EntretienInterview

Enjeux du système de revenus de retraite au Canada et au QuébecEntretien avec Frédéric Hanin, professeur au département des relations industrielles, Université Laval Challenges of the Pension Income System in Canada and Quebec [Record]

  • Diane-Gabrielle Tremblay

Interventions économiques : Frédéric Hanin, vous avez contribué à la création de l’Observatoire de la retraite, quelles sont les grandes tendances actuelles sur le plan de l’âge de la prise de retraite au Québec, par rapport à d’autres pays ? Historiquement le Québec avait un taux d’activité pour les personnes de plus de 55 ans plus faible que certains pays comme le Japon, Les États-Unis et les pays nordiques, mais plus élevé que des pays européens comme la France ou la Belgique. Où en est-on aujourd’hui ? Frédéric Hanin : On peut tout d’abord se demander si l’âge moyen et le taux d’activité sont de bons indicateurs pour évaluer l’insertion sociale des personnes de plus de 55 ans. Dans certains pays, le taux de chômage des « séniors » était historiquement plus élevé que dans d’autres, comme le Canada, dans lesquels la discrimination en emploi selon l’âge était beaucoup moins présente. L’Observatoire de la retraite a publié un document qui résume bien à mon avis les difficultés liées à l’interprétation de l’âge moyen de retraite. J’ai une préférence pour une analyse socio-économique plus large afin d’aborder les enjeux de la retraite, même si je reconnais volontiers que les outils statistiques ne sont pas toujours disponibles pour être en mesure d’évaluer les choix et les trajectoires socioéconomiques des pays, et ce même si l’on s’en tient à ceux de l’OCDE pour lesquels une réelle volonté de comparabilité statistique existe. Dans les indicateurs de l’emploi des séniors, on trouve désormais par exemple le rapport entre l’emploi et la population pour évaluer la participation d’un groupe d’âge à la production de revenus, signe que l’indicateur traditionnel du taux d’activité est sûrement insuffisant. L’enjeu n’est d’ailleurs pas uniquement statistique, il est également politique. À quoi sert l’insertion en emploi ou son contraire l’exclusion ? Dans certains pays, l’emploi est une condition nécessaire pour éviter la pauvreté, alors que dans d’autres c’est davantage une forme de valorisation sociale à travers la reconnaissance de l’expérience, avec des taux d’emploi qui peuvent être comparables dans les deux cas. Il faut donc être prudent lorsque l’on utilise des statistiques de l’emploi sorties du contexte des politiques publiques. Dans le cas de la retraite, c’est particulièrement important, car c’est une question transversale (multidisciplinaire), qui touche toute la population, mais dont il est difficile de découper précisément les contours une fois pour toutes. Pour ma part, j’essaie de croiser trois niveaux d’analyse en lien avec l’emploi : Cette façon de présenter les choses laisse évidemment dans l’ombre des aspects importants de la retraite qui sont notamment ceux de la démographie associée au vieillissement de la population, à la préparation à la retraite, des comportements individuels vis-à-vis de l’épargne et de la prise en compte de la santé ou de la dépendance en fonction de l’âge. Elle permet néanmoins d’aborder plus facilement les enjeux associés aux politiques publiques de l’emploi. Des statistiques comme le ratio emploi sur population, le taux d’activité ou encore le taux d’emploi sont importantes pour les politiques publiques, car on les associe généralement à la richesse par habitant à travers une identité comptable basée sur quatre indicateurs : le ratio de la population en âge de travailler sur la population totale, le taux d’emploi, la durée moyenne du travail, et la productivité horaire de la main-d’œuvre. Le taux d’activité des personnes de plus de 65 ans varie entre environ 5 pour cent (pour un pays comme l’Italie par exemple) et plus de 20 pour cent (pour un pays comme la Suède ou encore le Japon). Le Canada se situe autour de la moyenne des pays de l’OCDE …

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