Abstracts
Résumé
Un trompe-l’oreille est une entité sonore captieuse dont la principale caractéristique repose sur une disjonction entre sa structuration (comment elle est réalisée) et sa réception (comment elle est perçue). Dans cet article, l’auteur s’intéresse principalement aux patterns résultants qui sont des motifs mélodiques et/ou rythmiques issus de regroupements opérés par la perception sur les stimuli acoustiques provenant d’une ou plusieurs strates sonores ; la production de ces patterns et leurs répercutions auditives sont abordées à travers des exemples musicaux variés comme les polyphonies traditionnelles d’Afrique centrale ou les oeuvres de György Ligeti, Terry Riley et Steve Reich. L’auteur expose également quelques effets rythmiques que seule la précision des ordinateurs autorise, tels que les pulsations infinies ou paradoxales confectionnées par Jean-Claude Risset ou encore le ralentissement perpétuel mis en oeuvre par Autechre dans une de ses compositions. Il s’agit de montrer, à travers ce parcours musical, que des rythmes peuvent en cacher d’autres.
Abstract
A trompe-l’oreille is a misleading acoustic entity whose main characteristic is the disconnect between its construction (how it was produced) and its reception (how it was perceived). In this paper, the author focuses mainly on the melodic and/or rhythmic patterns that are the result of the perceptive reorganization of acoustic stimuli from one or several musical layers. The production and auditory consequences of such patterns are discussed via a selection of musical examples including ethnic music from Central Africa and the compositions of György Ligeti, Terry Riley and Steve Reich. The author also examines the specificity of computer-generated rhythmic effects, such as Jean-Claude Risset’s infinite and paradoxical beats or the endless deceleration in Autechre’s work. This musical investigation aims to demonstrate how one rhythm can conceal another.
Article body
Le rythme ne découle pas exclusivement de l’organisation des durées affectées aux sons et aux silences mais dépend aussi de la différenciation des hauteurs, des accents, des timbres… au sein des séquences sonores. « Analyser le rythme, c’est analyser la musique dans son ensemble, car […] le rythme est toujours lié aux autres dimensions[2] », résume Kofi Agawu. Ce texte ne prétend pas être une étude sur le rythme, terme que nous employons d’ailleurs au sens large pour évoquer différentes notions musicales liées à l’organisation temporelle des stimuli acoustiques[3]. Notre objectif est de familiariser le lecteur avec quelques structures et articulations rythmiques d’apparence trompeuse qui sont, en ce sens, des sortes de trompe-l’oeil pour l’audition, soit des trompe-l’oreille. Cette expression, utilisée par le musicologue Joseph Häusler pour dépeindre la musique de György Ligeti[4], désigne ici une séquence musicale caractérisée par une disjonction entre la façon dont elle est jouée (sa production) et la façon dont elle est perçue auditivement (sa réception). En proposant quelques exemples représentatifs de trompe-l’oreille rythmiques, nous souhaitons expliciter quelques-uns des stratagèmes permettant leur construction et signaler leurs implications perceptives.
Nous introduirons dans un premier temps la notion de pattern résultant, structure mélodique et/ou rythmique qui résulte d’un tri opéré par le système perceptif sur l’ensemble des stimuli acoustiques. Nous illustrerons la nature captieuse de ces patterns en abordant successivement les polyphonies traditionnelles d’Afrique centrale, la musique de György Ligeti (1923-2006) et celle des compositeurs minimalistes tels que Terry Riley (né en 1935) ou Steve Reich (né en 1936) ; nous verrons ainsi comment la formation de ces patterns au sein d’une pulsation parfaitement régulière engendre des structures polyrythmiques irrégulières ainsi que des fluctuations apparentes du tempo. Enfin, nous nous intéresserons à l’utilisation des nouvelles technologies dans la conception de trompe-l’oreille rythmiques ; nous aborderons dans ce contexte les pulsations infinies et paradoxales que Jean-Claude Risset (né en 1938) a synthétisées par ordinateur et l’effet de ralentissement sempiternel obtenu par Autechre à partir d’une cellule rythmique mise en boucle. Pour rendre ces trompe-l’oreille plus « parlants », nous avons cherché, dans la mesure du possible, à les représenter visuellement avec le concours de Karen Brunel-Lafargue. Nous invitons par ailleurs les lecteurs à se référer aux enregistrements sonores et sites Internet mentionnés pour écouter les exemples décrits au cours de cet article.
Les patterns résultants : sous-produits perceptifs issus de la réorganisation des stimuli acoustiques
Pour qu’il y ait un rythme, souligne l’ethnomusicologue Simha Arom[5], il faut nécessairement que des événements sonores successifs soient caractérisés par des traits qui les opposent, opposition pouvant se manifester de trois façons distinctes : « par le biais de l’accentuation, de la modification de timbre, de l’alternance des durées[6] ». Selon ces critères émergent des figures rythmiques induites par la formation de flux auditifs. Stephen McAdams définit le flux auditif comme « une représentation psychologique d’une séquence de sons qui peut être interprétée comme un tout, puisqu’elle possède une certaine logique ou continuité interne[7] ». De nombreuses recherches ont été menées sur la formation de tels flux et, plus généralement, sur l’analyse des scènes auditives (ASA), nom donné par Albert Bregman pour décrire l’ensemble des mécanismes auditifs mis en jeu dans l’organisation des multiples stimuli acoustiques qui parviennent à nos oreilles[8]. En jouant de manière plus ou moins consciente avec ces mécanismes, les compositeurs sont en mesure de produire des motifs dits de second ordre, non parce qu’ils sont moins importants mais parce qu’ils découlent de groupements perceptifs et sont, en ce sens, des sous-produits de la perception. Ces patterns tantôt qualifiés de virtuels, tantôt d’implicites ou d’imaginaires, ne sont pas produits individuellement de manière isolée mais résultent d’un tri perceptif. C’est pourquoi nous préférons parler de patterns résultants, expression d’ailleurs couramment employée par les compositeurs minimalistes et plus particulièrement par Steve Reich dans ses écrits ou ses partitions, comme nous le verrons plus loin. Les patterns résultants sont aussi bien produits par le mélange de plusieurs séquences (strates) sonores que par la scission de certains éléments au sein d’une séquence. Par exemple, une suite de hauteurs est souvent perçue comme une entité temporelle cohérente appelée mélodie : les sons (notes) qui la composent forment un unique flux auditif. Mais une suite de hauteurs peut aussi engendrer d’autres percepts induits par le groupement de certains stimuli en fonction de critères acoustiques spécifiques (similarité des timbres ou des amplitudes, proximité des hauteurs, etc.). La séquence initiale apparaît alors scindée en plusieurs flux auditifs concomitants caractérisés par leurs patterns résultants, phénomène que nous tentons d’illustrer visuellement en entrelaçant les lettres appartenant à deux mots distincts (Fig. 1)[9].
Les effets de ségrégation dans le domaine de l’audition ont fait l’objet de nombreuses études scientifiques. Explorés musicalement depuis des siècles, ils permettent, entre autres, de produire une polyphonie à partir d’une suite monodique de notes[10]. Pour favoriser la ségrégation mélodique, il faut par exemple alterner rapidement et régulièrement des notes graves et aiguës : la séquence est alors scindée en deux flux auditifs, l’un composé des notes graves et l’autre des notes aiguës[11]. Outre l’illusion de polyphonie, cette ségrégation produit souvent un ralentissement apparent du tempo, car la pulsation de base est alors assimilée à celle des flux qui comprennent une note sur deux de la séquence monodique initiale.
Si une séquence monodique de sons peut à elle seule produire des patterns résultants liés à la formation de flux auditifs, la superposition de plusieurs séquences autorise la démultiplication et la complexification de ces patterns. Dans les oeuvres contrapuntiques, l’interaction des voix est minimisée de sorte à ce que la musique soit perçue comme une superposition de voix distinctes. Inversement, dans d’autres musiques, le mélange osmotique des différentes voix s’avère volontaire et a pour objectif de privilégier la perception des patterns mélodico-rythmiques résultants au détriment des voix individuelles, comme nous allons le voir dans les exemples suivants.
La complexité rythmique des polyphonies traditionnelles d’Afrique centrale
La superposition de plusieurs strates sonores est susceptible de produire des patterns mélodiques et/ou rythmiques qui résultent de groupements particuliers entre les stimuli issus des différentes strates. Dans les polyphonies traditionnelles d’Afrique centrale, la structuration temporelle des voix tient une place prépondérante et assure une organisation rythmique d’une extrême complexité que l’ethnomusicologue Simha Arom a analysée en profondeur[12].
S’il nous fallait, en quelques mots, qualifier les musiques centrafricaines, on pourrait les définir comme des ostinatos à variations. En effet, à de très rares exceptions près, toutes les pièces musicales s’y caractérisent par une structure cyclique, répétitive, qui engendre de nombreuses variations improvisées ; le foisonnement de ces dernières est souvent tel qu’on a l’impression d’être en présence d’une musique de développement, ce qui n’est pas le cas. Répétition et variation comptent parmi les principes fondamentaux de ces musiques, comme de bien d’autres en Afrique noire[13].
Pour illustrer concrètement le caractère trompe-l’oreille des rythmes produits dans les polyphonies africaines, nous décrirons brièvement le morceau SSematimba ne Kikwabanga que propose Bregman sur son site[14] : bien qu’assez simple dans sa construction (entrelacement de deux motifs comprenant chacun 18 notes régulières), cet exemple permet d’apprécier les implications musicales qu’entraîne la formation de patterns résultants. SSematimba ne Kikwabanga, originellement enregistré par Ulrich Wegner en Ouganda, a été reconstruit à partir des échantillons sonores de l’amadinda, un xylophone africain comportant douze lames de bois, chacune produisant une hauteur différente. Le premier motif constitué de 18 notes régulières est d’abord entendu seul. Le second motif, qui comprend lui aussi 18 notes tout aussi régulières, est alors intercalé à l’intérieur du premier afin que les deux motifs soient désynchronisés d’une demi-pulsation. Il devient, à partir de cet instant, impossible de suivre individuellement les motifs initiaux, car la perception tend à regrouper les notes aiguës, d’une part, et graves, d’autre part, en deux flux auditifs distincts. L’aspect irrégulier des rythmes résultants peut paraître trompeur lorsqu’on sait que la séquence mise en boucle est une succession parfaitement régulière de 2 x 18 = 36 notes.
What is striking about most of these instrumental traditions is the difference between what is played and what is heard. While the musicians, of course, know about the constituent parts of a composition, the listener’s perception is guided to a great extent by the auditory streaming effect. What aids the emergence of auditory streams is the fact that with the basic playing technique, an absolute equilibrium [equalization] of all musical parameters except pitch is intended. Synthesized amadinda music played by a computer, with machine-like precision, received highest ratings by musicians from Uganda[15].
L’apparition de ces nouveaux patterns est liée à la similitude des sons qui composent les deux motifs initiaux. Si ces motifs étaient interprétés dans des tessitures éloignées ou selon des timbres différents, ou s’ils étaient émis en deux points distants de l’espace, ils seraient différenciés à l’écoute et ne produiraient plus de patterns résultants[16]. Quelques compositeurs furent profondément marqués par la découverte des polyphonies africaines et des perspectives rythmiques qu’elles offraient. Dans ses trois livres d’études pour piano (1985, 1988-1994, 1995-2001), György Ligeti a ainsi développé une nouvelle forme d’articulation rythmique extrêmement complexe, reflet de ses connaissances du gamelan javanais et balinais[17] d’une part, et des musiques centrafricaines d’autre part. Cette articulation « n’a rien ‘‘d’africain’’ », précise le compositeur[18], mais « utilise une pensée/technique qui provient de la musique africaine[19] ». Ligeti s’est intéressé aux structures rythmiques de second ordre dès les années 1960, époque à laquelle « l’utilisation obsédante de mécanismes qui se détractent […] montre l’importance que revêt pour le compositeur la question d’une musique-machine[20] ». À travers deux oeuvres emblématiques de ce style (Poème symphonique pour 100 métronomes et Continuum pour clavecin), nous allons voir comment les patterns résultants produisent des fluctuations illusoires du tempo et de singulières polyrythmies.
Poème symphonique pour 100 métronomes (1962) et Continuum (1968) pour clavecin de György Ligeti
Le Poème symphoniquepour100 métronomes, assimilé à un happening en raison de son caractère humoristique, n’en est pas moins une oeuvre sérieuse au regard de sa complexité rythmique. « Les décalages et transformations dus à la superposition de différents tempi, ainsi que les illusions d’accélération et de ralentissement qui en résultent auront une influence capitale sur la conception rythmique de certaines oeuvres ultérieures[21] », explique Pierre Michel.
Les métronomes mécaniques sont remontés identiquement (quatre demi-tours assurent une prestation entre 15 et 20 minutes) et ajustés à des tempi répartis entre 144 et 50 battements par seconde, avec tous les degrés intermédiaires possibles. Les métronomes sont ensuite déclenchés tous ensemble par plusieurs personnes. Au début, les pulsations s’agencent par paquets et forment un ruban sonore fluctuant. Puis des patterns rythmiques de plus en plus nets apparaissent au fur et à mesure que le nombre de métronomes en action diminue (les métronomes ajustés aux vitesses les plus élevées sont les premiers à s’arrêter). L’irrégularité des patterns et leur transformation perpétuelle nous font oublier que cette (dés)organisation rythmique est produite par des strates de pulsations parfaitement régulières. Souvent, des patterns moins chaotiques émergent tels une succession plus ou moins uniformément accélérée ou ralentie de battements : ces salves procurent alors des fluctuations apparentes du tempo global[22]. Dans la notice de la partition, Ligeti décrit le cheminement musical de cette oeuvre atypique :
La pièce entière est une grande courbe, un seul diminuendo rythmique. Au début il y a tant de métronomes tictaquants que le son qui en résulte nous semble continu. L’arrêt des premiers métronomes cause un amincissement de ce son statique égal, permettant à des rythmes complexes de se développer à l’intérieur du ruban sonore. Plus le nombre d’instruments qui s’arrêtent l’un après l’autre croît, plus les structures rythmiques se distinguent : un décroissement de la complexité amène une plus grande différenciation rythmique. […] L’idée formelle de la pièce est celle d’une interaction entre les rythmes individuels périodiques déterminés et une structure polyrythmique générale très complexe[23].
Si dans le Poème symphonique pour 100 métronomes, les déformations chimériques du tempo sont bien présentes, elles n’en sont pas moins aléatoires. En revanche dans Continuum pour clavecin, Ligeti joue consciemment sur la ségrégation en flux auditifs pour produire un éventail varié de trompe-l’oreille. Cette oeuvre a fait l’objet de nombreuses analyses musicales[24], dont une qui se concentre plus spécifiquement sur l’organisation des flux auditifs[25]. Nous n’abordons ici que très partiellement Continuum, notre objectif étant d’expliquer comment le compositeur parvient, à partir d’une succession rigoureuse et systématique de croches jouées selon un tempo immuable, à procurer une fois de plus des rythmes irréguliers et des fluctuations apparentes du tempo.
Continuum se joue sur un clavecin comportant deux claviers[26] ; l’interprète place une main sur chaque clavier et répète des formules de deux à cinq notes successives prestissimo (« extremely fast, so that the individual tones can hardly be perceived, but rather merge into a continuum[27] »). L’auditeur, d’abord surpris par cet effet de continuité, découvre progressivement la complexité rythmique d’une oeuvre dont le matériau se résume pourtant à une succession inaltérable et mécanique de croches jouées simultanément aux deux mains (Fig. 2). La discordance entre la notation et le rendu sonore est radicale, car la répétition de certaines hauteurs entraîne la formation de flux auditifs suscitant « l’apparition de structures rythmiques qui ne sont pas écrites comme on les entend[28] » (Fig. 3)[29].
Here what you perceive as rhythm is not rhythm coming from the succession of notes your fingers play. The actual rhythm of the piece is a pulsation that emerges from the distribution of the notes, from the frequency of their repetitions[30].
Selon Richard Steinitz, il existe dans le Continuum trois niveaux rythmiques qu’il décrit de la manière suivante :
The foreground pulses clatter incessantly. A secondary level relates to the rate at which the patterns repeat. This varies according to the number of pitches in each pattern : i.e. patterns containing few notes repeat more frequently ; those with more notes repeat less frequently. Then there is the speed at which the pitch choices (rather than their quantity) change. The pace of such harmonic change results in a corresponding third-level rhythm[31].
L’augmentation ou la diminution de la fréquence de répétition d’une note au sein d’un pattern (rythme de niveau 3) produit des fluctuations apparentes du tempo global[32]. L’apparition simultanée de patterns ayant des fréquences de répétition distinctes (rythme de niveau 2) génère une superposition de strates qui semblent totalement indépendantes du point de vue rythmique comme si chacune d’elle était jouée de manière individuelle par un interprète suivant sa propre pulsation. Alors que Ligeti composait le Continuum pour clavecin, les compositeurs minimalistes états-uniens exploraient eux aussi, à leur manière, l’incroyable potentiel musical des patterns résultants en juxtaposant sur une pulsation constante des motifs répétés en boucle.
Le foisonnement des patterns résultants dans les musiques minimalistes
La musique minimaliste a émergé aux États-Unis dans les années 1960 sous l’impulsion de La Monte Young (né en 1935). Ses caractéristiques essentielles sont la « réduction délibérée et souvent radicale du matériau compositionnel à travers des schémas harmoniques simples, déduits de l’univers tonal ou modal, des formules rythmiques fondées sur la prégnance d’une pulsation, et des variations plus ou moins insensibles ou progressives à partir d’éléments sonores de base[33] ». Le courant dit répétitif développé autour de Terry Riley, Steve Reich et Philip Glass est la facette la plus connue du minimalisme[34]. Construites autour de la répétition et la superposition de formules mélodico-rythmiques au sein d’une pulsation constante, les musiques répétitives proposent une grande variété de patterns résultants. Dans In C (1964), pierre angulaire du courant répétitif, Terry Riley compose cinquante-trois cellules musicales que chaque interprète est invité à répéter plusieurs fois avant de passer à la suivante.
Patterns are to be played consecutively, with each performer having the freedom to determine how many times he or she will repeat each pattern before moving to the next. There is no fixed rule as to the number of repetitions a pattern may have, however, since performances normally average between 45 minutes and an hour an a half, it can be assumed that one would repeat each pattern somewhere between 45 seconds and a minute and ½ or longer[35].
Les configurations imprévisibles entre ces cellules assurent un renouvellement constant et progressif du contrepoint qui engendre différents percepts : polyphonie de voix, patterns résultants, texture sonore, jeux d’échos… Steve Reich était parmi les quatorze musiciens qui ont créé, le 4 novembre 1964, cette oeuvre emblématique de l’esthétique minimaliste. Selon Paul Hillier, il ne fait aucun doute que sa participation à ce projet fut déterminante dans le développement de son propre travail compositionnel[36]. Dans It’s Gonna Rain (1965), Reich inaugure la technique de déphasage graduel qui consiste à superposer deux fois le même motif (ici un fragment de voix enregistrée sur bande) tout en décalant très progressivement ces deux copies jusqu’à l’exploration successive de tous les canons possibles d’un rythme avec lui-même. Si l’idée de recourir à des répétitions constantes à partir de boucles s’est affirmée après la première exécution de In C, ce sont en revanche les possibilités techniques offertes par les bandes magnétiques qui ont contribué de manière décisive à la mise en place du processus de déphasage graduel.
My problem was then to find some new way of working with repetition as musical technique. My first thought was to play one loop against itself in some particular relationship, since some of my previous pieces had dealt with two or more identical instruments playing the same notes against each other. In the process of trying to line up two identical tape loops in unison in some particular relationship, I discovered that the most interesting music of all was made by simply lining the loops up in unison, and letting them slowly shift out of phase with each other. As I listened to this gradual phase shifting process, I began to realize that it was an extraordinary form of musical structure[37].
Dans la seconde partie de It’s Gonna Rain[38], Reich « a cherché le moyen de dévier le principe de déphasage afin d’éviter le retour sur elle-même de la musique, au profit d’une transformation continue et irréversible[39] ». Il interrompt le processus à un instant où le décalage entre les deux boucles produit un effet rythmique qu’il considère intéressant. Après avoir mixé les deux voix, il obtient une nouvelle boucle qui est à son tour sujette au processus de déphasage graduel. Ce travail compositionnel est à la base de Come Out (1966), oeuvre réalisée sur bande à partir du fragment vocal beaucoup plus court « Come out to show them » dont la carrure rythmique et mélodique, fortement marquée, facilite la production de patterns résultants que Jérôme Baillet a méticuleusement analysés et transcrits[40]. En 1967, Reich transpose ses expériences sur bandes dans le domaine instrumental d’abord, dans Piano Phase (1967), puis dans Violin Phase (1967) :
This piece was basically an expansion and refinement of Piano Phase in two ways. First, there were four voices moving against each other instead of only two, as in Piano Phase ; second, and perhaps more important, I became clearly aware of the many melodic patterns resulting from the combination of two or more identical instruments playing the same repeating pattern one or more beats out of phase with each other[41].
Jusqu’à Drumming (1971) pour neuf percussionnistes, deux ou trois chanteurs et un flûtiste (piccolo), Reich recourt systématiquement au processus de déphasage graduel et souligne la présence des patterns résultants dans les périodes stables durant lesquelles les différentes voix sont homorythmiques. Cette approche de l’organisation rythmique n’est pas sans rappeler les polyphonies africaines évoquées précédemment (Reich a d’ailleurs séjourné au Ghana, durant l’été 1970, pour étudier les percussions avec un maître tambour de la tribu Ewe[42]). Pour orienter l’attention des auditeurs vers des patterns spécifiques, certains musiciens abandonnent le motif initial et jouent le pattern en question. Comme dans Drumming, par exemple, le compositeur précise quelques-uns de ces patterns mais laisse aussi des portées vierges de sorte que les interprètes puissent noter eux-mêmes les patterns qu’ils souhaitent faire ressortir (Fig. 4)[43].
This one quarter note out of phase relationship is maintained by drummers one and two while drummers three and four sing and/or play patterns they hear clearly emerging from the combination of the first two drummers. Two of these resulting patterns are written out above at A and B but others can be added or substituted in the blank bars. […] After all the resulting patterns have been sung, and/or played, drummer two once again slightly increases his tempo so that he slowly moves another quarter note ahead of drummer one[44].
L’ensemble des trompe-l’oreille rythmiques que nous avons abordés jusqu’ici sont liés à la formation de patterns résultants issue de la ségrégation et du regroupement des stimuli par le système auditif. Mais il existe d’autres trompe-l’oreille rythmiques qui correspondent en quelque sorte à des objets sonores impossibles. Dans la dernière partie de ce texte, nous nous intéressons à la réalisation de quelques-uns de ces trompe-l’oreille indissociables des progrès technologiques.
Des configurations rythmiques impossibles
Les travaux de Jean-Claude Risset se situent de manière constante à l’interface entre science et art. « La transversalité entre musique, science et technologie est au coeur du travail créateur de Risset. Il est tout à la fois un chercheur, un compositeur […] et un scientifique de renommée internationale[45] », résume Vincent Tiffon. La musique de Risset, qu’elle soit instrumentale, mixte (alliant instruments et sons diffusés par haut-parleur) ou entièrement synthétisée par ordinateur, met en scène de nombreux trompe-l’oreille auditifs apportant un regard nouveau sur les mécanismes de la perception.
Le développement des ressources musicales de la synthèse et du traitement numérique de sons est inséparable d’une recherche sur les caractéristiques de l’audition, sur ses processus d’identification des entités sonores successives et simultanées, sur son appréhension des hauteurs, des rythmes et des timbres, sur la connaissance de ses régions sensibles, de ses zones « érogènes », de ses exigences spécifiques pour que le son paraisse doté d’une vie, d’une allure, d’une identité, d’une richesse proprement musicales. À partir de cette compréhension, le musicien peut ruser et jouer sur les mécanismes perceptifs pour faire surgir des phénomènes sonores ne correspondant à aucune réalité dans d’autres modalités sensorielles – un phénochant sans génochant, aurait dit Roland Barthes – mais néanmoins présents et prégnants[46].
En 1957, Max Mathews (né en 1926) met au point, au sein des laboratoires Bell aux États-Unis, le premier programme informatique de synthèse sonore. De brillants chercheurs, dont Roger Shepard et Jean-Claude Risset, rejoignent l’équipe de Mathews. En 1963, Shepard réalise un équivalent auditif à l’escalier perpétuel de Penrose[47] (Fig. 5) en synthétisant douze sons qui, répétés en boucle, engendrent une gamme chromatique infinie car paraissant monter (ou descendre) infiniment. Pour cela Shepard construit des sons complexes dont la structure spectrale correspond à un empilement d’octaves, ce qui a pour effet de rendre la tessiture de chaque son ambiguë (il est difficile d’estimer à quelle octave se situe la note)[48]. En 1967, Risset réalise une version continue de cette illusion ainsi que des glissandi paradoxaux, soit des sons qui montent continûment dans les aigus mais qui se retrouvent finalement plus graves à la fin[49]. Si nous évoquons ainsi ces trompe-l’oreille de hauteur, c’est parce que Risset est parvenu à les transcrire dans le domaine rythmique.
Comment produire une pulsation qui semble aller de plus en plus vite et cela de manière infinie ? Kenneth Knowlton (né en 1931), plus connu pour ses travaux dans le domaine des images de synthèse que dans celui des sons de synthèse, est le premier à avoir synthétisé une telle supercherie au début des années 1970, rappelle Risset[50]. Le principe consiste à superposer plusieurs strates de pulsations en contrôlant de manière totalement indépendante la fréquence (nombre de pulsations par seconde) et l’amplitude (niveau sonore) de chacune d’elles. L’illustration suivante (Fig. 6) rend compte visuellement du principe de base permettant d’obtenir une pulsation qui semble ralentir perpétuellement. Comme sur une horloge, le temps est représenté sur un cercle. Les traits matérialisent des impulsions sonores ; un accroissement de la distance entre les traits équivaut à un ralentissement du tempo. La noirceur des traits est proportionnelle au niveau sonore de chaque impulsion ; plus le trait est foncé, plus l’impulsion est forte. Deux séries d’impulsions sont présentées sur la figure : une dont l’intensité demeure constante (série numérotée de 0 à 9) et l’autre dont l’intensité augmente graduellement (série non numérotée). L’écart de plus en plus important entre deux impulsions successives d’une même strate indique un ralentissement global : l’écart entre les impulsions 9 et 0 est ici deux fois plus grand que celui entre les impulsions 1 et 2, ce qui signifie que le tempo a été divisé par deux au cours de ce cycle. Mais ce ralentissement général est contrecarré par l’émergence graduelle de la seconde strate qui finit par être aussi intense que la première. À la fin du tour d’horloge, les impulsions relatives à chaque strate étant d’intensité égale, le tempo apparent revient à celui du début. À l’écoute, un tel cycle rythmique peut être ressenti comme un ralentissement perpétuel lorsqu’il est mis en boucle.
En affinant ce principe de construction grâce à la démultiplication des strates d’impulsions et un contrôle minutieux des enveloppes d’amplitude propres à chaque strate, Risset obtient non seulement des accélérations ou décélérations infinies mais aussi des structures rythmiques paradoxales, comme des pulsations qui accélèrent pour se retrouver finalement à un tempo plus lent qu’au départ[51]. Risset a décrit ces trompe-l’oreille rythmiques dans plusieurs de ces articles et les a explorés dans quelques-unes de ses oeuvres mixtes. Dans le troisième Moment newtonien (1977), intitulé Trajectoires, le compositeur synthétise une séquence de sons qui devient de plus en plus grave et lente mais qui, à la fin, se retrouve plus aiguë et rapide qu’au départ[52]. La seconde section de Mirages (1978) est « une étude rythmique d’ostinatos qui font référence aux mécaniques ligétiennes – elle met en action des machines délirantes qui ralentissent ou accélèrent sans changer de tempo, ou dont la pulsation s’accélère tout en se raréfiant[53] ». Enfin, dans les quatre exercices rythmiques Nature Contre-Nature (1996-2005), le compositeur incite le percussionniste à aller à l’encontre de la nature physique du son en le confrontant à de multiples trompe-l’oreille rythmiques[54].
Dans cette pièce dédiée à Thierry Miroglio, l’ordinateur incite par exemple le percussionniste à mettre en oeuvre des protocoles rythmiques contre nature. Ces comportements rythmiques paradoxaux, étudiés par l’auteur et aussi par Knowlton, Bregman et Warren, paraissent contredire la structure sonore : les comptages intérieurs ne se réduisent pas au temps chronométrique. De telles « illusions rythmiques » révèlent en fait la nature de la perception auditive, qui va parfois à l’encontre de la nature physique du son : nature contre nature[55].
Grâce à l’ordinateur, Risset a su « réaliser certains désirs musicaux » comme celui de « sculpter et composer les sons eux-mêmes[56] ». Ses recherches scientifiques portant sur l’analyse-synthèse des sons ont révélé la complexité des mécanismes de l’audition, complexité qu’il a su déjouer pour produire une grande variété de trompe-l’oreille et simulacres mis au service de sa musique.
Pour terminer cette présentation non exhaustive des trompe-l’oreille rythmiques, nous souhaitons attirer l’attention des lecteurs sur les recherches musicales de quelques artistes dans le domaine des musiques électroniques actuelles. Autechre est un duo fondé en Angleterre à la fin des années 1980 par Sean Booth et Rob Brown : leur musique, aux antipodes d’une techno commerciale portée par une rythmique binaire insipide, propose des structures complexes taillées au scalpel. Fold4, wrap5[57], par exemple, s’articule autour d’une cellule musicale de cinq secondes dont le tempo interne est légèrement étiré (Fig. 7)[58]. Associée à une structuration complexe des sonorités électroniques percussives, cette fluctuation rend la pulsation de base absconse mais néanmoins bien présente. À chaque nouvelle reprise de la cellule, l’auditeur a tendance à diviser le tempo par rapport à l’occurrence précédente plutôt qu’à revenir au tempo initial, ce qui produit une sensation de ralentissement perpétuel.
Un trompe-l’oreille est une entité sonore d’essence captieuse caractérisée par une disjonction marquée entre le rendu sonore et la façon dont il est perpétré. Les exemples proposés dans cet article sont, pour la plupart, largement répandus et reconnus dans la communauté scientifique et musicale. Si nous les avons choisis pour étayer notre discours, c’est en raison de leur efficacité perceptive et de leur importance historique. Mais les trompe-l’oreille rythmiques sont présents dans bien d’autres oeuvres qu’elles soient de tradition écrite ou orale, de culture savante ou populaire.
La production de patterns résultants illustre l’interdépendance des paramètres temporels et montre à quel point la perception du tempo n’est pas nécessairement corrélée à la pulsation de base. La découverte et l’étude des musiques traditionnelles d’Afrique centrale ont révélé une approche originale de l’organisation temporelle et rythmique dans laquelle les patterns résultants tiennent une place essentielle. L’analyse rythmique, harmonique et mélodique de ces musiques de tradition orale n’est pas aisée puisqu’elles recherchent, entre autres, l’ambiguïté perceptive[59], caractéristique que nous retrouvons d’ailleurs dans les oeuvres de Steve Reich ou György Ligeti[60].
Ligeti explore les phénomènes de ségrégation en flux auditifs pour créer des patterns qui sont à la source d’un nouveau genre d’articulation rythmique mettant en scène des variations apparentes du tempo au sein d’une pulsation stable et régulière ou des polyrythmies d’une incroyable complexité. Reich se concentre davantage sur la production de patterns résultants pour faire entendre des motifs particuliers dont les notes sont « éclatées » à travers les différentes strates sonores. Dans les années 1950, s’est développée dans la sphère musicale « savante », la notion d’oeuvre ouverte : utilisant des éléments mobiles plus ou moins déterminés, cette approche de la composition accorde un certain degré de liberté à l’exécutant en l’incitant à faire des choix qui influent sur le parcours musical.
Celui-ci n’a plus seulement, comme dans la musique traditionnelle, la faculté d’interpréter selon sa propre sensibilité les indications du compositeur : il doit agir sur la structure même de l’oeuvre, déterminer la durée des notes ou la succession des sons, dans un acte d’improvisation créatrice. […] Nous ne sommes plus devant des oeuvres qui demandent à être repensées et revécues dans une direction structurale donnée, mais bien devant des oeuvres « ouvertes », que l’interprète accomplit au moment même où il en assume la médiation[61].
La production de patterns trompe-l’oreille résultant de l’interaction de multiples voix entremêlées offre à l’auditeur plusieurs niveaux de lecture. Dans Drumming, tout comme dans la plupart des oeuvres ancrées dans la répétition et la juxtaposition de cellules mélodico-rythmiques, l’auditeur peut se focaliser sur un pattern plutôt qu’un autre. Mais l’oeuvre n’est pas ouverte au sens traditionnel du terme puisqu’elle se présente comme « un ensemble de réalités sonores que l’auteur organise de façon immuable[62] ». L’ouverture ne se fait pas ici sur le plan de l’interprétation mais sur le plan de la réception : c’est pourquoi nous précisons que l’oeuvre est ouverte, non pas du point de vue de l’interprète, mais de celui de l’auditeur qui est confronté à un éventail de cheminements perceptifs[63]. Umberto Eco explique que « l’art a pour fonction non de connaître le monde, mais de produire des compléments du monde : il crée des formes autonomes s’ajoutant à celles qui existent, et possédant une vie, des lois, qui leur sont propres[64] ». Il nous semble que les patterns résultants correspondent à de tels « compléments du monde » et valident en ce sens l’authenticité artistique de l’oeuvre.
Si la production de patterns résultants issus de l’interaction de plusieurs voix ou du regroupement de certains stimuli au sein d’une même voix est source de nombreux trompe-l’oreille rythmiques, l’intrusion des outils technologiques dans la sphère musicale – et le degré de précision qu’ils offrent – a permis de réaliser des effets sonores encore plus spectaculaires, comme en témoignent les illusions et paradoxes rythmiques synthétisés par Jean-Claude Risset. Dans leur ensemble, les trompe-l’oreille décrits au cours de cet article tendent à montrer que la perception des structures rythmiques n’est pas exclusivement liée à l’organisation temporelle des événements sonores mais met en jeu les mécanismes complexes d’analyse des scènes auditives. Il est souvent dit que la musique est le foyer d’expériences auditives singulières : cela nous semble d’autant plus vrai lorsqu’elle agence ce type de trompe-l’oreille et nous aide ainsi à prendre conscience qu’un rythme peut en cacher un autre.
Appendices
Note biographique
François-Xavier Féron est titulaire d’un master en acoustique musicale obtenu à l’Université Pierre et Marie Curie-Paris 6 et à l’Ircam, ainsi que d’un doctorat en musicologie à l’Université Paris-Sorbonne (Paris IV). Après avoir enseigné deux années à l’Université de Nantes, il a travaillé successivement, en tant que chargé de recherche, au CIRMMT (McGill University) et dans l’équipe Analyse des pratiques musicales à l’Ircam. Ses recherches, de nature transdisciplinaire, portent sur le domaine de la dialectique Musique/Acoustique et ont fait l’objet de plusieurs publications (Genesis, Analyse musicale, L’éducation musicale, Journal of the Acoustical Society of America…).
Sa collaboratrice, Karen Brunel-Lafargue, est diplômée en design graphique (École de Communication Visuelle, Paris) et titulaire d’un master en esthétique, art et culture (Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne). Elle est traductrice/rédactrice et chercheuse rattachée au Centre de Recherche Images Culture et Cognitions de l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne où elle prépare un doctorat en esthétique et sciences de l’art.
Notes
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[1]
Ce texte expose une partie des recherches que j’ai effectuées dans le cadre de mon doctorat en musique et musicologie : François-Xavier Féron, Des illusions auditives aux singularités du son et de la perception : l’impact de la psychoacoustique et des nouvelles technologies sur la création musicale au 20e siècle, thèse de doctorat, Université Paris-Sorbonne (Paris IV), 2006, 535 p. Je tiens à remercier très chaleureusement Karen Brunel-Lafargue pour la réalisation des figures, ainsi que Nicolas Donin, Amandine Pras et les évaluateurs pour leurs conseils avisés.
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[2]
Kofi Agawu, « Rythme », dans Jean-Jacques Nattiez, Musiques : une encyclopédie pour le 21e siècle, vol. 2 : « Les savoirs musicaux », Arles et Paris, Actes Sud et Cité de la musique, 2004, p. 113.
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[3]
La perception du temps musical met en jeu des notions complexes et interdépendantes telles que la pulsation, le tempo, le mouvement, le mètre, la durée, le rythme… Lire notamment Simha Arom, « L’organisation du temps musical », dans Jean-Jacques Nattiez, Musiques : une encyclopédie pour le 21e siècle, vol. 5 : « L’unité de la musique », Arles et Paris, Actes Sud et Cité de la musique, 2007, p. 927-944.
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[4]
Joseph Häusler, « Trompe-l’oreille, allusions, illusions. À propos de quelques oeuvres de György Ligeti », trad. Louise Duchesneau, dans le livret du CD Wergo 40 years (1962-2002) – Special Edition CD 3 György Ligeti, Wergo 6923 2, 1986-2002, p. 24.
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[5]
Simha Arom, « Les musiques traditionnelles d’Afrique centrale : conception/perception », Contrechamps, n° 10, « Composition et perception », janvier 1988, p. 185.
-
[6]
Ibid.
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[7]
Stephen McAdams, « L’image auditive : une métaphore pour la recherche musicale et psychologique sur l’organisation auditive », trad. Denis Collins, Rapports de recherche Ircam, n° 37, Paris, Ircam et Centre Georges-Pompidou, 1985, p. 8.
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[8]
Lire à ce sujet : Albert S. Bregman, Auditory Scene Analysis. The Perceptual Organization of Sound, Cambridge (Mass.) et Londres, MIT Press, 1990 ; Richard M. Warren, Auditory Perception. A New Analysis and Synthesis, Cambridge, Cambridge University Press, 1999. Nous invitons les lecteurs à se rendre sur le site Web mis en ligne en 2008 par Albert S. Bregman : webpages.mcgill.ca/staff/Group2/abregm1/web/ (dernière consultation le 25 janvier 2011). Dans la partie « ASA démos », il est possible de consulter librement les exemples sonores (avec leurs explications limpides) originellement fournis sur le CD Albert S. Bregman et Pierre Ahad, Demonstrations of Auditory Scene Analysis : The Perceptual Organization of Sound, MIT Press, 1996.
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[9]
Les mots « peinture » et « musique », écrits avec des typographies différentes, sont imbriqués l’un dans l’autre. Dans le premier cas (a), il est impossible de dissocier les deux mots. En revanche, lorsque des couleurs différentes sont associées à chacun d’entre eux (b) ou lorsqu’ils sont légèrement décalés dans l’espace (c), le phénomène de ségrégation s’opère et il devient possible de distinguer les deux mots.
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[10]
Les variations 23 à 30 dans la Chaconne de la Partita n° 2 en ré mineur pour violon seul de Johann Sebastian Bach (1685-1750) illustrent remarquablement ce type de construction polyphonique.
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[11]
Bregman, 2008, exemple sonore n° 1 : webpages.mcgill.ca/staff/Group2/abregm1/web/downloadstoc.htm#01 (dernière consultation le 25 janvier 2011).
-
[12]
Simha Arom, Polyphonies et polyrythmies instrumentales d’Afrique centrale : structure et méthodologie, Paris, SELAF, 1985.
-
[13]
Arom, 1988, p. 182.
-
[14]
Bregman, 2008, exemple sonore n° 7 : webpages.mcgill.ca/staff/Group2/abregm1/web/downloadstoc.htm#07 (dernière consultation le 25 janvier 2011).
-
[15]
Ibid. (description d’Ulrich Wegner – avril 1991 – citée par Bregman).
-
[16]
Ibid., exemples sonores nos 8, 9 et 41.
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[17]
Lire à ce sujet : Amy Bauer, « The Other of the Exotic : Balinese Music as Grammatical Paradigm in Ligeti’s “Galamb borong” », Music Analysis, vol. 27, n° 2-3, juillet-octobre 2008, p. 337-372.
-
[18]
« Philippe Albèra – Entretien avec György Ligeti », dans Philippe Albèra et al., Musiques en création, Genève, Contrechamps, 1997, p. 78.
-
[19]
Ibid.
-
[20]
Joseph Delaplace, György Ligeti. Un essai d’analyse et d’esthétique musicales, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2007, p. 131.
-
[21]
Pierre Michel, György Ligeti, compositeur d’aujourd’hui, Paris, Minerve, 1985, p. 60-61.
-
[22]
Plage 6 (autour de la dixième minute) du CD György Ligeti, Mechanical Music, The Ligeti Edition, vol. 5, Sony Classical, SK 62310, 1997.
-
[23]
György Ligeti, Poème symphonique pour 100 métronomes, Schott Musik International, ED 8150, 1982.
-
[24]
Lire notamment Michael Hicks, « Interval and Form in Ligeti’s Continuum and Coulée », et Jane Piper Clendinning, « The Pattern-Meccanico Compositions of György Ligeti », Perspectives of New Music, vol. 31, n° 1, hiver 1993, respectivement p. 172-190 et p. 192-234.
-
[25]
Emilios Cambouropoulos et Costas Tsougras, « Auditory Streams in Ligeti’s Continuum : A Theoretical and Perceptual Approach », Journal of Interdisciplinary Music Studies, vol. 3, n° 1-2, printemps-automne 2009, p. 119-137.
-
[26]
L’oeuvre a aussi été adaptée, avec l’approbation du compositeur, pour deux pianos mécaniques (player piano) d’une part et orgue de barbarie (barrel organ) d’autre part. Ces deux versions figurent sur le CD Mechanical Music cité précédemment.
-
[27]
György Ligeti, Continuum für Cembalo, Schott, ED 6111, 1968.
-
[28]
Häusler, 1986-2002, p. 19-20.
-
[29]
La zone supérieure reproduit schématiquement l’organisation temporelle des trois hauteurs (fa, sol, si b) de ce passage. La zone médiane correspond à la notation standard telle qu’elle figure sur la partition. Enfin, la zone inférieure rend compte de la manière dont l’auditeur perçoit la séquence.
-
[30]
« György Ligeti – entretien avec Péter Várnai », dans György Ligeti, Péter Várnai, Josef Häusler et Claude Samuel (dir.), GyörgyLigeti in Conversations, Londres, Ernst Eulenburg Ltd, 1983, p. 61.
-
[31]
Richard Steinitz, György Ligeti. Music of the Imagination, Boston, Northeastern University Press, 2003, p. 165.
-
[32]
The accelerendo of the rhythm is therefore the result of an increased frequency of a note, it is realized through a modified note distribution.
(Ligeti, Várnai, Häusler et Samuel, 1983, p. 61.) Plage 24 (56’’-1’28’’) du CD Ligeti, Mechanical Music, 1997 -
[33]
Jean-Yves Bosseur, Vocabulaire de la musique contemporaine, Paris, Minerve, 1992, p. 91.
-
[34]
Pour davantage d’informations sur l’esthétique minimaliste, lire notamment : Edward Strickland, Minimalism : Origins, Bloomington, Indiana University Press, 2000 ; Keith Potter, Four Musical Minimalists : La Monte Young, Terry Riley, Steve Reich, Philip Glass, Cambridge, Cambridge University Press, 2000.
-
[35]
Terry Riley, notice de la partition actuelle (2005) citée dans : Robert Carl, Terry Riley’s In C, Oxford, Oxford University Press, 2009, p. 58.
-
[36]
Paul Hillier, introduction de l’ouvrage : Steve Reich, Writings on Music, 1965-2000, Oxford, Oxford University Press, 2002, p. 14.
-
[37]
« Early Works (1965-68) », dans Reich, 2002, p. 20.
-
[38]
Plage 4 (de 8’00’’ à la fin) du CD Steve Reich, Early Works, Elektra Nonesuch 979169-2, 1987.
-
[39]
Jérôme Baillet, « Flèche du temps et processus dans les musiques après 1965 », dans Fabien Lévy (dir.), Les écritures du temps : musique, rythme, etc., Paris, Budapest et Turin, L’Harmattan, Ircam et Centre Georges-Pompidou, 2001, p. 181.
-
[40]
Ibid., p. 182-183.
-
[41]
« Early Works (1965-68) », dans Reich, 2002, p. 26.
-
[42]
Lire à ce sujet « Gahu – A Dance of the Ewe Tribe in Ghana (1971) », dans Reich, 2002, p. 55-63.
-
[43]
Plage 1 (4’10’’-7’30’’) du CD Steve Reich, Drumming, Six Pianos, Music for Mallet Instruments, Voices and Organ, Deutsche Grammophon 427428-2, 1974. À ce moment de l’oeuvre, les percussionnistes 1 et 2 sont décalés d’une croche (portées 1 et 2). Le mélange des deux voix est inscrit sur la portée 3. Le reste de la page est dédié aux patterns résultants : Steve Reich en propose deux de quatre mesures (A et B) et laisse des portées libres pour que les musiciens inscrivent les patterns qu’ils souhaitent jouer.
-
[44]
Steve Reich, Drumming, Boosey & Hawkes, 1971.
-
[45]
Vincent Tiffon, « Jean-Claude Risset. Parcours de l’oeuvre », 2008 brahms.ircam.fr/composers/composer/2734/workcourse/ (dernière consultation le 27 janvier 2011).
-
[46]
Jean-Claude Risset, « Calculer le son musical : un nouveau champ de contraintes ? », dans Hugues Dufourt et Joël-Marie Fauquet (dir.), La musique depuis 1945. Matériau, esthétique et perception, Liège, Pierre Mardaga, 1996, p. 277.
-
[47]
Lionel S. Penrose et Roger Penrose, « Impossible Objects : A Special Type of Illusion », British Journal of Psychology, vol. 49, n° 1, 1958, p. 31-33.
-
[48]
Roger N. Shepard, « Circularity in Judgements of Relative Pitch », Journal of the Acoustical Society of America, vol. 36, n° 12, décembre 1964, p. 2345-2353.
-
[49]
Lire notamment : Jean-Claude Risset, « Paradoxes de hauteur », Rapports de recherche Ircam, n° 10, Paris, Ircam et Centre Georges-Pompidou, 1978 ; Jean-Claude Risset : « Paradoxical Sounds », dans Max V. Mathews et John R. Pierce (dir.), Current Directions in Computer Music Research, Cambridge (Mass.), MIT Press, 1989, p. 149-158. Ces trompe-l’oreille sont utilisés dans Computer Suite for Little Boy (1968), oeuvre entièrement réalisée avec des sons de synthèse.
-
[50]
Jean-Claude Risset, « Pitch and Rhythm Paradoxes : Comments on “Auditory Paradox Based on Fractal Waveform” », Journal of the Acoustical Society of America, vol. 80, n° 3, 1986, p. 961-962.
-
[51]
Pour écouter ces trompe-l’oreille, se référer aux exemples 8 et 9 sur le site web : jcrisset.free.fr/SoundExamples1999mp3.html (dernière consultation le 27 janvier 2011).
-
[52]
Cette séquence est décrite de manière détaillée dans Risset, 1989, p. 149-158.
-
[53]
Jean-Claude Risset, Mirages [note de programme].
-
[54]
Jean-Claude Risset, « Rhythmic Paradoxes and Illusions : A Musical Illustration », Proceeding of the International Computer Music Conference, Thessalonique, ICMC, 1998, p. 7-10.
-
[55]
Jean-Claude Risset, Nature Contre-Nature [note de programme].
-
[56]
Jean-Claude Risset : « Composer le son : expériences avec l’ordinateur, 1964-1989 », Contrechamps, n° 11, « Musiques électroniques », août 1990, p. 125.
-
[57]
Plage 6 du CD Autechre, LP5, WARP 66, 1998. Je tiens à remercier Benoît Courribet pour m’avoir signalé la nature captieuse du tempo dans cet exemple musical.
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[58]
Nous distinguons à l’intérieur de cette cellule rythmique répétée en boucle des sons graves (S1), des sons aigus plus incisifs (S2) et d’autres sons électroniques de type percussif (pics d’amplitude sans annotation). Les segments en bas de la figure indiquent la pulsation ressentie (bien qu’elle soit fortement ambiguë dans la partie centrale).
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[59]
Lire à ce sujet : Martin Scherzinger, « Negotiating the Music-Theory/African-Music Nexus : A Political Critique of Ethnomusicological Anti-Formalism and a Strategic Analysis of the Harmonic Patterning of the Shona Mbira Song Nyamaropa », Perspectives of New Music, vol. 39, n° 1, 2001, p. 5-117.
-
[60]
Écouter notamment le CD African Rhythms, Teldec Classics 8573 86584-2, 2003, dans lequel sont réunies des musiques traditionnelles des pygmées Aka et des oeuvres de Steve Reich et György Ligeti interprétées par Pierre-Laurent Aimard.
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[61]
Umberto Eco, L’oeuvre ouverte, trad. Chantal Roux de Bézieux avec le concours d’André Boucourechliev, Paris, Éditions du Seuil, coll. « Pierres vives », 1965, p. 15 et 17.
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[62]
Ibid., p. 18.
-
[63]
Amandine Pras, François-Xavier Féron et Kaïs Demers, « The pre-production process of New York Counterpoint for clarinet and tape written by Steve Reich », Proceeding of the International Computer Music Conference, Montréal, ICMC, 2009, p. 493-500.
-
[64]
Eco, 1965, p. 28.