L’intégration africaine : l’état de l’Union, 60 ans après African Integration 60 Years Later: Crossed Perspectives  [Record]

  • Charlie Mballa and
  • Félix Zogning

Ce numéro thématique de la Revue Interventions Économiques se situe presque à mi-chemin entre la création de l’Organisation de l’Union Africaine (OUA) et le centenaire des indépendances en Afrique. Il s’apparente à une évaluation mi-parcours d’un méga projet du continent, celui de l’unité, de la souveraineté et du développement. Il dresse ainsi le bilan et trace les perspectives d’une Afrique qui aspire à des coopérations qui tiendront compte de ses intérêts économiques et sécuritaires. L'histoire économique montre et démontre que depuis le XIIIe siècle, un rapport de force existe entre le Nord et le Sud justifiant le retard de ce dernier. Ce rapport de force est né avec la révolution industrielle, le monde étant un bloc unique auparavant. Cependant, certains pays et certaines régions du monde ont pu s’affranchir de ce déséquilibre. Comment expliquer que l’Afrique soit restée toujours à la traine ? Plusieurs facteurs expliquent cette situation. Le manque d’industrialisation, la faiblesse des institutions, la dépendance aux matières premières, le déficit démocratique et la gouvernance, etc. On ajoute à cela, l’héritage colonial qui pèse toujours sur l’essor de l’Afrique et qui est accentué par l’irresponsabilité de ses élites et la primauté de leurs intérêts personnels, et bien sûr les instabilités politiques qui entravent non seulement la gouvernance nationale, mais aussi l'intégration régionale et continentale. Contestant le monopole ibérique et portugais sur le commerce maritime, les français, les Anglais et les Hollandais commencent à partir du XVe siècle à conquérir le monde et à se partager les colonies. L’Afrique a été au cœur de ce partage. L’unité politique et l’intégration économique que l’Afrique connaissait avant ces colonisations ont disparu. Cette disparition s’est opérée à travers un morcèlement de l’espace politique et un démantèlement des empires et des royaumes anciens. À ce démantèlement se substitue un rassemblement administratif en subdivisions, cercles et territoires, selon un système pyramidal centralisé autour du gouverneur général et unifié par une législation qui tend à transcender les particularismes coutumiers (Ekanza, 2006). Les intérêts économiques du colonisateur ont été privilégiés au détriment des solidarités entre les peuples, des homogénéités culturelles et des activités économiques. Les colonisateurs français et anglais agissaient selon le même schéma : servir leurs intérêts. L’Angleterre a procédé par une désindustrialisation des colonies anglaises les contraignant d'abandonner leurs industries et d'importer des produits industriels anglais. En Afrique francophone, les dynamiques économiques antérieures et la fluorescence du commerce intra continent ont été compromises par le colonisateur français. Le Sahel, qui représentait la plaque tournante de ce commerce, a perdu toute sa puissance. Les produits de consommation, autrefois fournis sur le marché régional, ont été soumis à une rude concurrence à la faveur des produits d’importation acheminés à travers l’océan. Les relations Europe-Afrique se sont substituées aux relations Afrique-Asie. Une culture du travail et de l’asservissement a été inculquée aux peuples africains par les colonisateurs. Ces derniers profitaient ainsi des richesses naturelles du continent et exploitaient sa main-d’œuvre. Le centre et le sud de l’Afrique furent le théâtre de l’exploitation minière. Des produits agricoles fournis par des propriétaires terriens africains par la force étaient exportés à l’état brut. Plus tard, dans le cadre d’un mouvement d’expropriation sur les hautes terres du Kenya, au Congo belge et au Cameroun, les exploitants africains se réduisaient à de simples travailleurs au profit des colons. Cette situation s’est aggravée par les catastrophes naturelles (sècheresse), la famine et la propagation des maladies graves et contagieuses. La fracture du Nord et les horreurs commises par les Européens durant le premier conflit ont désillusionné les Africains sur cette prétendue civilisation de l’Europe. La crise de 1929 et la Deuxième Guerre …

Appendices