Simplicité et complexité des crises à la lumière du paradigme de la complexité d’Edgar Morin Simplicity and Complexity of Crises in the Context of the Paradigm of Complexity of Edgar Morin [Record]

  • Nadia Lazzari Dodeler,
  • Marie-Noëlle Albert and
  • Diane-Gabrielle Tremblay

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  • Nadia Lazzari Dodeler
    Professeure titulaire en gestion des personnes en milieu de travail, Université du Québec à Rimouski, Nadia_Lazzaridodeler@uqar.ca

  • Marie-Noëlle Albert
    Professeure titulaire en gestion des personnes en milieu de travail, Université du Québec à Rimouski, Marie-Noelle_Albert@uqar.ca

  • Diane-Gabrielle Tremblay
    Professeure, École des Sciences de l’Administration, Université TÉLUQ, directrice de l’ARUC-GATS, titulaire de la chaire de recherche sur les enjeux socio-organisationnels de la société du savoir, Montréal, Canada, diane-gabrielle.tremblay@teluq.ca

Notre siècle a traversé des guerres, des crises économiques, politiques, culturelles, écologiques, sociales, sanitaires, qui s’enchaînent, se combinent, se percutent, se relient comme l’indique le sociologue et philosophe français Edgar Morin (Morin et Abouessalam, 2020). Le concept de crise est riche, complexe et composé d’une constellation de concepts (Morin, 2012). Étymologiquement, le mot « crise » vient du grec « krisis » signifiant décision. Ainsi, il s’agissait du moment décisif lors d’un processus incertain qui permet le diagnostic (Morin, 2012). Tandis que de nos jours, ce mot est synonyme d’indécisions, de perturbations d’où surgissent les incertitudes (Morin, 2012). En outre, dans la culture chinoise, le mot crise « wēi ji » est composé de deux mots contradictoires : « wēi » désigne le danger et « ji » désigne l’opportunité. La crise n’est donc pas seulement une menace, c’est également une occasion d’évolution. Elle peut permettre aux personnes de profiter de cette opportunité pour se remettre en question et avancer (Heiderich, 2006). Ce numéro de revue s’intéresse donc à la pensée d’Edgar Morin, sur la question des crises, mais sur d’autres thèmes aussi, et nous souhaitons surtout nous intéresser au concept de la pensée complexe, largement développé chez Edgar Morin. Nous souhaitons notamment comprendre les crises et autres phénomènes sociaux à la lumière de la pensée complexe. Cette pensée diffère de la manière d’employer le mot « complexe » dans la vie quotidienne. En effet, ce mot est souvent utilisé pour désigner confusion, embarras et incapacité à décrire un phénomène (Morin, 2014). En 1960, Edgar Morin se rend en Amérique latine pour enseigner, durant deux années. C’est sur ce continent que naîtront les fondements de son concept de pensée complexe. Plus tard, la pensée complexe verra le jour à travers un ouvrage de six tomes, intitulé "La méthode". Cet ouvrage constitue l'œuvre majeure d'Edgar Morin. Elle est traduite en vingt-sept langues et publiée dans quarante-deux pays. Comment penser la complexité ? Pour penser la complexité Morin dénonce le « paradigme de simplification », qui réduit et disjoint les objets; qui détruit les ensembles, dissocie les objets de leur environnement, omet le lien entre l’observateur et la chose observée (Vallejo-Gomez, 2008). Il veut remplacer cette pensée simplifiante qu’il ressent comme la barbarie de la science, la barbarie de notre civilisation (Morin, 1981, p.387) par le « paradigme de complexité » (Morin, 1995, p. 106). En opposition à ce mode de pensée simplifiante qui découpe les champs de connaissances en disciplines et les compartimente, la pensée complexe est une manière d’appréhender le monde, ce que Morin qualifie de mode de reliance c’est-à-dire d’une pensée qui ne sépare pas, mais qui préfère rendre solidaires les personnes, les éléments, les idées, les disciplines, les concepts. « La notion de reliance, inventée par le sociologue Marcel Bolle de Bal, comble un vide conceptuel en donnant une valeur substantive à ce qui n’était conçu qu’adjectivement, et en donnant un caractère actif à ce substantif. « Relié » est passif; « reliant » est participant, « reliance » est activant. On peut parler de « déliance » pour l’opposé à « reliance » (Morin 2004, p. 239). Morin (2004) explique que même si la civilisation occidentale favorise la séparation plutôt que la reliance (acte de relier, de créer des liens entre des personnes ou des systèmes) cette reliance serait devenue indispensable que ce soit comme complément à l’individualisme ou pour accepter les incertitudes de ce monde. Ainsi, pour penser la complexité il faut modifier nos schémas mentaux, changer de paradigme en passant de la pensée simplifiante à la pensée complexe. Morin précise que « La pensée complexe …

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