites et moyennes entreprises exportatrices et non exportatrices (Kedia et Chhokar, 1985). Les travaux sur l’internationalisation des PME représentent certes une voie de recherche traditionnellement développée depuis de nombreuses années en entrepreneuriat et en affaires internationales, bien qu’elle se soit limitée le plus souvent à la question des ventes à l’export (Coeurderoy, 1996 ; Lu et Beamish, 2001).

Par contraste, dans leur article fondateur, Oviatt et McDougall (1994) insistent fortement sur la spécificité de l’EIRP (ou « international new venture » pour citer une dernière fois l’expression originale) : pour ces auteurs, l’EIRP n’est pas un cas particulier d’internationalisation de la PME mais une forme radicalement nouvelle d’organisation multinationale. Ils proposent ainsi la définition suivante[2] : « Organisation commerciale qui, dès sa naissance, cherche à tirer un avantage concurrentiel significatif de l’utilisation de ressources (matérielles, humaines, financières, temps…) et de la vente de produits dans de multiples pays. »

Cette définition d’Oviatt et McDougall (1994) a été reprise par de nombreux chercheurs en entrepreneuriat international (Bloodgood, Sapienza et Almeida, 1996 ; Rialp, Rialp et Knight, 2005). Oviatt et McDougall (1994) affirment que ce phénomène de l’EIRP ne correspond pas aux caractéristiques traditionnellement observées chez les entreprises multinationales. Selon ces auteurs, au contraire des organisations traditionnelles qui se développent graduellement depuis l’environnement national, l’EIRP débute avec une stratégie internationale proactive. Oviatt et McDougall (1994) distinguent quatre types d’EIRP selon deux critères : le nombre de pays impliqués, d’une part, et le nombre d’activités de la chaîne de valeur qui sont coordonnées, d’autre part. Les EIRP coordonnant un nombre restreint d’activités (principalement les activités logistiques) à travers les pays se divisent en deux premières catégories : les « export/import start-ups » se concentrent sur un faible nombre de pays avec lesquels l’entrepreneur est familier tandis que les « multinational traders » servent un champ plus large de pays et restent constamment à la recherche d’opportunités commerciales dans les endroits où elles ont des réseaux établis ou faciles d’accès. Un troisième type d’EIRP regroupe les « geographically focused start-ups ». Ces dernières tirent leur avantage concurrentiel de leur capacité à répondre aux besoins spécifiques d’une région en mobilisant des ressources qui viennent de l’étranger. En d’autres termes, la source de l’avantage concurrentiel de ce type d’entreprises réside dans la coordination de multiples activités de la chaîne de valeur, telles que le développement technologique, les ressources humaines et la production. Enfin, suivant la dénomination de Mamis (1989), les « global start-ups » correspondent à la manifestation la plus radicale de l’EIRP car elles fondent leur avantage concurrentiel sur la coordination extensive de multiples activités organisationnelles réparties sur un nombre élevé de territoires géographiques. Dans le même ordre d’idées, Madsen et Servais (1997) adoptent la dénomination de « born globals », introduite par Rennie (1993) et déjà reprise par Knight et Cavusgil (1996). Les « born-global firms » – qu’ils définissent comme étant des « entreprises qui adoptent une approche internationale, ou même globale, dès leur naissance ou peu de temps après » – croissent d’une manière qui peut être conforme à la pensée évolutionniste.

L’émergence de l’EIRP, pour Oviatt et McDougall, correspond à l’apparition d’une nouvelle forme d’entreprise multinationale. Mathews et Zander (2007) distinguent, quant à eux, trois nouvelles sortes d’entreprises multinationales dans l’économie globale. Premièrement, les multinationales plus petites en termes de ressources, de personnel et de capital, appelées « multinationales-enfants » (infant-multinationals) (Lindqvist, 1991, cité dans Mathews et Zander, 2007), ou « micro-multinationales », incluent les PME originaires de pays industrialisés mais qui attaquent le marché mondial avec une telle vigueur et de telles stratégies d’intégration innovantes qu’elles peuvent être considérées comme de nouveaux entrants. Deuxièmement, il existe des firmes qui évitent presque le processus d’internationalisation dès lors qu’elles démarrent et opèrent leurs activités dès leur premier jour, sur des marchés globaux, en tant qu’acteurs globaux. Enfin et troisièmement, les multinationales « retardataires », dont beaucoup sont originaires de pays émergents, arrivent tard sur la scène internationale, ce qui leur permet de tirer des avantages non accessibles pour leurs homologues plus précoces. Mathews et Zander (2007) nomment ces organisations « dragon multinationals ».

D’autres appellations ont été utilisées par les chercheurs en entrepreneuriat international pour compléter la notion d’EIRP. On trouve notamment dans la littérature des expressions telles que « nouvelle entreprise de haute technologie » (high technology start-up ; Jolly, Alahuhta et Jeannet, 1992), « petite entreprise investissant à l’étranger » (small foreign investing firm ; Kohn, 1997), ou encore « firme s’internationalisant tôt » (early internationalizing firm ; Rialp, Rialp et Knight, 2005).

2.2. La décomposition du phénomène de l’EIRP

Devant cette prolifération syntaxique, il importe de définir les caractéristiques clés qui permettent d’encadrer cette notion d’EIRP. Pour cela, un retour à la définition première est riche en enseignements pour deux raisons au moins : d’une part, parce qu’elle précise les contours du phénomène et, d’autre part, parce qu’elle ouvre, paradoxalement, des espaces d’interrogation quant à la nature exacte du phénomène.

Le premier facteur distinctif sur lequel insistent dès l’origine Oviatt et McDougall (1994) et que renforce Zahra (2005) est logiquement celui de l’âge, c’est-à-dire de la concomitance entre acte de création et acte d’internationalisation. L’authenticité du phénomène tient donc en quelque sorte à ce double acte de naissance (« from inception ») : il y a EIRP s’il y a « immédiateté » de création et d’internationalisation. Cependant, une lecture fine du texte peut soulever quelques interrogations : Que signifie, exactement, cette expression « à partir du commencement » ? Doit-on considérer une parfaite simultanéité des évènements ou peut-il y avoir malgré tout un certain séquençage, dans une logique plus processuelle ? Et si tel est le cas, sur quelle durée peut-on compter sans dénaturer cette immédiateté qui fait la spécificité de l’EIRP ? Il est à noter que les auteurs eux-mêmes considèrent que seule la phase de recherche empirique pourra éventuellement résoudre cette question (Oviatt et McDougall, 1994, p. 49).

Le deuxième facteur distinctif porte sur le sens même de l’internationalisation. S’il est clair que, par définition, une EIRP doit mener une activité hors de ses frontières nationales, il reste à définir à partir de quel(s) seuil(s) on peut réellement parler d’internationalisation. Oviatt et McDougall (1994, p. 49) parlent de « multiple countries », mais ajoutent quelques lignes après, à savoir que l’EIRP est impliquée dans plus d’un pays (ce qui est l’interprétation la plus large de l’adjectif « multiple »). Par ailleurs, rien n’est dit sur la part que peuvent représenter ces activités internationales. On se doute qu’elle doit être non marginale, c’est-à-dire engager le développement stratégique de la jeune entreprise. Mais il s’agit ici d’une interprétation, car les auteurs ne détaillent pas, à proprement parler, cette définition de l’internationalisation.

Un troisième facteur distinctif porte sur la nature de l’avantage concurrentiel. Selon Oviatt et McDougall (1994), l’EIRP tire son avantage concurrentiel de sa capacité à mobiliser des ressources et à réaliser des ventes internationales. Cette définition implique, en quelque sorte, que l’EIRP développe un modèle d’affaires original dans la mesure où elle possède à la fois les caractéristiques d’une nouvelle entreprise entrepreneuriale et celles d’une multinationale. Il est à noter ici aussi que la définition introduit dans le même temps une zone d’incertitude, dans la mesure où les auteurs utilisent le verbe rechercher (« seek »). C’est par là même déplacer le phénomène du champ de l’action (« ce qui est fait ») vers celui de l’intention (« ce qui est prévu de faire »), sans qu’il y ait nécessairement obligation de résultat. De la même façon, il faut se demander qui est concerné par cette intention : s’agit-il de l’entreprise (« business organization »), comme cela est écrit ; ou de l’entrepreneur (ou de l’équipe entrepreneuriale) comme on pourrait plus s’y attendre pour ce type de nouvelle entreprise ?

L’âge, l’internationalisation et l’avantage concurrentiel représentent donc les trois caractéristiques distinctives d’une EIRP. La délimitation théorique de ces critères reste cependant en partie imprécise. Pour cela, les travaux empiriques qui posent nécessairement la question de la mesure jouent un rôle décisif pour la validation de ces critères.

3. Méthodologie de travail

D’un point de vue méthodologique, cette recherche s’inscrit dans la lignée des travaux recensant les publications empiriques et conceptuelles s’intéressant au champ de l’entrepreneuriat international. Nous basons notre analyse de la littérature sur les articles publiés entre 1994[3] et 2009 dans les revues les mieux classées internationalement avec comité de lecture consacrées à l’entrepreneuriat, aux affaires internationales ou au management en général. Comme suggéré par Gamboa et Brouthers (2008) et Keupp et Gassmann (2009), nous limitons notre analyse aux journaux utilisés par le Financial Times pour classer les écoles de gestion. Au total, neuf journaux satisfont à ces conditions : Academy of Management Journal (AMJ), Academy of Management Review (AMR), Administrative Science Quarterly (ASQ), Entrepreneurship Theory and Practice (ETP), Journal of Business Venturing (JBV), Journal of International Business Studies (JIBS), Journal of Small Business Management (JSBM), Management International Review (MIR) et Strategic Management Journal (SMJ). La sélection des articles traitant d’EIRP est basée sur une recherche par mots clés (« international », « internationalization » et « international new ventures ») dans les neuf journaux durant les 16 années. Le faible nombre d’articles traitant d’EIRP parus dans ASQ, JSBM ou SMJ s’explique par le fait que la majeure partie des articles parus dans ces trois revues consistent en des études empiriques dans une région déterminée ou dépassent largement le cadre de notre analyse du concept d’EIRP, traitant davantage de sujets liés à la gestion des organisations internationales, avec une forte focalisation sur l’exportation (étude des stratégies et des facteurs clés de succès des entreprises se développant à l’international, analyse des barrières à l’exportation, efficacité des programmes gouvernementaux de soutien à l’exportation, modes d’entrée, etc.). Très peu, finalement, discutent le modèle d’internationalisation par étapes, au coeur de la problématique qui nous occupe.

À l’issue de cette recherche bibliographique, nous avons ainsi trouvé 51 articles ayant trait au phénomène de l’EIRP. Le tableau 1 illustre la répartition de ces publications entre les neuf journaux sélectionnés. Cette liste de 51 articles est disponible en annexe[4].

Tableau 1

Source des 51 articles traitant du phénomène de l’EIRP (1994-2009)

Revues

Nombre d’articles

Academy of Management Journal

5

Academy of Management Review

1

Administrative Science Quarterly

0

Entrepreneurship Theory and Practice

7

Journal of Business Venturing

7

Journal of International Business Studies

18

Journal of Small Business Management

3

Management International Review

9

Strategic Management Journal

1

TOTAL

51

-> See the list of tables

Au total, seuls 34 des 51 articles répertoriés peuvent être qualifiés d’empiriques. Ces 34 articles empiriques ont constitué la base de notre réflexion sur l’évaluation de l’apport des travaux empiriques à la théorie de l’EIRP, objet de la section suivante.

4. L’entreprise à internationalisation rapide et précoce à l’aune des études empiriques

Cette section a pour objectifs de nuancer les caractéristiques communes des EIRP et de dégager les éventuelles divergences de direction empruntées par les chercheurs. Pour ce faire, nous faisons référence aux 34 travaux empiriques majeurs retenus au terme de la section précédente. Le tableau 2 reprend la position des auteurs de chacun de ces articles eu égard aux trois caractéristiques distinctives de l’EIRP.

Tableau 2

Analyse des trois caractéristiques clés de l’EIRP dans les 34 papiers empiriques

Articles (classés par ordre alphabétique)

1. Immédiateté (années)

2. Implication internationale

3. Nature de l’avantage concurrentiel (AC)

Al-Laham et Souitaris (2008)

Jeunes entreprises créées après 1995 (95 %) étudiées jusqu’en 2004.

Taux d’alliances internationales en R-D (ce taux résume l’information sur les intervalles de temps entre les alliances successives : plus le taux est élevé, plus les intervalles de temps entre les événements sont courts).

Secteur : HT (biotechnologie)

Effets de réseaux : facteurs interorganisationnels de deux types :

1. intégration dans un groupe local ;

2. intégration dans un réseau national de R-D.

Armario, Ruiz et Armario (2008)

PME (selon la définition de l’Union européenne) mais pas nécessairement jeunes.

Ventes à l’exportation.

Secteur : tous

Ressources et compétences de l’entreprise telles que l’orientation-marché, l’acquisition de la connaissance et l’engagement envers le marché.

Aspelund et Moen (2005)

Entre 4,3 et 7 ans, en moyenne.

Majoritairement des ventes directes ou par un agent étranger.

Ventes à l’étranger = 78 % à 18 % des ventes totales.

Secteur : tous

Surtout liée au produit, à sa qualité et à la technologie.

Autio, Sapienza et Almeida (2000)

5,41 =

Âge moyen des entreprises lors de leurs premières ventes internationales.

Ventes internationales = tous les revenus des ventes dérivés des exportations et d’autres opérations internationales.

Secteur : HT

Initiation précoce à l’internationalisation, plus grande intensité de la connaissance, capacités entrepreneuriales uniques.

Bloodgood, Sapienza et Almeida (1996)

< 5 ans au moment de l’introduction en Bourse (qui a eu lieu en 1991 – mesure de la performance en 1993).

Ventes internationales = issues des activités transfrontalières.

Secteur : tous

Différenciation du produit, expérience professionnelle internationale du conseil d’administration et taille au moment de l’introduction en Bourse.

Cloninger et Oviatt (2007)

Entreprises créées entre 1989 et 1996 et qui se sont internationalisées endéans leur 10e année d’existence.

75 % des entreprises internationales présentes sur plus de deux marchés étrangers, toutes régions du monde représentées.

Secteur : contrôle environnemental

Contenu du service.

Coeurderoy et Murray (2008)

2,22 en Angleterre =

1,63 en Allemagne =

Âge moyen au moment de la première vente à l’étranger.

67 % des entreprises en Angleterre et 58 % en Allemagne réalisent des ventes à l’étranger.

Secteur : HT (nouvelles technologies)

Localisations aux coûts de transaction réduits et capital humain de l’entrepreneur.

Collinson et Houlden (2005)

Étude concentrée sur les perceptions du risque et l’orientation vers les marchés internationaux des managers de PME anglaises à forte croissance non cotées en Bourse (donc peu d’informations sur les entreprises).

Secteur : tous

Expérience internationale et relations de réseaux.

Contractor, Hsu et Kundu (2005)

Pendant la 1re année d’existence.

Au moins de l’exportation – mesure de l’intensité et de la croissance de l’exportation.

Secteur : HT (logiciels)

Mélange des caractéristiques de l’entrepreneur et de l’entreprise (taille, expertise des employés…).

Coviello (2006)

< 6 ans dans les trois cas.

Sur d’autres continents dans les trois cas.

Secteur : tous

Réseau et liens issus de précédentes relations d’affaires.

Fan et Phan (2007)

67/135 compagnies aériennes ont commencé un service international à leur inauguration.

> 10 % des ventes totales dérivées des marchés étrangers.

Secteur : aérien

Non explicitement mentionné.

Fernhaber, Gilbert et McDougall (2008)

< 6 ans au moment de l’introduction en Bourse

(seul un nombre restreint de nouvelles entreprises opérant sur les marchés étrangers dès leur naissance).

Ventes en dehors du marché domestique mesurées de deux manières :

1. intensité des ventes internationales ;

2. étendue internationale (nombre de pays ou régions).

Secteur : HT (technologies de l’information)

La taille, la R-D et l’expérience internationale.

Fernhaber et McDougall-Covin (2009)

< 6 ans au moment de l’introduction en Bourse (entre 1996 et 2000).

Trois mesures :

1. intensité des ventes internationales ;

2. intensité des actifs internationaux ;

3. étendue internationale (nombre de régions de la triade).

Secteur : HT

Ressources extérieures – apportées par les venture capitalists.

Gankema, Snuif et Zwart (2000)

Cet article valide l’approche par étapes pour les PME (tous secteurs) qui s’internationalisent et favorise une durée de deux ans entre chacune d’elles.

Khavul, Pérez-Nordtvedt et Wood (2010)

Critère : < 10 ans et qui ont des ventes internationales au moment de l’étude entre 1992 et 2003.

4,9 ans = âge moyen.

1,8 an = âge moyen lors de l’apparition sur les marchés internationaux.

84 % des entreprises exportent directement ou par des intermédiaires.

En moyenne, elles dérivent 45 % de leur revenu de ventes internationales ; 10 % n’ont même pas de ventes domestiques.

Secteur : tous

Entraînement organisationnel avec les clients internationaux les plus importants.

Knight et Cavusgil (2004)

Critère : < 3 ans

Empiriquement : < 3 ans suivant la création pour la plupart.

Critère : ventes dans de multiples pays.

Empiriquement : > 50 % des ventes totales réalisées à l’étranger.

Secteur : tous

Innovation et compétences organisationnelles.

Knight et Cavusgil (2005)

< 3 ans suivant la création pour la plupart (année médiane de création = 1983 et 1re vente = 1986).

> 50 % des ventes totales réalisées à l’étranger, avec une médiane de 20 pays.

Secteur : tous

Non explicitement mentionné.

Lamb et Liesch (2002)

Deux petites entreprises « régionales familiales », l’une fondée fin du xixe siècle, l’autre fin du xxe siècle.

A. Filiales de ventes détenues à 100 %, contrats de distribution exclusifs avec les importateurs, exportation par agents – importante couverture du marché.

B. Implication internationale limitée à un marché étranger et qui s’est soldée par un échec.

Secteur : tous

Compétences telles que l’engagement envers le marché et la connaissance du marché.

Li, Li et Dalgic (2004)

PME.

Processus d’internationalisation.

Secteur : tous

Non explicitement mentionné.

Lopez, Kundu et Ciravegna (2009)

Peu de « born global » à proprement parler parmi les fournisseurs de logiciels d’exploitation costa-ricains : la plupart des entreprises suivent une approche graduelle à l’internationalisation et celles qui exportent peu après leur naissance sont plutôt des « born regional ».

Pourcentage des ventes totales réalisées à l’étranger.

Secteur : HT (logiciels)

Innovation et compétences organisationnelles.

Lu et Beamish (2001)

PME japonaises à forte croissance cotées en Bourse.

100 % des entreprises exportent et 58 % ont réalisé des investissements directs à l’étranger (dont la moitié ont réalisé deux investissements ou moins dans deux pays hôtes ou moins).

Secteur : tous

Effets de réseaux : alliances avec des partenaires ayant une connaissance locale.

McDougall et Oviatt (1996)

< 2 ans pour l’expansion internationale de 10 des 26 entreprises.

> 5 % des ventes totales réalisées à l’étranger.

Secteur : HT

Non explicitement mentionné.

McDougall, Shane et Oviatt (1994)

Dès la naissance.

Ventes réalisées sur de multiples marchés étrangers.

Secteur : HT

Utilisation de ressources spécifiques.

McGaughey (2006)

S’agissant d’une analyse du discours de la « born global », l’article de McGaughey ne fournit aucune indication spécifique quant aux critères clés de l’EIRP (tous secteurs).

Moen, Sørheim et Erikson (2008)

Focalisant leur étude sur les investisseurs des EIRP, les auteurs ne définissent pas précisément des EIRP, entendant qu’il s’agit de nouvelles entreprises (tous secteurs) qui se concentrent principalement sur l’international.

Mudambi et Zahra (2007)

< 16 mois.

Autodescription comme « instant start-up », « global start-up » et descriptions spécifiques des opérations commerciales réalisées dans de multiples pays.

Secteur : tous

Compétences de l’entreprise.

Nadkarni et Perez (2007)

< 3 ans comme délai raisonnable pour réaliser les décisions d’internationalisation.

Sur une échelle de mesure de l’engagement international à quatre niveaux (0 = pas d’internationalisation ; 1 = exportation ; 2 = accords contractuels - licences, entreprise conjointe ; 3 = internationalisation basée sur les capitaux/la propriété), la moyenne est de 0,94.

Secteur : tous

Connaissance et apprentissage (= expérience) acquis sur les marchés domestiques à travers diverses ressources et activités concurrentielles.

Preece, Miles et Baetz (1999)

Entrée précoce sur les marchés étrangers ; rencontrent des pressions internationales beaucoup plus tôt.

 % des ventes totales provenant de sources étrangères.

Secteur : HT

Ressources, attitudes envers les marchés étrangers, âge de l’entreprise.

Reuber et Fischer (1997)

14 % démontrent des ventes à l’étranger dans la 1re année de leurs opérations, 51 % dans leur 4e année.

51 % ont au plus 1 partenaire étranger, mais pour 20 % des entreprises, > 90 % des ventes totales réalisées à l’étranger.

Secteur : HT (logiciels)

Rôle de l’expérience internationale de l’équipe dirigeante.

Shrader (2001)

Critère : < 6 ans

2,16 =

Âge moyen des entreprises lors de leurs premières ventes internationales.

70 entreprises de haute technologie ont réalisé 176 entrées sur les marchés étrangers à travers le monde ;

20 ont collaboré avec des partenaires étrangers pour pénétrer de 1 à 4 marchés étrangers.

Secteur : HT

Collaboration, intensité en R-D et intensité de commercialisation.

Shrader, Oviatt et McDougall (2000)

Endéans quelques années suivant la création (typiquement 6).

Nombre de pays étrangers pénétrés par les entreprises : de 1 à 4.

Secteur : tous

Non explicitement mentionné.

Westhead, Wright et Ucbasaran (2001)

< 10 ans

pour 78 % des entreprises.

 % des ventes à l’étranger varie entre 0 % et 51 % mais seulement 5 % à 10 % des entreprises exportent > 15 % de leur production.

Secteur : tous

Capital humain et financier de l’entreprise.

Zahra, Ireland et Hitt (2000)

Dès la naissance :

< 6 ans.

> 5 % des ventes totales réalisées à l’étranger.

Secteur : HT

Apprentissage de la connaissance.

Zhou, Wu et Luo (2007)

< 3 ans entre l’établissement sur le marché domestique et l’internationalisation (incluant les activités d’import/export).

>10 % des revenus provenant de l’exportation.

Secteur : tous

Supériorité informationnelle liée aux réseaux sociaux :

1. connaissance d’opportunités sur les marchés étrangers ;

2. conseil et expérience nourrissent l’apprentissage ;

3. confiance et solidarité.

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Sur base du tableau 2, nous évaluons, dans les trois sections qui suivent, l’apport des travaux empiriques à la théorie de l’EIRP. Commençons par le critère d’immédiateté de l’internationalisation.

4.1. L’immédiateté

La gestion du temps est considérée comme clé dans la définition des EIRP (Kuivalainen, Sundqvist et Servais, 2007). Rennie (1993), dans sa définition des « born globals », considérait que ces PME concurrençaient les grands acteurs du paysage global, « virtuellement depuis leur création ». Que certains chercheurs en entrepreneuriat international évoquent « l’esprit international des EIRP depuis le tout début » (Mamis, 1989, p. 38), parlent de leur action internationale proactive envers les opportunités pour acquérir des ressources et vendre leurs produits dans de multiples pays dans le but de maximiser leur valeur (Oviatt et McDougall, 1994) ou étudient les pressions internationales subies par ces firmes beaucoup plus tôt dans leur existence (Preece, Miles et Baetz, 1999), la plupart d’entre eux s’accordent pour dire que les EIRP sont internationales dès leur création (Oviatt et McDougall, 1994 ; McDougall, Shane et Oviatt, 1994 ; Knight et Cavusgil, 1996). Dans leurs contributions théoriques, Mathews et Zander (2007) considèrent que les EIRP commencent à opérer sur le marché mondial dès leur premier jour. Sapienza et al. (2006) stipulent clairement au début de leur article que l’objet de leur étude porte sur les nouvelles organisations qui démarrent le processus d’internationalisation à leur création ou très peu de temps après.

Cette immédiateté, qui semble aller de soi d’un point de vue théorique, peut s’avérer plus délicate dans le champ empirique. La question clé est ainsi de spécifier le moment exact du début du processus d’internationalisation ; cela se traduit par une certaine variabilité des critères dans les travaux empiriques. Par exemple, Shrader, Oviatt et McDougall (2000) considèrent six ans, ou plus jeune, comme définition opérationnelle conventionnelle d’une « nouvelle entreprise » (Brush, 1992 ; Robinson et McDougall, 1998, cités dans Shrader, Oviatt et McDougall, 2000) car les six premières années de la vie d’une entreprise semblent constituer une période déterminante pour la survie de la plupart des entreprises (Small Business Administration, 1992, p. 22, cité dans Shrader, 2001). Cette définition conventionnelle de six ans est vérifiée dans la plupart des travaux empiriques qui l’adoptent (Aspelund et Moen, 2005 ; Autio, Sapienza et Almeida, 2000 ; Bloodgood, Sapienza et Almeida, 1996 ; Coviello, 2006 ; Fernhaber, Gilbert et McDougall, 2008 ; Fernhaber et McDougall-Covin, 2009 ; Zahra, Ireland et Hitt, 2000). Dans certains cas extrêmes, le laps de temps qui s’écoule entre la naissance d’une entreprise et son premier pas vers l’internationalisation est étendu à une dizaine d’années (Cloninger et Oviatt, 2007 ; Westhead, Wright et Ucbasaran, 2001).

Néanmoins, d’un point de vue empirique, les récentes études de Knight et Cavusgil (2004 ; 2005), Nadkarni et Perez (2007) et Zhou, Wu et Luo (2007) montrent des EIRP qui débutent leurs activités internationales, en moyenne, dans les trois années qui suivent leur établissement sur le marché domestique. Dans l’étude de Coeurderoy et Murray (2008), l’âge moyen au moment de la première vente est d’environ deux ans. Chez Khavul, Pérez-Nordtvedt et Wood (2010), les entreprises analysées font leur apparition sur les marchés internationaux à 22 mois ; chez Mudambi et Zahra (2007), ce laps de temps est réduit à 16 mois. Enfin, des cas d’internationalisation endéans la première année sont à noter dans les études de Contractor, Hsu et Kundu (2005), Fan et Phan (2007) et Reuber et Fischer (1997), dans laquelle 14 % des entreprises étudiées démontrent des ventes à l’étranger dans la première année de leurs opérations.

On peut ainsi retenir des travaux empiriques que la plupart portent sur une période moyenne incompressible de trois ans entre la date de création de l’entreprise[5] et le premier pas vers les marchés étrangers, pour un maximum de six années. Madsen et Servais (1997) suggèrent en outre que l’analyse des « born globals » doit remonter au-delà de leur naissance légale et prendre en compte leurs relations et collaborations antérieures avec d’autres firmes. Ainsi, les compétences développées avant la naissance juridique pourraient expliquer l’internationalisation précoce des EIRP. Les études empiriques (par exemple celle de Lopez, Kundu et Ciravegna, 2009) montrent en effet que les pures EIRP sont plutôt l’exception que la règle.

4.2. L’implication internationale

La plupart des auteurs s’accordent pour dire que les EIRP sont, dès leur création, actives sur la scène internationale. On peut se poser la question de savoir ce que signifie exactement l’adjectif « international » en termes d’étendue géographique. Certains, en effet, semblent se contenter d’une évocation des activités à l’étranger, sans aller plus avant dans l’explication du sens du mot « international » (Coviello, 2006 ; Li, Li et Dalgic, 2004 ; Lopez, Kundu et Ciravegna, 2009 ; McDougall, Shane et Oviatt, 1994 ; Preece, Miles et Baetz, 1999 ; Shrader, Oviatt et McDougall, 2000). Adopté par de nombreux auteurs (Knight et Cavusgil, 2004, 2005), le critère théorique d’au minimum la moitié des ventes réalisées à l’étranger trouve plus ou moins vérification dans les travaux empiriques. Ainsi, l’échantillon utilisé par Aspelund et Moen (2005) a montré des ventes à l’étranger variant de 78 % à 18 % des ventes totales pour seulement 32 % chez Shrader (2001), tandis que 20 % des entreprises étudiées par Reuber et Fischer (1997) réalisaient au moins 90 % de leurs ventes totales à l’étranger. Dans l’étude de Westhead, Wright et Ucbasaran (2001), le niveau d’internationalisation varie entre 0 % et 51 % ; les entreprises étudiées par Khavul, Pérez-Nordtvedt et Wood (2010) dérivent en moyenne 45 % de leur revenu de ventes internationales. D’autres, plus prudents, considèrent qu’une implication internationale de 5 % (McDougall et Oviatt, 1996 ; Zahra, Ireland et Hitt, 2000) ou 10 % (Fan et Phan, 2007 ; Zhou, Wu et Luo, 2007) des ventes totales de l’EIRP suffit.

Si l’étendue géographique est souvent exprimée dans la littérature en affaires internationales en termes de taux d’exportation (Autio, Sapienza et Almeida, 2000 ; Bloodgood, Sapienza et Almeida, 1996 ; Contractor, Hsu et Kundu, 2005 ; Fernhaber, Gilbert et McDougall, 2008 ; Fernhaber et McDougall-Covin, 2009 ; Nadkarni et Perez, 2007), cette définition, classique, souffre cependant de quelques insuffisances. En effet, l’expérience montre qu’une PME transfrontalière peut avoir un taux d’export très élevé sans pour autant être présente dans un nombre élevé de pays. Par exemple, une PME autrichienne exportant en Allemagne, ou une entreprise canadienne opérant sur le marché américain, pourrait avoir un taux d’export élevé en n’étant présente que dans un seul pays (Coeurderoy et Murray, 2008). On peut ajouter à cela un biais induit par la taille du pays d’origine (Fan et Phan, 2007). Une PME luxembourgeoise aura de très fortes chances d’avoir une présence importante au Benelux sans qu’il s’agisse pour autant véritablement d’une EIRP. D’autres auteurs (Al-Laham et Souitaris, 2008) ont aussi proposé de mesurer l’implication internationale par le taux d’alliances internationales en matière de recherche et développement.

On retrouve, en outre, dans la définition pure de l’EIRP (Oviatt et McDougall, 1994), une logique d’investissement direct à l’étranger. Mais cette affirmation nous semble à nuancer étant donné qu’il n’existe, dans la littérature, que peu d’études et de cas sur des opérations d’investissements directs. Un exemple est l’étude de Lu et Beamish (2001) qui montre que 58 % des entreprises étudiées ont réalisé des investissements directs à l’étranger, mais la moitié n’a pas réalisé plus de deux investissements dans plus de deux pays. La raison principale à cela étant que les EIRP disposent de ressources généralement insuffisantes pour investir. Dans les faits, il semble que l’implication à l’étranger se fasse surtout par les réseaux ou par l’exportation directe. La problématique du mode d’organisation à l’international pose donc la question de savoir si l’on peut considérer l’exportation directe comme justifiant déjà le concept d’EIRP. Étant donné la forte diversité des modes d’organisation à l’international présents dans la littérature – et en particulier l’écart entre les définitions théoriques et les critères empiriques –, nous concluons à un manque de consensus suffisant sur l’étendue de l’implication organisationnelle des EIRP à l’international. Nous ne pouvons qu’encourager les recherches futures pour tenter de répondre à ces questions.

4.3. La nature de l’avantage concurrentiel

Même s’il n’y a pas à priori de spécification théorique quant à la nature de l’avantage concurrentiel, l’argument d’un avantage concurrentiel fondé sur l’innovation a été repris par de nombreux auteurs dans les études empiriques (Knight et Cavusgil, 2004 ; Lopez, Kundu et Ciravegna, 2009). Shrader (2001) ainsi que Fernhaber, Gilbert et McDougall (2008) soulèvent l’importance des activités de recherche et développement des EIRP tandis qu’Aspelund et Moen (2005) insistent sur la qualité et l’innovation technologique du produit offert par l’EIRP. Zahra, Ireland et Hitt (2000) considèrent l’apprentissage, l’intégration et l’exploitation de la connaissance technologique issue de l’internationalisation comme d’importantes sources d’un avantage concurrentiel durable. L’intensité de la connaissance est également évoquée comme pierre angulaire de l’avantage concurrentiel des EIRP par de nombreux auteurs (Armario, Ruiz et Armario, 2008 ; Autio, Sapienza et Almeida, 2000 ; Khavul, Pérez-Nordtvedt et Wood, 2010 ; Lamb et Liesch, 2002 ; Nadkarni et Perez, 2007).

Une question que l’on peut se poser est donc de savoir si les compétences des EIRP sont nécessairement propres au secteur de haute technologie ou non. En effet, une part significative de la littérature traite directement d’entreprises actives dans les secteurs de haute technologie (Knight et Cavusgil, 1996), considérant habituellement que les effets les plus importants de la globalisation sont présents dans ces secteurs. Sur les 34 articles empiriques sélectionnés pour notre revue de la littérature, plus d’un tiers d’entre eux (13) sont consacrés aux EIRP de secteurs technologiques. Par ailleurs, dans les études multisectorielles, la recherche et développement sort systématiquement comme un facteur accroissant fortement la possibilité de se développer à l’étranger de manière rapide et précoce.

Une autre explication de l’avantage concurrentiel des EIRP, basée sur les effets de réseaux, a été reprise par de nombreux auteurs (Al-Laham et Souitaris, 2008 ; Collinson et Houlden, 2005 ; Coviello, 2006 ; Lu et Beamish, 2001 ; Zhou, Wu et Luo, 2007). Enfin, l’entrepreneur en tant que ressource particulière ainsi que le rôle joué par l’équipe dirigeante/entrepreneuriale ne sont étonnamment évoqués que dans de rares études (Autio, Sapienza et Almeida, 2000 ; coeurderoy et Murray, 2008 ; Contractor, Hsu et Kundu, 2005 ; Reuber et Fischer, 1997 ; Westhead, Wright et Ucsbasaran, 2001).

En conclusion, il apparaît qu’au niveau de la définition, l’« entreprise à internationalisation rapide et précoce » est bien un objet de recherche original. Suivant les caractéristiques différenciantes que nous avons pu identifier ci-dessus, les EIRP se distinguent clairement des PME présentes sur la scène internationale, tout comme des MNE de petite taille. Le concept d’EIRP peut en effet se définir comme suit :

1) une entreprise qui s’internationalise dès sa création, soit en moyenne trois ans après sa naissance juridique (pour un maximum de six années) ; 2) qui, passé ce laps de temps, est présente sur divers marchés étrangers (sans pour autant être nécessairement globale) ; 3) et dont l’avantage concurrentiel est fondé sur l’innovation.

5. Vers une nouvelle théorie de l’internationalisation ?

Compte tenu des spécificités que présentent les EIRP, Oviatt et McDougall (1994) ont soutenu que leur existence et leur mode de développement remettaient en cause le modèle dit d’Uppsala, compris comme le modèle dominant d’explication du processus d’internationalisation. Selon l’opinion d’Autio (2005), il s’agit même d’une question fondamentale qui confère à cet article l’essentiel de son apport. Celle-ci mérite donc d’être également revue de manière spécifique.

Le modèle dit d’internationalisation par étapes (stage model ou modèle d’Uppsala) se focalise sur l’impact de l’expérience internationale sur le rythme et la direction du processus d’internationalisation. Selon cette approche comportementale de l’internationalisation, le processus d’internationalisation de la firme se compose d’une série d’étapes incrémentales qui se déroulent graduellement et, dans un certain ordre, depuis l’exportation jusqu’à la détention de filiales à l’étranger, pour devenir une véritable MNE. Le modèle d’Uppsala fait référence au modèle du processus d’internationalisation de la firme développé par Johanson et Vahlne (1977) à partir d’observations empiriques qu’ils ont menées à l’Université d’Uppsala, en Suède. Cette théorie explique pourquoi les firmes initient tardivement leur processus d’internationalisation dans leur développement et pourquoi de tels processus, une fois enclenchés, se déroulent généralement lentement. Ce modèle incrémental se concentre sur l’acquisition, l’intégration et l’utilisation graduelles de la connaissance à propos des marchés et des opérations étrangères. L’hypothèse principale du modèle est que le manque d’une telle connaissance constitue un obstacle important au développement d’opérations internationales et que la connaissance nécessaire peut être acquise principalement par des opérations à l’étranger. Les opérations de développement de la firme dans des pays étrangers individuels, selon le modèle d’Uppsala, suivraient l’ordre de précédence suivant : pas d’export régulier, mise en place d’un agent indépendant, filiale de vente et, enfin, filiale de production.

Selon Johanson et Vahlne (1977), les décisions d’internationalisation ne sont pas vues comme le résultat d’une stratégie d’allocation optimale des ressources entre différents pays mais plutôt comme la conséquence d’un processus d’ajustements incrémentaux par rapport à des conditions changeantes de la firme et de son environnement. Se basant sur la théorie comportementale de la firme, Johanson et Vahlne (1977) postulent que les firmes tendent à opérer sur base de la connaissance existante et restent sur leur marché domestique tant qu’elles ne sont pas provoquées, poussées ou tirées par un événement, par exemple une commande étrangère spontanée. Leur modèle suggère par ailleurs, qu’une fois initiée, l’internationalisation a lieu de façon incrémentale, régulée par l’expérience acquise en matière d’accumulation de la « connaissance organisationnelle étrangère ». Ce point de vue met l’accent sur le caractère inertiel et réactif des organisations, omettant le choix stratégique entrepreneurial. Les approches par étapes reconnaissent que la distance psychique joue un rôle important dans le processus d’internationalisation de la firme. Dès lors, la firme sera plus susceptible de démarrer ses activités internationales sur un marché proche présentant des similarités avec le marché domestique en termes de situation culturelle, politique et économique. Ensuite, une fois que l’entreprise aura appris le fonctionnement du processus d’internationalisation, elle voudra essayer d’autres marchés plus distants « psychiquement » de son pays d’origine (Johanson et Vahlne, 1977 ; Luostarinen, 1978).

Néanmoins, sur la base d’autres cas observés, les auteurs en faveur de la nouveauté de l’EIRP soutiennent l’existence d’autres processus de développement à l’international. Fervents partisans de cette idée, McDougall, Shane et Oviatt (1994) se sont efforcés de montrer, à l’aide de 24 études de cas, les limites des théories existantes du champ des affaires internationales pour l’étude du processus de formation des EIRP. En effet, aucune des 24 EIRP étudiées ne suit les étapes incrémentales de l’internationalisation telles qu’elles sont préconisées par Johanson et Vahlne (1977). La théorie de l’internationalisation par étapes ne fournit pas une explication suffisante et appropriée des raisons pour lesquelles ces EIRP sont présentes sur le marché international plutôt qu’uniquement sur le marché domestique. Pour McDougall, Shane et Oviatt (1994), la théorie de l’internationalisation par étapes ne peut pas expliquer le processus de formation des EIRP car toutes supposent que les firmes deviennent internationales longtemps après leur création et restreignent dès lors leur application aux firmes matures et de grande taille (McDougall, Shane et Oviatt, 1994). Toujours selon ces auteurs, elle se focalise aussi trop sur le niveau de la firme et ignore largement les niveaux d’analyse de l’individu et du groupe restreint (par exemple l’entrepreneur et son réseau d’alliances stratégiques).

Shrader, Oviatt et McDougall (2000) expliquent, pour leur part, que le processus de formation de nouvelles entreprises capables de se montrer concurrentielles sur la scène internationale, presque mondiale, depuis leur création, ainsi que leur croissance en nombre, semblent largement en contradiction avec les théories d’expansion traditionnelles du champ des affaires internationales qui postulent que les firmes deviennent internationales de façon incrémentale, longtemps après leur établissement sur le marché domestique. Les auteurs opposent le mode d’internationalisation accélérée propre aux EIRP à l’internationalisation incrémentale. Shrader, Oviatt et McDougall (2000) soulignent ainsi la carence du modèle d’Uppsala dans son omission du comportement entrepreneurial.

En conséquence, de nombreux chercheurs ont ainsi objecté que la vision processuelle de Johanson et Vahlne (1977), trop centrée sur l’impact de l’expérience organisationnelle sur les efforts d’internationalisation, manque à expliquer pourquoi certaines firmes entrepreneuriales s’engagent tôt dans des activités au-delà des frontières nationales, ou pourquoi ces dernières progressent rapidement une fois que l’internationalisation a eu lieu. L’argument avancé par ces chercheurs est que l’entrepreneur ne passe plus par les étapes obligées du modèle d’Uppsala. Recourant à la théorie de la connaissance pour expliquer la croissance internationale des firmes entrepreneuriales, Autio, Sapienza et Almeida (2000) ont mis en évidence qu’une initiation à l’internationalisation dès le plus jeune âge, ainsi qu’une plus forte intensité de la connaissance, sont associées à une croissance internationale plus rapide de la firme. Donc, la poursuite très tôt d’une opportunité internationale induit un comportement entrepreneurial plus important et confère un avantage de croissance.

De ce point de vue, les travaux empiriques sur les EIRP tendent à montrer que ces entreprises appuient leur développement international sur une base forte de connaissances préalables – ou du moins construites pendant la phase initiale de création. Il peut s’agir de facteurs technologiques – capacités uniques (Aspelund et Moen, 2005 ; Knight et Cavusgil, 2004 ; Lopez, Kundu et Ciravegna, 2009) ou recherche et développement (Fernhaber, Gilbert et McDougall, 2008 ; Shrader, 2001) –, informationnels (Zhou, Wu et Luo, 2007), de marchés (Khavul, Pérez-Nordtvedt et Wood, 2010) ou d’intégration dans des réseaux (Al-Laham et Souitaris, 2008 ; Collinson et Houlden, 2005 ; Coviello, 2006 ; Fernhaber et McDougall-Covin, 2009 ; Lu et Beamish, 2001). Ils proposent ainsi un modèle entrepreneurial fondé d’abord sur la connaissance, qui représente une voie alternative à la construction par l’expérience telle qu’elle est définie dans le modèle d’Uppsala. Si les travaux empiriques semblent effectivement confirmer les arguments d’Oviatt et McDougall (1994) sur l’originalité des EIRP, cela ne veut cependant pas dire que les arguments de la théorie d’Uppsala deviennent automatiquement caducs. Une lecture attentive des travaux montrent la permanence de l’expérience, principalement au plan entrepreneurial. Autio, Sapienza et Almeida (2000), Collinson et Houlden (2005), et Reuber et Fischer (1997) introduisent avec un effet significatif le rôle de l’expérience internationale. Dans le cas des EIRP, plus qu’une disparition, il semble que le rôle de l’expérience tend à glisser du niveau organisationnel au niveau entrepreneurial, plutôt que de réellement disparaître. Ces liens entre connaissance et expérience n’ont cependant été encore qu’effleurés dans ces recherches. Nous ne pouvons que souhaiter que de futurs travaux contribuent à éclaircir les liens entre ces deux dimensions.

Il apparaît en effet utile de poursuivre les recherches sur le rôle de l’expérience internationale dans les processus d’internationalisation en approfondissant les deux niveaux d’expérience – individuel et organisationnel – et leurs interactions (Fan et Phan, 2007). Il s’agit, premièrement, d’explorer en quoi les EIRP bénéficient d’un effet d’apprentissage antérieur, déjà assumé par l’équipe entrepreneuriale et qui constitue un capital humain spécifique important. Coeurderoy, Davidsson et Tywoniak (2008) montrent de manière empirique, sur un échantillon de 466 cas d’EIRP, que le capital humain, en tant qu’expérience antérieure des fondateurs, est un facteur clé de succès pour les stratégies de croissance internationale d’une firme. Cet actif facilite grandement la pénétration de marchés étrangers, mais il apparaît aussi que son effet est plus important quand il est appuyé par une forte intention stratégique à l’internationalisation dès la création. Deuxièmement, il importe d’approfondir nos connaissances quant à la construction de l’expérience internationale en explorant différents champs. De Clercq, Sapienza et Crijns (2005) relèvent ainsi qu’il peut y avoir une phase d’expérimentation sur le marché domestique. Notons que la littérature révèle qu’un grand nombre d’EIRP se trouvent cantonnées à l’étape de l’exportation ou des réseaux intermédiaires et que très peu investissent. La question que nous nous posons est de savoir si la raison à cela réside dans le fait que les EIRP étudiées sont au début de leur processus d’internationalisation – processus qui, dès lors, pourrait tout à fait être le même que celui proposé par le modèle d’Uppsala -, ou si les EIRP analysées dans les travaux précités ne seraient finalement que des cas particuliers.

Ces questions, auxquelles nous ne prétendons pas apporter de réponse définitive, nous paraissent cruciales pour le développement de la théorie de l’entrepreneuriat international. Notre ambition, dans le cadre de cette contribution, est de réouvrir le débat sur l’applicabilité et l’apport de la théorie de l’apprentissage à la problématique des EIRP : selon notre opinion, en effet, si le modèle classique par étape ne permet pas véritablement de comprendre les EIRP, ses apports quant au rôle de l’expérience doivent être mieux exploités pour approfondir la spécificité de ces EIRP.

Conclusion et pistes de recherches futures

Après avoir retracé l’émergence de l’EIRP, nous nous sommes basés sur l’article fondateur d’Oviatt et McDougall (1994) pour identifier trois facteurs distinctifs du phénomène. Il s’agit, premièrement, de l’âge de l’EIRP au moment de son développement à l’international, deuxièmement, de la nature même de cette internationalisation et, troisièmement, de la nature de l’avantage concurrentiel de l’EIRP. Même si quelques nuances sont à apporter à la définition d’Oviatt et McDougall (1994), nous confirmons que ces critères permettent de considérer que l’« entreprise à l’internationalisation rapide et précoce » est bien un objet de recherche original. Nous l’avons défini comme une PME, 1) qui s’internationalise dès sa création, soit en moyenne trois ans après sa naissance juridique (pour un maximum de six années) ; 2) qui, passé ce laps de temps, est présente sur divers marchés étrangers (sans pour autant être nécessairement globale) ; 3) et dont l’avantage concurrentiel est fondé sur l’innovation. En contrepoint, il faut noter cependant que ces caractéristiques restent limitées à une sous-population spécifique de PME (technologiques/innovation), dont le nombre en valeur absolue reste limité en comparaison de la population totale des PME.

En revanche, l’analyse de la théorie de l’internationalisation par étapes nous a menés à la conclusion que l’originalité théorique requise, selon certains chercheurs, par la spécificité conceptuelle de l’objet reste encore objet de discussion. En ligne avec la proposition de Shrader, Oviatt et McDougall (2000), nous suggérons que, afin de préserver leur caractère explicatif, les approches par étapes soient étendues à et complétées avec d’autres perspectives dérivées des théories de l’entrepreneuriat. De ce point de vue, l’originalité théorique et empirique de l’EIRP demande encore à être développée pour pouvoir être véritablement affirmée. Le débat reste donc ouvert par rapport au paradigme dominant que représente le modèle d’Uppsala.

Suivant ces conclusions, nous ne pouvons qu’encourager que de futures recherches apportent des développements nécessaires à deux points de vue. Premièrement, nous voyons dans la spécification des liens entre expérience et connaissance une voie de recherche importante pour le développement de la théorie de l’entrepreneuriat international. Deuxièmement, une autre piste de recherche consiste en l’investigation de ces effets d’expérience et d’accumulation de connaissances tant au plan organisationnel qu’au plan entrepreneurial.